Une nouvelle fantasmagorique
En 1969, un écrivain peu connu -Georges Rétif de la Bretonne- lança un pavé dans la mare : « Napoléon n'est pas aux Invalides ». Le ministre des Armées du général de Gaulle publia un démenti. Cette circonstance n'échappa pas à un des leaders de l'opposition de cette époque, qui parcourut l'ouvrage d'un oeil distrait...
Le temps passa. Après avoir adressé son ouvrage au général de Gaulle, Georges Rétif en fit de même avec Georges Pompidou, puis Valéry Giscard d'Estaing, ne recueillant, à chaque fois, qu'un accusé de réception courtois, sans plus... Il fit de même avec François Mitterrand qui, une fois encore, ne dérogea pas à la tradition de ses prédécesseurs.
Georges Rétif de la Bretonne ne put que se retirer dans sa tour d'Ivoire, ayant subi beaucoup d'avanies et essuyé de nombreux quolibets. Ce dont il ne se doutait pas, c'est que le président avait relu attentivement son ouvrage et songé que -peut-être- il serait bon que LUI se fasse une opinion...
Aussi, une fois sa réélection assurée, en 1988, Il se décida à convoquer un des officiers les plus recommandables de la DGSE. Le commandant X fut reçu personnellement par le chef de l'Etat, ce qui ne manqua pas de l'intriguer dans la mesure où cette procédure était assez inhabituelle. Le président n'y alla pas par 4 chemins, expliquant qu'il importait à la France d'avoir une certitude sur l'identité réelle de l'occupant du Tombeau de porphyre !
L'officier n'en crût pas ses oreilles et faillit tomber à la renverse. Le chef des Armées indiqua qu'il connaissait l'existence de moyens discrets pour faire des investigations dans des endroits normalement hors d'atteinte -tels des coffres-forts ou autres caches désormais en péril- et, que les Invalides étant en travaux, l'occasion était propice de soulever subrepticement la dalle du sarcophage...
Ce qui fut fait! Une nuit, tous les systèmes d'alarme et de veille ayant été neutralisés, la petite équipe sous la direction du comandant X s'introduisit sous la coupole des Invalides. Un palan moderne astucieusement laissé en place par des complices la veille, permit de soulever la dalle qui obturait le prestigieux tombeau. Une mini sonde équipée d'une micro-caméra thermoluminescente parvint à percer facilement l'ébène du cercueil extérieur confectionné sous Louis-Philippe pour recueillir le précieux dépôt, le tout équipé d'une mini lampe à souder...
Le commandant X officiait, dans la pénombre, dirigeant la caméra-sonde au moyen de son ordinateur portable. Elle vint à bout sans difficulté des deux cercueils en plomb préservant le vieux cercueil d'acajou qui n'opposa pas une bien longue résistance. Avec un peu d'appréhension, le commandant manoeuvra pour perforer l'enveloppe en fer-blanc. Et put, ainsi, promener tout à loisir la caméra sur toute la surface du cadavre. Les images étaient ensuite traitées par un logiciel adapté à ce genre de prises de vues pour recomposer une image concrète.
Le lendemain, le commandant X se présentait à l'Elysée avec une cassette-vidéo dans sa mallette. Il la visionna avec le président. Ce dernier -marmoréen- demanda si cette cassette était bien la seule copie faite de l'enregistrement. L'officier acquiesça, précisant que selon les instructions du chef de l'Etat, toutes les autres copies avaient été détruites.
A la fin du visionnage, le président se tourna vers le commandant et lui déclara que les images recueillies attestaient en tous points les témoignages recueillis en 1840 sur l'exhumation de Napoléon : tous les détails y étaient... Les bottes percées, les orteils qui en dépassaient, le visage bien conservé de l'exhumé avec sa barbe repoussée, la chevelure brune sur le sommet du crâne et les dents qu'un léger sourire esquissé sur les lèvres entre-ouvertes du personnage laissaient apparaître. Alors, le chef de l'Etat laissa tomber de ses lèvres minces : « on ne nous a pas menti, l'homme qui est inhumé là a bien le même visage que le masque de l'Empereur ! ».
Stupéfait, le commandant X remit la cassette au président, après l'avoir assuré qu'il n'en existait aucune autre copie. Il quitta l'Elysée tandis que la nuit tombait sur Paris, songeant à cette disquette qu'il avait mise en lieu sûr. Quelques années plus tard, il eût l'occasion de croiser un libraire-éditeur, spécialisé dans l'époque napoléonienne, au cours d'une reconstitution historique. Avec prudence, il fit allusion aux moyens techniques modernes qui permettaient -si on le voulait- d'en savoir un peu plus sur l'identité réelle du cadavre abrité sous le dôme des Invalides!
En l'an 2000, c'est avec un sourire amer qu'il apprit la parution d'un nouvel ouvrage sur l'énigme de l'exhumé de 1840. Ce qu'il ne savait pas, c'est que le président avait évoqué cette affaire avec des intimes de longue date. Et que l'auteur de l'énigme était lui-même charentais...
Nota : Il s'agit d'une fiction, d'un récit romancée : toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé ne serait qu'une pure coïncidence...
