Bonjour Pénélope, en fait la réponse ne peut etre que celle d'un normand

, je m'explique, en droit féodal Jeanne était Reine de France mais les nouveaux principes établis par les légistes tirés du droit canon et du droit romain changèrent la donne.
La question essentielle, à mon sens, est politique et doit etre rapportée au contexte du moment.
Aux XIIIème, XIVème nous assistons à une reprise en main du pouvoir par le Roi, mieux à l'unicité du Royaume, certes tout ceci est bien imparfait et ne s'est pas fait d'un seul coup, ceci dit, sans l'apport des légistes point d'Absolutisme en France et probablement un passage sous tutelle étrangère du royaume.
En 1316 Louis X meurt et laisse sa fille Jeanne co-héritière (le mot "hériter" a un sens qui va devenir impropre après 1328 il faudra dire "succéder") du Royaume avec l'enfant à naitre de la seconde femme de Louis X : Clémence de Hongrie.
Si on applique le droit féodal, une femme peut hériter du fief de son père si celui-ci ne laisse aucun fils, en 1316 le Roi est encore considéré comme suzerain (le seigneur de son seigneur) et non comme souverain, toutefois tout est encore confus car le début du XIVème est un tournant, notamment en matière juridique.
Au début du XIIIème sous Louis VIII, la règle des apanages devint intangible : seuls les princes cadets de sang royal males obtiendraient des apanages dont ils n'auraient pas l'entière propriété afin de préserver l'indivisibilité du royaume et bien sur son inaliénabilité.
Pour faire simple ils seraient usufruitiers.
S'il n'y a pas d'héritiers, l'apanage revient à la Couronne.
Le but des apanages est de rémunérer, en fief, la renonciation au trone des princes de sang.
Cette règle pouvait paraitre contradictoire avec celle établie pour les fiefs mais elle fut respectée.
Les princesses de sang n'avaient pas droit aux apanages toutefois elles pouvaient etre régentes durant l'inter-règne (chose qui va etre règlé par les légistes un siècle plus tard en s'inspirant de la coutume...anglaise).
Pour autant, et les Anglais, au XIVème, ne s'en privèrent pas de le rappeler, Blanche de Castille fut régente au profit de son fils le futur Saint-Louis et se comporta comme une Reine ayant les memes prérogatives que le roi. Il est inutile de mentionner le brillant "règne" de Blanche.
En 1316 c'est Philippe de Poitiers, frère du roi défunt qui assure la régence, Clémence de Hongrie accouche d'un fils mais celui-ci meurt.
Reste la jeune Jeanne à qui, il faut l'avouer, on fit subir les pires accusations, Philippe remet en cause sa naissance, selon lui sa mère était adultère, elle ne serait pas la fille de Louis X.
On craint une longue régence à une époque très incertaine puisque l'on est en pleine reconstruction du pouvoir monarchique abandonné depuis Charles-le-Chauve.
Enfin on a peur que si Jeanne monte sur le Trone, celui-ci passe en mains étrangères en cas de mariage.
En 1317 les grands féodaux accèptèrent que Philippe soit sacré Roi de France, les manoeuvres du comte de Poitiers portèrent leurs fruits!
Le nouveau roi Philippe V saisit l'occasion d'établir une nouvelle règle qui exclut les femmes de la couronne de France et donc est introduit la règle de la collatéralité masculine qui écarte les filles directes du roi au profit du plus agé des frères du roi.
Philppe V meurt en ne laissant que des filles et cette nouvelle règle va etre choisie pour désigner un sucesseur au Trone.
C'est le dernier fils de Philippe-le-Bel, Charles IV qui monte sur le Trone.
En 1328, il meurt en ne laissant que des filles.
Charles IV a une soeur Isabelle mariée au Roi d'Angleterre, de ce mariage nait Edouard (le futur Edouard III d'Angleterre), elle ne peut prétendre à la couronne de France à cause la règle de 1316 mais est convaincue que son fils pourra devenir roi de France.
Le royaume passerait en des mains étrangères.
Les légistes vont donc établir une nouvelle règle : "L'exclusion des parents par les femmes".
Ce n'était pas gagné du tout, le droit féodal s'imposait toujours en France comme en Angleterre (c'est le meme droit au passage), une femme pouvait etre à la tete d'un fief et transmettre ce droit à son ainé quelque soit son sexe.
L'Angleterre ne plia pas mais du coté français les grands du Royaume et la bourgeoisie étaient hostiles à la main mise anglaise sur le Royaume.
On ne parlait plus d'héritier à la couronne mais de successeur à la couronne ce qui changeait tout.
L'Eglise de France était aussi de ce parti mais pour des raisons morales : c'est le plus digne qui doit etre sacré. (Jeanne à tort ou à raison était exclue à cause des doutes sur sa naissance, mais Edouard aussi, son père avait un amant, Régis Mortimer, il était bisexuel!)
On remonta donc au père de Philippe-le-Bel et on choisit un de ses frères, un Valois, Philippe VI monta sur le Trone en 1328.
Edouard III devenu roi d'Angleterre, en 1337 revendique le Trone de France, c'est le début de la guerre de cent ans.
Pour couper court les légistes vont trouver une parade aux revendications de l'anglais : le sacre qui ne peut etre conféré à une femme et la loi salique exposée plus haut.
Ceci est une contradiction car si le sacre était le rite de passage constitutif du roi avant 1316, les règles d'automaticité établies par les légistes, rendaient inutile le sacre. Cette constatation devriendra la règle un siècle plus tard : le sacre ne fait pas le Roi (enfin jusqu'à la mort d'Henri III et l'avènement du Protestantisme avec la nouvelle règle qu'est la catholicité du Roi).
C'est le temps qui a joué pour les Valois car je suis convaincu que si les Valois s'étaient éteints au début de la guerre de cent ans (période de défaites militaires cuisantes et humilliantes que vous rappeliez chère Pénélope), Edouard III serait devenu Roi de France.
Il faut mentionner que durant cette lutte de nombreux seigneurs se rallièrent au roi d'Angleterre, ce n'était pas une guerre pour un pays en soi mais pour un trone et cela est bien différent, cette hypothèse était donc envisageable mais nous entrons dans la fiction ici.
Bien à vous.
DDR.