Narduccio a écrit :
Sujet du message: Re: Pourquoi Hitler ne retarde pas Barbarossa à 1942 ?
MessagePosté: 03 Fév 2013 22:24
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Le "retard" de Barbarossa est l'un de ces mythes. Depuis, on lit un peu partout que sans ce "retard" Hitler aurait pris Moscou et il aurait gagné la guerre. Or, tout ceci n'est pas tout à fait vrai.
Premièrement, les conditions météos n'étaient pas optimales pour une attaque en mai. Attaque qui se serait sûrement enlisée dès le départ, ce qui aurait peut-être pu permettre aux soviétiques de découvrir un peu avant quelques limites stratégiques de la blitzkrieg.
Deuxièmement, les forces utilisées par l'invasion de la Yougoslavie furent marginales. Comme le démontre CNE503.
Troisièmement, le fait que des troupes allemandes soient arrivées dans les lointains faubourgs de Moscou ne veut pas dire que la ville était sur le point de tomber. La prise de Moscou étant un sacré morceau et à se moment précis les allemands n'avaient plus de réserves disponibles, alors que les russes en avaient.
Bref, toute la recherche récente démontre que certains ont raconté des fadaises dans l'immédiat après-guerre. Pourquoi ? Je pense que c'est un axe de recherche qui sera à développer ces prochaines années. Et entretemps, il faudra éradiquer de la doxa médiatique ces fadaises.
Mais rassurez-vous, il y a 15 ans, je pensais comme vous le pensiez il y a quelques jours.
Il se trouve que ma bio de Hitler, en 1999, m'a inscrit en assez bonne position dans la démolition des "fadaises". L'idée d'un "retard" motivé par le besoin de voler au secours de Mussolini dans les Balkans est absente, au profit de celle d'un habile mouvement tournant, destiné notamment à leurrer Staline, ou à le plonger dans la perplexité, le plus longtemps possible, tout en minant le fauteuil de Churchill :
C'est une atmosphère de branle-bas de combat, aux portes de la Méditerranée, que veut créer l'Allemagne en cette fin d'octobre, par les visites de ses dirigeants aux chefs des deux pays riverains, l'Espagne et la France de Vichy. On ne peut pas dire que Franco, non plus que Pétain, contrarie en rien le metteur en scène, et récuse son rôle d'agresseur potentiel des intérêts britanniques.
Cependant, par une des manœuvres les mieux conduites de toute l'histoire, l'orage qui frappait l'Angleterre en août-septembre et paraissait, en octobre, se déplacer vers Gibraltar et l'Afrique noire va, dès la fin de l'année et au premier semestre suivant, toucher des régions plus orientales, des Balkans à la Syrie en passant par l'Egypte, avant d'éclater de toute sa force au-dessus de la Russie.
Des initiatives de Mussolini en seraient, d'après certains, la cause. Effectivement, il attaque l'Egypte en septembre mais ne progresse guère, la Grèce le 28 octobre et se fait repousser, avant de subir en décembre une terrible contre-offensive des troupes britanniques d'Egypte, qui permet aux Anglais bien moins nombreux de faire prisonnière une grande partie de l'armée italienne de Libye, tout en conquérant la moitié orientale de cette colonie, la Cyrénaïque. Ce triomphe, bien utile pour l'aura de Churchill, est consommé en janvier. On comprend que Hitler, après avoir reproché ses imprudences à son allié et l'avoir reçu en ce même mois de janvier, prenne des contre-mesures : il convient d'un plan d'attaque contre la Grèce et de l'envoi en Afrique du Nord d'une division blindée confiée à un spécialiste qui a montré ses talents en France, le général Rommel. Ce sera le fameux Afrika Korps. On met au pas, en les associant au pacte tripartite, la Roumanie, la Hongrie et la Bulgarie, on punit la Yougoslavie par une campagne-éclair après qu'un coup d'Etat pro-anglais lui eut fait reprendre à cet égard sa parole, puis la Grèce est envahie et Rommel passe à l'action. Ce sont de nouveaux lauriers pour la Wehrmacht, notamment lorsqu'à la fin d'avril elle oblige à un coûteux rembarquement les troupes anglaises qui avaient été appelées en Grèce.
Mais on n'a encore rien vu. Hitler prépare pour les trois premières semaines de mai un éblouissant feu d'artifice. Jamais l'expression n'a été plus justifiée. Cela pète de partout, mais l'incendie véritable se prépare dans l'ombre.