Il convient de rappeler le rôle totalement occulté par l'histoire du général de Castelnau pendant le conflit de 14/18.
Il faut savoir, tout d'abord, qu'il fut à l'origine du plan de mobilisation de 1914, avec la réussite que l'on sait. En août 1914, au début de la guerre, malgré les oppositions à sa promotion dans la hiérarchie militaire, les talents de Castelnau lui permirent d'être nommé commandant en chef de la 2eme Armée Française, soit l'armée française de Lorraine.
Les mois d'août et de septembre 1914 vont démontrer toutes les qualités militaire du "capucin botté" sur le champ de bataille (surnom qui lui est donné par ses opposants, du fait de ses opinions royalistes et sa ferveur catholique).
Pendant que les Allemands déferlent en Belgique et dans le Nord de la France, deux armées Allemande, aux ordres du kronpriz de Bavière, attaquent en Lorraine. Le 20 août 1914, le général de Castelnau tente une contre-attaque audacieuse. Malheureusement, le général Foch, commandant un corps d'armée dans la 2eme Armée Française, attaque beaucoup trop tôt et avec une grande insuffisance dans la préparation d'artillerie. Nos soldats, accueillis par un puissant feu d'artillerie lourde, subissent de lourdes pertes et sont finalement refoulés sur leurs positions de départ par des Bavarois largement supérieurs en nombre. Ce fut la défaite de Morhange...
Malgré cet échec de la 2eme Armée, Castelnau ne perd pas courage. Suite à sa victoire de Morhange, le kronprinz de Bavière décide de pousser à fond et de terminer la conquête de la Lorraine.
Le 23 août 1914, les colonnes Bavaroises s'avancent dans les campagnes mosellanes. Ayant compris avant les autres le rôle que pouvait jouer l'aviation, Castelnau décide de s'en servir pour tenter de repérer quel est l'axe de la marche des colonnes bavaroises. Suite aux renseignements donnés par les aviateurs Français, Castelnau, bien renseigné sur la position de ses adversaires, change les positions d'une partie des troupes de la 2eme Armée afin de pouvoir prendre en enfilade et attaquer impétueusement le flanc des colonnes bavaroises.
Le 24 août, une nouvelle bataille s'engage en Lorraine. Les premières attaques françaises, mal préparées par les incompétents lieutenants de Castelnau, se soldent par des échecs coûteux en vies humaines. Heureusement, Castlenau prend le soin, avant la bataille, d'installer sur une crête élevée, plusieurs batteries de 75mm. Le 25 août, cette artillerie fournit de puissants feux sur les colonnes bavaroises qui avaient repris leurs marche en avant. Les Bavarois, attaqués sur leurs flancs, sont hachés sur place et subissent de très lourdes pertes. Soudain la marche des Bavarois s'arrêtent net; un moment d'hésitation et même de panique commence à se faire sentir dans leurs colonnes. Castelnau décelant cette hésitation chez l'ennemi décide de profiter de ce flottement pour ordonner une vigoureuse contre-attaque de l'infanterie Française. Dès lors, vers le milieu de l'après-midi, appuyés par les canons de 75mm continuant à tirer sur le flanc bavarois, nos soldats prennent le pas de charge, abordent à leur tour les Bavarois et les repoussent sur toute la ligne. Les colonnes ennemies, rompues, reculent en désordre !
La bataille et la victoire de "la trouée de Charmes", constitue la première véritable victoire française du conflit. Joffre confia qu'à son annonce, il reprit confiance dans l'outil qu'il avait entre les mains, après quelques doutes...
Complètement surpris par cet échec et désirant malgré tout s'emparer de Nancy, le Kronprinz de Bavière obtint de Moltke le feu vert pour relancer ses Bavarois à l'assaut de la Lorraine et contribuer ainsi à l'encerclement de toute l'armée française.
Le 4 septembre, les troupes bavaroises reprennent leur marche en avant et engagent une nouvelle bataille contre la 2eme Armée Française du général de Castlenau.
La bataille s'annonçe difficile pour Castelnau car les Bavarois engagent des forces d'infanterie en nombre, sans oublier une artillerie lourde supérieure en calibre. Cependant, s'attendant à une nouvelle bataille, Castelnau a bien organisé son front défensif. Les trois premiers jours, les Français repoussent toutes les attaques des Bavarois. Néanmoins, à partir du 7 septembre, les Bavarois, engageant toutes leurs forces, réussissent à s'emparer de plusieurs positions, mais en subissant de lourdes pertes. Au soir du 8 septembre, Castelnau organise une puissante contre-attaque avec des groupes tactiques se composant de plusieurs pièces de 75mm et de détachements d'infanterie. Au matin du 9 septembre, les Français reprennent l'avantage, refoulent les Bavarois et récupèrent leurs positions de départs. Epuisés par de lourdes pertes, les Bavarois abandonnent... Ce fut la bataille et la victoire du Grand-Couronné.
Battu à Morhange, mais vainqueur à la Trouée des Charmes et au Grand-Couronné, le général de Casltenau a sauvé la Lorraine de l'invasion allemande et a parfaitement démontré les talents d'un grand chef sur le terrain.
Suite à la victoire français de la Marne, les armées allemandes ont été acculées à une prompte retraite vers le nord de la France et la Belgique. Cependant, en octobre 1914, sous l'impulsion du Kaiser, le général Falkenayn, nouveau généralissime Allemand, organise une vaste offensive destinée à tenter d'arracher, une fois de plus, la victoire sur la France. L'objectif prioritaire était de réduire ce qui restait de la Belgique résistante, puis de s'emparer des villes du nord de la France en vue de se reporter sur Paris.
Au même moment, Castelnau est affecté avec sa 2eme Armée dans le nord. Alors que les Allemands essayent de nous déborder, Joffre, souhaite tenter un débordement également. C'est le général de Castelnau et son armée qui doit en être chargé. Conscient de l'impossibilité de la mission qui lui est confié, par manque de moyens en artillerie, notamment, Castelnau proteste longtemps auprès de Joffre et, en vue de sauver le maximum de vies humaines dans sa 2ème Armée, ne réalise que des attaques jugées trop "modérées" par le GQG. Il craint surtout de se retrouver trop en l'air et d'être assailli par des forces supérieures. Il ne se trompait point car bientôt de fortes offensives allemandes se déchaînent contre ses positions. Toutefois, pendant plusieurs jours, au devant de Roye et d'Arras, les hommes de Castelnau, bien retranchés, repoussent tous les assauts Allemands.
En juin 1915, en récompense de ses succès militaires, Castelnau est affecté au commandant du groupe d'armée du centre. Joffre lui confie la mission de préparer la grande offensive qui devait se dérouler en Champagne. Castelnau, malgré les insuffisances en artillerie et en munitions, la prépare du mieux qu'il peut. L'offensive sera la première réussie en terme tactique: 10 km de tranchées prises, 25 000 prisonniers, des centaines de canons et de mitrailleuses en notre pouvoir... Cependant, par manque d'artillerie lourde, Castelnau ne parviendra pas réaliser la percée stratégique qu'il espérait tant.
Castelnau sera récompensé par la Grand Croix de la Légion d'Honneur. A l'état-major, au gouvernement et pour une majorité de députés, Castelnau, le "capucin boté", le royaliste et le fervant catholique demeure détesté. Cependant, on commençait à craindre pour le salut de la France, surtout que Joffre ne se révélait pas à la hauteur des événements. Alors, les républicains sont bien obligés d'accepter que le dangereux royaliste Castelnau soit affecté à un grand commandement. Le faire général en chef de l'armée Française, c'eut été inacceptable! On préféra, en juillet 1915, le nommer adjoint technique auprès du général Joffre, de manière à ce que l'indésirable royaliste donne enfin de bonnes idées au général Joffre, irremplaçable car bon républicain..
Occupant donc un poste assez important dans le commandement, Castelnau ne peut nuire, mais peut faire profiter de ses conseils. A condition qu'on veuille bien les entendre...
Envoyé à Salonique en mission auprès des armées Alliés d'Orient, Castelnau se rend rapidement compte de l'incapacité du général Sarrail. Un front défensif mal organisé, des offensives insuffisamment préparées par l'artillerie, des soldats mal approvisionnés et mal équipés, enfin, un chef plus préoccupé par la politique que par l'activité militaire. Bref, d'après le rapport que Castelnau fit de sa mission à Salonique, il était urgent de remplacer l'incapable Sarrail. Naturellement, les républicains de l'assemblée s'emportèrent et accusèrent le général royaliste de vouloir briser la carrière d'un grand général patriote et républicain...Dès lors, malgré les protestations de Castelnau, Sarrail demeure à son commandement.
Lorsqu'il rentre en France pour reprendre son poste "d'adjoint technique", Castelnau peut se rendre compte que Joffre est bel et bien incapable de mener la guerre correctement, mais Joffre demeure intouchable et donc... irremplaçable, surtout par le "capucin botté"!
Au début de l'année 1916, les Allemands ayant remportés des succès assez importants sur le front de l'est, Castelnau se déclare persuadé qu'il faut s'attendre à une grande offensive Allemande en France. A l'état-major, l'on pense que le "capucin botté" se trompe. Joffre est donc totalement surpris lorsque le kronpriz de Prusse déclenche, en direction de Verdun, la grande offensive Allemande qui devait permettre d'en finir avec la France.
Les premiers jours, malgré des prodiges de valeurs, les Français, débordés par le surnombre des assaillants, sont acculés à laisser du terrain aux Allemands. A l'état-major, un mouvement de panique se fait sentir, comment va-t-on arrêter cette nouvelle ruée germanique qui menaçe notre flanc droit ? Bien sur, on envoie sur place Castelnau..
Le 23 février 1916, il arrive à Verdun. En trois jours, il va, par une débauche d’énergie formidable, réussir à freiner l'avance Allemande. Il organise de meilleur manière les secteurs défensifs du front, faire venir des renforts considérables en troupes et en artillerie, organise l'évacuation de centaines de civils paniqués. Cependant, sa plus grande tache sera d'obliger les généraux Français à conserver la rive droite de la Meuse. En effet, dans un moment de panique, les généraux Français désirent évacuer la rive droite de la Meuse. Mais Castelnau avait compris, c'est qu'en livrant la rive droite de la Meuse aux Allemands, on leur livrait, en même temps, des crêtes excellentes pour les tirs de leur artillerie. En outre, en conservant les crêtes de la rive droite, c'est l'artillerie Française qui conserve un bon emplacement tactique. Bref, juste avant que le général Pétain ne soit nommé à la tête des forces Française à Verdun, Castelnau a joué un rôle essentiel, car, au soir du 25 février, les Allemands avaient été repoussés sur toute la ligne..
En juillet 1916, l'offensive Franco-Britannique de la Somme commençe. Alors que les Britanniques peinent et subissent de lourdes pertes, les Français, surprenant les Allemands qui ne s'attendaient pas à les voir dans cette bataille, s'emparent de nombreuses tranchées et firent, en peu de temps, une avance de plusieurs km en avant. Castelnau, enthousiasmé par ces succès si rapides et si inattendus, réclame haut et fort qu'il faut profiter de l'occasion pour frapper vite et fort, percer le front Allemand dans ce secteur et ensuite prendre à revers les lignes ennemies. Ce que demande Castelnau est largement réalisable puisque, dans les premiers jours, les Allemands n'ont, devant les Français, aucune organisation défensive digne de ce nom pour éviter que leur front soit rompu. Malheureusement, Joffre décline l'idée de Castelnau et fait de la bataille de la Somme un combat méthodique, qui épuise l'Allemand certes, mais au prix de pertes élevées, sans réel profit pour notre situation.
A partir de 1917, Castelnau, trop critiqué et jugé trop peu coopératif, quitte l'état-major pour être nommé à la tête du groupe des armées de l'est. Jusqu'au 11 novembre 1918, Castelnau ne livre plus vraiment de grandes batailles, le gros des opérations défensive et offensive de l'année 1918 se déroulant surtout au nord et au centre. Castelnau aura, pour mission, de remettre "en forme" les unités éprouvées ou de former les jeunes recrues.
Malgré tous les services rendus à la France, trois de ses fils tués au combats, la république reconnaissante n’attribuera jamais le bâton de maréchal au général de Castelnau. En se moquant, le maréchal Foch ira jusqu'à dire, avec une certaine ironie, "l'on ne donne pas de bâton au vaincu de Morhange"! Le problème c'est que Castelnau n'était pas le vaincu de Morhange mais bien plutôt Foch en personne...
Lien obsolète...