... Il faut faire vite, en effet, et c'est bien ainsi que notre Empereur compte "voler" de clocher en clocher ... Pourtant, le chemin ne sera pas des plus praticables !...
Renseigné sur l'identité du "Revenant", le marquis de Gourdon, maire de Grasse, réunit alors son Conseil Municipal dans la nuit ...
Là sont évoquer les possibilités d'armer la population et de barrer la route de Grasse à "l'Usurpateur" ...
Mais on ignorait si Napoléon prendrait la route de Grasse ou plutôt celle d'Aix.
Rencontrant un homme en chemin, Cambronne craignant qu'il ne s'agisse d'un espion, l'arrêta dans sa marche, et, devançant son peloton, entra seul à Grasse ...
Aussitôt plus de mille personnes se réunirent sur la place, alors que le maire interrogeait Cambronne à savoir au nom de quel souverain il venait faire des réquisitions.
Ayant répondu que c'était au nom de Napoléon, il lui répliqua :
-"Nous avons notre souverain, et nous l'aimons".
Cambronne se défendit d'être venu faire de la politique, ne réclamant que des vivres pour ses hommes.
Bon gré, mal gré, le maire s'exécuta, et pourtant, lorsque l'on y pense, rien n'eût été plus facile que de tuer ce brave Cambronne, avancé seul au milieu de la population !...
Car, en effet, il ne suffiait pas de dire "J'aime le roi" ; il fallait aussi le prouver ...
Quelque peu inquiet de ce qui pouvait se passer dans cette ville, Napoléon avait ralenti la marche...
Près du petit villahe de Mouan, il s'arrêta, en entendant les cloches sonner ; puis il repartit, après qu'il fût renseigné que l'on sonnait pour un enterrement ...
Arrivé à hauteur de Grasse, et instruit de l'agitation qui y régnait, il préféra contourner la ville, au lieu de la traverser, et fit une bonne halte sur le fameux plateau de Roccavignon, que gravirent de nombreuses personnes, les unes apportant du vin aux soldats, les autres offrant des fleurs à l'Empereur ...
Comme j'aurais aimé me trouver là, à cet instant précis, pour m'approcher de Lui, et, dissimulant maladroitement mon intense émotion, lui tendre la main pour lui donner ce petit bouquet de violettes qui fleurissaient en abondance en ce mois de Mars ...
Son regard, pour sûr, aurait porté mon trouble à son paroxysme, mais quel bonheur en aurais-je conservé alors !
Car il est intéressant de noter que, parmi cette population en alerte, il ne se trouvait pas que des royalistes.
Enfin, il se trouva parma la foule, un vieillard aveugle qui demanda à sa femme de le conduire près de l'Empereur ...et lui demanda la permission de lui baiser la main ...
En entendant ces mots chargés d'affection, l'Empereur embrassa le vieil homme.
Et c'est au bivouac de Grasse que, pour la première fois,Il ré-entendit les "Vive l'Empereur" criés par les Français ...
Imaginez un seul instant, ce moment d'intense émotion vécu par l'Empereur !
De Cannes à Grasse, le chemin emprunté par la colonne était fortement abîmé, qui ne servait qu'à la poste.
Puis, à Grasse, ce chemin s'arrêtait, et s'ensuivait pour continuer jusqu'à Grenoble, un petit sentier dans la montagne.
Pensant alors à la difficulté d'y faire passer les canons, et du retard qui en découlerait, Napoléon décida alors d'abandonner là son artillerie, avec d'autant moins de regrets que l'usage qu'il avait prévu d'en faire se situait plus dans l'intimidation que dans l'action.
Car, en effet, il savait pertinnemment que s'il devait subir le feu de l'armée française, ce n'était pas quelques boulets qui l'en protégerait.
Cette seconde partie de l'étape s'avéra des plus pénibles ...
Il fallait marcher au bord de précipices, par des sentiers le plus souvent escarpés et rendus glissants par la neige qui les recouvraient.
Les lanciers démontés avançaient avec peine, chargés de leurs éperons, de leurs lances, et portant encore en plus, selle et brides sur leurs épaules !
Quant au quelques cavaliers que l'on avait réussi à remonter à Cannes et à Grasse, ils n'étaient guère plus à l'aise, car ils devaient cheminer à côté de leur monture.
L'Empereur, malgré le bâton qu'il tenait à la main, tomba plusieurs fois ; à un moment donné, un soldat eût alors ce mot :
"-Il ne faut pas que Jean de l'Epée se donne une entorse ; il faut qu'auparavant il soit redevenu Jean de Paris".
Le 3 Mars, l'Empereur arriva à Castellane où le sous-Préfet et le Maire, troublés à la nouvelle de l'arrivée de Napoléon, réunit toutes les rations demandées par l'intermédiaire de Cambronne.
Napoléon obtint même des passeports en blanc, qu'il fit remplir au nom du chirurgien Emery, partant pour Grenoble, et de Pons partant pour Marseille.
Enfin, après avoir remercié les autorités de la ville, l'Empereur annonça au sous-Préfet qu'il le nommerait Préfet, dès son arrivée à Paris ...
L'heure était venue dde reprendre la route, pour trouver un gîte à Barrème avant la nuit ...
Ce fut une nouvelle étape de 46 kms, tout aussi pénible et périlleuse que la précédente, à travers les Alpes.
Il neigeait à gros flocons en cette fin de journée, rendue silencieuse dans son foid manteau blanc ...
C'est là qu'un des mulets du trésorier Peyrusse tomba dans un précipice, et se tua ...
Chargé de 300.000 Francs en or, seuls 263.000 Francs furent retrouvés...
En effet, les caisses s'étant brisées dans la chute brutale, c'est près de deux mille napoléons qui avient roulé dans le torrent ou s'étaienttrouvés éparpillés dans le creux des rochers ...
