Inscription : 13 Nov 2007 13:45 Message(s) : 1918
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... Un jour, le télégraphe annonça qu'un émisssaire de Pitt venait de descendre à Boulogne, et qu'il sollicitait l'autorisation de se rendre à Paris pour transmettre au gouvernement des communications fort importantes ; c'était un certain Marseria, Corse de nation, qui avait fait ses études pour être prêtre, puis avait jeté le froc aux orties avant son ordination...
Admis à l'audience du Premier Consul, il commença ainsi :
"Je suis porteur de lettres de Pitt, ...
"Mon cher Marseria, interrompit aussitôt le Premier Consul, gardez vos lettres, que je ne veux même pas voir ; je n'ai rien de particulier à démêler avec cet Anglais. Je vous reçois avec plaisir, comme compatriote, mais non à titre d'envoyé."
Marseria reprit :
"Vous vous faites une idée exagérée, injuste, des prétentions de l'Angleterre à votre égard ; l'Angleterre n'a rien contre vous personnellement. Elle ne tient pas à la guerre qui la fatigue et la ruine. Elle en achètera même volontiers la fin au prix de concessions que, sans doute, vous n'espérez pas ; mais, pour vous donner la paix, elle vous impose une condition, une seule ; c'est que vous l'aidiez à l'établir chez elle" ...
"Mais, répliqua Napoléon, eh! qu'ai-je à faire en Angleterre ? Ce n'est pas mon rôle, je suppose, d'y mettre la concorde ; d'ailleurs, je ne vois pas comment je le pourrais"...
"Plus aisément que vous ne pensez, continua Marséria, en pesant ses paroles ; l'Angleterre est déchirée par des discordes intestines. Ses institutions se minent peu à peu, une sourde lutte la menace, et jamais elle n'aura de tranquillité durable, tant qu'elle sera divisée entre deux cultes. Il faut que l'un des deux périsse ; il faut que ce soit le catholicisme. Et, pour aider à le vaincre, il n'y a que vous. Etablissez le protestantisme en France, et le catholicisme est détruit en Angleterre. Etablissez le protestantisme en France, et, à ce prix, vous avez une paix telle assurément que vous la pouvez souhaiter..."
"Marseria, répliqua Napoléon, rappelez-vous ce que je vais vous dire, et que vous pouvez rapporter comme ma réponse : Je suis catholique, et je maintiendrai le catholicisme en France, parce-que c'est la vraie religion, parce-que c'est la religion de l'Eglise, parce-que c'est la religion de la France, parce-que c'est celle de mon père, parce-que c'est la miene enfin ; et, loin de rien faire pour la détruire ailleurs, je ferai tout pour la raffermir ici."
"Mais remarquez donc, reprit vivement Marseria, qu'en agissant ainsi, en restant dans cette ligne, vous vous donnez des chaines invincibles,vous vous créez mille entraves. Tant que vous reconnaitrez Rome, Rome vous dominera, les prêtres domineront au-dessus de vous ; avec eux, vous n'aurez jamais raison à votre guise ; le cercle de votre autorité ne s'étendra jamais jusqu'à sa limite absolue, et subira au contraire de continuels empiètements ..."
"Marseria, il y a ici deux autorités en présence ; pour les choses du temps, j'ai mon épée, et elle suffit à mon pouvoir ; pour les choses du ciel, il y a Rome, et Rome en décidera sans me consulter ; elle aura raison ! C'est son droit."
"Mais, reprit de nouveau l'infatigable Marseria, vous ne serez jamais complètement souverain, même temporellement, tant que vous ne serez pas chef d'église, et c'est là ce que je vous propose ; c'est de créer une réforme en France, c'est-à-dire une religion à vous.."
"Créer une religion ! répliqua Napoléon en souriant ; pour créer une religion, il faut monter sur le Calvaire, et le Calvaire n'est pas dans mes desseins. Si une telle fin convient à Pitt, qu'il la cherche lui-même ; mais, pour moi, je n'en ai pas le goût". 
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