par Francois Delpla » Dimanche 17 Octobre 2010 06:40:24
encore un tout petit effort, Michel !
encore une fois, tu as peut-être fait de mauvaises rencontres, ce n'est pas correct de me traiter comme si j'en faisais partie. Je ne me livre pas, pour ma part, à des comparaisons chiffrées en dehors de tout contexte, pour expliquer les différences comme bon me semble. J'essaye de me placer dans la tête des décideur allemands. Je constate que ce n'étaient pas (comme tant de savants et de profanes le croient encore) des brutes aveugles, assoiffées de sang juif et le faisant couler à la première occasion. C'étaient des brutes méthodiques, comme Hitler le leur avait enseigné dès son premier texte antisémite du 16 septembre 1919. Le meurtre devait avoir lieu à son heure, et pouvait se trouver en concurrence avec d'autres priorités.
Je reprends calmement. Le raisonnement se limite aux grandes puissances. Lorsque tu y inclus la Pologne (ce n'est pas la première fois), tu étales ton incompétence (malgré les démentis). Prenons donc les trois pays dont tu parles et qui entrent dans la définition : France, URSS et Italie. Eliminons l'URSS, puisque les Juifs n'y ont été défendus que par les armes, comme ceux de France s'il n'y avait pas eu d'armistice ni de collaboration.
Reste l'Italie : hautement comparable, en effet, avec Vichy. Un dictateur qui lie son sort à celui de Hitler, dispose d'une industrie moderne, produisant par exemple des engins guerriers dernier cri, et d'un empire colonial. Eh bien les nazis y soulèvent la question juive avec patience et doigté. Ils obtiennent dès 1938 un apartheid, et le gardent sous le coude en attendant de liquider d'un coup le problème. Ce qu'ils font à partir de la fin 43, quand Mussolini, arrêté par l'ennemi et délivré par eux, n'est plus que la marionnette du SS Karl Wolff.
Le schéma s'applique bien à la France : apartheid le 18 octobre 40, donc après quatre mois de gouvernement Pétain, ce qui est peu et beaucoup à la fois, en tout cas montre du doigté. Par exemple, question juive non abordée de près ou de loin à Rethondes au moment de l'armistice... enfin si, de très loin : dans le très déshonorant article 19, qui impose la livraison par le pouvoir français, dans les deux zones et même les colonies, de tout sujet allemand réclamé par le Reich. Colère justifiée des négociateurs français, qui, dussé-je être le seul non pétainiste à le clamer, avaient le sens de l'honneur. Recul verbal de Keitel : du calme, les Gaulois ! Cela ne concernera que quelques "incitateurs à la guerre". Soulagement en Gironde. On peut signer en racontant qu'on n'est pas déshonoré et même en 2010 il y aura encore des gogos pour le croire.
Mais "incitateurs à la guerre", cela introduit un ver dans le fruit, et même deux. D'une part, le gouvernement d'armistice commence à reconnaître, certes du bout du stylo, que la France a eu tort de la déclarer, cette guerre, pour tenir un engagement envers les sous-hommes polonais, d'autre part l'expression, dans le lexique nazi, est dangereusement proche de "Juif". Il n'y a que le premier pas, dit-on, qui coûte ? Il est fait.
Faut-il continuer ? Le thème des incitateurs à la guerre va être entendu 5 sur 5 au bord de la Garonne puis de l'Allier. Au détriment d'ex-ministres français, juifs de préférence : Mandel, Zay, Mendès France puis Blum, Dormoy, Moch, puis quelques hommes d'affaires comme les avionneurs Weiller et Bloch-Dassault. Entre-temps, la politique extérieure et coloniale (Mers el-Kébir, AEF, Dakar) donne l'occasion de coups d'accélérateur dans le sens d'un antisémitisme généralisé : foin de ces alliés anglais lâcheurs et agressifs, on a vraiment eu tort de déclarer la guerre, il est plus que temps de "redevenir français"...
Tel est le chemin vers le statut, dont une étape suivante est Auschwitz. Le "nous ne savions pas", éternelle excuse de cancre des vichystes, des staliniens, des pieds-noirs et de tous les moutons complices de bourreaux, est ici particulièrement peu opératoire : avec un homme politique inclassable comme Hitler, plus on ne sait pas, moins on signe, ou alors on a la dignité de ne pas se plaindre des conséquences.
Le problème c'est que