Voilà Bonaparte en route vers le Sud, pour s'embarquer pour l'Egypte.
Marmont raconte:
Tout à coup la voiture, à une descente qu'elle parcourt rapidement, est arrêtée par un choc violent. Chacun se réveille en sursaut et se hâte de descendre de la berline, pour connaître la cause de l'accident. Une forte branche d'arbre, avançant sur la route, avait barré le chemin de la voiture. Or, à dix pas de là, en bas de la descente, un pont placé sur un torrent qu'il fallait traverser s'était écroulé la veille. Personne n'en savait rien, et la voiture allait infailliblement tomber dans l'abîme, quand la branche d'arbre la retint au bord du précipice: " Ne semble-t-il pas, ajoute Marmont, voir la main manifeste de la Providence? N'est-il pas permis à Bonaparte de croire qu'elle veille sur lui? Et sans cette branche d'arbre, si singulièrement placée et assez forte pour résister, que serait devenu le conquérant de l'Égypte, le conquérant de l'Europe, celui dont, pendant quinze ans, la puissance s'exerça sur la surface du monde? » A quoi tiennent les destinées des mortels ? Devant la Providence, les plus grands hommes sont-ils autre chose que des pygmées? Que la branche d'arbre eût été un peu moins résistante, c'en était fait de Napoléon: pas de bataille des Pyramides, pas de 18 brumaire, pas de Consulat, pas d'Empire, pas de sacre, pas d'Austerlitz, pas de Waterloo. Aurait-il été heureux pour Napoléon de mourir à vingt-neuf ans, avant ces plus grandes gloires, mais aussi avant ses malheurs?...
Extrait de "La citoyenne Bonaparte", de Imbert de Saint-Amant, p 204.
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