cette nuit-là, Hitler coupe une branche morte, ou plutôt, en jardinier avisé, il réoriente le développement de la plante nazie, faisant de la SA un rameau secondaire au profit d'une nouvelle branche maîtresse. C'est quatre semaines plus tard, le 26 juillet, que la SS se sépare complètement de la SA, à laquelle elle était encore théoriquement subordonnée, et que son chef Himmler reçoit le titre de « Reichsführer SS ». Les généraux se sont donc fait gruger. Le « monopole des armes » a beau être confirmé à l'armée par le discours du 13 juillet, jamais elle n'osera s'insurger contre la prolifération de l'engeance qui, avec sa bénédiction, a ouvert le feu le 30 juin, et qui bientôt, contrairement à la SA, viendra chasser sur ses terres, en formant des régiments et des divisions de « Waffen-SS ». Voilà qui fera de Himmler le quatrième commandant d'arme de la Wehrmacht, aux côtés du général von Fritsch et de ses successeurs pour l'armée de terre, des amiraux Raeder puis Dönitz pour la marine et, pour l'armée de l'air, de Göring.
On voit là comme un piège bien huilé qui se referme. Alors, quel crédit accorder aux théories qui veulent que tout, en ces sanglantes journées, n'ait été que réaction panique et improvisation ? La majorité des historiens pense en effet qu'il y avait réellement un risque de « deuxième révolution », que Hitler a « hésité » et qu'il a fini par se résigner à choisir les militaires contre les SA. Là-dessus, l'analyse de Philippon est sans appel : sur le terrain les relations étaient globalement correctes et, si les différences d'éducation étaient sources d'incidents, ils n'ont jamais débouché sur une opposition globale entre l'armée et les SA.
En revanche, il y avait bel et bien des gens qui travaillaient à en créer l'impression. Et notamment Röhm, qu'on est surpris de voir ainsi souffler, à partir de février surtout, sur des braises insignifiantes, alors qu'en vieux routier des batailles politiques il devrait bien se rendre compte qu'il n'a aucun moyen de défier Hitler.
Nihilisme et politique | Leo Strauss
Collection : Rivages Poche / Petite Bibliothèque
Poche | 160 pages. | Paru en : Mars 2004 | Prix : 7.00 €
Leo Strauss se penche sur la signification du nihilisme allemand, qu'il considère comme la base culturelle du national-socialisme. C'est la seule fois où il parle du nazisme, lui qui en a connu les premiers signes en tant qu'Allemand et en tant que juif. Son analyse est simple et lumineuse. Il démontre que loin d'être un phénomène lié à la folie d'un chef capable de sidérer un peuple entier, le nazisme est enraciné dans l'histoire de l'Allemagne moderne et dans l'histoire de la modernité. Sa critique s'inscrit dans la tradition philosophique classique et dans la tradition biblique, l'une et l'autre radicalement opposées au nihilisme contemporain. La crise de notre temps est tout entière là, avec les moyens donnés par la tradition de la surmonter.
Ce livre est composé de trois essais : Sur le nihilisme allemand (1941), La crise de notre temps (1962), et La crise de la philosophie politique (1962).
Le nazisme prétend apporter une réponse aux apories constitutives du régime politique moderne. [...] La représentation démocratique consiste essentiellement en un travail d'incarnation, alors que la représentation libérale a simplement pour but de légitimer une délégation. À l'univers fragmenté et divisé dont se satisfait et se nourrit la vision libérale du monde, s'oppose la perspective d'un monde homogène. [...] La vison nationale-socialiste se greffe sur cet anti-libéralisme. Le national-socialisme absolutise d'abord le principe d'incarnation-représentation en mettant en avant la notion de guidance (führertum). Le chef accomplit ainsi le principe représentatif-incarnation tout en donnant son plein effet à la puissance de la collectivité ; la souveraineté devient à travers lui immédiatement active. [...] Parallèlement, le national-socialisme précipite le réquisit homogénéité du peuple et de son unité sous les espèces de la race".
Le rejet intolérant de mes thèses permet la survie, dans les esprits qui se laissent impressionner par le tapage, d’une tradition molle et mal définie, celle d’un Hitler devenant lui-même progressivement et se distinguant peu de la masse des auteurs d’extrême droite antérieurs ou contemporains.
le nombre d'historiens qui pensent que Seelöwe était une manœuvre d'intoxication pour masquer les préparatifs contre l'URSS augmente sans cesse.
Elgor a écrit :
Sujet du message : Re: Goebbels et le 20 juillet 1944.
Message Publié : 01 Sep 2014 9:34Dupleix a écrit :
Pour imaginer ce qui se serait passé si Hitler avait été tué et si le putsch avait tout de même échoué, on peut peut-être faire une similitude avec la mort de Staline où les manœuvres en coulisse entre successeurs potentiels ont abouti à une direction collégiale pendant quelques années avant qu'un nouvel homme fort ne s'impose.
Sauf, qu'à ce moment là, L'URSS était en paix et que les membres en question avaient le temps devant eux. En 1944, vu la gravité de la situation, ce schéma ne pouvait se faire. Les généraux conspirateurs n'envisageaient pas cette éventualité. Ils "espéraient" pouvoir, Hitler mort, traiter avec les alliés occidentaux pour pouvoir se retourner intégralement contre les russes. Ils se faisaient évidemment des illusions.
Jerôme a écrit :
Sujet du message : Re: Goebbels et le 20 juillet 1944.
Message Publié : 04 Sep 2014 0:33
Est il justifié de comparer l'éventuelle mort de Hitler en 1944 avec celle de Staline en 1953 ?
J'ai plutôt le sentiment que les dirigeants nazis tout en étant fréquemment en concurrence les uns avec les autres certes étaient néanmoins unis par deux formes de solidarité : une forte sincérité idéologique (les nazis croyaient vraiment en leurs idées , même les plus folles) et la conscience qu'en temps de guerre la division génère la défaite !
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