Le 8 Frimaire (An XIII) - 1804, le Sous-Préfet de Toulon adressa à M. Raimondis, Maire de La Seyne la lettre suivante :
"
Je vous annonce que le sacre et le couronnement de Sa Majesté l'Empereur sont fixés au XI de ce mois, jour de Dimanche. Vous annoncer les cérémonies qui vont avoir lieu, c'est vous dire qu'il doit être célébré ce jour-là, une fête dans toutes les communes de l'Empire. En conséquence, vous voudrez bien, au reçu de la présente, vous occuper de faire tous les préparatifs nécessaires pour la célébration de cette fête auguste afin qu'elle ait lieu, dans votre commune, avec toute la pompe dont elle est susceptible." Rien ne doit être épargné, Monsieur, pour que le peuple puisse témoigner sa joie et sa reconnaissance au chef de l'État à qui il doit, à juste titre, tant de bienfaits, de l'avoir tiré de l'abîme où il était plongé et de l'avoir mis dans l'avenir heureux que lui présente le commencement de son règne.
" Votre zèle me garantit d'avance que vous ne négligerez rien pour donner à cette fête, soit par des danses, courses, jeux... tout l'éclat qu'elle mérite."
Vous voudrez bien dresser procès-verbal de tout ce qui aura été fait et m'en adresser copie dans les vingt-quatre heures qui suivront cette fête et m'accuser réception de la présente "Le Sous-Préfet
M. Raymondis donna entièrement satisfaction à la circulation préfectorale. On dansa devant la Mairie illuminée, enguirlandée.
On organisa des réjouissances diverses Place du Marché et Place Bourradet.
On pavoisa les rues principales et nos concitoyens découvrirent que les drapeaux tricolores à la fleur de lys des Bourbons, ainsi que ceux portant le fer de lance et le coq gaulois de la Ie République, avaient été remplacés par des drapeaux à l'Aigle impérial.
Nous étions en 1804, et personne alors ne pouvait se douter que dix ans après, il n'y aurait plus d'Empire, plus de grande Armée, plus de victoires à célébrer...
En attendant, nos édiles recevaient des circulaires et des arrêtés préfectoraux leur enjoignant d'appliquer des mesures novatrices, comme par exemple les mariages de militaires avec des jeunes filles de la localité avec attribution d'une dot de 600 francs-or , accordée aux jeunes époux.
Ces mariages étaient ordonnés par sa majesté l'Empereur à l'occasion de son propre mariage à Paris avec Marie-Louise d'Autriche.
Autre exemple significatif : le mariage des rosières, prévu pour récompenser la sagesse et la vertu chez les jeunes filles les plus méritantes des communes de France, désirant se marier.
La lecture du document ci-joint présente cette particularité ; il a été extrait des délibérations du Conseil municipal, Monsieur Joseph Jean Raymondis étant Maire.
Le 16 novembre 1810L'an 1810 et le 16 novembre à 10 heures du matin, le Conseil municipal de la ville de La Seyne a été extraordinairement convoqué, en exécution des dispositions de la lettre de M. le Sous-Préfet de l'arrondissement de Toulon en date du 10 du courant sous le n° 2028 , et en vertu de l'invitation qui en a été faite par M. le Maire à chacun des membres.
M. le Maire et Président du Conseil a fait faire lecture de la lettre précitée de M. le Sous-Préfet portant que d'après les intentions de sa majesté l'Empereur et Roi, il doit être marié dans cette ville de La Seyne le premier dimanche de décembre deux dudit mois, une fille honnête, aux frais de la ville - à l'occasion de l'anniversaire de son couronnement et de la bataille d'Austerlitz - et que la somme de 600 francs est affectée dans le budget de 1810 pour la dotation de cette rosière (1) qui doit être choisie par le Conseil séant pour être mariée ledit jour.
Cette lecture étant terminée, M. le Maire a dit :
" Messieurs ! J'ai l'honneur de proposer au Conseil pour être mariée le 2 décembre prochain une fille honnête de cette ville, laquelle mérite sous plusieurs rapports d'être choisie et préférée parmi toutes celles qui auraient quelque prétention à la dotation dont s'agit. Cette fille s'appelle Thérèse Marguerite Gasel. Elle est née à La Seyne le 13 novembre 1790. Elle est fille mineure de feu Pierre Félix Gasel, vivant, calfat marin de cette ville et de Thérèse Hermitte.
" Vous savez tous, Messieurs que ledit feu Gasel, décédé depuis plusieurs années, délaissa une famille composée de sept enfants, la plupart encore très jeunes et que la fille aînée dudit feu Gasel a contribué essentiellement par son travail et sa bonne conduite au soutien de sa famille.
" Ces bonnes qualités, Messieurs, m'ont déterminé à proposer ladite fille Gasel pour le choix de laquelle vous voudrez bien délibérer et faire les observations que vous jugerez convenables.
" J'ai encore l'honneur de vous proposer pour être l'époux de ladite Gasel le nommé Pierre Sylvestre Laugier ouvrier marin natif des Martigues, Département des " Bouches-du-Rhône ", âgé de 22 ans, fils mineur en fait de mariage de Jean Joseph Laugier, boulanger audit Martigues et de Catherine Margaillan.
" Ce jeune homme est porteur d'un certificat qui lui a été délivré par Monsieur Lauzet ex-capitaine, commandant la 3e compagnie du 1er, Bataillon du Régiment de Toulon, constatant que ledit Laugier a servi audit Corps avec honneur et zèle depuis le 1er février 1807 jusqu'au 31 juillet 1810, et qu'il a mérité l'estime de ses chefs par sa bonne conduite.
" Je me suis assuré au surplus que ledit Laugier et ladite Gasel se sont promis en mariage depuis plusieurs années de l'aveu de leurs parents.
" Sur quoi le Conseil municipal de la ville de La Seyne pleinement convaincu de la vérité de l'exposé fait par Monsieur le Maire, et après avoir pris connaissance du certificat constatant le service dudit Laugier, a unanimement délibéré de faire choix pour être mariés le premier dimanche de décembre prochain, deux dudit mois, à l'occasion de l'Anniversaire du Couronnement de Sa Majesté Impériale et de la " bataille d'Austerlitz ". Ledit Pierre Sylvestre Laugier, natif des Martigues et de Catherine Margaillan, d'une part et Thérèse Marguerite Gasel née audit La Seyne, le 13 novembre 1790, fille mineure de feu Pierre Félix Gasel, vivant calfat marin et de Thérèse Hermitte d'autre part.
" Extrait de la présente délibération sera transmis à Monsieur le Préfet par l'intermédiaire de M. le Sous-Préfet avec la prière de la faire revêtir de son approbation ".
Suivirent, les signatures de 27 conseillers municipaux.
On imagine l'ambiance fiévreuse, qui devait régner dans la population, lors de telles cérémonies...
Les édiles du moment cherchaient toujours à être agréables au pouvoir impérial qui les avait choisis.
