boisbouvier a écrit :Je me fais bannir de partout malgré mon exquise politesse.
Alain.g a écrit :
Sujet du message: Re: Milza, Hitler et Mussolini
MessagePosté: 29 Mai 2013 20:21
Les points communs entre Hitler et Mussolini sont assez importants: dictateurs cultivant le principe du chef charismatique seul légitime, opposés à la démocratie, aux droits de l'homme, aux Lumières, cherchant une voie intermédiaire entre le communisme et le libéralisme, une sorte de socialisme national, voulant tourner le dos à la civilisation chrétienne et à ses valeurs qu'ils méprisent, adeptes des solutions de force et des techniques de mobilisation du peuple et jouant de la fierté nationale pour entrainer leur peuple dans une politique de conquête en développant un nationalisme exacerbé.
Mais il existe pourtant des différences : le nazisme n'est pas le fascisme italien, Hitler ne s'embarrasse pas de structures étatiques, il n'a pas comme Mussolini le culte de l'Etat, pas de grand conseil comme son collègue, il a bâti un régime de domination totale du parti alors que Mussolini tient à la structure fasciste socio-professionnelle du régime, Hitler n'a pas la formation politique de responsable de parti que Mussolini mais il compense par une meilleure perception de ce qu'est une armée efficace. Mussolini ne connait pas enfin le culte de la race et n'a pas de projet d'extermination, son antisémitisme est bien plus modéré.
Alain.g a écrit :
Sujet du message: Re: Le cas "Hitler" analysé par John Lukacs
MessagePosté: 14 Mai 2013 14:50
Je viens de reprendre "l'héritage de la seconde guerre mondiale" de John Lukacs. L'ouvrage est un long plaidoyer sur le thème d'Hitler grand homme d'Etat qu'il admire et dont il vante les qualités, allant jusqu'à le blanchir du génocide des juifs (p. 114) en notant "son manque d'intérêt qu'il manifesta pour la marche de l'extermination, sinon sa répugnance à en être informé ... Il accumule les déclarations sur le sort terrible qui attend les juifs et le dur traitement qu'ils ont amplement mérité (paroles d'Hitler): mais il reste muet sur leur extermination physique. " Preuve que la judéophobie d'Hitler n'était pas simple commente Lukacs. Consternant.
Le long de l'ouvrage Lukacs montre sa préférence pour le nationalisme comme processus historique supérieur au communisme international dont il rappelle la disparition en 1989.
Sans cesse Lukacs indique qu'Hitler a failli gagner la guerre et insiste sur les appuis nombreux qu'il recueillait en France, en GB, aux EU, dans toute l'europe, par rapport au communisme qui était le péril général avant guerre.
Sa préférence est claire, elle privilégie le nationalisme hitlérien. il reprend l'idée qu'Hitler " avait la conscience d'un conflit inévitable entre les anglo-saxons et les russes ... il voyait ou prétendait voir les premiers signes d'un tel conflit et même la perspective d'un affrontement armé, dont lui même et l'Allemagne tireraient profit" (p. 186).
Lukacs précise qu'Hitler a "multiplié les tentatives pour diviser la coalition alliée.". Il juge plausible cette espérance dont on sent qu'elle était pour lui logique, en sous-entendant que l'avenir aurait été bien différent en europe notamment si les anglo-saxons avaient changé d'ennemi en se retournant contre Staline, comme Hitler l'avait prédit. C'est ce qu'il appelle l'héritage de la SGM.
Lukacs tente donc de réhabiliter Hitler en esquissant un regret que l'histoire n'ait pas favorisé sa vision anti-communiste qui était pour lui le bon choix. Il rappelle aussi qu'Hitler ne voulait pas de mal à la GB et aux EU à cette fin. et qu'il était compris.
Puyol a écrit :
Sujet du message: Re: Le cas "Hitler" analysé par John Lukacs
MessagePosté: 30 Mai 2013 16:38Churchill avait compris ce que beaucoup de gens encore aujourd'hui ne comprennent pas. La plus grande menace qui pesait sur la civilisation occidentale n'était pas le communisme, mais le national-socialisme.
Source : Lukacs, 2002, p. 238
Jefferson
Sujet du message: Fascination du nazisme, Peter Reichel
MessagePosté: 30 Mai 2013 17:52
Bonjour,
J'ai une fiche de lecture à composer pour un séminaire très loin de mes préoccupations. Non que la Seconde Guerre mondiale ne m'intéresse pas, mais enfin, je n'y connais pas grand chose, essentiellement par manque de temps à y consacrer.
Mon séminaire porte sur la naissance des totalitarismes au XXème siècle, plutôt nazisme allemand et fascisme italien, plutôt sous l'angle sociétal. Je suis tombé sur le livre La fascination du nazisme, de Peter Reichel, qui m'a semblé intéressant, en parcourant rapidement la table des matières et l'introduction. L'auteur semble analyser l'esthétique nazie, ses racines culturelles, son décorum, son emprise sur les médias, le sport, les loisirs.
Je me demandais ce que vous pensiez de cet ouvrage, si vous l'aviez lu.
Avant d'en dire un mot, il faut donc présenter le livre du sociologue de l'art Peter Reichel sur La fascination du nazisme (1991) qui, bien qu'il n'aborde que certains aspects du Troisième Reich, n'en est pas moins la dernière synthèse marquante à son sujet. A la fois puissante et originale, elle est grosse d'aperçus nouveaux sur la personnalité et le jeu du dictateur.
Ce livre dense parle peu de Hitler mais beaucoup de ce qu'il a fait, en l'attribuant trop souvent à une entité collective ou à des exécutants dont il surestime l'autonomie, comme Rosenberg et surtout Goebbels. En voici le passage clé :
Le régime national-socialiste a (...) dépassé la société de classes, au moins dans la mesure où il a été contraint de donner à d'importantes fractions de la population - il y est sans doute parvenu dans une large mesure - l'illusion qu'il abandonnait le chaos de la société de classes bourgeoise à l'époque moderne en faveur d'un nouvel ordre, « plus élevé », celui de la « communauté du peuple » allemande. La violence et la belle apparence sont ainsi devenues les traits caractéristiques fondamentaux de la pratique fasciste du pouvoir. La terreur et l'esthétique ont remplacé la politique. (p. 81)
L'auteur brosse ensuite l'œuvre idéologique et culturelle du régime, en montrant pour la première fois la cohérence profonde qui unissait les discours du Führer et son culte avec des discours et des pratiques portant apparemment sur d'autres domaines, qu'il s'agisse de la presse, de la radio, du cinéma, du sport, des SS, de la condition ouvrière, des autoroutes, de l'architecture ou des arts. L'un des leitmotivs est que, contrairement à ce qu'on croit d'ordinaire, la propagande est plus souvent subtile, voire invisible, que tonitruante et grossière.
Les concepts centraux de « belle apparence » et d'« esthétisation de la politique » sont empruntés à Walter Benjamin. Outre cet exilé qui se suicide de lassitude en septembre 1940 devant les tracasseries qui s'opposent à sa sortie de France par les Pyrénées, Reichel cite abondamment les artistes et publicistes allemands de gauche, souvent juifs, des années 20 et 30, en particulier ceux de l'Ecole de Francfort, ainsi qu'Ernst Bloch et Bertolt Brecht. Ces vaincus ont compris bien des choses mais ils avaient à surmonter, pour analyser leur vainqueur, deux handicaps. D'une part, comme le dit Reichel, ils avaient apporté leur contribution à la catastrophe. Même si Hitler vomissait le Berlin « enjuivé » et « obscène » des années 20, et tout particulièrement ses théâtres et ses cabarets, il a bien profité de la dérision envers la bourgeoisie qui s'y donnait libre cours... y compris pour rassurer le moment venu, par un grand coup de balai, ladite bourgeoisie. Les exilés étaient au moins vaguement conscients d'avoir fait là une table rase, sur laquelle d'autres avaient mis leur couvert. Ce qu'ils n'ont pas vu du tout - à l'exclusion, par éclairs, de Thomas Mann, surtout dans Bruder Hitler (1939) - et que Reichel, faute d'attention à la personne de Hitler, ne fait qu'entrevoir , c'est qu'en pourfendant joyeusement, comme de nombreux intellectuels de la même génération en France et ailleurs, la culture bourgeoise qui avait conduit au massacre de 1914-18, ils n'avaient point été si sots et si irresponsables qu'il ne l'ont craint eux-mêmes (sentiment qui pesa sans doute dans la décision de ceux qui se suicidèrent) mais simplement trop obnubilés par les personnages du devant de la scène, comme Hindenburg ou Hugenberg, et largement insensibles au talent de Hitler. Cela, Brecht, pour qui l'ascension de Hitler était « résistible » et le Troisième Reich, seulement « grand-peur et misère », est probablement mort, en 1956, sans l'avoir compris.
En l'espèce, l'intellectuel coupé des réalités, c'est lui. Les pragmatiques, ce sont Churchill et Lukacs. Les dictateurs racontent ce qu'ils veulent, c'est leur comportement qu'il faut considérer, ainsi que leurs moyens -> Hitler beaucoup plus dangereux que ]Staline, pour les peuples autres que le leur, pendant les années où ils sont tous deux au pouvoir.
gaete59 a écrit :
Sujet du message: "La folie de Wagner"
MessagePosté: 23 Mai 2013 15:39
Hier soir, sur Arte, "La folie de Wagner".
Après une émission aussi riche, comprendre la personnalité complexe de l'homme et son rapport à la musique devient moins difficile. La correspondance du couple Wagner ainsi que le journal assidûment tenu par Cosima furent -pour l'essentiel- la source des biographes et spécialistes présents.
Le parcours de cet homme n'est que transgressions dans un siècle où ce trait est toléré uniquement dans une littérature codifiée.
Sur un autre fil, j'ai malheureusement oublié lequel, est évoquée la grande "attirance" d'Hitler pour la musique de Wagner. J'ai souvenance de plusieurs réponses. La vie des deux hommes a d'étranges similitudes.
Tôt orphelin de mère, élève médiocre, pianiste besogneux, errant sans le sou, Wagner est animé d'une certitude, celle de son génie et plus va le temps plus il sent que ce génie va être innovateur. Les barrières dressées s'écrouleront avec fracas, il en est certain. L'homme aurait-il été le même s'il n'avait eu ce parcours difficile, émaillé de scandales dus à une volonté de reconnaissance pour ce qu'il est : la transgression même.
Il met en musique les sentiments les plus transgresseurs. Dans ses pires périodes où il voit sa musique rejetée par les critiques et l'aristocratie, il propose une nouvelle donne : faire table rase de cette société et il n'hésite pas à écrire qu'en effet, sa musique n'est pas comprise parce-qu'il a su faire éclater le carcan et prophétise qu'un jour viendra, on saura l'apprécier, ce jour verra alors trembler l'ordre établi, il réussi à se faire classer comme "anarchiste".
On peut donc comprendre qu'H. Se soit reconnu dans l'homme, son destin, sa musique.
Habitué à être conspué, rejeté, banni, exilé, moqué, raillé par les critiques, Wagner est dans l'errance avec son lot de rancoeurs, d'angoisse des lendemains. Son errance n'est pas de celles choisies, n'a rien de romantique avec des relais où l'âme peut répandre son trop plein. C'est une fuite dont le but premier est d'échapper aux créanciers. Le génie ne s'embarrasse pas de ces contingences sordides mais le sordide le rattrape où qu'il soit. Faut-il voir là l'origine de sa cupidité sans borne une fois "installé" ?
Le points le plus difficile à entendre est l'antisémitisme de Wagner. Il ne faut pas y voir un effet de mode ou autre. C'est étayé, rationalisé avec des passages reprenant des thèses raciales, remises à la sauce Richard. Cet antisémitisme trouve bon écho à celui de son épouse. Les échanges du couples sont parlants. Sont refusés pour l'interprétation des ténors car "Juifs" donc incapables de chanter "la langue" correctement. Les extraits de la correspondance sont "lourds" et l'un des intervenants a exprimé que celui qui ne voyait dans l'antisémitisme de Wagner qu'un mouvement assez "commun" de l'époque, se doit de lire les échanges entre les époux. Sous un pseudonyme, Wagner fera paraître : "de la judéité dans la musique" ; essai qu'il mettra vingt ans à reconnaître et signer de son nom. On sait la lutte de Cosima afin que Mahler n'obtienne pas le poste de directeur de l'opéra de Vienne, arguant simplement de sa judéité.
La musique enfin.
Les intervenants ont su mettre des mots sur cette musique qui parle aux sens.
Wagner innove dans les livrets et les choix qui interpellent.
Lors de la sortie de Tristan et Ysolde, seuls les hommes se rendaient à l'opéra, les épouses étant priées de garder la maison. Il était reconnu que la musique de Wagner, de par ce qu'elle faisait "remonter" comme "émotions" était de celle à ne pas approcher les oreilles féminines. C'est un homme sensuel qui compose, un homme qui exalte sa sensibilité féminine, n'hésite pas à aborder dans ses livrets des thèmes "immoraux".
Contrairement à d'autres compositeurs Wagner ne peut créer qu'entouré de femmes. Fétichiste, il aime à s'habiller de soies, de satin. Ses parures d'intérieur, il les dessine d'après des modèles féminins. Les tissus appartiennent plus à ceux employés -à l'époque- pour les femmes. Qu'importe... Pour composer, il a aussi besoin de ceci. Wagner est impulsif, compulsif, ainsi donc est sa musique. Il sait cependant y rendre ses périodes de solitude.
Si les longueurs et le "bruit" sont reprochés, il ne faut pas oublier la demande de musiciens supplémentaires. Il est loin d'en être le premier mais à ce stade, il innove de nouveau...
Avec la Tétralogie : un opéra chaque soir, du jamais vu. Les livrets revisitent la légende avec ce besoin de faire table rase de la hiérarchie universelle. Les dieux trébuchent devant des sentiments humains triomphants. Celui-là est le héros par qui passent la transgression puis la chute, aurore d'une rédemption qui le place à l'égal des dieux. Si l'homme peut espérer un renouveau, les dieux n'auront pas de seconde chance. Où se situe Wagner ? Ecartelé entre les deux semble-t-il...
Toujours en quête, sitôt "installé" -Cosima veillant à l'intendance- il n'a de cesse de bouger. Mais bouger dans la liberté ne l'intéresse nullement, il faut là encore qu'un ordre d'exil vienne.
Le couple... La légende laisse place à une analyse rationnelle remise dans le contexte de l'époque et bien loin de l'image qui en est généralement véhiculée. Wagner sera toujours un homme à femmes et surtout à femmes mariées. Peut-il enfin épouser Cosima et trouver un repos loin de toute angoisse ? Non. Le couple commence alors à se déliter. On sait comment Wagner remercie ceux qui le grandissent pour la postérité. Il trompe son épouse et envisagera même, un moment, de la quitter. Les disputes sont journalières et s'en vont crescendo. S'il sait qu'il ne peut se passer de celle qui construit déjà sa légende, cet attachement lui devient insupportable. Cosima, en épouse de son siècle ferme les yeux mais sa jalousie crée un environnement que Wagner se dépêche de fuir. C'est semble-t-il une dispute -la dernière- qui aura raison du Maître. Cosima continuera ce qu'elle considère comme "leur oeuvre" et effacer ce qui pourrait nuire à l'élaboration de la légende, toujours dans la transgression, l'illusion, l'illusoire.
Cette émission a su canaliser les courants bien tempétueux d'une personnalité très complexe. C'était une émission de qualité grâce aux intervenants qui possédaient leur sujet. La lecture de nombreux passages des échanges et du journal a enrichi et étayé les diverses analyses, toutes cependant se recroisant. Il n'est pas rare que ce genre d'émission laisse le spectateur sur sa faim, faute de fin. Ici, pas de frustration : ce fut une belle boucle entourant un parcours des plus étranges pour ceci qu'il ne laisse personne indifférent.
On aime ou pas mais là encore le verbe "aimer" est réducteur. Wagner nous laisse en peine de mots. On "sent" sa musique, c'est une déferlante, elle nous "emmène" avec cette angoisse chaque fois renouvelée de se perdre... ou pas.
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