par BRH » Vendredi 18 Mai 2007 10:26:17
"la thèse des absences de Pétain est une thèse collaborationniste: le maréchal aurait été lucide le matin et aurait déraisonné le soir..."
La thèse des absences de Pétain, une thèse collaborationniste ? Allons, soyons sérieux: cette "vision" de l'Histoire n'est plus défendue que par une école marxiste dépassée et archaïque. Quant à écarter les témoins qui ont cotoyé Pétain sous prétexte de "partisianisme", voilà une bien curieuse façon de faire de l'histoire...
Je vais donc citer un extrait du livre de Claude Paillat, non-suspect de complaisance pour Vichy. Ce dernier livre le témoignage de Jean Chauvel, diplomate qui rejoindra la France Libre: Paillat insiste d'ailleurs sur la qualité et l'indépendance de Chauvel:
"Le fait contre lequel personne ne pouvait rien était que Pétain, quand il a pris le pouvoir suprême, avait 85 ans. Il était, disait-on- extraordinaire pour ses 85 ans. Sans doute, et c'était bien le pis. S'il avait été traîné dans une petite voiture, tout le monde aurait su à quoi s'en tenir. Mais IL AVAIT PHYSIQUEMENT TRES PEU CHANGE EN 25 ANS.
"Il était fort droit, sa main était ferme, ferme aussi le regard de sesyeux bleu clair. Il faisait allègrement ses promenades à pied au milieu du bon peuple vichyssois. Son masseur liu trouvait "un corps de marbre" et s'indignait des contes qui couraient sur des sondages difficiles: "il pisse comme une fontaine", disait ce sûr témoin. D'autres s'émerveillaient, après une conversation d'après déjeuner, des récits substantiels et lucides que faisait le Maréchal de la bataille de Verdun (...). Ce que l'on disait moins, c'est qu'il lui fallait 2 mois pour se rappeler le nom d'un membre nouveau de son cabinet; C'EST QU'IL AVAIT OUBLIE LE SOIR L'ENTRETIEN QU'IL AVAIT EU LE MATIN (...). SES COLLABORATEURS PARLAIENT A VOIX BASSE DES MOMENTS DE "PASSAGE A VIDE".
"(...) En 1940, il décidait encore, mais IL NE TENAIT PLUS une opinion, une décision, une attitude (...). Le Maréchal, à 85 ans, abordait un métier entièrement nouveau, des questions dont il ignorait tout, et cela avec des collaborateurs nouveaux, entraînés à des disciplines différentes de la sienne. C'est une grande tragédie qu'un pays, à l'heurede la suprême détresse, ne trouve plus en lui d'élément significatif et intact autre qu'un homme ayant atteint l'extrême vieillesse. C'est aussi un très grand risque..." Jean Chauvel, Commentaires, t.II: "de Vienne à Alger 1938-1944)", Fayard, Paris, 1971, p.190-192.
Voilà -je pense- qui termine définitivement la question: ce n'est point là l'expression d'une thèse collaborationniste, mais simplement celle de la vérité.
"il partageait les idées antisémitesde ses collaborateurs !"
L'antisémistime de Pétain comme de ses collaborateurs n'est plus à démontrer: c'est celui de l'Action Française qui n'a cessé de dénoncer les 4 piliers de soutènement de la République: "les Protestants, les Francs-Maçons, les Juifs et les Métèques"! Acrimonie abjecte, mais "compréhensible" pour une droite conservatrice qui n'en revient pas d'être rejetée -à partir de 1890- par le pays réel et qui constate que le financement des partis républicains ne se tarit jamais et dépasse ses propres capacités: elle s'empresse donc d'exclure de la fonction publique ces éléments "étrangers" à l'exception -notable- des Protestants !
Mais l'antisémistisme traditionnel de l'Action Française -dont Pétain s'inspire indiscutablement- ne va pas jusqu'à proposer ou même approuver "la solution finale"! Il faut donc être nuancé, sans pour autant cesser de condamner!!
"Est-ce donc pendant les absences de Pétain que les lois antisémites, le travail obligatoire, les milices francaises, etc. ont été signées ?"
Les lois discriminatoires lui sont dues, sans aucun doute ! En tout cas, il les approuve. Sur ce point, aucune contestation possible... La milice, il l'approuve également; l'usage qui en a été fait, c'est moins certain ! D'ailleurs, Darnand le lui reprochera en signalant que s'il avait été désapprouvé, il aurait obéi... Le STO, c'est la suite de la relève: mais c'est clairement et indubitablement une initiative de Laval ! En 1943, c'est Laval qui gouverne, Pétain n'est plus qu'un fantoche qui s'accroche à des "signes extérieurs" du pouvoir; il n'a plus aucune prise sur les évènements...
"On parle aussi d'une certaine irresponsabilité de Pétain. Son grand âge, ses facultés diminuées. Irrecevable !"
Et c'est bien là l'erreur! Je ne vois pas d'autre raison que l'idéologie à ce refus: mon grand père paternel était ainsi; Pétain -pour lui- était bel et bien un traître, un "réactionnaire en culotte de peaux"! Mais là aussi, aujourd'hui, nous avons le recul pour mieux juger...
Sur le génocide juif, je pense que dans le contexte de la Libération, on ne dissociait pas le cas des Juifs, des résistants, des déportés, des fusillés et des autres victimes du nazisme: pour cela, on manquait du recul nécessaire... Et de Gaulle n'a pas réagi autrement !
"La conduite d'une grande partie de la France pendant la seconde guerre mondiale est une veritable tache. Dans ce cas il est plus facile de se retrancher derriere le respect des ordres donnés par un homme qui perd petit à petit ses facultés. Petain durant son procès a plaidé non coupable comme tous les criminels nazis du procès de Nuremberg."
La conduite d'une grande partie des Français est une véritable tache! J'en suis bien d'accord: à commencer par le comportement des élites en mai-juin 40 et celui des foules lancées sans but sur les routes de l'exode! Et le lâche soulagement qui a suivi l'annonce de l'armistice, source de la grande popularité de Pétain au départ...
Quant à assimiler Pétain aux grands criminels nazis, c'est notoirement excessif; je suppose que certaines familles ont été gravement atteintes pendant l'occupation et ceci -si je le comprends- ne peut pas fonder un raisonnement historique. Sur les juifs, d'ailleurs, il faut noter la différence exécrable faite entre les juifs Français et les juifs étrangers: c'est une honte, mais c'est pourtant ainsi; les prisonniers Français Israèlites furent respectés par l'armée allemande: ce fut un des arguments nazis pour mieux faire "chanter" le vieux maréchal qui se souciait avant tout des prisonniers et qui -à ce stade- ne faisait pas de différences entre les militaires juifs ou de couleurs. Selon-lui, ils étaient tous protégés par l'uniforme français.
"Pétain a vendu la France par intérêt personnel plus que pour défendre sa patrie."
Il s'agit là d'un jugement de nature "idéologique" qui n'a rien d'historique: tout en n'étant pas entièrement faux, car on ne peut écarter la part de mégalomanie et d'ambition personnelle du jeu de Pétain, au moment de la défaite. Mais -si on supprime Pétain en juin 40- il faut voir que d'autres hommes auraient joué le même rôle: Laval, Darland ou Weygand qui -chacun à leur tour- furent les "dauphins pressentis"! Quel était le plus proche de Pétain ? Weygand, assurément, qui avait dix ans de moins, et la même vigueur physique! Juste la lucidité en plus...
Je suis persuadé que l'Histoire n'approuvera pas cette opinion. On ne peut caractériser la responsabilité d'un homme aux seuls documents matériels. Ce n'est pas tout de signer, il faut encore le faire volontairement et en pleine lucidité. La thèse de Pétain, traître à la patrie et vendu aux nazis, ne tient pas!
Sinon, comment expliquer:
-qu'il n'a pas déclaré la guerre à l'Angleterre, ni en 40, ni en 41, ni en 42 (au-delà, ça ne servait plus à grand chose, mais Laval -malgré ses pressions, ses chantages, ses manoeuvres, n'obtiendra jamais ces mesures!!) ?
-qu'il n'a pas formé un gouvernement ouvertement fasciste, avec Déat, Doriot, Henriot et Darnand, comme ministres ? Déat sera bien nommé secrétaire d'état au travail en 1944, mesure arrachée au vieux maréchal dépassé et mis au rancart... qui manifeste son effacement et sa transformation en soliveau de la collaboration !
-qu'il a fait son possible (et ce n'était pas assez, et c'était indigne), pour protéger les Français israèlites, tout en se lavant les mains du sort des juifs étrangers...
-qu'il a tenté en 1943 de promulguer sa constitution en rappelant les chambres de 1940. Ce que Laval a empêché avec la complicité des nazis!
-qu'il a envoyé l'amiral Auphan négocier la passation des pouvoirs avec le GPRF en juillet 1944 auprès de Michel Debré, ce à quoi ce dernier a répondu par une fin de non recevoir, ce qui était justifié, bien entendu...
-qu'il a été emmené contre son gé, enlevé de Vichy par les Allemands pour être assigné à résidence à Sigmaringen, où les vrais "collabos" tenteront de jouer la comédie d'un "gouvernement en exil"!
A mes yeux, Pétain reste coupable de l'armistice et surtout, du coup d'état contre la République, le 10 juillet 1940.
Enfin -et principalement- d'être resté à Vichy le 11 novembre 1942, au lieu de s'envoler pour Alger, ce qui a permis l'ambiguïté de son régime de s'accentuer au profit de la collaboration avec l'ennemi!
Il me semble que ce sont des faits suffisemment graves pour justifier d'une condamnation, sans qu'il soit besoin d'en rajouter.
Je précise que j'interviens dans ce dossier uniquement pour lui donner un éclairage historique, sans parti pris et, en tentant d'être le plus objectif possible!
Je n'affirme pas y être parvenu et c'est bien volontiers que j'accepte d'être corrigé par avance, mais sur la base de documents, d'arguments étayés et non pas d'opinions préconçues.
Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !
Napoléon