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6 août 1916 : Philippe Barrès est-il un embusqué ?
Il y a 7 mois, le vendredi 5 août 2016
Henri Saint-Amand
L’Action française du dimanche 6 août 1916 rapporte, dans sa rubrique « Les Journaux de ce matin », la « rumeur infâme » selon laquelle le fils de Maurice Barrès (1862-1923), Philippe, serait un « embusqué », autrement dit un planqué.
L’attaque vient de Jean-Pierre Raffin-Dugens (1861-1946), instituteur et surtout député socialiste de l’Isère (1910-1919). Ce militant pacifiste qui a toujours refusé de voter, pendant la guerre, le renouvellement des crédits militaires fait publier, dans le journal Le Droit du peuple du 26 juillet et dans Le Populaire du Centre du 29 juillet, un article très virulent :
« « […] Oui il mérite d’être pendu haut et court. Mais arrête, Bourreau, avant de me faire sortir la langue, laisse-moi te dire deux mots. Bourreau, dis à M. Barrès d’inviter L’Écho de Paris à citer le numéro du régiment de cuirassiers, le numéro de l’escadron, le numéro de secteur dans lesquels, sur le front, en Champagne, M. Barrès fils fait, avec le grade d’aspirant, le service des tranchées comme tant de ses camarades […] Tant que l’un des auteurs de la rumeur infâme dont je me suis fait le propagateur n’aura pu aller voir le jeune Barrès dans la boue des tranchées, nous persisterons à croire qu’il n’y est pas. » »
”
Pis. Le député de l’Isère constate « que M. Barrès a un fils unique et que ce fils lui a été conservé, malgré deux ans de guerre, tandis que mon vieil ami X., socialiste comme moi, sur quatre fils en a trois de morts et le dernier affreusement blessé ».
Dans l’édition du 6 août de L’Écho de Paris dont il est l’un des plus fidèles chroniqueurs, Maurice Barrès riposte sous le titre « Une odieuse campagne ». Avec la permission et le soutien du journal, il rétablit la vérité. Ainsi le lecteur apprend que le fils unique de Maurice Barrès « est né en juillet 1896. Il appartient donc à la classe 16. En août 1914, bien avant que sa classe ne fût appelée, Philippe Barrès qui se préparait à l’examen de Saint-Cyr s’est engagé. Il fut envoyé au 32e dragons […] Ses chefs le désignèrent pour suivre le peloton des candidats au grade d’aspirant [puis] il entra à Saint-Cyr, en avril 1915, et fut immédiatement envoyé sur le front en Champagne. » Philippe Barrès arrive donc sur le front six mois avant les jeunes gens de sa classe. « Il n’a pas, depuis cette époque, quitté le front si ce n’est pour une seule permission de six jours au mois de mai 1916. »
Maurice Barrès va jusqu’à répondre que son fils sert « au 1er escadron du 12e cuirassiers, secteur 19 ». Il le fait malgré l’interdiction de la censure de donner ce type de renseignement. Mais pour défendre l’honneur du chantre du nationalisme, cette censure ne s’exerce pas et ces informations ne sont pas biffées. Maurice Barrès, académicien et député de Paris, va jusqu’à dire que ce régiment de cavaliers a été mis à pied, c’est-à-dire qu’il sert comme un régiment d’infanterie et qu’il assure le service des tranchées.
« Mais tout cela, pour vous, M. Raffin-Dugens, n’est rien. Qu’est-ce qu’il vous faudrait ? Votre haine ne cherche même pas à le cacher. Il vous faudrait que mon fils fût mort. C’est votre conclusion […]. M. Raffin Dugens, vous êtes un misérable », conclut l’académicien.
Philippe Barrès (1896-1975) sera ensuite incorporé au 1er bataillon de chasseurs à pied. À l’issue du conflit, cité trois fois, il reçoit la croix de guerre 1914-1918 et est fait chevalier de la Légion d’honneur.