Francois Delpla a écrit :http://www.passion-histoire.net/viewtopic.php?f=49&t=37327Entre le 15 juin et le 3 juillet 1940, les Soviétiques annexent sans coup férir la Bessarabie et la partie septentrionale de la Bukovine - toutes deux roumaines - ainsi que les trois Etats baltes de Lituanie, de Lettonie et d'Estonie.
Il est vraisemblable qu'ils aient accéléré leur calendrier d'annexion pour coller à la fulgurance de la victoire allemande à l'ouest, et ainsi à la fois mettre la main sur la part de gâteau qui leur a été promise le 23 août 1939, et aussi étoffer leur espace stratégique sur leurs frontières occidentales en vue d'une confrontation ultérieure contre l'Allemagne.
Ces annexions suscitent une inquiétude relative parmi les milieux militaires allemands, certes préoccupés par des problèmes plus immédiats comme la clôture de la campagne de France. Mais cette inquiétude semble réelle, au point que les organes de presse soviétiques se fendent de communiqués destinés à rassurer (ainsi à l'agence officielle Tass qui rend compte : "Des bruits courent que cent ou même 150 divisions soviétiques seraient concentrées à la frontière germano-lituanienne", le 22 juin 1940 ; la Pravda fait écho avec "Les propagateurs de ces rumeurs insensées ont pour but bien particulier de jeter une ombre sur les relations germano-soviétiques […]. Ils sont visiblement incapables de comprendre cette évidence : les relations de bon voisinage qui se sont instaurées entre l'URSS et l'Allemagne après la conclusion du pacte de non-agression ne peuvent être ébranlées par aucune rumeur, par aucune de ces propagandes lamentables", le 23 juin 1940).
Quelqu'un peut-il me dire ce qu'il en a été réellement de cette inquiétude ?
Est-ce que les Allemands ont perçu ces annexions soviétiques, pourtant prévisibles et même prévues, comme une agression nécessitant une réponse militaire ?
Merci.
CNE EMB
cela m'a tout l'air d'un monologue. Prosopopée :
-je prends ma part du gâteau en vitesse, au cas où dans sa nouvelle position le Reich songerait à m'en priver;
-mais ce même Reich pourrait se mettre dans l'idée que ce geste est une façon d'encourager Churchill dans son attitude de résistance, en laissant entendre que les victoires allemandes m'inquiètent et que je songe à me rapprocher de Londres ;
-je me dépêche de faire savoir qu'il n'en est rien, sous le prétexte de "bruits qui courent", et de réaffirmer ma fidélité au pacte g-s.
Bref, pas besoin de supposer que des bruits courent effectivement.
Pas de quoi !
[épisode précédent : Staline reçoit l'ambassadeur Cripps le 1er juillet, et n'en avise Hitler que le 13]
En ne livrant pas plus tôt cette version revue et corrigée en fonction des désirs hitlériens, le maître du Kremlin a sans doute voulu laisser planer une vague menace d’entente anglo-soviétique. A cette époque en effet ses services de renseignements accumulaient les rapports sur des transferts de troupes allemandes vers l’est, et sur d’autres signes laissant prévoir que la victoire en France pourrait être rapidement suivie d’une attaque contre l’URSS . Il serait intéressant d’analyser ces signaux, récemment repérés par Gabriel Gorodetsky, pour savoir si Hitler a cherché à intoxiquer Staline afin d’observer ses réactions (allait-il ou non appeler Churchill au secours ?), ou si le Géorgien a fait preuve de sa paranoia coutumière… ou encore si Hitler voulait réellement agiter son sabre sur les marches de l’est, dans l’éventualité d’une paix signée avec la Grande-Bretagne, pour impressionner l’URSS et l’amener à de nouvelles concessions (la saison était sans doute trop avancée pour une attaque, compte tenu des délais de rééquipement et d’acheminement de troupes engagées à l’ouest).
L’affirmation suivant laquelle Staline ne croit pas à un désir allemand de conquête, et prête ce désir à l’Allemagne moins qu’à toute autre puissance, est l’un des propos les plus soumis jamais tenus par un chef d’Etat. Il a sans doute écoeuré assez semblablement Churchill, quand il l’a connu, et Hitler quand il l’a reçu… mais le second a dû simultanément en éprouver une grand joie. Lorsqu’il le lit dans la soirée du 13 juillet, il devrait reconvoquer ses généraux et leur dire qu’il redonne priorité à son idée d’une attaque contre l’Angleterre… si son intention d’agresser la Russie avait été motivée si peu que ce soit par la crainte d’une collusion anglo-russe. Au contraire, il confirme et précise une semaine plus tard (le 21) aux chefs de ses forces armées son intention d’attaquer vers l’est.
Il en va tout autrement de Staline, qui fait peut-être partie, à sa manière, des victimes de Mers el-Kébir : il est fort possible que la stupéfiante agression du 3 juillet, accompagnée et suivie d’incidents entre les deux marines pendant une semaine, ait décidé Staline à se défausser, de cette plate manière, de l’atout que représentait le flou entretenu, du 1er au 13 juillet, sur ses relations avec Cripps. Car l’un des intérêts de cette ambiguïté était de dissuader Hitler de l’attaquer et, puisque Churchill faisait ainsi la preuve de sa capacité de maintenir son pays dans la guerre, le danger d’une paix anglo-allemande s’éloignait, Hitler allait être obligé de regarder à nouveau vers l’ouest et il importait de l’y encourager, en lui garantissant que l’URSS n’en profiterait pas pour menacer ses arrières .
De Villaret a écrit :
Sujet du message : Re: Natzwiller - Struthof.
Message Publié : 14 Fév 2015 20:15
Inscription : 30 Jan 2015 16:08
Message(s) : 52
Chers amis,bonjour
Des camps d'extermination,il n'y en a à ma connaissance plus aucun à voir;
Auschwitz étant à ma connaissance le seul camp "mixte" .
CNE_EMB a écrit :
Sujet du message : Re: Annexions soviétiques de juin-juillet 1940
Message Publié : 30 Jan 2015 15:11
(...)
Gorodetsky rapporte qu'une dépêche de l'ambassadeur soviétique à Berlin est envoyée à Moscou le 8 juillet 1940 qui rend compte que le haut-commandement allemand a été convoqué à Berlin pour prendre des mesures militaires destinées à contrer les annexions soviétiques (Le grand jeu de dupes, p.75). Or je ne trouve pas mention d'une telle réunion (si ce n'est éventuellement la rencontre Hitler-Brauschitsch du 21 juillet ou la conférence tenue par Hitler à la haute Generalität le 31 du mois, mais c'est douteux) chez Halder. Est-ce que quelqu'un saurait à quoi il fait référence ? Si le fait est avéré, il est d'importance, car il signifierait que le pouvoir politique (Hitler) est décidé à prendre des mesures conservatoires à l'est aussi tôt que le 8 juillet.
Lorsque les Soviétiques annexèrent la Lituanie en juin 1940, ils réclamèrent Memel. De plus, ils refusèrent de se séparer de la Sudovie (région de Mariampol) comme cela était prévu par les protocoles secrets de septembre 1939. Les Allemands émirent une fin de non-recevoir aux demandes soviétiques, dont il est dommage que l'auteur ne parle pas plus avant (je sais que Memel ne fut pas rétrocédé aux Soviétiques - avant 1945 du moins ! - mais je ne sais ce qu'il en est de Mariampol).
Il ne fait donc plus aucun doute que la tension diplomatique entre Allemagne et URSS est avérée lors de cet épisode, tant en raison de désaccords sur l'exacte délimitation de leurs sphères d'influence respectives en Lituanie que parce que la Bukovine n'a jamais fait partie de l'accord et que les Allemands font pression pour que seule sa partie septentrionale tombe en mains soviétiques (dans l'optique de couvrir au mieux, ou au moins mal, les champs pétrolifères de Ploesti, vraisemblablement). La tension diplomatique précédant généralement de peu la riposte militaire (fût-elle indirecte), on a donc un film des évènements cohérents : l'envoi de la 18. Armee et de ses quinze divisions d'infanterie le long des frontières orientales du Reich à partir du tout début juillet 1940 peut donc parfaitement correspondre à la volonté de "muscler" ses arguments diplomatiques par la présence d'une force armée dissuasive.
Il est même probable que les annexions soviétiques de juin-juillet 1940 aient pu être déterminantes dans le renversement stratégique opéré par Hitler dans la seconde quinzaine de juillet 1940, de l'optique de finir la guerre au plus vite contre le Royaume-Uni par des moyens directs à celle de s'en prendre à son dernier allié potentiel sur le continent pour le sortir de l'équation - même s'il apparaît évident que c'est la volonté d'abattre le Royaume-Uni, de le faire sortir de la guerre, qui a motivé au premier chef une telle balance dans le choix hitlérien, et non pas les exigences soviétiques concernant le sort de régions d'Europe orientale à l'importance toute relative.
FD a écrit :Je crains que Loïc ne mélange (comme l'historiographie occidentale du temps de la guerre froide en a montré l'exemple) les deux moments de la mainmise soviétique sur la Lituanie : le "traité d'amitié et de coopération" de septembre 1939, qui instaure une simple occupation militaire dans les endroits stratégiques, sans intervention stalinienne dans la politique intérieure (les "gouvernements bourgeois" restent en place dans les trois Etats baltes), et la très brutale annexion qui débute en juin 1940, dans la foulée de la débâcle française. Dans les protocoles secrets du pacte germano-soviétique d'août 39 prévoyant un partage possible des zones d'influence, il était prévu que la Lituanie soit elle-même partagée entre les deux signataires; l'URSS obtient la totalité à la suite d'une nouvelle discussion, fin septembre. Memel n'est pas mentionné.
Il s'ensuit que la région de Marijampol est sous emprise militaire soviétique dès l'automne 39, et n'a aucune raison de changer de mains dans l'été 40.
CNE503 a écrit :
- protocole additionnel secret au traité d'amitié et de délimitation du 28 septembre 1939 :Le protocole additionnel secret du 23 août 1939 est modifié dans article 1, dans la mesure où le territoire de l’État lituanien est rattaché à la sphère d’intérêts de l’URSS et où, d’autre part, la province de Lublin et les parties de celle de Varsovie sont rattachées à la sphère d’intérêts de l’Allemagne (voir la carte annexée au traité de délimitation et d’amitié entre l’URSS et l’Allemagne). Dès que le gouvernement de l’URSS aura pris sur le territoire lituanien des mesures spéciales visant à la protection de ses intérêts, la frontière germano-lituanienne sera rectifiée dans le but de parvenir à un tracé simple et naturel, le territoire lituanien situé au sud-ouest de la ligne indiquée sur la carte revenant à l’Allemagne.
Il est constaté d’autre part que les accords économiques en vigueur entre l’Allemagne et la Lituanie ne doivent pas être affectés par les mesures ci-dessus indiquées de l’Union soviétique.
Le premier élément souligné indique bien qu'il est envisagé une rectification de la frontière germano-soviétique, qu'il n'est donc pas prévu d'intégrer la Lituanie de septembre 1939 telle quelle dans l'URSS, mais avec des modifications. Le second évoque clairement le cas du bail emphytéotique de Memel à l'Allemagne, afin de s'assurer que la "location" de ce territoire par l'Allemagne depuis mars 1939 ne soit pas remise en cause.
L'intrusion physique soviétique, par le biais de l'"accord" du 10 octobre 1939, ne remet en rien en cause ces conditions : ce territoire lituanien revenait à l'Allemagne, et Memel devait lui rester au titre des "accords économiques en vigueur entre l'Allemagne et la Lituanie" antérieurement au 28 septembre 1939.
Lorsque les Soviétiques voulurent afficher officiellement leur mainmise sur la Lituanie, à partir du 15 juin 1940, les Allemands s'insurgèrent contre l'irrespect de la clause prévue par le protocole additionnel secret du 28 septembre 1939, surtout que les Soviétiques réclamèrent le retour de Memel contrairement à ce que ces mêmes clauses prévoyaient.
On peut en déduire que tant au sujet de la Lituanie que la Bukovine, la tension diplomatique entre les deux pays ne dût pas être légère fin juin 1940, et il faut attendre septembre 1940 pour que les chancelleries allemande et soviétique aplanissent la difficulté (comme l'insinue sans le dater Weinberg).
Il est vrai que :
1) j'ai pu louper un accord postérieur à celui du 28 septembre 1939, entre octobre 1939 et juin 1940, qui remet en cause ces clauses. Mais lequel ?
2) je n'ai pas les textes diplomatiques allemands sur lesquels s'appuie Weinberg dans son livre, mais celui-ci paraît solidement documenté et clairement sourcé, et je ne vois pas au nom de quoi je le remettrais en question (sauf éléments probants qui m'incitent à le faire, et encore une fois, lesquels ?).
Francois Delpla a écrit :La déontologie forumique, tellement négligée par Florian, Raguse et quelques autres lorsqu'ils ont banni des historiens (pour un bref rappel : viewtopic.php?f=12&t=1003 ), la déontologie dis-je veut que celui qui soulève une question l'instruise, au lieu de charger les autres de telle ou telle recherche.
FD a écrit :De plus il n'y a pas le feu, procure-toi le bouquin de Kaslas et répercute tranquillement ses infos pour redresser les tiennes quand il y a lieu.
CNE503 a écrit :
Je prends note de la référence. Je ne pense pas qu'il y ait à redresser d'infos dans mes arguments concernant l'irrespect par les Soviétiques d'une des clauses du protocole additionnel secret du 28 septembre 1939 (celle concernant le territoire autour de Mariampol).
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