Albertuk a écrit :
J'ai trouvé une copie de ce livre sur les rayons de ma bibliothèque... Il s'agit du livre L'énigme de Napoléon résolue par Candé-Montholon et Maury chez Albin Michel. J'ai juste regardé le chapitre 9 intitulé Comment Montholon s'est trahi. Le résultat n'est guère probant. Les auteurs n'ont vraiment aucune idée de ce qu'ils racontent sur Sainte Hélène.
Cher Albert: vous êtes le spécialiste de Sainte-Hélène vu par les Anglais; mais n'en profitez pas trop...
Il faudrait à mon sens que vous relisiez ce travail: il y a beaucoup d'erreurs factuelles (Jacques Macé s'en est d'ailleurs gaussé); à côté de cela, il y a certaines trouvailles qui ne laissent pas de provoquer un certain malaise! Et ne pas vous cantonner à ce chapitre 9.
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Ils supposent les inepties suivantes:
- Lowe soupçconnait un empoisonnement mais voulait le cacher
Sottises: si Lowe avait eu une telle certitude d'empoisonnement par un général français, il se serait empressé de le montrer au monde afin de se disculper de cet assassinat car il pouvait penser que, un jour ou l'autre, l'empoisonnement serait su par des dires d'autres personnes de Longwood. Le silence du gouverneur eut été une preuve de son implication. C'est mal connaitre Lowe que de penser qu'il se serait laissé impliqué de la sorte. De plus, si soupçon, il en aurait informé à Bathurst pour se protéger. Or il n'y a rien de rien dans ses rapports à ce sujet.
Vous êtes prisonnier des sources écrites. Mais "inepties" et "sottises" sont des termes exagérés à mon goût. Je pense que si empoisonnement il y a eu, les Anglais étaient fatalement au courant. Je suis toujours surpris de l'insistance de certains pour dire que l'on ne trouve aucune source écrite d'une substitution ou d'un empoisonnement. Est-ce que l'on croit trouver un jour les aveux signés des assassins de Kennedy ? De plus, on sait assez que les fonctionnaires du Foreign Office n'ont rien à envier à ceux du Quai d'Orsay pour détruire les papiers compromettants: on citera avec profit la destruction des traces de toute négociation menée avec le Reich en mai-juin-juillet 1940...
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- Montholon a eu besoin d'un médecin pour enterrer son action (quoique les auteurs affirment qu'il avait agi seul...) et utilise Antommarchi pour se faire car Antommarchi est le docteur qui a soigné Napoléon jour et nuit pendant un an et demi
Cette assertion est à mourir de rire quand on sait les absences de ce docteur de plus on sait que Montholon ne pouvait pas supporter le manque de sérieux d'Antommarchi et s'en plaignait sans arrêt à son épouse dans ses lettres; comment croire que le 6 mai 1821 Montholon aurait soudainement eu confiance en ce docteur qu'il déconsidérait?
Ils disent surtout qu'Antommarchi a été utilisé à son insu et qu'il ne s'est pas fait prier pour répandre l'idée d'un Napoléon squelettique sur son lit de mort ("le quart en volume de ce qu'il était à son arrivée !"

). Est-ce lié à l'imposture du masque mortaire ? ça n'est pas impossible...
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- Napoléon n'a rien légué par testament à Antommarchi:
En fait l'Empereur s'y apprétait et ne put finir le codicille inachevé dans lequel il parle d'Antommarchi; plus tard Bertrand, par bonne conscience, et non Montholon (!), prit en charge de lever la somme prévue pour Antommarchi parmi les exécuteurs testamentaires. Il n'y a pas de chantage de Montholon au sujet de cette somme de 100.000 francs prévue pour Antommarchi.
Il est très audacieux d'assurer que Napoléon était sur le point de faire un leg de 100 000 Francs à Antommarchi . Il ne l'a pas fait et ce leg a été formalisé par un accord à ce sujet entre Bertrand et Montholon. Tout au plus a-t-il consenti à lui allouer une pension de 6 000 francs (à régler par Marie-Louise ?).
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- Les auteurs supposent que Montholon fut sous le chantage du docteur Antommarchi au sujet de cette somme de 100.000 francs pour couvrir la découverte d'un empoisonnement
Aucune preuve de ceci. Et, le meurtre étant bien plus gros, peut on croire que le docteur se serait contenté de la seule somme de 100.000 francs qui était celle qui lui était quasi due? Bien sur que non. La cupidité de ce docteur l'aurait amené à réclamer bien plus. Or le descendant (combien indigne, je crois le dire) de Montholon ne fournit aucune preuve de paiements occultes à Antommarchi ni même de lettres de menaces etc. Rien de rien. On nage dans le roman complet.
Il faut reconnaître que c'est la partie la moins étayée: je parlerai plutôt d'une forme de complicité entre Antommarchi et Montholon à propos du masque! Y avait-il autre chose ? C'est difficile à estimer... Mais Antommarchi semble avoir été complaisant et ouvert au diagnostic du cancer...
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- Montholon aurait utilisé le vin de Constance car, preuve évidente!, il ne mentionne pas ce vin dans ses Mémoires...
Les auteurs ne feraient pas bon détectives je crois. Le nombre de Mémoires de Sainte-Hélène qui mentionnent explicitement le nom de ce vin se comptent sur les doigts de la main. Il faudrait incriminer toute l'île à ce tarif-là.
Ibbetson était au courant, puisque c'est lui qui le fournissait. Et Thomas Reade, voire Gorrecquer... Qui d'autres ?
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- Une fois empereur, Napoléon III n'a pas voulu recevoir Montholon, son compagnon d'exil à Ham.
C'est pourtant parfaitement exact ! Et à peine le vit-il quand il n'était que président de la République...
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Napoléon III devient empereur le 2 décembre 1853 et Montholon, certainement très malade alors, décède le 25 mars 1854. A cette époque de coup d'état, Napoléon III devait avoir d'autres chats à fouetter que d'aller rendre visite à Montholon sur son lit de mort. Peut être lui a t'il envoyé des signes de reconnaissance toutefois. Il faudrait voir.
Là, je suis obligé de vous reprendre:
Napoléon III devient empereur le 2 décembre 1852: le délai est donc plus important. Le coup d'état a eu lieu un auparavant, le 2 décembre 1851.
Louis-Napoléon fera parvenir une somme de 53 000 Francs à Montholon en 1851: c'est peu pour un serviteur zélé...
Montholon a sollicité le grade de général de division: refusé!
Montholon a demandé la place de Gouverneur des Invalides: refusé !
Montholon a souhaité être enterré aux Invalides comme Duroc et Bertrand: refusé !
ça fait beaucoup pour un homme honnête !
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- Preuve ultime? La dernière phrase de Montholon à sa fille: Dieu protège le Prince et rende le repos à mon âme! J'en ai un si grand besoin!
On remarque tout d'abord que, par cette phrase, Montholon n'est donc pas si en froid avec le Prince Napoléon (qui n'était pas encore empereur à la date de cette lettre) et que ensuite la lettre ne dit rien d'un aveu. Elle semble une formule tout à fait normale pour un croyant qui va bientôt mourir et faisant sans doute allusion au mal que Montholon pense avoir fait dans sa vie notamment à son épouse en s'en séparant (ce qui n'est pas bien chrétien on le sait). La lettre se termine en fait par: Adieu mon enfant, soies heureuse, quand je te verrai cela me fera du bien. Donc la lettre n'est donc pas un aveu final car Montholon va revoir sa fille, et la mention du Prince montre que la lettre se situe plusieurs mois avant la mort de Montholon (mais les auteurs ne donnent pas la date exacte de cette lettre en laissant le lecteur supposer que c'est une lettre de la dernière heure pour soulager la conscience de Montholon; bien joué mais le piège ne prend pas!)
Pour ma part, comme les auteurs se donnent ce droit de jouer avec la date des lettres, je retiendrai la phrase suivante comme dernier mot ou épitaphe de Montholon:
Mon crime est d'avoir tout sacrifié à l'honneur...
(lettre de Montholon à sa mère, 6 octobre 1840)
Oui, sur ce point-là, c'est un peu faiblard... Mais pour celle de 1840, là aussi, c'est pas "béton"! Juste une formule pour se justifier de sa participation au "coup de Boulogne" aux côtés du futur empereur...