Fouché a écrit :
1° Est-on certain que Cipriani est bien mort en 1818 à Sainte-Hélène ?
Le clavier n'est pas réparé, mais j'emploie une autre méthode. Avec mes excuses pour ce contre-temps. je vais essayer de compléter ce qu'a dit CC.
On est certain de la mort de Cipriani. Trois médecins anglais se sont penchés à son chevet: O'Meara, les Dr Baxter et Henry du 66ème. Le Révérend Boys, assisté de son adjoint, le père Vernon ont veillé Cipriani dans la nuit du 27 au 28 février 1818. Ce même Boys a dû être témoin de la prise de l'empreinte du visage de Cipriani par O'Meara. C'est pourquoi à la fin des années 1820, il exhibera à son tour son masque, en tout point semblable à celui d'Antommarchi...
Fouché a écrit :
En admettant la substitution :
2° Pourquoi charger Hudson Lowe de la mission sans risquer d'éveiller des soupçons connaissant les liens existant entre Napoléon, Lowe et Sainte-Hélène ?
En ce domaine, rien n'est sûr! Cette thèse, c'est celle de Georges Rétif de la Bretonne: pas la mienne... Mais je la juge assez vraisemblable: elle est fondée sur l'étrange voyage de Hudson Lowe en 1828. Ce dernier quitte le commandement des troupes anglaises à Ceylan, sous le prétexte de rentrer en Angleterre pour intenter un procès à Walter Scott. Cette histoire pue l'alibi: n'importe quel bon Lawyer d'Angleterre aurait pu s'en charger. Et Hudson s'embarque sans ordre de son gouvernement, se contentant d'aviser le Gouverneur de Ceylan et sans attendre son accord...
Il séjourne 5 jours à Sainte-Hélène, fait du tourisme (officiellement) et ramène le corbillard de Napoléon avec lui. Il le déposera à l'académie militaire de Woolwich et rencontre Bathurst puis Wellington qui est devenu 1er ministre. Celui-ci le somme de regagner son poste: Lowe ne séjourne que 15 jours en Angleterre. A-t-il, oui ou non, rencontré Georges IV ? C'est ce que Rétif a affirmé, c'est ce que je n'ai pu démontrer. Tout ceci, il faut l'admettre, est bien étrange... Le corbillard -redécoré pour l'occasion- était la cachette idéale pour dissimuler un cercueil...
Mais il n'est pas impossible que la substitution se soit faite avant: c'est la thèse de Laumann, développée dans un article de novembre 1919, dans Paris-Magazine. En ce sens, je note que le yacht de Georges IV attendait le Camel dans le port de Porsmouth, en juillet 1821. Les deux navires furent bord à bord pendant quelques heures: le temps de procéder au transfert d'un précieux chargement ?
Fouché a écrit :
3° Pourquoi choisir le corps de Cipriani et pas un autre?
Là encore, je ne suis pas affirmatif à 100%: n'importe quel corps aurait pu convenir, pourvu qu'il ressemblât un tant soit peu à Napoléon. Mais, en admettant que le masque dit d'Antommarchi soit bien celui de Cipriani, il était tentant de mettre le corps de celui dont les Français avaient utilisé le visage pour laisser à la postérité un beau masque...
Fouché a écrit :
En supposant que le gouvernement britannique aient envisagé la restitution des cendres de Napoléon à la France :
4° Pourquoi ne pas avoir pris toutes les précautions nécessaires à l'intérieur de la tombe de Napoléon ?
Cette restitution des Cendres n'était pas envisageable du temps des Boubons. Les Anglais l'avaient dit à Mme Mère: avec un certain cynisme, Georges IV lui avait fait répondre que les Anglais ne se considéraient pas comme propriétaire du corps de Napoléon, qu'ils le restitueraient à la demande du gouvernement Français. En ce sens, les 3 Glorieuses sont survenues un peu trop tôt !!!
Ceci peut expliquer que les acteurs de la supercherie n'aient pas été très précis dans l'habillement du faux Napoléon. Probablement se sont-ils fiés au seul témoignage connu en 1825: celui d'Antommarchi, qui comporte de nombreuses erreurs...
Fouché a écrit :
5° Pourquoi n'avoir mis personne à la place de Cipriani ?
Il semble que personne n'ait demandé le retour des Cendres de Cipriani entre 1821 et 1840. En tout cas, aucun des compagnons d'exil de Napoléon ne s'en ait soucié en mai 1821. Curieux, n'est-ce pas ? Mais, se préoccupe-t-on de la dépouille d'un traître ? Les coupables ont noté le désintérêt des Français pour Cipriani: après tout, n'était-il pas devenu leur homme ?!
Fouché a écrit :
6° Pourquoi prendre le risque de mettre Cipriani à la place de l'Empereur, sachant que les anglais ne devait pas douter qu'il faudra un jour restituer les dépouilles de tous les ressortissant français mort à Sainte-Hélène c'est à dire Napoléon et Cipriani?
Je pense avoir répondu. Je le répète, en 1840, personne n'a posé de questions sur Cipriani. Parce que ceux des Français qui "savaient" devaient se taire, et que les autres ne connaissaient pas Cipriani. C'est à partir de 1926 (date de parution des Souvenirs d'Ali) que l'on commence à s'intéresser à Cipriani... On en apprendra un peu plus grâce aux mémoires de Marchand, publiés en 1955 seulement !
Fouché a écrit :
En supposant que le gouvernement britannique n'aient pas envisagé la restitution des cendres de Napoléon à la France :
7 ° Pourquoi alors avoir pris assez de précautions pour qu'aucun des témoins de 1840 n'ait eut à contester l'identification ayant été faite au moment de l'exhumation ?
Ces précautions dataient d'avant 1830. La chute des Boubons paraissait très lointaine. Georges IV avait la ferme intention de soutenir ce régime aussi longtemps qu'il serait possible. Tant que les Bourbons régneraient, il n'y aurait pas de Retour des Cendres ! L'éventualité de vérifications approfondies pouvait paraître très hypothétique... Et les précautions que vous jugez insuffisantes aujourd'hui ont tout de même permis d'éviter le scandale jusqu'en 1969...
Fouché a écrit :
8° L'hypothèse de la substitution a surgit en 1969 suite à un ouvrage de M. Rétif de la Bretonne. Pourquoi personne, avant 1969, n'avait fait état d'une telle machination anglaise ? Aucun historiens, aucun contemporains, aucun témoins, pas même ceux à la fois de 1821 et 1840 entre autre Bertrand, Marchand ou Saint-Denis.
Vous êtes dans l'erreur; normal: vous n'avez pas lu mon livre! Dès 1840, des bruits ont circulé: le colonel Pol-Payard y a fait allusion dans une brochure du Musée de l'Armée dans les années 30. Laumann en 1919, le Dr Genella, auteur Louisianais, dans les années 20. L'Historien Albéric Cahuet, dans son roman à clefs: "le manteau de Porphyre", paru en 1928.
Et puis, vous omettez le refus hautement symbolique de Bertrand qui ne dépose pas l'épée d'Austerlitz sur le cercueil déposé aux Invalides en 1840! Quel aveu !
Quant à Cipriani, qui aurait prêté son visage pour immortaliser l'effigie impériale, c'est Madame Pardee qui -la première- a soulevé cette hypoyhèse en 1934... Georges Rétif de la Bretonne a été le premier à relier ensemble ces éléments.
Fouché a écrit :
9° On oublie souvent de dire que le corps de l'Empereur était dans un bon état de conservation lors de l'exhumation, sans doute dû aux précautions prises en 1821 lors de l'ensevelissement. Je doute qu'on ait pris les mêmes précautions concernant la sépulture de Cipriani en 1818. S'il y a eu substitution en 1828, comment a-t-on pu trouver une dépouille de Cipriani dans un état suffisamment bon pour que tout le monde n'y voit que du feu en 1840 ?
C'est là le point faible de la thèse de Rétif: je dois l'admettre. Cependant, il n'est pas impossible que lui aussi ait été enterré dans un cercueil en fer-blanc. On parle d'une simple caisse en bois comme cercueil. N'est-ce pas un peu juste ? Il est établi que les officiers anglais morts en mer ou dans les colonies, pouvaient bénéficier d'un "rapatriement" à partir des années 1816-1817, dans un cercueil de fer-blanc. Ce mode de conservation s'apparente en effet à la boîte de conserve (procédé d'Appert perfectionné par un Anglais)!
Autre possibilité: les Anglais -convaincus que Cipriani aurait été assassiné sur l'ordre de Napoléon- ont voulu procéder à son autopsie. Après coup, ils ont voulu conserver son cadavre comme une pièce à conviction: indice qui va en ce sens, les intestins conservés au collège royal des chirurgiens d'Angleterre et présentés comme ceux de Napoléon. O'Meara dira à leur propos: "qu'ils n'avaient pas la provenance qu'on leur assignait..."!