A propos de Chateaubriand, voici ce que dit l'homme de lettres dans les Mémoires d'outre-tombe : « Quant à M. de Talleyrand, prêtre et gentilhomme, il inspira et prépara le meurtre en inquiétant Bonaparte avec insistance : il craignait le retour de la légitimité. Il serait possible, en recueillant ce que Napoléon a dit à Sainte-Hélène et les lettres que l'évêque d'Autun a écrites, de prouver que celui-ci a pris à la mort du duc d'Enghien une très forte part. Vainement on objecterait que la légèreté, le caractère et l'éducation du ministre devaient l'éloigner de la violence, que la corruption devait lui ôter l'énergie ; il ne demeurerait pas moins constant qu'il a décidé le consul à la fatale arrestation. Cette arrestation du duc d'Enghien, le 15 de mars, n'était pas ignorée de M. de Talleyrand : il était journellement en rapport avec Bonaparte et conférait avec lui ; pendant l'intervalle qui s'est écoulé entre l'arrestation et l'exécution, M. de Talleyrand, lui, ministre instigateur, s'est-il repenti, a-t-il dit un seul mot au premier consul en faveur du malheureux prince ? Il est naturel de croire qu'il a applaudi à l'exécution de la sentence.» (Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, Ministère de l'Education nationale, Paris, 1972, p. 538) Vous me permettrez donc de n'accorder qu'un faible crédit aux témoignages discordants de Chateaubriand.
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