par eliedurel » Jeudi 17 Décembre 2009 20:45:47
Bonjour Paul,
Je suis Elie Durel et je suis Français. A ma place, Siracourt (ou Michel Wartelle) vous propose semble-t-il ses services, mais il est très occupé. Je ne suis malheureusement pas polyglote comme lui et intervenir en anglais ou néerlandais dans un tel débat serait bien compliqué.
A toutes fins utiles, je vous communique ci-après le prologue de mon livre « L’histoire d’un conscrit de 1913 » écrit à partir des carnets de route d'un officier de la Grande Guerre. La responsabilité de l'empereur Guillaume II dans son déclenchement ne paraît pas douteuse, pas plus qu'il ait joué les pyromanes pour tenter de contraindre le tsar Nicolas II (qui mériterait lui d'être réhabilité) à signer une paix séparée.
Prologue
Dans ses carnets, Albert Thirault a, par un souci de vérité qui le caractérise, voulu démontrer à qui incombait la responsabilité du déclenchement de la guerre. En effet, à partir du moment où la victoire lui échappait, l’Allemagne cherchera à culpabiliser la France, l’Angleterre et la Russie.
Ainsi, fait-il état du fameux « livre jaune » qui est le recueil des correspondances, avant et au moment de l’entrée en guerre, entre le gouvernement français et ses ambassades en Allemagne, en Angleterre, en Russie, en Belgique, au Luxembourg, en Autriche et en Italie.
Dès le mois de mars 1913, au moment où la loi des trois ans venait d’être promulguée en France, le lieutenant-colonel Serret, attaché militaire près de l’ambassade à Berlin écrivait au ministre de la Guerre pour lui signaler que les Allemands en voulaient particulièrement à la France d’avoir pris cette mesure alors qu’eux-mêmes avaient déjà renforcé leur propre armée. « Le mouvement patriotique qui s’est manifesté en France, écrit cet officier, a causé dans certains milieux allemands une véritable colère…Depuis quelque temps, on rencontre des gens qui déclarent les projets militaires de la France extraordinaires et injustifiés. Dans un salon, un membre du Reichstag, et non un énergumène, parlant du service de trois ans en France allait jusqu’à dire : « C’est une provocation, nous ne le permettrons pas ! » De plus, des modérés civils ou militaires soutiennent couramment la thèse que la France, avec ses quarante millions d’âmes, n’a pas le droit de rivaliser ainsi avec l’Allemagne ! En somme, on est furieux…C’est du dépit. On enrage de voir que malgré l’effort énorme entrepris l’année dernière, continué et accru encore cette année, on ne pourra probablement pas encore cette fois mettre la France hors de cause. »
Dans une lettre en date du 22 novembre 1913 de Monsieur Cambon, ambassadeur à Berlin, il est dit ceci : «…Je tiens, d’une source absolument sûre, la relation d’une conversation que l’Empereur aurait eue avec le roi des Belges, en présence du général Moltke, chef d’état-major, il y a une quinzaine de jours. Cette conversation aurait frappé le roi Albert ; je ne suis nullement surpris de son impression, qui répond à celle que moi-même je ressens depuis quelque temps : l’hostilité contre nous s’accentue et l’Empereur a cessé d’être l’artisan de la paix…Guillaume II en est venu à penser que la guerre avec la France est inévitable et qu’il faudra en venir là un jour ou l’autre. Il croit naturellement à la supériorité écrasante de l’armée allemande et à son succès certain.
Le général Moltke parla exactement comme son souverain. Lui aussi, il déclare la guerre nécessaire et inévitable, mais il se montra plus assuré encore du succès : « Car, dit-il au roi, cette fois il faut en finir, et votre Majesté ne peut se douter de l’enthousiasme qui, ce jour-là, entraînera le peuple allemand tout entier… »
Ainsi, bien avant le déclenchement des hostilités, les intentions de l’Allemagne étaient claires et bien d’autres indications le confirmaient. Mais, il lui fallait trouver un prétexte pour passer à l’acte. Elle le trouvera dans la mésentente existante entre l’Autriche et la Serbie. Le différend entre ces deux pays prit une ampleur dramatique avec l’assassinat, le 28 juin 1914 à Sarajevo, de l’archiduc héritier d’Autriche et de sa femme, par un étudiant serbe. Les menaces de l’Autriche sur la Serbie entraînèrent l’intervention solennelle de la Russie. Celle-ci mit en garde les Autrichiens contre une atteinte à la dignité des Serbes. Alors que la Serbie était disposée à contenter dans la mesure du possible les exigences de son grand voisin, l’Autriche lui adressa un ultimatum le 24 juillet 1914. La France et l’Angleterre intervinrent alors auprès des belligérants afin d’éviter un conflit. De son côté, l’Allemagne adopta une attitude de retrait en faisant cependant savoir que si la Russie mobilisait, elle en ferait de même. Une médiation lui fut proposée, mais elle n’y répondit pas vraiment : elle étudia la question et se livra à de longs atermoiements. En fait, l’Allemagne était en train d’exploiter la situation pour trouver le moyen de déclencher la guerre qu’elle voulait. En sous-main, elle poussait l’Autriche à l’intransigeance, alors que la Serbie acceptait toutes les clauses de l’ultimatum autrichien, ce qui, en principe, devait éteindre la crise.
Le 21 juillet 1914, Monsieur Jules Cambon signala dans une lettre la faiblesse de la Bourse de Berlin : selon lui, elle exprimait manifestement l’imminence d’une entrée en guerre de l’Allemagne.
Le 28 juillet, l’Autriche déclara la guerre à la Serbie avec le soutien occulte de l’Allemagne.
Le 29 juillet, Monsieur Roussin, consul général de France à Francfort, écrivait : « Je vous signale d’importants mouvements de troupes, hier et cette nuit. Le matin, plusieurs régiments sont arrivés en tenues de campagne. Les ponts et chemins de fer sont gardés sous prétexte de préparer les manœuvres d’automne !… »
Le même jour, Monsieur Allizé, ministre de France à Munich, rendait compte : « …De Strasbourg sont signalés des transports de canons automobiles employés pour le tir sur aéroplanes et dirigeables. Sous prétexte de modifications dans les exercices d’automne, les sous-officiers et les soldats d’infanterie de Metz ont reçu, hier, l’ordre de rentrer immédiatement… »
Tout cela ressemblait fort à une mobilisation, ce qui n’empêcha pas l’ambassadeur allemand de déclarer à son homologue russe que si la Russie n’arrêtait pas ses préparatifs militaires, l’armée allemande recevrait l’ordre de mobiliser.
Dans une lettre datée du 30 juillet, le Président du Conseil écrivait : « …Bien que l’Allemagne ait pris ses dispositions de couverture sur les positions de combat, nous avons retenu nos troupes à dix kilomètres de la frontière en leur interdisant de s’en rapprocher davantage. Notre plan, conçu dans un esprit d’offensive, prévoyait pourtant que les positions de combat de nos troupes de couverture seraient aussi rapprochées que possible de la frontière. En livrant ainsi une bande de territoire sans défense à l’agression soudaine de l’ennemi, le gouvernement de la République tient à montrer que la France, pas plus que la Russie, n’a la responsabilité de l’attaque… »
Le 31 juillet , Monsieur Paléologue, ambassadeur à Saint-Pétersbourg, annonçait : «…En raison de la mobilisation générale de l’Autriche et des mesures de mobilisation prises secrètement, mais d’une manière continue par l’Allemagne, l’ordre de mobilisation générale de la Russie a été donné. »
Le 1er août à 19 heures 10, l’Allemagne déclarait la guerre à la Russie.
Le 2 août, dans une lettre de Monsieur Viviani adressée aux ambassadeurs de France à l’étranger, celui-ci écrivait : « Le territoire français a été violé ce matin par les troupes allemandes à Cirey et près de Longwy. Elles marchent sur le fort qui porte ce dernier nom. D’autre part, le poste douanier de Delle a été assailli par une double fusillade. Enfin, les troupes allemandes ont vidé ce matin aussi le territoire du Luxembourg. Vous utiliserez ces renseignements sans retard pour faire constater comment le gouvernement allemand se livre contre la France à des actes de guerre, sans provocation de notre part, ni déclaration de guerre préalable, alors que nous avons scrupuleusement respecté la zone de dix kilomètres que nous avons maintenue, même depuis la mobilisation, entre nos troupes et la frontière… »
Le lundi 3 août à 18 heures 45, l’Allemagne déclarait la guerre à la France.
Le même jour, Monsieur Viviani informait les représentants de la France à l’étranger : « …L’ambassadeur d’Allemagne a demandé ses passeports et part ce soir avec le personnel de l’ambassade et du consulat général. Le baron Schoen a donné comme prétexte, la constatation par les autorités allemandes d’actes d’hostilité qui auraient été commis sur le territoire allemand par des aviateurs militaires français accusés d’avoir survolé le territoire de l’Empire et jeté des bombes. L’ambassadeur ajoute que des aviateurs auraient également violé la neutralité de la Belgique en survolant son territoire. « En présence de ces agressions, dit la lettre de Monsieur Schoen, l’Empire allemand se considère en état de guerre avec la France, du fait de cette dernière puissance… »
Les dès étaient jetés. Le bleu Jacques Lefourchu, les militaires et tous les hommes mobilisables allaient entrer sur la scène d’une tragédie qui marquera à jamais l’Histoire mondiale.
Bien cordialement
Elie Durel
Élie DUREL auteur de : « L’autre fin des Romanof et le prince de l’ombre » aux éditions Lanore (France) 2009 – « Mémoire d’un résistant » chez Gestes éditions (France) - « L’histoire d’un conscrit de 1913 » aux éditions Ouest-France – « Les amants du Val de Loire » chez Geste éditions.