Validité des lois fondamentales du royaume?

L'exclusion des femmes.

Une tradition fondée?
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Validité des lois fondamentales du royaume?

Message par A.Lionel » Samedi 24 Février 2007 19:19:10

Bonsoir en 1316 et en 1328 (accessoirement en 1589), les légistes écartèrent Edouard III d'Angleterre du trone de France à l'aide de principes qui excluaient les femmes du trone de France.
Selon vous les règles de la dévolution de la couronne qui s'imposèrent aux plus grands rois de France étaient-elles légitimes?

Bien à vous.
A.Lionel
 
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Message par A.Lionel » Mercredi 28 Février 2007 06:00:43

Bonjour, on invoque souvent la loi salique pour justifier l'exclusion des femmes, or la loi salique était une règle de droit privé des anciens Francs qui vivaient hors des frontières de la France du XIVème.
En 1415, les Anglais étaient entrés dans Paris, les légistes du Roi avaient toujours soutenu que le texte ancien des Francs existait mais ils furent bien mal à l'aise lorsque les Anglais leur demandèrent qu'ils leur soit présenter cette preuve.

Bien à vous.

J'ai voté "oui" mais la raison n'est pas qualitative.
A.Lionel
 
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Message par Pénélope » Mercredi 07 Mars 2007 16:39:03

Je ne suis pas très douée. Je n'ai pas compris comment on votait ! Enfin, tant pis. Moi je vote non. Je rappelle ici un petit résumé de cette histoire, d'après le livre de Micheline Peyrebonne "La véritable histoire de la loi salique".

1316 : cette année-là, pour la première fois, l'Ordre de primogéniture offrit la Couronne à une femme. C'était une princesse de 5 ans, Jeanne, fille de Louis X, petite-fille de Philippe le Bel. Il n'y avait pas alors de règles successoriales propres à la France, mais par contre, dans tout l'Occident chrétien, prévalaient des usages successoraux qui voulaient que si un roi mourait, sans laisser de fils, la Couronne revint à sa fille. Or, cette année-là, 1316, se présenta aussi en France un usurpateur : c'était le propre oncle de Jeanne, Philippe, comte de Poitiers, un prince de 25 ans. En 1317, à force d'adresse, d'audace et de duplicité, il se fit couronner à Reims, malgré l'opposition des très nombreux partisans de Jeanne. La coutume appelée " loi salique " était née.

En 1349, la reine de Navarre, Jeanne II, fille unique de Louis X, spoliée du trône de France par ses oncles Philippe V et Charles IV, puis par son cousin Philippe de Valois, meurt de la peste à Conflans. Son fils aîné, Charles, monte aussitôt sur le trône de Navarre et, à Pampelune, le jour de son couronnement, expose l'histoire de sa mère, devant ses sujets navarrais. Il se proclame le seul héritier des Capétiens et des royaumes de France et de Navarre. Hélas ! Sur le trône de France, les Valois sont déjà installés. Incapables et n'ayant pas été élevés pour régner, ils se font bientôt battre par les Anglais à Crécy et à Poitiers. Ce sera, entre Jean II, puis Charles V de Valois, et Charles de France et de Navarre une lutte sans merci, au cours de laquelle, le fils de l'orpheline, spoliée en 1316, 1317 et 1318, essayera de reprendre le trône de France, auquel il estime avoir plus de droits qu'Édouard d'Angleterre. Il sera bien près de réussir, mais la mort d'Étienne Marcel, son fidèle partisan, lui portera un coup fatal.


Mais il était écrit que les Valois ne devaient pas rester sur le trône de France.
C'est finalement un prince de... Navarre qui montera sur le trône à leur chûte.

Etant les descendants du frère de Saint Louis, les Bourbons étaient bien plus légitimes que les Valois.

Voilà ce que je pense. 8)
Pénélope
 
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Message par A.Lionel » Jeudi 15 Mars 2007 08:53:34

Bonjour Pénélope, en fait la réponse ne peut etre que celle d'un normand :wink: , je m'explique, en droit féodal Jeanne était Reine de France mais les nouveaux principes établis par les légistes tirés du droit canon et du droit romain changèrent la donne.

La question essentielle, à mon sens, est politique et doit etre rapportée au contexte du moment.
Aux XIIIème, XIVème nous assistons à une reprise en main du pouvoir par le Roi, mieux à l'unicité du Royaume, certes tout ceci est bien imparfait et ne s'est pas fait d'un seul coup, ceci dit, sans l'apport des légistes point d'Absolutisme en France et probablement un passage sous tutelle étrangère du royaume.

En 1316 Louis X meurt et laisse sa fille Jeanne co-héritière (le mot "hériter" a un sens qui va devenir impropre après 1328 il faudra dire "succéder") du Royaume avec l'enfant à naitre de la seconde femme de Louis X : Clémence de Hongrie.

Si on applique le droit féodal, une femme peut hériter du fief de son père si celui-ci ne laisse aucun fils, en 1316 le Roi est encore considéré comme suzerain (le seigneur de son seigneur) et non comme souverain, toutefois tout est encore confus car le début du XIVème est un tournant, notamment en matière juridique.

Au début du XIIIème sous Louis VIII, la règle des apanages devint intangible : seuls les princes cadets de sang royal males obtiendraient des apanages dont ils n'auraient pas l'entière propriété afin de préserver l'indivisibilité du royaume et bien sur son inaliénabilité.
Pour faire simple ils seraient usufruitiers.
S'il n'y a pas d'héritiers, l'apanage revient à la Couronne.
Le but des apanages est de rémunérer, en fief, la renonciation au trone des princes de sang.
Cette règle pouvait paraitre contradictoire avec celle établie pour les fiefs mais elle fut respectée.
Les princesses de sang n'avaient pas droit aux apanages toutefois elles pouvaient etre régentes durant l'inter-règne (chose qui va etre règlé par les légistes un siècle plus tard en s'inspirant de la coutume...anglaise).

Pour autant, et les Anglais, au XIVème, ne s'en privèrent pas de le rappeler, Blanche de Castille fut régente au profit de son fils le futur Saint-Louis et se comporta comme une Reine ayant les memes prérogatives que le roi. Il est inutile de mentionner le brillant "règne" de Blanche.

En 1316 c'est Philippe de Poitiers, frère du roi défunt qui assure la régence, Clémence de Hongrie accouche d'un fils mais celui-ci meurt.
Reste la jeune Jeanne à qui, il faut l'avouer, on fit subir les pires accusations, Philippe remet en cause sa naissance, selon lui sa mère était adultère, elle ne serait pas la fille de Louis X.
On craint une longue régence à une époque très incertaine puisque l'on est en pleine reconstruction du pouvoir monarchique abandonné depuis Charles-le-Chauve.
Enfin on a peur que si Jeanne monte sur le Trone, celui-ci passe en mains étrangères en cas de mariage.
En 1317 les grands féodaux accèptèrent que Philippe soit sacré Roi de France, les manoeuvres du comte de Poitiers portèrent leurs fruits!

Le nouveau roi Philippe V saisit l'occasion d'établir une nouvelle règle qui exclut les femmes de la couronne de France et donc est introduit la règle de la collatéralité masculine qui écarte les filles directes du roi au profit du plus agé des frères du roi.
Philppe V meurt en ne laissant que des filles et cette nouvelle règle va etre choisie pour désigner un sucesseur au Trone.
C'est le dernier fils de Philippe-le-Bel, Charles IV qui monte sur le Trone.
En 1328, il meurt en ne laissant que des filles.
Charles IV a une soeur Isabelle mariée au Roi d'Angleterre, de ce mariage nait Edouard (le futur Edouard III d'Angleterre), elle ne peut prétendre à la couronne de France à cause la règle de 1316 mais est convaincue que son fils pourra devenir roi de France.

Le royaume passerait en des mains étrangères.
Les légistes vont donc établir une nouvelle règle : "L'exclusion des parents par les femmes".
Ce n'était pas gagné du tout, le droit féodal s'imposait toujours en France comme en Angleterre (c'est le meme droit au passage), une femme pouvait etre à la tete d'un fief et transmettre ce droit à son ainé quelque soit son sexe.

L'Angleterre ne plia pas mais du coté français les grands du Royaume et la bourgeoisie étaient hostiles à la main mise anglaise sur le Royaume.
On ne parlait plus d'héritier à la couronne mais de successeur à la couronne ce qui changeait tout.

L'Eglise de France était aussi de ce parti mais pour des raisons morales : c'est le plus digne qui doit etre sacré. (Jeanne à tort ou à raison était exclue à cause des doutes sur sa naissance, mais Edouard aussi, son père avait un amant, Régis Mortimer, il était bisexuel!)

On remonta donc au père de Philippe-le-Bel et on choisit un de ses frères, un Valois, Philippe VI monta sur le Trone en 1328.
Edouard III devenu roi d'Angleterre, en 1337 revendique le Trone de France, c'est le début de la guerre de cent ans.
Pour couper court les légistes vont trouver une parade aux revendications de l'anglais : le sacre qui ne peut etre conféré à une femme et la loi salique exposée plus haut.
Ceci est une contradiction car si le sacre était le rite de passage constitutif du roi avant 1316, les règles d'automaticité établies par les légistes, rendaient inutile le sacre. Cette constatation devriendra la règle un siècle plus tard : le sacre ne fait pas le Roi (enfin jusqu'à la mort d'Henri III et l'avènement du Protestantisme avec la nouvelle règle qu'est la catholicité du Roi).

C'est le temps qui a joué pour les Valois car je suis convaincu que si les Valois s'étaient éteints au début de la guerre de cent ans (période de défaites militaires cuisantes et humilliantes que vous rappeliez chère Pénélope), Edouard III serait devenu Roi de France.
Il faut mentionner que durant cette lutte de nombreux seigneurs se rallièrent au roi d'Angleterre, ce n'était pas une guerre pour un pays en soi mais pour un trone et cela est bien différent, cette hypothèse était donc envisageable mais nous entrons dans la fiction ici. :wink:

Bien à vous.
DDR.
A.Lionel
 
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Message par A.Lionel » Jeudi 15 Mars 2007 09:01:27

L'exclusion des femmes.
Une tradition fondée?
100% [ 4 ]
Une tradition non fondée?
0% [ 0 ]

Pour voter choisissez une des deux propositions.
Bien à vous.
A.Lionel
 
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Message par Pénélope » Jeudi 15 Mars 2007 10:40:20

Mais comment fait-on pour voter ?

Je ne suis vraiment pas douée :oops: .

Merci pour vos explications, cher duc. Comme vous nous l'indiquez, l'exclusion des femmes du trône de France s'est faite par nécessité et en plusieurs fois. Mais elle n'était pas, à la base, une tradition de la loi salique. Voilà pourquoi je préfère voter non.

Ca ne veut pas dire que j'ai quoi que ce soit contre cette exclusion. Je préfère que les choses se soient passées comme ça plutôt que l'éventualité d'avoir laissé un roi d'Angleterre monter sur le trône de France.

Cela dit à mes yeux, cette tradition est devenue nécessaire, mais n'était pas fondée au départ.

Oui, on en vient un peu à faire des réponses de Normands :wink:
Pénélope
 
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Message par A.Lionel » Jeudi 15 Mars 2007 12:01:09

Re Pénélope, pour voter n'entrez pas dans le corps du sujet mais cliquez sur le sujet, le sondage apparait, puis votez.
Bien à vous.
A.Lionel
 
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Message par A.Lionel » Jeudi 15 Mars 2007 12:59:28

"Comme vous nous l'indiquez, l'exclusion des femmes du trône de France s'est faite par nécessité et en plusieurs fois. Mais elle n'était pas, à la base, une tradition de la loi salique."

C'est clair et on peut se poser la question à savoir pourquoi n'a t-on pas tout betement invoqué le sacre plus tot?

J'ai une idée mais elle n'est qu'une déduction, elle est un peu longue désolé mais je l'expose ici.

Philippe-le-Bel fut le premier roi à s'entourer de légistes, je veux dire qu'au Conseil du Roi ils étaient légion, le Chancelier lui-meme légiste était le second grand personnage du Royaume. Les légistes étaient aussi membres de la Chambre des comptes avec le Chancelier à leur tete.
Enfin ils étaient tous au Parlement de Paris.

Les légistes ne firent pas leur apparition à la fin du XIIIème siècle mais au début de ce siècle voire meme fin XIIème, ils n'étaient pas forcément issus de la noblesse mais avaient tous fait des études de droit dans les grandes universités d'alors comme Montpellier ou Orléans, il y en avait dans toute l'Europe occidentale.

En France le roi était faible et sans prestige, enfin presque tous, les ducs de Normandie qui se succédèrent étaient bien plus puissants que le Roi de France (meme avant Hastings), ils ne lui pretaient meme plus hommage, à la vérité les pouvoirs du Roi n'allaient pas au delà de son domaine royal (superficie : l'Ile de France d'aujourd'hui), son sacre le protégeait de ses grands vassaux, il administrait son fief comme les autres seigneurs.

Les légistes voulaient participer au pouvoir, comme ils n'avaient aucune chance de devenir des seigneurs féodaux, ils proposèrent leur service au Roi et ce dernier, grace à eux, put restaurer son autorité sur tout le Royaume. La réforme de la justice voulue par Saint-Louis est l'oeuvre des légistes, cette réforme fut capitale pour les siècles qui suivirent.

Philippe-le-Bel chassa les templiers qui controlaient le trésor royal, le Roi n'était pas disposé à partager une souveraineté toute fraichement retrouvée et encore moins les légistes de la Chambre des comptes.
La réforme de la justice voulue par Saint-Louis ne fut pas efficace du jour au lendemain, il fallut presqu'un siècle pour que l'autorité du Roi soit ressentie par tout le monde.

Au départ les tribunaux du Roi étaient ambulants, ils s'arretaient dans les villes pour rendre la justice au nom du Roi, on les appelait les Assises d'où le nom des cours d'assise, chacun pouvait venir faire rejuger l'affaire qui avait été tranchée par un seigneur local.
Les seigneurs étaient de piètres juges, on pratiquait les ordalies qui sont des épreuves au nom de Dieu d'où on ne sortait jamais vivant alors que les légistes étaient des spécialistes du droit romain. Autant dire que le succès fut immédiat auprès des populations.
La justice n'était plus rendue au nom de Dieu mais au nom du Roi.

Malheureusement une fois le tribunal ambulant parti on en revenait à la justice seigneuriale (celle qui juge les roturiers, la justice féodale concerne exclusivement les seigneurs).

Evidement les légistes faisaient leur rapport au Roi et celui-ci décida que les seigneurs féodaux qui rendaient mal la justice seraient comptables devant lui. Au départ les seigneurs les plus puissants n'en tinrent pas compte, mais les petits seigneurs furent contraints de venir s'expliquer devant le Parlement de Paris dont le président n'était autre que le Chancelier.
Au fil du temps tous les seigneurs durent accepter la justice royale, le Roi devint très populaire et les grands féodaux durent s'incliner devant lui.

On assista donc à un éloignement entre le Trone et l'Autel, les légistes en étaient conscients sinon ils auraient invoqué le sacre de suite. Ils avaient initié le Roi.
L'affaire des Templiers renforça cette idée, Philippe-le-Bel prit le risque d'éliminer un ordre certes militaire mais d'abord religieux.

Il fallait donc trouver des règles où la religion n'aurait pas son mot à dire tout en restant dans les grands principes de l'Eglise.

Si au XIVème le Roi a retrouvé son premier pouvoir qu'est de rendre la justice, il était encore loin de pouvoir légiférer seul et sur tout notamment en matière de succession. On eut souvent recours aux Etats-Généraux mais les réunir était toujours périlleux.
Les légistes vinrent à bout des grands féodaux et de l'Eglise en matière de choix du successeur à la couronne de France et mieux, des grands souverains comme Louis XIV qui voulut légitimer des batards lorsqu'il n'y avait pas de successeur.

Au XVème quand un roi mourait il n'y avait plus d'inter-règne, "le mort saisit le vif" et ils reprirent la tradition anglaise de "Le Roi est mort, vive le Roi" ce qui impliquait qu'en cas de régence point besoin de sacre.

Invoquer le sacre durant la guerre de cent ans fut judicieux dans la mesure où la France étant en guerre, tout était bon pour disqualifier le Roi d'Angleterre meme si on se contredisait.

Voilà c'est une idée qui est à confirmer.

Bien à vous.
A.Lionel
 
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