Je remets ici le texte paru sur le forum d'Albert. Après tout, pourquoi se priver de cette discussion ?
Vers une heure (alors que les combats sont engagés en avant d’Hougoumont), Napoléon procède à un dernier tour d’horizon à la lunette, avant l’assaut du 1er corps : il croit apercevoir des troupes vers le village de Chapelle-Saint-Lambert. Flahaut aurait confirmé l’impression de l’Empereur.
La Bédoyère s’interroge à haute voix sur les hussards du 7ème de Marbot, envoyés dans cette direction. D’après Lachouque, Napoléon donne l’ordre au général Bernard de se porter au galop vers Lasne et Saint Lambert avec un peloton de dragons. C’est alors que quatre hussards du 7ème amènent un lieutenant prussien du 2ème hussard de Silésie. Vrai ? Faux ? Ce dernier aurait été porteur d’un message de Bülow destiné à Müffling l’informant qu’il venait d’arriver à la lisière du bois de Chapelle Saint-Lambert, les gros de son 4ème corps commençant à déboucher de manière à se porter sur le flanc droit de Bonaparte dès 14 h 30 !
Napoléon fait alors rouvrir la dépêche adressée à Grouchy (et que Soult aurait mis tant de temps à rédiger). Elle porte ces mots :
« Vous avez écrit à l’Empereur que vous marchiez sur Wavre. Ce mouvement est conforme aux dispositions de S.M qui vous ont été communiquées. Cependant, l’Empereur ordonne que vous devez toujours manœuvrer dans notre direction, afin que vous puissiez nous rejoindre avant qu’un corps se mette entre nous. La bataille est engagée en avant de la forêt de Soignes. »
Cette dépêche aurait été portée par l’officier polonais Zenowicz et parviendra effectivement à Grouchy aux alentours de 17 heures (et non pas 19 heures, comme je l’ai indiqué par erreur) !
Une copie de cet ordre a bien été retrouvée, mais pas l’original… Toutefois, Grouchy assure ne l’avoir reçue que vers 19 heures ! Si c’est bien la vérité, Zenowicz ne serait pas parti vers 13 h 30, mais bien vers 16 heures…
Le post-scriptum –rédigé paraît-il au crayon- porte ces mots : « une lettre qui a été interceptée porte que le général Bülow doit attaquer notre flanc droit. Nous croyons apercevoir ce corps sur les hauteurs de Saint Lambert. Ainsi, ne perdez pas un instant pour vous rapprocher de nous et nous joindre et écraser Bülow que vous prendrez en flagrant délit. »
Si Bernard Coppens a raison, ce PS n’a jamais existé : c’est une invention destinée à dédouaner Napoléon de son imprudence ; il n’aurait pas correctement éclairé son flanc droit, ne s’attendant absolument pas à l’irruption des Prussiens sur le champ de bataille !
Ceci explique la passivité supposée de la division de cavalerie commandée par Domon (la sienne et celle de Subervie). Il convient d’indiquer qu’elle était forte de 2 100 sabres environ, appuyée par 12 pièces de 6. Sa mission : attendre Grouchy, s’opposer aux tentatives de franchisement prussiennes de la Lasne (trois régiments de chasseurs, un de hussards et deux de lanciers, chasseurs et hussards étant armés d’une carabine).
Lobau aurait reçu l’ordre de le suivre avec 7 600 hommes environ et 24 pièces pour s’établir sur une forte position après avoir rallié Domon et ainsi, bloquer les Prussiens. S’il était positionné à gauche de la chaussée de Bruxelles, ceci peut expliquer la lenteur avec laquelle il aurait exécuté cet ordre. Mais il semble désormais établi que Lobau était à la droite de la chaussée de Bruxelles, dès le commencement de la bataille et que son mouvement s’est limité à s’établir en arrière de la division Durutte (ce qui est tout à fait logique, si l’arrivée des Prussiens n’a pas été pressentie…).
Et ceci explique l’apparente mollesse de Domon pour exécuter ses ordres : parvenu à hauteur de Fichermont vers 14 h 30, il ne serait pas allé plus loin, se contentant de surveiller les lisières du bois de Paris, distantes de 900 à 1000 mètres. Si cela était la vérité, une telle attitude a de quoi surprendre ! On a objecté (Marcel Dupond) que Domon avait commis une faute, qu’il n’avait pas osé aventurer sa cavalerie dans le bois de Paris. En résumé, un peloton du 7ème hussards l’aurait rallié avant qu’il ne s’apprête à pénétrer dans ce bois, lui annonçant l’arrivée imminente des Prussiens.
Domon, informé que la cavalerie prussienne a forcé le passage de Lasne, que l’infanterie prussienne la suit, aurait estimé qu’il n’était plus temps de balayer cette cavalerie pour tenir le défilé. Evidemment, si cette version était la bonne, il pouvait repousser les cavaliers prussiens. Mais après ? Avec 1500 cavaliers, tout au plus, même armés d’une carabine, on voit mal comment il aurait pu empêcher l’avancée de l’infanterie prussienne. Alors, il se serait contenté de couvrir l’arrivée de Lobau. Seulement, dans ce scénario, on ne s’explique pas qu’il n’ait pas tenté de couvrir le bois de Paris, position-clé pour accéder à la droite du champ de bataille…
Lobau, qui aurait reçu en même temps que Domon l’ordre de contenir les Prussiens, serait parvenu près de Domon vers 15 h 30. Domon lui ayant expliqué les raisons de son immobilité, ce dernier aurait également renoncé à occuper le bois de Paris, à cette heure plein d’ennemis. Mais alors, à tout le moins, Lobau aurait dû aménager une solide position défensive prenant appui sur le bois de Fichermont et le bois de Ranson, concentrant ses moyens et son artillerie pour boucher la trouée entre les deux. Rien de tel ne semble avoir été exécuté.
Au contraire, il est vraisemblable que ces deux corps (Domon et Lobau) étaient positionnées à proximité pour soutenir et flanquer Durutte et que de ce fait, c’était bien les seules troupes en mesure de se retourner pour contenir les Prussiens qui sortent brusquement du bois de Paris aux alentours de 16 h 30.
Le « coup de lunette » de Napoléon vers une heure (en tout cas, vers Saint Lambert), serait donc une fable. Contra, le combat d’un peloton du 7ème hussards avec le détachement commandé par le colonel Von Schwerin (marqué par un monument). Bernard Coppens avance que ce combat s’est déroulé plus tard, un peu avant 16 heures, aux lisières du bois de Paris, en direction de Plancenoit ! Mais le monument, alors ? Ce serait l’endroit –dit-il- où le colonel aurait expiré, ayant été blessé à mort plus loin en direction des lignes françaises ! C’est encore un point à éclaircir. Et ce combat serait celui où Marbot a été blessé d’un coup de lance…
Zenowicz serait donc bien parti vers 13 heures, mais avec un ordre sans post-scriptum. Même en arrivant à 17 heures –voire plus tôt- cet ordre ne contenait pas la mission impérative pour Grouchy de rallier le flanc droit de l’armée, mais seulement de s’éclairer et de conserver la liaison avec l’armée, afin d’éviter l’intrusion d’un corps prussien entre les deux.
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