En effet, il semble que Napoléon ait sous-estimé son adversaire. De tous les monarques européens qui s'opposèrent à lui, c'était bien le plus dangereux ! D'une certaine façon, Napoléon a été piégé par le Czar, il a pris ses bonnes paroles pour ses véritables intentions et il s'est trompé sur l'entêtement dont celui-ci était capable. Le grec du Bas-Empire l'a joué, en lui laissant croire qu'il était un mauvais stratège, souvent indécis et qu'il n'avait pas le niveau face à l'empereur des Français. Alexandre avait une capacité de dissimulation incroyable, au point que Napoléon n'a jamais cru à sa détermination d'engager un duel à mort. Malheureusement, l'incendie de Moscou ne l'a pas désillusionné à ce sujet.
Quant à la stratégie des Russes, il ne semble pas qu'elle ait été arrêtée à l'avance. En mars 1812, le Czar et ses généraux ont bel et bien envisagé de prendre l'offensive avant que le gros de la Grande Armée ne soit parvenu jusqu'à la Vistule. Alexandre y a renoncé quand il a appris fortuitement que l'Autriche avait signé un traité d'alliance avec la France, en lui promettant le concours de 30 000 hommes. La retraite dans les anciennes provinces polonaises n'a pas vu de destructions massives, l'armée russe se contentant de détruire les approvisionnements qu'elle ne pouvait pas charrier avec elle. Elle n'a inauguré "la terre brûlée" qu'aux abords de Smolensk. Cette stratégie d'une retraite sans fin n'était pas véritablement arrêtée, encore que Barclay de Tolly y ait songée. Et finalement, l'armée russe s'est arrêtée pour tenter de bloquer l'envahisseur et fournir ainsi à Napoléon l'occasion de la grande bataille qu'il attendait et dont il avait un besoin impérieux. Sans compter qu'à Smolensk, elle est passée près d'une défaite importante à laquelle elle n'a échappé que grâce à la folie de Junot qui n'aurait jamais dû recevoir le commandement d'un corps d'armée ! Quant à la stratégie du camp retranché (Drissa), préconisée par le quartier-maître Pfühl, Oleg Sokolov a démontré que c'était un ramassis d'idées décousues, sans consistance, marqué sur le terrain par des retranchements inachevés, mal conçus et mal disposés.