par BRH » Lundi 12 Février 2007 23:33:08
Mille mercis à notre ami Claude Bertin qui ramène à la surface ses messages précédents et sur lesquels s'applique à merveille la devise de notre forum :
"Lire c'est relire "
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Message reçu ce soir :
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En réponse à votre dernier message. Le contexte dont nous fait part Melle Cochelet, lectrice de la reine Hortense et presque fiancée d'Elie Decazes, nous éclaire sur la présentation de la lettre-testament par Decazes à la duchesse d'Angoulème. C'est tout un chapitre à lire!
Claude Bertin
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Message du 26/01/2007 :
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Pour comprendre les circonstances qui entourent l'histoire du "Testament" de la reine, il faut "refaire un peu d'histoire":
Le 25-8-93, Fouquier-Tinville demande au comité de salut public les pièces pour commencer le procès de MA. On cherche, mais il n'y en a aucune! Le comité decide, alors, que Fouquier-Tinville, à défaut de pièces, "arrangerait sa procédure comme il pourrait".
Le 5-9-93, La reine Marie-Antoinette rédigea son testament. Ce texte, nous le connaissons de trois sources:
1- comme appendice (20?) du "Roman Historique de J.B. Regnault-Warin, Le Cimetière de la Madeleine, 1800,
2- Extraits publiés par le journal "La Quotidienne" le 21 février 1816 (la veille de la présentation par Decazes du fac-simile de la "Lettre-Testament" de MA à la Chambre "introuvable", mise en scène dont Messieurs de Richelieu et de Choiseul se firent les chantres,
3- Extraits du même journal reproduit par le Gentleman's Magazine de Londres, le mème mois. Finalement, Gabriel Peignot, le spécialiste Dijonnais en matière d'autographes et autres raretés, nous le reproduit intégral en 1829 (avec celui du roi Louis XVI et la "Lettre-Testament" de MA.) A noter qu'il emet des doutes sur son authenticité sous prétexte que Decazes présenta la lettre comme le vrai testament!
Selon le journal "La Quotidienne", le testament du 5-9-93 faisait bien partie des documents que Edme-Bonaventure Courtois avait guardé chez lui.
Nous avons le témoignage interessant de Melle Cochelet, Lectrice de la reine Hortense et auteur des mémoires sur celle-ci (tome 4, Paris, chez Ladvocat, 1838): Melle Cochelet nous raconte comment, après 1814 (quand il devint ex sécrétaire des commandements de Madame-Mère), le nouveau membre du parquet, Elie Decazes se transforma en l'homme à-tout-faire du nouveau roi. Après l'affaire Maubreuil qu'il gagna, le roi le remarqua. Mais le fond de l'entente (et anoblissement en "comte") est tout autre: Decazes, soudain succède à Fouché, le duc d'Otrante, comme Ministre de la Police; mais "Il avait son crédit à établir, sa fortune à faire et, à défaut d'habileté en matière de politique et de police, il avait le zèle ardent du néophite."
Melle Cochelet, désireuse d'arranger le futur de sa maîtresse, pensa s'adresser à Decazes (ami de sa famille et un moment son "fiancé".) La reine l'en dissuada et pour cause. Melle Cochelet continue: "Nous apprîmes bientôt de quel zèle outré M. Decazes etait capable pour gagner la faveur de son roi." Et elle nous produit le Conventionnel Courtois, ami de Robespierre, qui après la mort de son ex-collègue, mit de côté "une correspondance très suivie de M. le comte de Provence,frère de l'infortuné roi Louis XVI" avec Robespierre. Ces lettres se suivaient depuis le "commencement de la révolution". Leur importance historique n'échappèrent pas à Courtois, et il voulut les garder pour compromettre un des membres de la famille déchue "si le salut de la république ou d'autres circonstances l'exigeaient."
Courtois classa les lettres et les mit dans une boite de ferblanc qu'il cacha sous le parquet de son apartement de Chaillot. Il confia son secret à un jeune homme (nous ne savons pas son nom) qui, coincidence, etait un ami de Decazes. Ce dernier, simple avocat, alors, ne fit rien. Mais, passé l'Empire, Decazes se souvînt de l'histoire. Promu Ministre de la police, il fit perquisitionner le salon de Chaillot et remis au roi la boîte en ferblanc. Sa fortune etait faite.
Quand Courtois pensa éviter les suites du decret contre les régicides, 1815, (il avait voté la mort du roi "sans sursis"), il pensa, à son tour, remettre au roi certains papiers (qu'il gardait en son hotel particulier du Faubourg Saint-Honoré avec vue sur les Champs Elysées, ainsi que dans la "bibliothèque remarquable" de son chateau de province). C'est alors que Decazes fit enlever, manu militari, tous les documents et envoya Courtois en exil à Bruxelles (Courtois mourut dans l'année).
En conclusion, quelle que soit la responsabilité de Courtois, celle de Decazes est certaine (chacun avec ses motifs particuliers).
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Question: Comment fabriquer des documents semi apocryphes ou en inventer de toute pièce?
M. Gabriel Peignot nous le dit et nous précise qu'entre 1815 et 1848, la production de fac-similes et autres "copies figurées" battait son plein.
Son livre: "Recherches Historiques et Bibliographiques sur les Autographes et l'autographie" (Dijon, Imprimerie de Fantin, MDCCCXXXVI) nous donne les "procédés employés pour obtenir un grand nombre de copies parfaitement imités de toutes sortes d'écritures". Il divise même l'art en "Autographe", "Fac-simile" et "Calque" (qu'il appelle "chirographie" ou "copie figurée" de l'écriture originale.)
Voilà donc le contexte dans lequel se situe l'aventure du Testament de la reine. N'en pas tenir compte serait faire montre de légèreté historique.
Claude Bertin
Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !
Napoléon