Comment la pucelle de Domrémy a-t-elle pu rencontrer le futur roi de France et se lier au plus puissant féodal de l'époque.
La réputation de Jeanne qui faisait le bien et la charité autour d'elle dans la petite enclave restée fidèle au dauphin est parvenue à la cour du duc de Lorraine. Marié à la fille de ce dernier, le jeune René d'Anjou, alors grand-maître de l'Ordre de Sion, rencontra secrètement la jeune fille à deux ou trois reprises. Il parla d'elle avec sa mère, Yolande d'Aragon, la belle-mère du dauphin et la régente de fait. Yolande désespérait de son gendre apathique qui n'avait rien d'un guerrier alors qu’elle avait elle-même monté une armée de mercenaires écossais pour combattre les Anglais à Beaufort-en-Vallée (ils s'approchaient un peu trop des terres de la reine d'Anjou). Elle cherchait le moyen de redonner la foi (dans tous les sens du terme) à son gendre anéanti par sa bâtardise (c’est du moins la rumeur qu’avait répandu sa mère, Isabeau de Bavière), mais aussi d’affermir les soldats de l’ost royal découragés par la supériorité anglaise.. L'idée de faire intervenir un(e) prédicateur(rice) pour lui apporter la bonne parole n'était pas assez crédible. Les prédispositions et l'utopie de Jeanne pouvaient sans doute en faire une messagère de Dieu, c’est ce qui fut fait.
De retour de Nancy (après avoir rencontré l'empereur du Luxembourg , l’empereur du Saint-Empire), par ses gens Yolande fit répandre la nouvelle de la venue d'une pucelle (dénomination courante à l'époque pour les jeunes filles de 13 à 19 ans) des marches de Lorraine et elle prépara soigneusement son arrivée à la cour de Chinon.
Avant d'être autorisée à prendre la route de France, Jeanne a subi quelques épreuves et le fait de parvenir à Chinon escortée d'une demi-douzaine d'hommes seulement allait déjà constituer un exploit, pour ne pas dire un miracle.
La nouvelle de sa venue sera particulièrement répandue dans l'Orléanais, car les habitants étaient sur le point de livrer la ville aux Anglais. Orléans prise, le petit royaume de Bourges sur lequel le dauphin gardait son l'influence était condamné.
Par son intelligence, son sens de la répartie, son audace et il faut bien le dire sa foi, Jeanne d'Arc fera sensation à la cour après un accueil plutôt goguenard. Mais elle dut subir d'autres épreuves, en particulier celle de cohabiter avec le pervers et phallocrate Gilles de Rais. La perfide Yolande d'Aragon demanda au dauphin de désigner ce dernier comme "protecteur" de Jeanne. C'est ainsi qu'ils partagèrent à Poitiers le même logement durant le procès en reconnaissance de la Pucelle. Déjà intéressé par sa réputation de faiseuse de miracles, mais sans doute aussi par son physique, le grand seigneur va tomber sous le charme de la modeste pucelle. Par son refus de se plier à l’autorité (ce qui n’était pas rien pour une fille), elle va plaire à cet homme qui n’en accepte aucune. Et puis, la révélation qu’elle n’a pas les « flux sanglants » comme la grande majorité des femmes va finir de subjuguer le grand seigneur. Il se montrera, contrairement aux autres seigneurs de la guerre, d’une grande correction et d’une fidélité indéfectible à l’égard de la Pucelle.
En plaçant Jeanne dans l’intimité de Gilles, Yolande d’Aragon avait fait un pari qui était un nouveau test : la pucelle de Lorraine sortirait-elle vierge ? Lorsque les « ventrières » conclurent à la virginité de la jeune fille, Yolande douta. Elle demanda un autre examen auquel elle participa. Il confirma le premier. À partir de là, Jeanne d’Arc fut effectivement reconnue comme messagère de Dieu. Dès lors, elle aura moins besoin de l’invoquer à tout propos et elle s’engagera plus personnellement dans l’action.
Elie Durel, « Les amants du Val de Loire » chez Geste éditions.
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