par BRH » Lundi 21 Mai 2007 08:12:28
Le Gaullisme
Qu'a donc fait Charles de Gaulle d'extraordinaire durant la seconde guerre mondiale ?
Tout d'abord, un préalable concernant son grade de général de brigade "pour la durée de la Guerre":
C'est sur proposition du général Weygand -suite aux opérations sur Montcornet et Abbeville- qu'il a été nommé par Paul Reynaud, le 1er juin 1940.
Il est incontestable qu'il pouvait se prévaloir de ce titre à la Libération. Le général de Gaulle n'était pas du genre à officialiser sa position en bénéficiant de sa qualité de président du GPRF. Il faut cependant noter que l'Assemblée Nationale, en 1945, a voté à l'unanimité une résolution proclamant que "Charles de Gaulle, a bien mérité de la patrie". Elle le désignait en novembre 1945 comme président de ce même GPRF. Dans ses actes pris en tant que ministre de la Guerre, il signait: général de Gaulle. Ce titre et cette qualité -d'ailleurs incontestable jusqu'au 2 septembre 1945- étaient en quelque sorte avalisés par l'usage.
Maintenant, quels sont ses mérites ?
Le premier -entre tous- c'est d'avoir compris qu'un lutteur comme Churchill, descendant de Malborough et incarnation d'un nouveau William Pitt, ne capitulerait pas, quoi qu'il arrive...
A partir de là, il a fait le pari que l'Allemagne ne parviendrait pas à envahir l'Angleterre. Quand il est allé à Londres réclamer une dernière fois l'intervention de la RAF dans la bataille de France, le 9 juin 1940, Churchill l'a convaincu qu'il ne pouvait se déssaisir de son aviation pour repousser une offensive prochaine de la Luftwaffe. De Gaulle savait que le spitfire était un excellent avion et que -dès lors- l'Angleterre avait toutes les chances de l'emporter dans les airs.
Or, le général avait lu "Mein Kampf". Il savait que tôt ou tard, Hitler se retournerait contre l'URSS. Et sa conviction, c'était que l'Allemagne s'engloutirait dans l'immensité des steppes russes ! On ne peut pas dire que c'est de la voyance, mais une analyse serrée des faits, nourrie par ses vastes connaissances et les renseignements dont il a pu disposer en tant que Sous-secrétaire d'Etat.
A partir de là -et faute d'une autre autorité que la sienne- il a décidé de s'affranchir de toute hiérarchie, politique et militaire, pour incarner et assumer la France Combattante ! En somme, il s'est auto-proclamé Chef de cette France-là...
Incommensurable orgueil ! Sans doute, mais il en fallait pour s'ériger en concurrent d'un maréchal de France couvert de gloire !! Et il a été le premier à lever l'étendart de la révolte, rejoint seulement par une poignée de desperados où l'on ne comptait que quelques officiers généraux et aucun homme politique !
Croit-on qu'il l'a fait de gaieté de coeur ? Certainement pas... D'autant que les faits pouvaient lui donner tort ! Il est facile -après coup- de considérer qu'il ne pouvait en être autrement...
Quant à son courage physique, une anecdote: au moment de Montcornet, le groupe qu'il forme avec son état-major est arrosé par des stukas: tous ses officiers se jettent à terre ! Il reste seul debout -impavide ! Puis, il leur lance: "allons, Messieurs, de la tenue !" Si ses blindés ne s'emparent pas de Montcornet, ils ont atteint l'objectif et y ont même pénétré. La 4ème DCR est la seule unité opérant si loin des lignes françaises: personne à sa gauche, personne à sa droite, personne en réserve ! Pas une seule unité française n'a opéré de cette manière en mai-juin 40 ! Pas une...
C'est lui qui mène l'opération contre Dakar en septembre 1940. C'est un échec; il n'en demeure pas moins qu'il a bravé les périls d'une telle expédition: le navire sur lequel il avait embarqué aurait bien pu être touché par les salves de 380 du Richelieu. Par la suite, il va s'en remettre à Leclerc, son compagnon, son alter-ego ! Est-ce que Louis XIV n'avait pas Condé, Turenne et Luxembourg pour diriger l'armée royale ? D'ailleurs, je crois qu'il a été répondu sur cette question...
Surtout, de Gaulle -ipso facto- incarne la république à compter du 10 juillet 1940. Le fait d'être le seul ministre du gouvernement Reynaud à avoir contesté la légitimité du maréchal Pétain, lui en donne le droit, d'autant plus qu'il a été reconnu par la Grande-Bretagne, chef des Français Libres, le 28 juin 1940 !
Sur le moment, personne ne mesure cet atout: mais, le temps passant, de Gaulle constitue, incarne, aux yeux des résistants, un pouvoir vierge de toute compromission avec les Nazis et leurs collaborateurs. Ce sera un titre qui s'imposera même aux Alliés !
Enfin, comment oublier qu'il est exposé -lui et sa famille- aux bombardements allemands de l'automne 40 et de l'hiver 41 ? C'est bien beau de dire qu'il est parti "se planquer" à Londres... mais, à cette époque, que risquent les Français, à part les restrictions imposées par l'occupant ? Et quand il gagne l'Afrique, de Londres, en avion, sans escorte: n'est-il pas à la merci des chasseurs de l'Axe ? Voire de ceux de Vichy ? C'est un mauvais procès qui lui est fait là dont ce que je viens d'exposer fait justice !
On n'est plus au temps où Bonaparte se saisissait d'un drapeau pour enlever sa troupe à l'assaut d'un pont: c'est certainement regrettable pour l'image d'Epinal, mais c'est ainsi... Le 25 août 1944, ne brave-t-il pas le tir des tireurs embusqués, soldats allemands pas encore désarmés ou miliciens décidés à vendre chèrement leur peau ? Le voit-on baisser la tête quand des FTP tiraillent à l'intérieur de Notre Dame ?
Certes, il n'a pas commandé d'armées, ni en Italie, ni en France; mais il les dirige. Il a approuvé le plan de Juin pour l'offensive du Garigliano, il a donné ses instructions à de Lattre et à Leclerc, pour toujours aller plus loin que les ordres d'Eisenhower. Ce dernier ne s'y trompera pas: il reconnaîtra en de Gaulle un grand militaire et un grand politique; l'estime réciproque permettra d'applanir bien des tensions et bien des crises: l'on mentionne à juste titre l'affaire de Strasbourg.
Enfin, la Résistance intérieure, après bien des réticences et des coups fumants, reconnaîtra son autorité et s'unifiera derrière sa stature ! Quand on sait les rivalités et les heurts qui ont opposé Communistes et Non-communistes avant, pendant et après la Libération, c'est un avantage inestimable d'avoir disposé d'un général de Gaulle ! Peut-on coire qu'un Giraud -dont je reconnais les mérites- s'en serait mieux sorti ? De Gaulle débarque en Normandie le 14 juin 1944 et visite Bayeux: une fois sur le sol de France, son autorité s'imposera progressivement à tous. Mesure-t-on la tragédie s'il avait été absent ? L'épuration aurait été autrement féroce qu'elle ne le fut; et elle le fut pourtant, parfois, en certains endroits. De nombreux innocents payèrent de leur vie des sympathies supposées pour les nazis ou pour Vichy...
Enfin, comment ne pas s'incliner quand on voit son bilan en janvier 1946: la légalité et la légitimité républicaine rétablies, nos colonies intactes (mis à part en Syrie, où l'Angleterre nous assène un coup de poignard dans le dos), notre participation aux conférences alliées, notre présence à Reims, à Berlin, au moment des redditions allemandes, une zone d'occupation en Allemagne, la présence de Leclerc sur le Missouri au moment de la reddition japonaise, notre participation sur un pied d'égalité avec les trois vainqueurs au Tribunal International de Nuremberg...
Tout ceci est à porter au crédit du général de Gaulle... Personne n'aurait été capable d'atteindre les mêmes résultats. De Gaulle méritait bien un bâton de maréchal, voire le titre de Connétable. Il avait refusé par avance toute récompense, toute distinction. Il lui suffisait dêtre le Grand-Maître de l'Ordre de la Libération, titre admis et reconnu par la République et dont il a été le seul titulaire...
Peut-être n'a-t-il pas été le guerrier qu'il avait rêvé d'être! Notre effondrement en 1940 a été trop brutal, trop rapide pour qu'il donne pleinement sa mesure. Mais il a fait mieux: il a été une sorte de Souverain de l'Honneur Français, sans jamais passer pour être en exil.
Oui, Charles de Gaulle, Libérateur du Territoire, a bien mérité de la Patrie !
Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !
Napoléon