L'Énigme des Invalides

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Message Publié : 07 Juin 2024 9:46 
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Inscription : 14 Déc 2002 16:30
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Il paraît évident que l'entrée en ligne de la Bavière du côté des coalisés, provoque chez Napoléon une atonie, une passivité , une forme de procrastination, totalement inhabituelle chez le grand homme... L'examen de son emploi du temps dans cette journée du 17 octobre, le prouve surabondamment ! Convaincu désormais de la chute prochaine de la Confédération du Rhin, il sait qu'il ne peut plus échapper à une retraite catastrophique, synonyme de défaite écrasante. Il ne semble même pas envisager une réaction vigoureuse susceptible de retourner la situation :

- une retraite par Torgau qui lui permettrait de rallier toutes les garnisons sur l'Elbe, soit 70 000 hommes au moins.
- une attaque énergique toutes forces réunies contre Blücher qui est encore isolé et ne peut bénéficier d'aucun renfort.

Il se contente de tenter un coup de poker diplomatique avec Merfeldt, envoyé en messager pour un éventuel armistice où l'armée française se retirerait derrière la Saale et où le territoire de la Saxe serait neutralisé. Il donne quand même les ordres nécessaires pour préparer un début de retraite qu'il souhaite méthodique et imposante, comme si les coalisés allaient se contenter de le voir se replier vers la France... Mais personne ne pense à ordonner la préparation d'une voie parallèle à l'unique pont de Lindenau pour franchir l'Elster ! Plus exactement, plusieurs officiers supérieurs sollicitent Berthier à cet effet. "L'empereur y pourvoira", telle est sa réponse. Mais rien ne sera accompli, sinon une passerelle pour l'infanterie, peu solide et de piètre qualité. Elle s'effondrera vite sous le poids des fuyards...

La félonie bavaroise est directement responsable de la bataille désastreuse du 18 octobre 1813 et de ses suites catastrophiques ! Sans la nouvelle connue le 16 de celle-ci, Napoléon aurait manoeuvré par Torgau et se serait porté sur la rive droite de l'Elbe. Il aurait pu ainsi récupérer les 30 000 hommes de Saint-Cyr. La trahison bavaroise étant enfin connue, il aurait remonté le cours de l'Elbe jusqu'à Magdebourg, récupérant la garnison de Torgau, puis ordonné à Davout de le rejoindre. C'est donc avec près de 300 000 hommes qu'il se serait replié en masse vers le Rhin, mettant ainsi la France à l'abri d'une invasion...

_________________
"Tant que les Français constitueront une Nation, ils se souviendront de mon nom."

Napoléon.


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Message Publié : 15 Juin 2024 19:37 
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Petite chronologie sur la défection bavaroise de 1813 :

10 août : rupture de l’armistice de Pleiswitz et déclaration de guerre de l’Autriche à la France. De part les traités d’alliance unissant la Bavière à l’Empire, Munich entre de fait en état de conflit avec Vienne.

13 août : les forces bavaroises du général Carl Philipp Joseph von Wrede se positionnent sur l’Inn face à l’Autriche. Ce dernier adopte alors un positionnement défensif, jugeant (rapports des 20 et 21 août), au vu de ses effectifs et de ceux de l’ennemi, une offensive impossible.

18 août : le roi de Bavière Maximilien Ier reçoit en audience de congé le chargé d’affaire autrichien Hruby et lui confie que les sentiments d’amitié le liant à l’empereur François ne sont pas altérables. Sur la route du retour vers l’Autriche, bifurquant à dessein sur Braunau où est fixé le quartier-général bavarois, Hruby s'entretient avec Wrede. Ce dernier, tout en se disant cependant prêt à combattre résolument l’ennemi si celui-ci venait à lancer une offensive, confie qu’il est favorable, à moins de recevoir des ordres contraires, à éviter toute confrontation au niveau des avant-postes.

22 août : le prince Heinrich de Reuss, commandant l’armée autrichienne cantonnée aux frontières bavaroises, informé de la situation par Hruby, envoie un parlementaire à Wrede afin de lui signifier son souhait de rester lui aussi en position défensive et d’éviter toute forme d’hostilités ; de fait, un armistice tacite est instauré.

31 août : Hruby, après avoir averti l’Empereur François et Metternich du tour favorable que prenait la situation en Bavière, quitte Prague avec une lettre du Tsar Alexandre invitant le roi Maximilien à rejoindre la Coalition :
« Monsieur mon frère.
Au moment où les armées combinées ont remporté les victoires les plus signalées, où les plus belles chances pour la délivrance de l'Europe se présentent, je crois devoir réitérer à V. M. l'invitation que je Lui ai précédemment adressée, de réunir Ses armes à celles des puissances, coalisées pour la cause sacrée de l'indépendance et de la justice. Les sentiments d'amitié que je n'ai cessé de vouer à V. M., les liens de famille qui subsistent entre nous, m'ont guidé dans une démarche que j'ai différé de faire jusqu'au moment où j'ai jugé les circonstances assez favorables pour qu'Elle puisse, sans compromettre Ses intérêts et Son existence, prendre une résolution qu'Elle nourrit sans doute depuis longtemps dans Son coeur et qui serait si conforme à l'élévation de Son âme comme à la pureté de Ses principes. En réunissant immédiatement Ses troupes à celles qui sont concentrées sous le prince de Reuss, dans la vallée du Danube, V. M. nous fournirait le moyen de diriger une armée de quatre vingt mille hommes sur les communications de l'ennemi, de lui couper le chemin de la France et de frapper un coup décisif pour le but de la guerre. Le service qu'Elle rendrait à la cause, Lui assurerait la reconnaissance de toutes les cours alliées. La garantie de Ses états, l'indemnisation pour des cessions que des considérations politiques et militaires commanderaient deviendraient pour Elle une obligation sacrée. Quant à moi je n'hésite pas à donner à V. M. dès à présent les assurances les plus formelles à cet égard. Je Lui ai fourni dans des temps antérieurs trop de preuves d'amitié et d'intérêt pour qu'Elle ne doive pas être assurée de ma constante disposition à les renouveler. »

4 septembre : Erbach, aide de camp de Reuss, apporte à Wrede la lettre d’Alexandre tout juste transmise par Hruby, ainsi qu’une autre missive de son supérieur, où ce dernier, au nom de l’empereur François, sollicite un entretien afin d’ouvrir des négociations visant à détacher la Bavière de l’alliance française. Wrede, considérant qu’il n’a pas autorité pour répondre positivement à une telle demande, avertit Maximilien et lui fait transmettre la lettre du Tsar.

6 sept : le roi de Bavière, hésitant (on était à Munich encore sous le coup de la victoire de Napoléon à Dresde survenu le 27 août dernier) et méfiant vis-à-vis des Autrichiens concernant les remaniements territoriaux susceptibles d’être exigés en cas d’alliance, prévient Wrede qu’il ne peut répondre dans l’immédiat à Alexandre, et l’invite à s’abstenir de tout entretien avec Hruby.

7 sept : Oetttingen, aide de camp de Wrede, apporte à Reuss la réponse dilatoire du roi. S’en suivent alors cependant quelques échanges verbaux non officiels où Reuss et Hruby se montrent face à l’officier subalterne rassurants concernant les appréhensions bavaroises. Ainsi, le diplomate avance qu’il n'est pas forcément exigé de la Bavière de s'allier offensivement aux alliés, ceux-ci pouvant en effet se contenter d’une déclaration ferme de Munich en faveur de la paix et de l'indépendance des principautés allemandes. Par ailleurs, dans ce cadre, on assure le maintien des possessions territoriales du royaume.

10 sept : Oettingen, de retour auprès de Reuss, annonce à ce dernier que Maximilien, sensibles aux dernières déclarations autrichiennes, a finalement accepté que Wrede puisse recevoir Hruby, mais à la condition de seulement s’en tenir à des échanges oraux.

11 septembre : Wrede reçoit secrètement Hruby aux avant-postes qui lui répète ce qui a pu être dit à Oettingen quatre jours plus tôt.

15 sept : Maximilien, désormais éclairé de manière officielle, et tout juste averti de la défaite française de Dennewitz survenue neuf jours plus tôt (où la 29e division bavaroise de Raglovitch a subi de lourdes pertes s’élevant, si on s’en tient au rapport du 15 septembre, à près de 56 %), franchit le Rubicon et autorise Wrede à négocier tout en lui transmettant sa réponse au Tsar où il annonce être prêt à se dégager de ses obligations :
« Monsieur mon frère et beau-frère,
La lettre que V. M. I. m'a fait l'amitié de m'écrire m'a procuré une satisfaction d'autant plus vive qu'elle contient des assurances si précises des sentiments pour ma personne et pour mes états qu'elle a bien voulu me répéter plus d'une fois, et auxquelles je n'ai cessé d'attacher le plus grand prix. C'est par une suite bien naturelle de la confiance entière, et de la juste reconnaissance qu'elles m'inspirent, que je ne fais aucune difficulté de m'en rapporter entièrement à elle pour tout ce qui concerne mes intérêts, et ceux de mes peuples.
Etranger, à tous les titres, à une guerre, qui en contrariant toutes mes inclinations personnelles ne pouvait m'offrir que des périls, des dépenses, je n'en ai pas moins rempli, avec une fidélité scrupuleuse, les engagements que j'avais contractés dans d'autres temps, et sous d'autres auspices, et que j'avais partagés avec presque toute l'Europe. Aujourd'hui, que toutes les circonstances concourent à me dégager de ces obligations, je ne puis que me féliciter de pouvoir rétablir des rapports que j'aurais si sincèrement souhaité ne voir jamais interrompus. Je n'ai qu'un vœu à former, c'est le prompt rétablissement d'une paix solide et durable, dont mes sujets, autant et plus que d'autres, éprouvent le besoin pressant, et la conservation intacte des états que je possède. Je concourrai avec zèle, suite, et de tous mes moyens à tout ce qui pourra conduire à ce double but. J'ai déjà envoyé au corps du Général Raglawich l'ordre de revenir en Bavière. Il n'y a eu jusqu'ici aucune hostilité d'exercée entre mes troupes et l'armée Autrichienne du Prince de Reuss. Le Général Wrede a depuis longtemps l'ordre précis de s'abstenir de tout mouvement offensif. Il serait facile de prolonger cet état de tranquillité tout naturellement établi jusqu'à ce qu'on puisse s'entendre ultérieurement au sujet des nouveaux rapports sur lesquels l'appui et l'intervention de V. M. I. auront une influence si puissante.
Veuillez, Monsieur, mon frère et beau-frère, être bien convaincu que j'irai au devant de ce moment heureux pour moi avec un empressement qui n'est que la suite bien naturelle de l'attachement sincère, et de la haute considération avec lesquels je suis, etc. »

17 sept : conformément aux vœux de leurs souverains respectifs, Wrede, Reuss et Hruby se rencontrent à Ried. Le premier n’étant autorisé à ouvrir les négociations qu’à la condition (outre celle du maintien, à moins d’indemnités, de l’état actuel du royaume) de l’arrêt de toutes hostilités aux frontières, un armistice est de suite signé. Le lendemain, Hruby quitte Ried pour la cour autrichienne afin rendre compte de l’évolution de la situation sur le terrain et surtout des nouvelles dispositions affichées par le roi de Bavière. Wrede en fait de même le 19.

27 sept : dix jours après avoir quitté Ried, Hruby est de retour de Töplitz et demande à s’entretenir au plus vite avec Wrede afin de lui remettre cette lettre de l’empereur François où ce dernier annonce clairement à Maximilien sa volonté de conclure les négociations entamées, non comme avancé précédemment par une simple déclaration en faveur de la paix, mais, comme pouvait le laisser entendre la dernière lettre du roi de Bavière, par un traité d’alliance :
« Monsieur mon frère. Je ne saurais me refuser à la satisfaction de témoigner directement à V. M. les sentiments qu'ont réveillé en moi les dernières ouvertures du général de Wrede. Après des années de calamités et de malheurs nous nous approchons de l'époque de leur terme. Les rapports entre les puissances se trouveront replacés dans leur assiette naturelle. Les souverains pourront vouer au bien-être de leurs peuples des soins et des moyens que de funestes guerres ont depuis vingt ans détournés de ce but. Le sang de nos sujets ne coulera plus pour la défense continuelle de nos droits les moins contestables ou pour le renforcement d'une puissance qui a fait son si cruel abus de sa prépondérance. V. M. semble appelée par la providence à consommer la grande oeuvre par une décision que réclament également Sa gloire et l'intérêt de Son peuple.
Il serait inutile de donner à V. M. des assurances nouvelles sur les principes qui guident ma marche politique dans l'importante crise du moment. Le retour à un état de paix stable forme la seul but de mes efforts. La franchise de mes explications en suite des ouvertures que le cabinet de V. M. a faites au mien dans les premiers mois de la présente année et le développement de ma marche politique depuis cette même époque n'ont pu Vous laisser de douter, M. mon frère, sur ma véritable pensée : les faits ont prouvé que je ne me suis décidé à la voie des armes qu'après avoir épuisé toutes les chances d'arriver à une paix telle que la réclamait l'intérêt de l'Europe. Si la France eût voulu la paix, elle l'aurait eue. Elle m'a fait faire depuis la rupture des négociations, des propositions tendantes à une négociation pour la paix générale. J'y ai répondu sans dévier de mon point de vue inaltérable. La France n'arrivera plus à la paix qu'en devenant sobre et juste ; les puissances seront libres et maîtresses chez elles; c'est pour leur indépendance autant que pour la mienne que je fais la guerre, et si V. M. lie Sa cause à celle de l'Europe, je ne poserai les armes qu'après avoir assuré à la Bavière ses dimensions actuelles et sa parfaite indépendance.
Le prince de Reuss reçoit par le présent courrier des pleins-pouvoirs pour traiter et signer tous les arrangements entre nous. Les rapports de confiance intime qui existent entre l'empereur de Russie et moi, me font accepter d'avance la garantie qu'il offre à V. M.. Le jour où les nouveaux rapports seront rétablis entre Elle et moi, sera le premier d'une ère qui ne peut qu'assurer le bonheur de nos couronnes. »

Comme indiqué, Reuss reçoit également de son souverain, par la même occasion, les pouvoirs nécessaires pour établir un traité. De celui-ci, selon les vœux autrichiens, doit naître une alliance offensive avec la Bavière par laquelle Wrede serait chargé du commandement de l’armée austro-bavaroise destinée à marcher sur les lignes de communications françaises vers le Rhin. En outre, Munich obtiendrait également un droit de représentation auprès des Alliés afin de mener la campagne à venir et de participer aux négociations finales.
Logiquement, Reuss demande à Wrede qu’il obtienne les mêmes pouvoirs que lui pour traiter et signer.
Par ailleurs, comme l’indique l’empereur François, une autre lettre adressée à Maximilien est également confiée à Wrede, celle du Tsar, où les propos rassurants se mêlent aux menaces :
« Monsieur mon frère.
La réponse de V. M. vient de m'être remise. Les dispositions qu'elle m'annonce, la confiance précieuse qu'elle me témoigne, m'ont vivement touché. V. M. ne regrettera jamais de s'être livré avec un tel abandon aux sentiments que je lui porte. Uni avec l'Empereur d'Autriche par les liens les plus indissolubles je n'hésite pas à accéder à toutes les propositions qu'il va faire à V. M. et à donner ma garantie aux transactions qui en seront le résultat. Le retour d'un ordre de choses qui assure à l'Europe un long intervalle de paix et de bonheur, forme le but vers lequel tendent tous nos efforts. Je regarde la force et l'indépendance des puissances intermédiaires comme le premier moyen de l'atteindre. Cette importante considération rend indispensable que les frontières de l'Autriche soient mieux établies sous le rapport militaire, ce qui ne saurait être obtenu que par des arrangements à prendre avec V. M. Elle envisage sans doute, l'état actuel des choses d'un point de vue trop élevé pour ne pas en être convaincu, et moi je suis trop franc pour ne pas m'expliquer envers elle sans la moindre réserve sur un objet aussi délicat. Mais l'indemnisation la plus complète, calculée sur les proportions géographiques, statistiques, et financières du pays cédé, sera formellement garantie à V. M., afin qu'un pareil échange ne puisse même que tourner à son avantage, car elle ne se dessaisirait que de celle de ses provinces qui ne s'amalgame guère avec les autres parties de ses états, et où le vœu de retourner à leurs anciens maîtres est trop fortement nourri dans le cœur de chaque habitant pour que l'esprit d'insurrection ne suscite des embarras continuels au gouvernement.
Loin de vouloir que par là la puissance de la Bavière éprouve la moindre diminution, mon attachement pour V. M. me fera plutôt trouver un moyen d’agrandissement pour elle dans les changements que les circonstances pourraient réclamer. Il serait difficile que je lui fournisse dans ce moment des preuves plus prononcées, combien j'ai ses intérêts à cœur, et aussitôt que les arrangements préliminaires avec l'Autriche auront été signés, je suis prêt à faire conclure avec toute personne qu'elle voudra envoyer à mon quartier général, des engagements basées sur les principes que je viens de développer.
J'attends en revanche une coopération active et immédiate de la part de V. M. Les moments sont précieux, les assurances positives qu'elle m'a données m'autorisent à compter sur son empressement à les faire. Dans le cas contraire, et si la plus belle chance pour la délivrance de l'Europe devait être perdue, V. M. sentirait que je ne serai plus le maître de réaliser à son égard les vues dictées par l'amitié, et confirmées par la politique libérale de tous mes alliés. Les arrangements militaires qui vont être proposés à V. M. doivent lui inspirer toute confiance et ajouter une nouvelle preuve en faveur des principes qui nous guident. »

28 septembre : le chevalier Floret, ancien chargé d’affaires d’Autriche à Paris, arrive au quartier-général de Wrede et lui transmet cette lettre du roi de Prusse s’inscrivant dans la ligne précédemment tracée par François et Alexandre :
« Monsieur mon frère.
Les sentiments personnels que depuis longtemps j'ai voués à V. M., la parfaite harmonie qui règne entre mes hauts alliés et moi, et mon vif désir de Vous voir uni à nous, M. mon frère, pour la cause de l'indépendance et du bonheur des puissances Européennes, m'ont fait envisager avec un très grand plaisir les négociations qui ont eu lieu jusqu'ici entre V. M. et les empereurs d'Autriche et de Russie. J'accède avec empressement aux propositions qui Vous parviennent maintenant par l'Autriche. Je souscris également aux principes posés par cette puissance, tant à l'égard des rétrocessions qu'on pourrait demander à V. M., qu'à celui de l'indépendance de la Bavière et de ses dimensions actuelles. Je verrai avec une satisfaction toute particulière les troupes de V. M. combattre à côté des nôtres et surtout les liens de l'ancienne amitié qui subsistent entre nous resserrés à jamais. Je serai prêt à faire conclure des engagements sur ces bases avec la personne qu'Elle voudra nous envoyer, et suis avec un attachement sincère et la considération la plus distinguée »

2 octobre : répondant aux attentes autrichiennes et aux menaces à peine dissimulées du Tsar, Maximilien fournit les pleins pouvoirs à Wrede en lui confiant les instructions suivantes :
« Ayant pleine confiance dans le zèle, la fidélité, l'attachement à notre couronne et à notre personne dont notre général de cavalerie, membre de la section de la guerre de notre conseil d'état, grand cordon de notre ordre militaire, grand officier de la légion d'honneur de France, comte de Wrede nous a donné des preuves multipliées dans toutes les occasions, nous avons jeté les yeux sur lui pour lui confier les intérêts de notre état dans la négociation importante qui va s'ouvrir avec la cour de Vienne.
Les conférences qui, d'après les communications préalables qu'on a eues jusqu'ici, doivent s'ouvrir avec le général prince de Reuss chargé des pleins-pouvoirs de son souverain, auront pour objet :
1. la garantie de l'intégrité du royaume de Bavière de la part des trois puissances alliées,
2. les cessions sur lesquels on paraît toujours disposé à insister pour que les frontières de la monarchie Autrichienne soient mieux établies sous le point de vue militaire,
3. l'indemnité territoriale complète à laquelle les trois cours se sont préalablement engagées,
4. le rétablissement des rapports que la guerre a momentanément interrompus,
5. la coopération de la Bavière aux entreprises militaires contre la France.

1. La garantie ayant été offerte plusieurs fois, ne peut souffrir aucune difficulté. Elle devra être claire, précise, s'étendre sur la souveraineté pleine et entière, ainsi que la jouissance paisible de tous les territoires, villes et domaines dont notre couronne était en possession à l'époque du commencement de la présente guerre. Nous nous croyons autorisés à demander que l'acte de garantie soit inséré dans la convention.

2.Quant aux cessions à faire, nous nous sommes déjà expliqués plusieurs fois sur la répugnance avec laquelle nous nous prêtions au démembrement d'aucune partie de nos états, et ce n'est que sur les instances les plus réitérées de la part de s. M. I. de toutes les Russies pour donner à S.M. l'empereur d'Autriche une preuve particulière du prix que nous attachons à son amitié et aux rapports nouveaux et intimes qui vont s'établir entre nous, que nous pouvons nous déterminer à passer par dessus les considérations majeures qui motivèrent notre éloignement à cet égard.
Il résulte de ce principe:
a) que les districts qu'on demande doivent être énoncés et définis exactement dans la convention,
b) qu'ils doivent être bornés strictement à ce qu'exige nécessairement le but qu'on se propose d'assurer et de garantir les frontières de la monarchie Autrichienne,
c) la ligne être tracée de manière à ne pas exposer les frontières de la Bavière et à lui laisser aussi une ligne militaire. Cet objet, dont notre général de la cavalerie comte de Wrede doit sentir toute l'importance, est recommandé à ses soins et à son attention de la manière la plus précise et la plus particulière. Nous nous attendons à ce qu'il y insistera de tout son pouvoir.

3.Le dédommagement complet de ces démembrements partiels de notre royaume ayant été généralement adopté comme principe, ne saurait être sujet à aucune contestation.
Il paraît seulement juste de convenir:
a) que l'indemnité complète soit précisée ainsi que le seront les cessions afin de prévenir toutes les difficultés, et qu'on sache d'avance ce qu'on donne et ce qu'on reçoit,
b) que ces territoires destinés au remplacement entier de ceux que nous abandonnons, soient pris sur les parties de la Souabe ou de la Franconie les plus voisines des frontières de notre royaume de manière à former avec elles un contigu non interrompu et complet,
c) qu'il soit arrêté que les sujets Bavarois jouissent dans les partis de la monarchie qui cesseront d'en faire partie, librement et sans obstacles de leurs biens et capitaux avec la faculté de les vendre, aliéner et d'en exporter librement et sans retenue aucune le prix et les produits,
d) que les dettes, pensions et autres charges, assises sur les parties qui appartiendront à l'empire d'Autriche, tombent à sa charge.
Nous trouvant engagés dans une guerre dispendieuse dont on ne saurait prévoir ni le terme ni l'issue, employant tous nos moyens pour le succès de la cause commune, il serait également contraire à l'équité et à la convenance que ce nouvel ère de la politique s'ouvrît par la perte d'une partie de nos états dont nous ne retrouverions pas de suite le dédommagement. Nous croyons donc pouvoir nous attendre qu'on accédera sans obstacle à la proposition dont nous chargeons spécialement le sieur comte de Wrede, que les dites cessions, auxquelles nous consentons dès aujourd'hui, ne soient convenues qu'éventuellement; l'exemption même de ces arrangements et la prise de possession suivra au temps où nous serons à même d'entrer en jouissance effective et paisible des indemnités qui nous sont promises. Nous ne saurions nous dissimuler que la manière dont les trois souverains se sont expliqués à cet égard vis-à-vis de nous, ne laisse quelques doutes et qu'on ne puisse en induire que ces cours n'entretiennent le désir de voir la monarchie Autrichienne mise en possession des objets que la politique lui destine, tandis qu'on est porté à penser que nous pourrions nous contenter de la garantie générale quoique précise qu'on nous donne, d'un dédommagement complet et même avantageux. Mais l'honneur de notre couronne et le soin dont les circonstances nous font une loi de ménager plus que jamais l'opinion publique, nous imposent également la nécessité d'insister sur les motifs que nous avons développés plus haut, et dont le sieur comte de Wrede ne se départira pas sans notre ordre spécial.

4.Le rétablissement de l'état de paix, beaucoup plus encore l'alliance qui en sera la conséquence immédiate et nécessaire importe:
a) le rétablissement des rapports entre les deux états tels qu'ils existaient avant le commencement des hostilités,
b) la délivrance des prisonniers de guerre de part et d'autre sans rançon, ceux qui ont été faits dans la campagne de Russie dans le cours des années 1812 et 1813, ce qui reste encore de la garnison de Thorn dans les états des trois puissances alliées et y a été retenu à differents titres, le régiment qui se trouve en garnison à Danzig et n'a pu en être tiré, les restes du corps du général Raglowich renfermé dans Dresde et que les embarras qui obstruent les routes ont empêché les courriers chargés de son rappel n'ont pu atteindre à temps, seront compris dans cette stipulation, et ces deux dernières troupes seront remises en liberté après la reddition des places respectives où elles sont enfermées. Il s'entend de soi même qu'on ne négligera rien de notre part pour les retirer de leur situation présente.
Nous avons à plusieurs reprises proposé à la cour de Vienne la conclusion d'un cartel pour l'extradition des déserteurs et des conscrits fugitifs, sans que jusqu'ici il ait été répondu aux offices que nous lui avons fait adresser sur cet objet. Nous désirerions, et l'utilité du service réciproque semble l'exiger que ce principe soit adopté, du moins pour la durée de la présente guerre. Nous chargeons spécialement le sieur comte de Wrede d'en former la demande.

5.Pour ce qui est de la marche des opérations militaires et du concert à établir sur ce point, nous nous en remettons à ce qui sera définitivement arrêté là-dessus suivant les circonstances et la marche des événements. Nous autorisons spécialement le sieur comte de Wrede à se charger du commandement des troupes Autrichiennes tel qu'il lui est offert, bien convaincus qu'il ne fera de cette extension d'influence que l'usage qui s'accordera le mieux avec l'avantage de l'état, le bien de notre service, celui du corps de troupes que nous lui avons confié, ainsi que le ménagement de nos sujets. Nous accédons purement et simplement aux articles que le dit sieur comte de Wrede nous a énuméré dans son rapport Allemand du 27 septembre, et nous prendrons toutes nos mesures en conséquence. Nous pensons cependant pouvoir y ajouter de notre part les articles suivants:
1. que notre corps de troupes ne soit pas disséminé, mais qu'il agisse toujours en masse sous ses propres officiers et soumis pour la discipline et l'économie à ses règlements particuliers,
2. que dans les détachements que le service et la marche des opérations exigera, on suive toutes les fois qu'elles seraient combinées avec la force armée d'une autre puissance pour le commandement, l'ordre de l'ancienneté,
3. qu'en pays ennemi il soit pourvu à leur subsistance de la même manière que pour les autres parties de l'armée alliée,
4. que le but essentiel de la guerre étant la sureté et l'indépendance de l'Allemagne, elles ne soient jamais employées hors des limites de cette contrée, et que si la défense de leur patrie rendait leur secours nécessaire, elles pussent y rentrer sans obstacle,
5. qu'elles aient une part proportionnée aux prises et aux trophées qui seraient enlevées à l'ennemi,
6. qu'elles entrent pour une part proportionnée à leur nombre dans les cartels relatifs à l'échange des prisonniers et qu'on leur tienne compte en particulier à cet effet de ceux qu'elles feraient,
7. les troupes alliées qui traverseraient quelque partie de nos états payeront comptant toutes les fournitures qui leur seront faites sans exception aucune.
Nous nous sommes abstenus de parler de l'obligation mutuelle de ne pas traiter séparément avec l'ennemi commun et de n'entrer dans aucun arrangement où les intérêts de toutes les parties contractantes n'aient été stipulés et réglés à leur entière satisfaction. Cette règle a été adoptée d'avance par les trois puissances et son insertion dans le traité dont nous nous occupons sera sans doute adoptée sans aucune réclamation.
Le sieur comte de Wrede s'en tiendra strictement à l'esprit et autant qu'il sera possible à la lettre des présentes instructions. S'il avait le moindre doute sur le tout ou quelques-uns de ses articles, il nous demanderait, ainsi que sur les incidents qui pourraient survenir dans le cours de la négociation, les ordres nécessaires que nous aurons soin de lui transmettre par la voie la plus prompte. Notre intention est aussi, que quand le projet de convention sera rédigé, il soit soumis à notre approbation avant la signature. »


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Message Publié : 15 Juin 2024 19:38 
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3 octobre : Reuss avertit Wrede qu’il a reçu l’ordre d’accélérer les négociations (ce même jour, Blücher franchit l’Elbe, entamant la campagne d’octobre qui aboutira à la bataille de Leipzig) et, si rien n’est signé dans les 48 heures, de dénoncer l’armistice.

4 octobre : à Ried, les négociateurs finissent par s’entendre sur les principales composantes du futur traité. En revanche, les Autrichiens exigent la fin de la Confédération du Rhin ; point sur lequel Wrede n’est pas autorisé à traiter. En conséquence, le prince de Taxis quitte Ried afin de connaître la position du roi.

6 octobre : Taxis est de retour à Ried pour signifier que le roi n’a pas encore pris de décisions sur les points litigieux du traité en cours de négociation. A cette annonce, les Autrichiens, furieux de cette perte de temps, menacent de s’en retourner. Wrede évite la rupture et obtient d’eux le droit de se rendre lui-même auprès du roi.

8 octobre : Wrede est de retour à Ried, et fort de l’accord du roi, signe le traité d’alliance qui est envoyé de suite aux souverains pour ratification :
« Au nom de la très-sainte et indivisible Trinité.
S. M. l'Empereur d'Autriche etc. et S. M. le Roi de Bavière animés d'un égal désir de rétablir des rapports que des circonstances malheureuses avaient rompus, et assurés que Leur union la plus intime devra essentiellement contribuer au bien-être de leurs Etats, et S. M. le Roi de Bavière ayant acquis la conviction, que les efforts faits par les puissances alliées pour faire cesser les malheurs de la guerre ont été infructueux; s'étant decidé en conséquence à s'unir d'intentions avec les puissances engagées dans la présente guerre contre la France, et à concourir avec Elles par tous les moyens en Son pouvoir au but du rétablissement d'un équilibre entre les puissances, propre à assurer à l'Europe un Etat de paix véritable, ont nommé pour arrêter les préliminaires d'une alliance, savoir:
S. M. l'Empereur d'Autriche etc. S. A. le Prince Henri XV. de Reuss-Plauen etc. et S. M. le Roi de Bavière, S. E. Charles Philippe Comte de Wrede etc., lesquels, après avoir échangé leurs plein-pouvoirs sont convenus des articles suivants :
Art. I. A partir du jour de la signature du présent acte, il y aura paix et amitié entre L. L. M. M. l'Empereur d'Autriche etc. et le Roi de Bavière etc. Leurs héritiers, et successeurs, Leurs Etats et sujets à toute perpétuité, et les rapports de commerce et autres entre les deux Etats seront rétablis tels qu'ils existaient avant la guerre.
Art. II. L'Alliance entre les deux hautes parties contractantes aura pour but la coopération la plus active des deux puissances pour le rétablissement d'un ordre de choses en Europe, qui assure à toutes l'indépendance et leur tranquillité future. La Bavière en conséquence se dégage des liens de la confédération du Rhin, et elle joindra immédiatement ses armées à celles des puissances ses alliées.
Art. III. Par suite de l'article précédent, les H. P. contractantes sont convenues de s'aider avec tous les moyens que la providence a mis à leur disposition et à ne pas poser les armes que d'un commun accord.
Art. IV. S. M. l'Empereur d'Autriche garantit tant en son nom, qu'au nom de Ses Alliés à S. M. le Roi de Bavière, la jouissance libre et paisible, ainsi que la Souveraineté pleine et entière de tous les Etats, villes, domaines et forteresses dont elle se trouvait en possession avant le commencement des hostilités.
Art. V. L'armée Bavaroise fera partie de la grande armée Autrichienne; elle sera sous le commandement du général en chef de cette armée, et sous les ordres immédiats d'un général Bavarois; elle ne pourra être séparée ni disséminée mais restera constamment unie en corps, agissant sous ses propres officiers et soumise pour la discipline et l'économie à ses règlements particuliers. Si la défense de la propre Patrie rendait son secours nécessaire, elle pourra y entrer sans difficulté,
Art. VI. L'armée Bavaroise et l'armée Autrichienne commenceront à coopérer à dater de la ratification du présent traité.
Art. VII. Les trophées, butin et prisonniers faits sur l'ennemi appartiendront aux troupes qui l'ont pris.
Art. VIII. Les H. P. contractantes procèderont immédiatement à la négociation d'un traité formel d'alliance.
Art. IX. Elles se réservent également la faculté de conclure une convention de cartel à la suite du présent traité.
Art. X. Les deux H. P. contractantes s'engagent formellement à n'entrer dans aucun arrangement ou négociation pour la paix que d'un commun accord et elles se promettent de la manière la plus solennelle de n'écouter aucune insinuation ou proposition qui leur serait adressée directement par le cabinet Français sans se la communiquer réciproquement.
Art. XI. Le présent traité sera ratifié par S. M. I. R. et Apostolique et S. M. le Roi de Bavière et les ratifications en seront échangées dans l'espace de 8 jours à compter du jour de la signature ou plutôt si faire se peut.
En foi de quoi nous soussignés en vertu de nos plein-pouvoirs, avons signé le présent traité, et y avons apposé le cachet de nos armes.

Articles secrets et séparés :
Le but des puissances en guerre contre la France ne pouvant être atteint et les heureux résultats de leurs efforts ne pouvant être assurés que par une juste répartition des forces respectives des puissances, et par l'établissement de leurs limites sur des bases naturelles et réciproquement convenables, L. L. M. M. l'Empereur d'Autriche et le Roi de Bavière voulant écarter d'avance toutes les difficultés qui dans l'application de ce principe à l'époque de la paix pourraient se présenter entre elles sont convenues les arrangements suivants, savoir:
Art. I. Les deux H. P. contractantes regardent comme un des objets principaux de leurs efforts dans la guerre actuelle, la dissolution de la confédération du Rhin et l'indépendance entière et absolue de la Bavière, de sorte que dégagée et placée hors de toute influence étrangère, Elle jouisse de la plénitude de Sa souveraineté.
Art. II. S. M. le Roi de Bavière se prêtera à toutes les cessions qui seraient jugées nécessaires, pour assurer aux deux états une ligne militaire convenable.
Art. III. S. M. l'Empereur d'Autriche s'engage à son tour pour Elle-même et de concert avec Ses Alliés, à employer Son intervention la plus efficace, et s'il en est besoin, toutes Ses forces à l'effet de procurer à S. M. le Roi de Bavière l'indemnité la plus complète et calculée sur les proportions géographiques, statistiques et financières des provinces cédées. La dite indemnité devra être à la convenance du royaume de Bavière et de manière à former avec lui un contigu complet et non interrompu.
Art. IV. La situation géographique des deux Etats exigeant une nouvelle démarcation entre eux, S. M. I. R. et Apostolique promet, de concert et sous la garantie des Puissances Alliés, à S. M. Bavaroise une indemnité pleine et entière pour les cessions qu'en vertu de ce principe la Bavière serait dans le cas de faire à l'Autriche.
Tout changement dans l'état de possession actuel de la Bavière est toutefois expressément réservé à l'époque de la pacification future, et ne pourra avoir lieu que par un arrangement de gré à gré entre les deux Puissances.
Art. V. Quoique S. M. l'Empereur d'Autriche et S. M. le Roi de Bavière aient consacré au soutien de la cause qu'Elles défendent, la totalité de leurs forces, Ils prendront encore l'engagement formel de maintenir leurs armées au plus grand complet pendant toute la durée de la guerre actuelle; cependant pour préciser davantage Leurs engagements à cet égard, Elles promettent de tenir chacun constamment en campagne, savoir S. M. l'Empereur d'Autriche pour le moins 150 000 hommes et S. M. le Roi de Bavière pour le moins 36 000 hommes; les garnisons des places de l'intérieur non comprises, et d'augmenter le nombre en autant que leurs moyens le permettront.
Art. VI. Les H. P. contractantes se réservent de convenir le plutôt que faire se pourra, des arrangements militaires détaillés que pourrait exiger la coopération de l'armée Bavaroise avec l'armée Autrichienne.
Art. VII. Les opérations militaires exigeant que le Tyrol soit ouvert aux troupes Autrichiennes, S. M. le Roi de Bavière n'y mettra aucun obstacle, et promet d'y traiter les dites troupes comme les siennes propres, et de leur prêter tout secours nécessaire pour atteindre le but devenu désormais commun entre les H. P. contractantes. Si par la suite des circonstances inattendues, l'armée passait de l'offensive à la défensive S. M. le Roi de Bavière dans le cas que Ses troupes ne fussent pas en état de défendre le Tyrol Bavarois, ne mettra aucun obstacle à ce que celles de S. M. l'Empereur d'Autriche se portent partout où les intérêts de la Bavière l'exigent, en observant les stipulations particulières dont on est convenu à cet égard.
Art. VIII. En conséquence de l'union intime de principes et d'intentions qui règne entre les puissances alliées, S. M. l'Empereur d'Autriche prend sur Elle, de promettre en leur nom, que du moment que le présent traité aura reçu Sa sanction, les hostilités cesseront entre les troupes alliées et celles de S. M. le Roi de Bavière. S. M. I. et R. Apostolique est également prête à interposer Ses bons offices auprès de L. L. M. M. l'Empereur de Russie et le Roi de Prusse, pour faciliter la restitution réciproque des prisonniers faits sur l'armée Bavaroise par les puissances alliées.
Art. IX. Dans le cas que S. M. le Roi de Bavière désirât l'entremise des bons offices de l'Autriche, pour faciliter un arrangement avec l'Angleterre, l'Autriche est prête à les faire valoir auprès de cette puissance.
Art. X. S. M. l'Empereur d'Autriche prend également l'engagement de faire accéder L. L. M. M. l'Empereur de Russie et le Roi de Prusse par un acte formel d'adhésion et de garantie aux articles tant patents que secrets du présent traité.
Art. XI. Les articles secrets ci-dessus auront la même force et valeur que s'ils étaient insérés dans le traité patent.
En foi de quoi Nous soussignés en vertu de nos plein-pouvoirs, les avons signés et munis du cachet de nos armes.»

Le jour même, Maximilien écrit à son gendre Eugène de Beauharnais afin de lui annoncer son changement d’alliance :
« Mon bien-aimé fils [ce dernier reçut cette lettre le 15 octobre ; ce même jour, la lettre de Mercy d’Argenteau, ministre plénipotentiaire de France à Munich, l’avertissant de la trahison bavaroise lui parvenait pareillement],
Vous connaissez mieux que personne, mon bien cher ami, la scrupuleuse exactitude avec laquelle j'ai rempli mes engagements avec la France, quelque pénibles et onéreux qu'ils aient été. Les désastres de la dernière campagne ont surpassé tout ce qu'on pouvait craindre; cependant la Bavière est parvenue à lever une nouvelle armée, avec laquelle elle a tenu en échec jusqu'ici l'armée autrichienne, aux ordres du prince de Reuss. Cette mesure couvrait une partie de ma frontière, mais laissait à découvert toute la ligne qui court le long de la Bohême, depuis Passau jusqu'à Égra, ainsi que toute la frontière de la Franconie, du côté de la Saxe. J'ai attendu d'un moment à l'autre que cette immense lacune du système défensif fût remplie, mais mon attente a été vaine. Les princes voisins, comme le roi de Wurtemberg, ont refusé tout secours, sous prétexte qu'ils avaient besoin de leurs forces pour eux-mêmes. L'armée d'observation de Bavière a reçu une autre destination et n'a jamais suivi aucune espèce de correspondance avec le général de Wrede.
[On peut faire ici un point sur ce qu’avance Maximilien. Le roi de Bavière évoque ici, comme il le fera dans son manifeste du 14 octobre que nous verrons plus bas, le corps d’observation de Bavière formé à partir du corps d’observation de Mayence au mois de juin 1813 (il n’y eut pas deux armée comme il l’indique mais une seule qui s’étoffa progressivement au fil de l’arrivée des renforts). Devant être composé en vertu du décret du 6 août de quatre divisions d’infanterie et de deux divisions de cavalerie, ce corps n’avait pas pour but premier de soutenir l’armée de Bavière. Son commandant, Augereau, en effet (lettres du 18 août à Berthier et Clarke), ne devait surtout pas quitter la place de Wurtzbourg où était fixé son quartier général, et ne devait le faire qu’à la dernière extrémité, sous la menace d’un débordement effectué par un ennemi supérieur. En ce cas, la priorité était de maintenir ses communications avec Mayence, Strasbourg et Stuttgart, et couvrir le Rhin ; la possibilité de se voir réuni aux forces bavaroises n’étant envisagée qu’en cas de retraite de ces dernières suite à la perte de Munich.
Ce corps quitta bien Wurtzbourg. L’opération s’effectua le 24 septembre, une semaine après que Napoléon ait ordonné ordonna à Augereau d’abandonner ses cantonnements pour rejoindre la Saale. Or, c’est le 15 septembre que Maximilien répondit au Tsar et qu’il autorisa Wrede à entamer des négociations avec l’ennemi.]
On a laissé le temps aux troupes légères ennemies d'occuper, sur les derrières de l'armée, tout le pays entre la Saale et l'Elbe, d'y détruire divers corps français et de se rendre redoutables à mes frontières; aux réserves de Benningsen, de gagner la Bohème, d'où elles sont à portée de se jeter, sans trouver d'obstacle ni de résistance, sur mes provinces en Franconie ou dans le haut Palatinat, el de là sur le Danube, opération qui ne laisserait d'autre retraite à Wrede, de son propre aveu, que les gorges du Tyrol, et laisserait à découvert le reste de mes États. Je serais forcé de les quitter avec ma famille, dans un moment où il serait le plus dangereux d'en sortir. Dans une situation aussi critique, et presque désespérée, il ne m'est resté d'autre ressource que de me rendre aux instances vives, réitérées et pressantes des cours alliées de conclure avec elles un traité d'alliance. Je crois avoir remarqué à celle occasion, avec assez de certitude pour me croire fondé à vous le dire, que les Autrichiens ne seraient pas éloignés de se prêter, du côté de l'Italie, à un armistice sur le pied de la ligne du Tagliamento. C'est votre père, et non le roi, qui vous dit ceci, persuadé que vous saurez allier vos intérêts avec ce que vous devez à l'honneur et à vos devoirs.
J'ai, comme bien vous pouvez croire, fait rendre le chiffre de l'armée au ministre de France, sans en prendre copie. Je vous prie de même d'être persuadé que les malades qui sont dans mes hôpitaux seront traités à mes frais et renvoyés libres chez eux. Il en sera de même des individus français et italiens qui se trouvent en Bavière.
J'espère, mon cher Eugène, que nous n'en serons pas moins attachés l'un à l'autre, et que je serai peut-être à même de vous prouver par des faits que ma tendre amitié pour vous est toujours la même. Elle durera autant que moi.
Je vous embrasse un million de fois en idée. La reine vous embrasse. »

10 octobre : Wrede entame des mouvements de troupes vers Landshut où doit s’opérer la réunion des armées bavaroise et autrichienne. De leur côté, les Autrichiens franchissent la frontière bavaroise et avancent vers l’Inn.

11 octobre : François ratifie la convention de Ried.

12 octobre : Maximilien appose pareillement sa signature. A Braunau, Wrede est averti par Reuss que Blücher a franchi l’Elbe.

13 octobre : d’Altenburg, Schwarzenberg donne l’ordre à Wrede de diriger l’armée austro-bavaroise sur la ligne du Main afin de couper les communications de l’armée française.
A noter que c’est à cette date que Napoléon affirme (Bulletin du 15 octobre) avoir été mis au courant que l’armée bavaroise s’était réunie aux forces autrichiennes et menaçait le bas Rhin. Ce jour pourtant, Napoléon écrivait à Maret pour lui dire qu’il avait interrogé Krafft, que celui-ci avait de grandes espérances sur la Bavière, mais qu’à son départ, rien n’était encore convenu.
Fain, dans ses Mémoires, opte pour sa part pour la date du 14, avançant que la trahison avait été annoncée ce jour-là à l’état-major par un billet reçu par Berthier.

14 octobre : Maximilien annonce officiellement sa nouvelle alliance par ce manifeste :
« Chacun connaît les rapports qui depuis huit ans attachent la Bavière à la France, ainsi que les motifs qui les ont amenés, et la fidélité scrupuleuse avec laquelle le Roi en a rempli les conditions.
D'autres états se joignirent successivement aux premiers alliés de l'empire français. La réunion des souverains prit la forme d'une espèce de confédération dont l'histoire d'Allemagne offre plus d'un exemple.
L'acte de confédération, signé à Paris le 12 juillet 1806, quoique incomplet, établit les rapports réciproques qui devaient exister entre les états confédérés et S. M. l'Empereur des Français comme protecteur de cette confédération.
La base de cette convention était l'intérêt réciproque des deux partis : il n'en pouvait exister aucune autre, autrement cet acte de confédération n'eût été qu'un acte de sujétion absolue. Il paraît que le gouvernement français le regarda dans le fait comme tel, car, dans toutes les négociations qui suivirent cette convention solennelle, il ne prit en considération, dans l'application du principe qui rendait la guerre continentale commune aux diverses parties contractantes, ni l'esprit ni les motifs qui avoient présidé à la formation de cet acte; il lui donna arbitrairement l'interprétation la plus étendue, et requit, en conséquence, suivant son caprice, les troupes des confédérés pour des guerres entièrement étrangères à leurs intérêts, et dont on ne leur communiquait pas préalablement les causes.
La Bavière qui considérait la France comme un des appuis principaux de sa conservation, et qui par conséquent ne prenait pas garde à des irrégularités dont le principe éveillait néanmoins ses plus sérieuses sollicitudes, remplit avec un zèle et une loyauté sans bornes ses engagements envers la France. Aucun sacrifice ne lui fut trop cher pour répondre aux vues de son allié et contribuer au rétablissement de la paix continentale, but qu'il annonçait comme celui qui lui faisait renouveler ses entreprises. Ses mesures relativement au commerce, ses relations politiques se modelèrent exactement sur ce que faisait la France, quelque coûteux que fussent ces sacrifices au bien-être du pays et aux penchants personnels du souverain.
L'Empereur Napoléon, ayant en 1812 résolu la guerre contre la Russie, requit la Bavière de fournir le maximum de son contingent. Il est incontestable que cette guerre était absolument étrangère à l'intérêt de la Bavière ; il lui était, à tous égards, douloureux d'employer ses forces contre un état qui avait toujours été son ami et depuis longtemps le garant de son indépendance, et contre un souverain uni par un double lien à la famille royale.
Déjà le ministère français avait employé les expressions les plus alarmantes, et les avait proclamées à la face de l'Europe dans des pièces diplomatiques. Ces expressions ne tendaient à rien moins qu'à représenter les états confédérés comme étant les vassaux de la France, leurs Princes comme étant tenus, sous peine de félonie, de faire tout ce que S. M. l'Empereur Napoléon voudrait exiger d'eux, et tous les changements que pourrait, d'après la volonté impériale, subir un état confédéré, comme n'étant que des affaires intérieures de l'empire, en quelque sorte des objets de famille, dans lesquelles aucune puissance n'avait le droit de s'immiscer.
Quelque inquiétude que des expressions dérivant de principes semblables dussent causer, la Bavière résolut néanmoins, puisqu'ils n'étaient appuyés sur aucun point de droit, et qu'on pouvait les regarder comme un abus et non comme une règle, de faire joindre l'armée française par trente mille hommes de ses troupes.
Les calamités inouïes qui ont signalé cette campagne sont trop connues pour qu'il soit nécessaire d'en retracer la peinture affligeante.
Toute l'armée bavaroise et huit mille hommes de renfort qui l'avoient rejointe dans le courant du mois d'octobre furent anéantis; il est peu de familles que ce cruel événement n'ait plongées dans les larmes, ce qui était d'autant plus douloureux pour le cœur paternel de S. M., que tant de sang avait été versé pour une cause qui n'était pas celle de la nation.
Cependant on faisait des préparatifs pour une nouvelle campagne, et la Bavière, d'autant plus fidèle à son allié qu'il était plus malheureux, ne fit aucune difficulté de compléter les faibles restes des trente-huit mille Bavarois qui avoient combattu sous les drapeaux de la France.
Des succès brillants couronnèrent, au commencement de cette campagne, les armes de l'Empereur Napoléon si souvent victorieuses. L'Allemagne et toute l'Europe crurent que l'Empereur, puisqu'il se trouvait dans une situation où il pouvait se montrer modéré sans s'exposer à être soupçonné de faiblesse, profiterait de la médiation que lui offrait l'Autriche dans les vues les plus nobles et les plus sages, pour rendre la paix au monde ou du moins au continent.
Cet espoir agréable fut déçu; la France vit au contraire le nombre de ses ennemis s'accroître par l'accession imposante de l'Autriche à la coalition déjà formée contre l'Empereur Napoléon.
Depuis ce moment la position de la Bavière devint extraordinairement critique. L'énergie du gouvernement bavarois, et l'affection d'une nation à laquelle aucun sacrifice ne paraît trop pénible quand il s'agit de prouver son amour à un souverain adoré, avoient comme par enchantement fait naître une nouvelle armée qui marcha contre les frontières de l'Autriche.
Mais l'armée française à laquelle l'Empereur avait donné le nom d'armée d'observation de Bavière, et qui s'était rassemblée à Wurzbourg et dans les environs, au lieu de soutenir l'armée de Bavière et de combiner ses opérations avec les siennes, reçut tout à coup une autre destination, de sorte que les troupes bavaroises, isolées des armées françaises en Allemagne et en Italie à une distance de plus de cinquante lieues, furent coupées de toutes communications avec elles et exposées aux attaques d'armées bien plus nombreuses que l'Autriche pouvait envoyer contre elles, ou de partisans qui auraient consommé la ruine du pays.
Dans une situation si critique, l'Empereur ne daigna pas s'occuper une seule fois des moyens de sauver ou de protéger son plus fidèle allié. On ne reçut de lui aucune parole, aucun conseil, aucune promesse encourageante qui dissipât les alarmes du gouvernement. Bien plus, la seconde armée d'observation, qui devait se réunir sous le commandement du maréchal Augereau, ne fut pas formée, et son faible noyau qui se trouvait encore à Wurzbourg finit par disparaître entièrement.
Abandonnée aussi complètement, S. M. eût manqué à ses devoirs les plus sacrés, si, se refusant aux vœux hautement exprimés par ses fidèles sujets, elle n'eût pas cherché à les sauver d'une ruine certaine, et à épargner à la Bavière des malheurs qui ne pouvaient en aucune manière profiter à la cause de la France.
Les souverains alliés contre cette puissance ne manquèrent pas de faire connaître à la Bavière les principes de modération dont ils étaient animés, et de lui assurer la garantie formelle de l'intégrité du royaume de Bavière dans toutes ses dimensions actuelles, à condition que le Roi réunirait ses troupes aux leurs, non point pour faire à la France une guerre dictée par l'ambition ou par l'esprit dé conquête, mais pour assurer l'indépendance de la nation allemande et des états dont elle est composée, et engager l'Empereur Napoléon à signer une paix honorable et solide qui garantît à chacun l'existence de ses droits les plus précieux et à l'Europe un repos durable.
S. M. n'aurait pu rejeter des propositions semblables sans se grever d'une dette envers ses sujets, et sans méconnaître les principes sacrés sur lesquels seuls peut reposer leur bonheur.
Pleine de confiance en des offres si ouvertes et si magnanimes, elle a résolu de les accepter dans toute leur étendue, et de conclure avec les trois puissances confédérées, contre les projets ambitieux divulgués par le gouvernement français, un traité d'alliance dont les hautes parties contractantes feront tous leurs efforts pour assurer l'heureux succès.
S. M. souhaite qu'une paix prompte rétablisse bientôt des rapports d'amitié appuyés sur des bases acceptables, rapports auxquels elle n'a renoncé que lorsque l'extension injuste d'une puissance qui devenait chaque jour plus accablante, et l'abandon total dans lequel on laissait la Bavière au milieu de la crise la plus grave où elle se soit jamais trouvée, lui ont fait un devoir et un besoin du parti qu'elle a pris.
Réunie dorénavant d'intérêt et d'intentions avec ses illustres et puissants alliés, S. M. ne négligera rien de ce qui peut serrer plus étroitement les liens qui l'attachent à eux, et pour faire triompher la plus belle et la plus noble des causes. »
Ce même jour, Wrede reçoit en son quartier-général la ratification de son souverain.

15 octobre : à Braunau, Reuss et Wrede procède à l’échange des ratifications. Ce dernier, de fait, devient le commandant de l’armée austro-bavaroise (23 000 Autrichiens et 28 000 Bavarois) et lance en conséquence, avant de partir pour Landshut, cet ordre du jour :
« L'armée a vu, dans le manifeste publié par Roi, les motifs qui ont décidé S. M. à se réunir aux puissances alliées contre la France, et à employer les troupes et les moyens que la Providence a donnés au Roi et à l'état, à la noble cause déjà couronnée par le succès dans les événements qui se sont passés sur le bord de l'Elbe, afin d'arracher, par la force des armes, une paix juste et honorable pour les états du Roi, pour ceux des illustres alliés, et pour toute l'Allemagne.
Soldats,
Elle est belle, grande, noble, la nouvelle vocation à laquelle nous destine le Roi, notre très-gracieux souverain. Tandis que les armées valeureuses des puissances alliées avaient déjà remporté les victoires les plus éclatantes et donné des exemples sans nombre de bravoure et de persévérance, que la postérité lira avec étonnement dans l'histoire, il faut aussi que par notre courage, notre obéissance et notre constance, nous obtenions les louanges de notre Roi bien-aimé, de la patrie, des puissances alliées et des peuples allemands qui gémissent encore sous un joug accablant.
Le Roi et les puissances alliées avec lui, guidés non par l'esprit de conquête, ni par aucune vue partielle, veulent que l'Allemagne soit l'Allemagne, et la France la France, et que la paix se répande sur l'Europe.
Qui de nous ne sacrifiera pas volontiers son sang, sa vie à un but aussi noble ? Quiconque dans des campagnes précédentes, a reçu des cicatrices au service du Roi et de la patrie, sera fier, après cette campagne, d'en pouvoir montrer de nouvelles ; les jeunes soldats courront avec ardeur au-devant du danger, afin de partager les mérites de leurs frères d'armes plus anciens.
Appelés à agir de concert avec un nombreux corps d'armée autrichien, dont le commandement, ainsi que celui de ce corps-ci, m'a été confié, à partager les dangers et les fatigues de campagne, nous ne pouvons former qu'un désir, celui que par notre union fraternelle, par un partage réel, d'un côté, de tous les secours, de l'autre, de toutes les peines et de tous les dangers, nous rendions nos illustres souverains satisfaits d'avoir contracté l'alliance.
Honoré dans des campagnes précédentes de la confiance de l'armée du Roi, je vous somme, braves frères d'armes autrichiens unis à nous, de m'accorder votre confiance je vous assure d'avance de toute la mienne.
Je ne vous chercherai que sur le champ de l'honneur et de la bravoure pour admirer vos hauts faits, et pour pouvoir les faire connaître à nos illustres souverains respectifs.
Dans ma conduite et dans mes soins pour vous je serai guidé par les mêmes principes qu'envers les troupes du Roi. Allons, atteignons, par notre courage et notre constance, ce but sublime que nos monarques nous ont indiqué.
Soldats, comme il est possible que nous sortions bientôt des états du Roi pour agir sur les points où nous conduira notre destination, songez que, dans les pays qui ne portent pas les armes contre nous, nous entrons comme amis pour les délivrer, et non pour augmenter, par des actes arbitraires, les fardeaux que, par la nature des choses, les armées imposent. Que la douceur, la modération et une conduite affable nous y distinguent chez les habitants, afin qu'ils nous aiment et ne nous redoutent pas, et que, la guerre terminée, ils se souviennent, avec un sentiment de gratitude, de l'époque de notre arrivée et de leur délivrance. »

Le même jour, le corps autrichien franchit l’Inn en vue de se joindre aux forces bavaroises et d’entamer les opérations offensives vers le Main.


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Message Publié : 21 Juin 2024 13:08 
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J'ai souligné en gras quelques portions de votre message pour bien graduer la trahison bavaroise...

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"Tant que les Français constitueront une Nation, ils se souviendront de mon nom."

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Message Publié : 23 Juin 2024 19:40 
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Inscription : 14 Déc 2002 16:30
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Le lien vers la carte affichée sur passion-histoire a été corrompu ; nous le remplaçons par un lien qui mène vers une carte semblable, mais moins pertinente :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b ... 0Saxe.zoom

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"Tant que les Français constitueront une Nation, ils se souviendront de mon nom."

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Message Publié : 26 Juil 2024 7:53 
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Les perplexités du 17 juin, vues par Thiers :


Résultats de cette première journée. Telle avait été cette affreuse bataille du 16 octobre, composée de trois batailles, qui nous avait enlevé à nous 26 ou 27 mille hommes, et près de 40 mille à l'ennemi. Triste et cruel sacrifice qui couvrait notre armée d'un honneur immortel, mais qui devait couvrir de deuil notre malheureuse patrie, dont le sang coulait à torrents pour assurer non sa grandeur, mais sa chute!

Quoique ayant eu partout l'avantage, c'était pour nous un immense péril que de n'avoir pas détruit l'un de nos trois adversaires. Sur aucun point nous n'avions été forcés dans notre position; nous avions gardé le terrain au sud entre Liebert-Wolkwitz et Wachau, et au couchant vers Lindenau; nous l'avions abandonné, mais presque volontairement, au nord, et pour en prendre un meilleur. Mais dès que nous n'avions pas rejeté loin l'un de l'autre, de manière à ne plus leur permettre de se rejoindre, Schwarzenberg et Blucher, la bataille, quoique non perdue, pouvait se convertir bientôt en un désastre. Immensité des forces qui arrivaient aux coalisés. Dans ce moment Bernadotte s'approchait avec 60 mille hommes; on annonçait Benningsen avec 50 mille, et nous, il nous en arrivait 15 mille sous Reynier, dont 10 mille prêts à nous trahir! La situation, dès que nous n'avions pas remporté une victoire éclatante, était donc bien près de devenir affreuse! Napoléon pouvait-il agir autrement dans la journée du 16? Aurait-on pu obtenir un résultat décisif dans cette première journée du 16? Voilà ce qu'ont agité tous les historiens spéciaux, ce que les uns ont nié, les autres affirmé. Peut-être si Napoléon, après s'être mis dans une position extrême, avait poussé l'audace jusqu'au dernier terme, et ne laissant à Leipzig que Margaron pour défendre la ville seulement, se bornant de plus à laisser au nord de Leipzig Marmont et Dombrowski sur la Partha pour contenir Blucher, avait attiré à lui Bertrand et Ney pour renforcer Macdonald de 30 mille hommes, ces cinquante mille combattants de Macdonald, Bertrand et Ney, jetés de notre gauche sur la droite du prince de Schwarzenberg, auraient pu l'accabler, et le précipiter dans la Pleisse. Une grande victoire obtenue de ce côté, nos communications avec Lutzen et Mayence eussent été bientôt rouvertes, et Blucher aurait été rudement puni le lendemain des progrès qu'il aurait pu faire. Au lieu de cela, les troupes de Bertrand étaient restées dans Leipzig presque oisives, et les divisions de Souham, tantôt dirigées vers Napoléon, tantôt ramenées vers Marmont, avaient perdu la journée en allées et venues inutiles. C'est ainsi qu'une force décisive avait manqué sur le théâtre de l'action principale. Mais ces raisonnements, vrais d'ailleurs, ont été faits après l'événement. Il aurait fallu que Napoléon eût pu prévoir que Lindenau ne serait pas l'objet d'une attaque principale, que Bernadotte n'arriverait pas avec Blucher au nord et à l'est de Leipzig; il aurait fallu enfin que le corps de Reynier n'eût pas été si loin en arrière. Ce qu'il est juste de reprocher à Napoléon, ce n'est pas d'avoir mal livré la bataille, que personne certainement n'aurait mieux livrée que lui, mais de s'être mis dans une position où, assailli de tous les côtés à la fois, obligé de faire face en même temps à toute espèce d'ennemis, il ne pouvait exactement deviner celui qui, à chaque instant donné, serait le plus pressant, et exigerait l'emploi de ses forces disponibles. C'est sa conduite générale et non pas sa conduite particulière dans cette journée, qu'il faut, cette fois comme tant d'autres, blâmer sévèrement[27]. Napoléon allait dans la prochaine bataille se trouver avec 150 mille hommes en présence de 300 mille. Quoi qu'il en soit, la position de Napoléon était tout à coup devenue des plus périlleuses, dès qu'il n'avait pas rejeté loin de lui l'armée de Bohême, afin de se reporter le lendemain sur celles de Silésie et du Nord. Sans doute il pouvait se dire que l'ennemi avait cruellement souffert, et que ses pertes lui ôteraient peut-être le courage de recommencer le combat. C'était possible à la rigueur, et même vraisemblable, si de nouveaux renforts n'avaient pas dû survenir; mais avec l'ardeur qui animait les coalisés, avec l'apparition certaine de Bernadotte sous un jour ou deux, avec l'arrivée probable de l'armée de Benningsen, la légère espérance qu'ils ne continueraient pas cette terrible bataille, n'était plus que la faible branche à laquelle s'attache le malheureux roulant dans un abîme. Tandis que les coalisés étaient presque assurés de recevoir cent mille hommes, à peine Napoléon en attendait-il quinze mille sous Reynier, dont les deux tiers de Saxons fort douteux, ce qui devait porter ses forces, réduites de 26 ou 27 mille hommes par la journée du 16, à 165 mille hommes présents, et environ à 150 mille hommes sûrs; et pouvait-il se flatter, si 300 mille ennemis lui tombaient sur les bras, ennemis acharnés, se battant avec fureur, de leur faire face avec 150 mille soldats, héroïques sans doute, mais ayant en tête des adversaires que le patriotisme rendait leurs égaux au feu?

Napoléon pour voir les choses de plus près, parcourt le 17 au matin toute l'étendue du champ de bataille. Il n'était pas possible que Napoléon se dissimulât cette situation. Espérant la veille encore, qu'après avoir battu la principale des armées coalisées, il aurait bon marché des deux autres, il dut éprouver une sensation bien amère en voyant à la chute du jour une bataille indécise, qui, au lieu de le dégager, l'enfermait au contraire dans les bras d'une espèce de polype composé d'ennemis de toute sorte. Toutefois, pour croire à une situation si nouvelle et si désolante, il fallait qu'il considérât encore la chose de plus près. Après avoir pris à peine quelques heures de repos, il monta à cheval le 17 au matin pour parcourir le champ de bataille. Il le trouva horrible, bien qu'en sa vie il en eût contemplé de bien épouvantables. Une morne froideur se montrait sur tous les visages. Murat, le major général Berthier, le ministre Daru l'accompagnaient. Nos soldats étaient morts à leur place, mais ceux de l'ennemi aussi! Et s'il y avait certitude de ne pas reculer dans une seconde bataille, il y avait certitude presque égale que les coalisés ne reculeraient pas davantage. Or, une nouvelle lutte où nous resterions sur place, et où nous ne gagnerions rien que de n'être pas arrachés de notre poste, en voyant le cercle de fer formé autour de nous se resserrer de plus en plus, et les issues demeurées ouvertes jusque-là se fermer l'une après l'autre, une nouvelle lutte dans ces conditions ne nous laissait d'autre perspective que celle des Fourches Caudines. Tout le monde le sentait, personne n'osait le dire. Murat, dont le cœur excellent cherchait une consolation à offrir à Napoléon, répéta plusieurs fois que le terrain était couvert des morts autrichiens, prussiens et russes, que jamais, excepté à la Moskowa, on n'avait fait une pareille boucherie des ennemis, ce qui était vrai. Mais il en restait assez, et en tout cas il allait en venir assez, pour réparer les brèches de cette muraille vivante qui s'élevait peu à peu autour de nous. Après avoir bien observé la situation, il songe lui-même à battre en retraite. La retraite immédiate par la route de Lutzen, pour ne pas laisser fermer bientôt l'issue de Lindenau, était donc la seule résolution à prendre. Napoléon se promenant à pied avec ses lieutenants, sous un ciel triste et pluvieux, au milieu des tirailleurs qui faisaient à peine entendre quelques coups de feu, tant la fatigue était grande des deux côtés, prononça lui-même et le premier le mot de retraite, que personne n'osait proférer. On le laissa dire avec un silence qui cette fois était celui de la plus évidente approbation. Objections graves qui s'élèvent contre cette résolution. Cependant la retraite offrait aussi de graves inconvénients. La bataille que nous venions de livrer pouvait, sans mentir autant que nos ennemis, s'appeler une victoire, car nous avions sans cesse ramené, refoulé les coalisés sur leur terrain, et nous leur en avions même enlevé une partie. Néanmoins ce qui lui donnerait sa vraie signification, ce serait comme à Lutzen, comme à Bautzen, l'attitude du lendemain. Si nous nous retirions, la bataille serait une défaite. C'était donc avouer tout à coup au monde que nous avions été vaincus dans une journée décisive, lorsque nous avions au contraire écrasé l'ennemi partout où il s'était présenté! En vérité l'aveu était cruel à faire. Mais ce n'était pas tout. Les 170 mille Français laissés à Dresde, Torgau, Wittenberg, Magdebourg, Hambourg, Glogau, Custrin, Stettin, Dantzig, comme base d'un édifice de grandeur qu'on s'était flatté de relever en une bataille, qu'allaient-ils devenir? Il y avait dans le nombre bien des malades, bien des écloppés, mais il était possible d'en tirer 100 à 120 mille soldats excellents, qui, se joignant à ceux qui restaient, rendraient invincible la frontière du Rhin. Pourraient-ils se grouper, et former successivement une masse qui sût se rouvrir par Hambourg et Wesel le chemin de la France? C'était une grande question. Le maréchal qui commandait à Dresde, seul en position de commencer ce mouvement, avait assez d'esprit pour en concevoir le projet, aurait-il assez d'audace pour l'exécuter?

Battre en retraite, c'était donc à l'aveu d'une défaite ajouter une perte irréparable, perte qui était la suite d'une immense faute, celle d'avoir voulu garder jusqu'au bout les éléments d'une grandeur impossible à refaire, perte enfin désolante, quelle qu'en fût la cause. On ne peut blâmer Napoléon d'avoir consumé en affreuses perplexités la journée du 17, sans juger bien légèrement les mouvements du cœur humain. Se déclarer soi-même vaincu dans une rencontre générale, abandonner tout de suite 170 mille Français laissés dans les places du Nord, sans quelques heures de méditation, de regrets, d'efforts d'esprit pour tâcher de trouver une autre issue, était un sacrifice qu'il serait peu juste de demander à quelque caractère que ce soit. Nécessité d'attendre au moins toute la journée du 17 pour recueillir Reynier resté en arrière. De plus, il y avait un autre sacrifice, et bien cruel à faire en se retirant tout de suite, c'était celui de Reynier, qui marchait en ce moment entouré d'ennemis, et qui ne pouvait arriver que dans la journée du 17. Il fallait donc de toute nécessité temporiser pendant la plus grande partie de cette journée. Alors, après vingt-quatre heures passées devant les armées de la coalition, on pourrait dire qu'on les avait attendues longtemps comme dans un duel, et que les ayant attendues vainement, on avait décampé pour regagner une ligne plus avantageuse. D'ailleurs, il fallait bien accorder un peu de repos à des soldats accablés de fatigue; il fallait bien rendre quelque ensemble à des corps désorganisés par le combat, approvisionner avec le grand parc les parcs de chaque corps épuisés de munitions, toutes choses indispensables si en se retirant on avait l'ennemi sur les bras. Le meilleur parti à prendre serait de rester toute la journée du 17 sur le champ de bataille, et de décamper dans la nuit du 17 au 18. Attendre une journée, et décamper la nuit suivante, était évidemment la seule conduite qui dût convenir à Napoléon, la seule qu'on pût même lui conseiller, mais à la condition de l'adopter résolûment, de tout préparer pour qu'à la chute du jour la retraite commençât, et que le 18 au matin les coalisés n'eussent devant eux que d'insaisissables arrière-gardes.

Malheureusement les perplexités de Napoléon furent extrêmes. Un immense orgueil mis à la plus terrible des épreuves, et s'appuyant au surplus dans sa résistance sur des raisons très-fortes, le retint toute la journée presque sans rien prescrire. Tantôt seul, tantôt accompagné de Murat, du prince Berthier, de M. Daru, il se promenait, sombre, soucieux, à chaque instant se répétant douloureusement qu'il fallait battre en retraite, mais n'en pouvant prendre la résolution, et aimant à croire que l'ennemi demeuré immobile pendant cette journée, ne l'attaquerait point le lendemain, et que Schwarzenberg, usant d'une vieille maxime fort en renom chez les capitaines sages, ferait un pont d'or à l'adversaire qui voulait se retirer. Il pourrait alors défiler à travers Leipzig d'une manière imposante, changeant sans être vaincu sa base d'opérations. Vaine espérance, dont son esprit avait besoin, et dont il se nourrit quelques heures!

Napoléon mande auprès de lui M. de Merveldt, fait prisonnier la veille, afin de jeter en avant quelques idées d'armistice. Dans cet état, il imagina de mander auprès de lui M. de Merveldt, qui avait été fait prisonnier la veille à Dölitz, qu'il connaissait depuis longtemps, et qui était un militaire d'infiniment d'esprit. Il voulait avec art le questionner sur les dispositions des coalisés, lui faire certaines insinuations tendantes à la paix, le charger même d'une proposition d'armistice, puis le renvoyer libre au camp des souverains, pour les amener peut-être à perdre un jour en hésitations, et pour provoquer de leur part quelque ouverture acceptable. Voilà où il en était arrivé pour avoir refusé d'écouter M. de Caulaincourt deux mois auparavant, lorsqu'on négociait à Prague!

Curieux entretien avec M. de Merveldt. Vers deux heures de l'après-midi il reçut M. de Merveldt[28], auquel on avait rendu son épée. Il l'accueillit avec courtoisie, et le complimenta relativement à la tentative faite contre le pont de Dölitz, bien qu'elle eût mal réussi; puis il lui dit qu'en mémoire de son mérite, de ses anciennes relations avec le quartier général français, il allait le renvoyer sur parole, ce dont le général autrichien le remercia fort. Amenant ensuite la conversation sur le sujet qui l'intéressait, Napoléon lui demanda si en attaquant ils avaient su qu'il était présent sur les lieux.--Le général Merveldt ayant répondu que oui, Napoléon lui répliqua: Vous vouliez donc cette fois me livrer bataille?--Le général Merveldt ayant répondu de nouveau, avec respect mais avec fermeté, que oui, parce qu'ils étaient résolus à terminer par une action sanglante et décisive cette longue lutte, Napoléon lui dit: Mais vous vous trompez sur mes forces; combien croyez-vous que j'aie de soldats?--Cent vingt mille au plus, repartit M. de Merveldt.--Eh bien, vous êtes dans l'erreur, j'en ai plus de deux cent mille.--On a vu, par ce qui précède, de combien se trompaient l'un et l'autre interlocuteur, mais l'un par ignorance, l'autre par calcul. Et vous, reprit Napoléon, combien en avez-vous?--Trois cent cinquante mille, dit M. de Merveldt.--Ce chiffre n'était pas très-éloigné de la vérité. Napoléon ayant avoué qu'il n'en avait pas supposé autant, ce qui expliquait du reste la situation où il s'était mis, ajouta avec sang-froid et un semblant de bonne humeur: Et demain, m'attaquerez-vous?--M. de Merveldt répondit avec la même assurance que les coalisés combattraient infailliblement le lendemain, résolus qu'ils étaient à acheter leur indépendance au prix de tout leur sang.--Napoléon dissimulant son impression, rompit le cours de l'entretien, et dit à M. de Merveldt: Cette lutte devient bien sérieuse, est-ce que nous n'y mettrons pas un terme? Est-ce que nous ne songerons pas à faire la paix?--Plût au ciel que Votre Majesté la voulût! s'écria le général autrichien, nous ne demandons pas un autre prix de nos efforts! nous ne combattons que pour la paix! Si Votre Majesté l'eût désirée, elle l'aurait eue à Prague il y a deux mois.--Napoléon, alléguant ici de fausses excuses, prétendit qu'à Prague on n'avait pas agi franchement avec lui; qu'on avait usé de finesse, qu'on avait cherché à l'enfermer dans un cercle fatal, que cette manière de traiter n'avait pu lui convenir, que l'Angleterre ne voulait point la paix, qu'elle menait la Russie et la Prusse, qu'elle mènerait l'Autriche comme les autres, et que c'était à cette dernière à travailler à la paix si elle la souhaitait sincèrement.--M. de Merveldt, après avoir affirmé qu'il parlait pour son compte, et sans mission (ce qui était vrai, mais ce qui n'empêchait pas qu'il ne fût instruit de tout), soutint que l'Angleterre désirait la paix, qu'elle en avait besoin, et que si Napoléon savait faire les sacrifices nécessaires au bonheur du monde et de la France, la paix serait conclue tout de suite.--Des sacrifices, s'écria Napoléon, je suis prêt à en faire! et afin de donner à croire qu'il n'avait tenu à garder certaines possessions en Allemagne qu'à titre de gages, et pour s'assurer la restitution de ses colonies, il ajouta: Que l'Angleterre me rende mes colonies, et je lui rendrai le Hanovre.--M. de Merveldt ayant indiqué que ce n'était pas assez, Napoléon laissa échapper un mot qui, prononcé au congrès de Prague, aurait changé son sort et le nôtre.--Je restituerai, dit-il, s'il le faut, les villes anséatiques...--Malheureusement il était trop tard. Kulm, la Katzbach, Gross-Beeren, Dennewitz, Wachau, avaient rendu ce sacrifice insuffisant. M. de Merveldt exprima l'opinion que pour obtenir la paix de l'Angleterre il faudrait consentir au sacrifice de la Hollande. Napoléon se récria fort, dit que la Hollande serait dans les mains de l'Angleterre un moyen de despotisme maritime, car l'Angleterre, il le savait bien, voulait le contraindre à limiter le nombre de ses vaisseaux.--C'était une idée singulière, qui avait pu traverser certains esprits, mais que jamais le cabinet britannique n'avait sérieusement regardée comme proposable.--Si vous prétendez, Sire, reprit M. de Merveldt, joindre aux vastes rivages de la France ceux de la Hollande, de l'Espagne, de l'Italie, alors comme aucune puissance maritime n'égalerait la vôtre, il se pourrait qu'on songeât à imposer une limite à l'étendue de vos flottes; mais Votre Majesté, si difficile en fait d'honneur, aimera mieux sans doute abandonner des territoires dont elle n'a pas besoin, que subir une condition dont je comprends qu'elle repousse jusqu'à l'idée.--

De cet entretien Napoléon put conclure que tandis qu'il aurait deux mois auparavant obtenu la paix en sacrifiant seulement le duché de Varsovie, le protectorat du Rhin, et les villes anséatiques, il lui faudrait maintenant abandonner en outre la Hollande, la Westphalie, l'Italie, celle-ci toutefois à la condition de la laisser indépendante de l'Autriche comme de la France. Certes la France avec le Rhin, les Alpes, les Pyrénées, restait bien encore assez belle, aussi belle qu'on la pouvait désirer! Sur tous ces objets Napoléon parut admettre qu'à la paix générale il faudrait consentir à de grands sacrifices, et se montra même plus disposé à les accorder qu'il ne l'était véritablement. Mais la paix l'occupait bien moins que l'espérance, malheureusement très-vague, d'un armistice. C'était à cette conclusion qu'il aurait voulu amener son interlocuteur.--Je n'essaye pas, dit-il à M. de Merveldt, de vous parler d'armistice, car vous prétendez vous autres que j'ai le goût des armistices, et que c'est une partie de ma tactique militaire. Pourtant il a coulé bien du sang, il va en couler beaucoup encore, et si nous faisions tous un pas rétrograde, les Russes et les Prussiens jusqu'à l'Elbe, les Autrichiens jusqu'aux montagnes de la Bohême, les Français jusqu'à la Saale, nous laisserions respirer la pauvre Saxe, et de cette distance nous pourrions traiter sérieusement de la paix.--M. de Merveldt répondit que les alliés n'accepteraient point la Saale pour ligne d'armistice, car ils espéraient aller cet automne jusqu'au Rhin.--Me retirer jusqu'au Rhin! reprit fièrement Napoléon; il faudrait que j'eusse perdu une bataille, or je n'en ai point perdu encore! Cela pourra m'arriver sans doute, car le sort des armes est variable, vous le savez, monsieur de Merveldt (celui-ci était venu jadis implorer des armistices après Léoben et après Austerlitz); mais ce malheur ne m'est point arrivé, et sans bataille perdue je ne vous abandonnerai pas l'Allemagne jusqu'au Rhin...--Partez, ajouta Napoléon, je vous accorde votre liberté sur parole; c'est une faveur que j'accorde à votre mérite, à mes anciennes relations avec vous; et si de ce que je vous ai dit vous pouvez tirer quelque profit pour amener une négociation, ou au moins une suspension d'armes qui laisse respirer l'humanité, vous me trouverez disposé à écouter vos propositions.--

Napoléon espère que les paroles dont il charge M. de Merveldt jetteront quelque hésitation dans l'esprit des coalisés. Cet entretien singulier, dans lequel on voit l'art que Napoléon avait de se dominer, lorsqu'il s'en donnait la peine, avait eu pour but, on le devine, de savoir au juste ce qu'il devait attendre des coalisés le lendemain, et de faire naître, s'il était possible, quelque hésitation parmi eux, en proférant à l'égard de la paix des paroles qui jamais n'étaient sorties de sa bouche. S'ils avaient été aussi maltraités que Napoléon le supposait (et maltraités, ils l'étaient fort, mais ébranlés, point du tout), ils pouvaient trouver dans ces paroles une raison de parlementer, et lui le temps le changer de position.

Vers la fin du 17, on voit à l'horizon paraître de nouvelles colonnes ennemies. La fin du jour ne fit que jeter de nouvelles et tristes lumières sur cette situation. On vit de fortes colonnes apparaître sur la route de Dresde, et les rangs de l'armée de Schwarzenberg s'épaissir considérablement. Du haut des clochers de Leipzig on discerna clairement l'armée de Bernadotte qui arrivait vers le nord. L'horizon était enflammé de mille feux. Le cercle était presque fermé autour de nous, au sud, à l'ouest, au nord. Il n'y avait qu'une issue encore ouverte, c'était celle de l'est, à travers la plaine de Leipzig, car Blucher jusqu'ici n'avait pu dans cette plaine si vaste étendre son bras vers Schwarzenberg. Mais cette issue, la seule qui nous restât, menait à l'Elbe et à Dresde, où il n'était plus temps d'aller. Napoléon, faisant un dernier effort sur lui-même, prit enfin le parti de la retraite, parti qui lui coûtait cruellement, non-seulement sous le rapport de l'orgueil, mais sous un rapport plus sérieux, celui du changement d'attitude, celui surtout du sacrifice de 170 mille Français laissés sans secours, presque sans moyen de salut, sur l'Elbe, l'Oder et la Vistule.

Napoléon se décide à se retirer sur la Saale, mais il veut faire une retraite imposante, en arrêtant les coalisés s'ils essayent de poursuivre l'armée française. Malheureusement il se décida trop tard et trop incomplétement. Au lieu d'une retraite franchement résolue, et calculée dès lors dans tous ses détails, devant commencer dans la soirée du 17, et être achevée le 18 au matin, il voulut une retraite imposante, qui n'en fût presque pas une, et qui s'exécutât en plein jour. Il arrêta qu'au milieu de la nuit, c'est-à-dire vers deux heures, on rétrograderait concentriquement sur Leipzig, et l'espace d'une lieue; que Bertrand avec son corps, Mortier avec une partie de la jeune garde, iraient par Lindenau s'assurer la route de Lutzen; que le jour venu on défilerait, un corps après l'autre, à travers Leipzig, repoussant énergiquement l'ennemi qui oserait aborder nos arrière-gardes. Une pareille marche, en nous tirant d'une fausse position, aurait ainsi l'aspect d'un changement de ligne, plutôt que celui d'une retraite.

Napoléon se croyait encore si imposant, qu'il n'imaginait pas qu'on pût troubler une semblable retraite. Il l'était encore beaucoup sans doute, mais pour la passion enivrée de subites espérances, il n'y a rien d'imposant, et c'était une passion de ce genre qui animait alors les coalisés. Telles furent les résolutions de Napoléon pour la nuit du 17 au 18.

_________________
"Tant que les Français constitueront une Nation, ils se souviendront de mon nom."

Napoléon.


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