Pierma a écrit :
Sujet du message : Re: Les raisons politiques de la chute de Jean Moulin
Message Publié : 09 Sep 2013 4:17
Lacouture dit qu'on n'a pas voté parce que "ce n'était pas l'usage." Il affirme que des pointages ont été effectués depuis par divers auteurs, qui semblaient donner une majorité à Reynaud.
Ce qui est inacceptable, ce sont ces militaires qui refusent d'obéir au gouvernement et prétendent imposer leurs conditions. Pétain alors qu'il fait partie du gouvernement, et Weygand chef d'état-major. Ils vont y réussir, d'ailleurs. En particulier sur un point : imposer un armistice (acte du gouvernement) plutôt qu'une capitulation de l'armée. C'est Weygand qui refuse mordicus une capitulation de l'armée. Un président du Conseil plus courageux aurait parfaitement pu le démettre de ses fonctions et le mettre en état d'arrestation.
Ainsi, contrairement aux autres pays envahis par Hitler, le gouvernement français ne part pas s'installer à Londres et ne défend pas ses colonies. De Gaulle :"Pétain président du conseil, c'était l'armistice immédiat. Je partirais le lendemain." En fait Pétain va faire pire, puisqu'il demande aux troupes de cesser le combat avant même que l'armistice soit signé, ce qui donne aux Allemands, les opérations n'étant pas interrompues, la possibilité de ramasser un maximum de prisonniers, d'autant plus que les soldats, convaincus qu'il y a un armistice imminent, ne cherchent plus à se soustraire à la captivité.
On reste stupéfait de l'arrogance de ces militaires factieux (souligné par FD), Pétain et Weygand, qui réussissent à imposer leur solution alors que les grands vaincus de 1940 sont les militaires, Pétain portant la responsabilité particulière d'avoir pendant 20 ans bloqué toute évolution de la stratégie militaire. Ils vont retourner l'accusation et mettre en cause (et juger) les politiques de la 3ème République.
J'ai toujours trouvé curieux que De Gaulle n'ait pas fait de reproches à Reynaud. "Il remet sa démission avec la satisfaction de l'homme qui met sac à terre" c'est cinglant mais pas accusatoire. Plus étonnant, Reynaud accepte un poste d'ambassadeur de Pétain à New York. :rool: Ces politiques de la 3ème République ne pesaient décidément pas lourd. Aussi bien la poursuite de la lutte et la reconstitution de la démocratie française vont être entrepris par un militaire (De Gaulle) et tout seul, pendant que le gros des politiques tombent dans l'embuscade du Massilia : ils n'ont pas pesé à quel point Pétain et ses sbires sont prêts à renverser la légitimité républicaine. Pétain, "général républicain" avait bien caché son jeu.
Toutes ces circonstances expliquent un peu mieux pourquoi De Gaulle se retrouve seul à Londres, n'en déplaise à Michel J. Cuny. Encore que la mission envoyée à Bordeaux par Churchill ait laissé à beaucoup d'autres (Mandel, en particulier) la possibilité de le rejoindre. Mandel argua qu'il avait "de trop gros bagages" - sa maîtresse et la fille de celle-ci. On peut juger que cette réponse n'était pas au niveau du drame qui se jouait, et de fait elle lui coûtera la vie.
Cette vision est d'un classicisme !
Elle tourne le dos à l'essentiel : l'impression mondiale que Hitler, en ce 16 juin, a gagné la guerre et que quiconque veut limiter ses gains ne peut plus le faire que sur le terrain de la diplomatie.
En d'autres termes : la folie de Hitler, après avoir divisé et dérouté ses adversaires potentiels, lui donne l'occasion de mettre la planète échec et mat, et d'appliquer intégralement le programme de Mein Kampf; elle ne peut plus être contrariée, in extremis, que par des visionnaires eux-mêmes, en un sens, fous. C'est le cas de Churchill et de De Gaulle, mais nullement de Halifax, Eden, Roosevelt, Staline, Mandel, Pie XII... et, bien entendu, Reynaud. Ce n'est pas le découragement du dernier nommé, on ne peut plus banal, qui est à expliquer, mais bien le sursaut des deux derniers antinazis influents.