Le débat sur mon travail

Les Totalitarismes à l'assaut de l'Europe !

Re: Le débat sur mon travail

Message par Duc de Raguse » Samedi 30 Juin 2012 08:13:14

Non, c'est un constat présent. Vous avez pourtant très bien compris...
Poursuivez donc vos insultes en donnant des coups de pied où vous voulez et à qui vous voulez.
Vous pouvez faire ce que vous voulez de toute manière, tout utilisateur impartial aura remarqué que vous ne savez pas vous comporter correctement sur un forum, sans user du mépris, du dénigrement et de l'insulte.
Généralement, c'est lorsqu'on est en manque d'argument qu'on agit ainsi...
"Le plus terrible entre toutes les horreurs est la calomnie et le triomphe des sots"
Balzac.
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Re: Le débat sur mon travail

Message par Francois Delpla » Samedi 30 Juin 2012 09:08:38

Duc de Raguse a écrit : vous ne savez pas vous comporter correctement sur un forum.


y compris ce forum-ci ?
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Re: Le débat sur mon travail

Message par Francois Delpla » Samedi 30 Juin 2012 11:33:13

S'il m'est permis, donc, une petite minute, d'émettre des considérations sur mon propre travail dans un fil à lui consacré et si le censeur réactionnaire qui a prétendu me l'interdire sur un forum qu'il régentait, par la destruction du texte d'abord, par l'exclusion de l'auteur ensuite, daigne ôter un instant ses crocs de mes mollets, je voudrais enfin commenter le texte d'Edouard Husson, en souhaitant que des gens plus ouverts (dont le même, s'il s'ouvre !), et vraiment passionnés d'histoire, me donnent la réplique :

François Delpla a développé une oeuvre historique anti-conformiste. Quand toute la corporation des chercheurs en histoire ne s'intéressait qu'aux phénomènes de "radicalisation cumulative de la violence" dans les institutions du IIIè Reich, il a renouvelé l'analyse du comportement hitlérien et rappelé utilement qu'on avait toujours tendance à minimiser les capacités manoeuvrières du dictateur nazi. Comme l'avait dit le politiste Karl-Dietrich Bracher il y a quarante ans, "l'histoire du nazisme est d'abord celle de sa sous-estimation", à commencer par la sous-estimation, jadis par les dirigeants aujourd'hui par les historiens, de Hitler lui-même. L'étude la plus magistrale de Delpla est peut-être celle qu'il consacre à l'arrêt des blindés allemands avant Dunkerque, sur ordre de Hitler. Les généraux allemands après la guerre, relayés par beaucoup d'historiens, ont affirmé qu'il s'était agi d'une magistrale erreur du dictateur, qui avait manqué l'occasion de faire prisonnière l'armée britannique. Delpla montre au contraire le calcul stratégique hitlérien, parfaitement dosé: laisser une partie des troupes britanniques se rembarquer tout en pouvant reprendre l'offensive à tout moment, c'est envoyer un signe au parti de l'appeasement resté très fort après le début de la guerre, en particulier sous l'impulsion de lord Halifax; et, comme le montre Delpla, il s'en fallut de peu, dans les jours qui suivirent, que Churchill ne fût mis en minorité au sein du Cabinet. Autrement dit, Hitler a failli gagner son pari d'une entente avec l'Angleterre sur la base "respect de l'Empire britannique par l'Allemagne/ Acceptation par la Grande-Bretagne de la création de l'Empire européen continental de l'Allemagne". L'oeuvre de Delpla regorge de renouvellements historiographiques de ce genre. Je ne partage pas toutes ses thèses mais je les trouve toujours stimulantes.


Notre débat de lundi dernier, lors de la soutenance d'habilitation, a porté en grande partie sur ma répudiation du fonctionnalisme, qui forme l'axe du mémoire d'auto-histoire (publié sous peu par Daniel Laurent en hors-série de son magazine La Dernière guerre). Aucun des six membres, très divers, du jury, n'a émis sur ce point d'objection. C'est là un véritable événement historiographique. L'enjeu est en effet de taille, et il convient de l'expliciter.

L'époque où "toute la corporation des chercheurs en histoire ne s'intéressait qu'aux phénomènes de 'radicalisation cumulative de la violence'" couvre en effet (à quelques exceptions près, dont je parlerai plus loin) le dernier tiers du XXème siècle. En d'autres termes, dans une tradition inaugurée par le Behemoth de Franz Neumann, on décrivait le Troisième Reich comme un gros ectoplasme sans direction ou presque, assumant sans fin les conséquences de ses propres inconséquences. On a vu cependant vers 1990 apparaître une génération de "fonctionnalistes modérés", illustrée notamment par les noms de Philippe Burrin, Christopher Browning et Ian Kershaw. Ils prétendaient continuer sur la lancée précédente tout en redonnant un bout de rôle, et à Hitler, et à l'idéologie nazie. Outre ses inconvénients dans l'écriture de l'histoire proprement dite, ce positionnement paralysait la réflexion en s'interdisant, et en prétendant interdire, toute critique du fonctionnalisme pur et dur de la période précédente, favorisant ainsi sa survie chez de jeunes, et parfois très jeunes, chercheurs, comme Florent Brayard et, d'une façon plus générale, la plupart des germanistes de l'Institut d'histoire du temps présent (IHTP).

Pour parler un instant de moi-même, je n'ai ni la vocation de la solitude, ni celle du martyre. De ce point de vue, l'adjectif "anti-conformiste" employé par Edouard Husson peut induire en erreur. Si j'ai fait tout ce que j'ai fait et tracé une route apparemment solitaire, c'est en recevant à chaque fois de très solides appuis... de gens qui ne faisaient pas autorité dans les domaines précis dont je traitais mais avaient une connaissance suffisante de l'histoire et de ses méthodes, et avaient lu mon travail de suffisamment près, pour que leur approbation me donne une grande assurance. Je pense notamment à des gens qui, après leur agrégation d'histoire, avaient suivi des chemins divers, comme Madeleine Rebérioux, Pierre Dhers ou Lucie Aubrac. Il y eut aussi le soutien de Jean-Louis Crémieux-Brilhac, fort mesuré au début mais total à partir de 2000 et de mon livre sur le 18 juin, qu'il avait relu de près avant parution. Et bien entendu l'intérêt vigilant d'Edouard Husson, à partir de 1998. Juste avant qu'il ne s'impose comme un spécialiste.

Qu'est-ce que j'ai fabriqué au juste ? D'abord j'ai découvert l'intelligence de Hitler. Elle n'était pas, auparavant, tout à fait inconnue mais son constat était resté marginal. Le monceau de sottises incohérentes qui tenait lieu de consensus à propos de l'arrêt devant Dunkerque en fournit une excellente illustration, ainsi que les ventes de ma Ruse nazie (1997), mon plus bel échec commercial à ce jour. Comme un bonheur n'arrive jamais seul, je viens de me voir passer commande d'un article sur le Haltbefehl dans un organe de grande diffusion, à paraître au printemps prochain. Hitler, donc, était intelligent; il possédait un art de dérouter l'adversaire rarement égalé dans l'histoire, avec cette particularité d'arriver à masquer ce talent... et cela, c'est la vérité historique la plus facile à prouver, puisqu'il n'y a qu'à regarder, autour de soi, la foule de ceux qui n'ont toujours pas compris.

Après l'intelligence, il m'est revenu de cerner la folie de Hitler. J'ai certes toujours caractérisé son idéologie comme délirante mais je voyais mal, jusqu'à 2010 environ, le caractère très individuel que, comme toute psychose, revêtait ce délire. Il y fallait un moment déclencheur. J'avais certes été l'un des très rares à remarquer et à saluer l'oeuvre de Rudolph Binion, dès ma biographie de Hitler publiée en 1999, mais j'étais loin alors d'en tirer toutes les conséquences, et pensais avant tout que les soins du psychiatre avaient fortifié sa confiance en lui. Je n'ai compris que vers 2010 qu'il était alors, en l'espace d'un an au maximum, devenu radicalement autre, et s'était organisé pour se mouvoir en même temps dans le monde réel et dans son monde à lui. Décisive avait été à cet égard l'exploration de sa vie privée, entreprise autour de 2005 sur la commande d'un éditeur. Jusque là on souriait volontiers de son comportement avec les femmes et du fait qu'il les fréquentait platoniquement. J'ai à la fois montré qu'il menait (avec Eva Braun) une vie sexuelle apparemment banale, et que son besoin de présences féminines sans finalité sexuelle procédait du souci de se rassurer en permanence sur l'existence et le bien-fondé de sa "mission". Bref, c'était à la fois un très grand stratège et un pauvre type... et c'est bien la combinaison, parfaitement inédite à ce niveau de pouvoir, des deux, qui avait été à la base de ses succès.

A vous !
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Re: Le débat sur mon travail

Message par Francois Delpla » Lundi 09 Juillet 2012 14:06:20

Je viens de faire (9 juillet, 14h 02) une mise au point qui s'applique à tous les fils concernant des forums mal modérés : viewtopic.php?f=15&t=1025&p=11967#p11967 .
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Re: Le débat sur mon travail

Message par Francois Delpla » Dimanche 15 Juillet 2012 04:01:16

Le sujet du dernier paragraphe de mon long message ci-dessus fait l'objet d'un vif échange sur Passion-Histoire http://www.passion-histoire.net/n/www/v ... 61#p412261 .

Le réac, mauvais joueur et intellectuellement représentatif de la moyenne des habitués du lieu qui signe Alain.g aborde la folie de Hitler en voulant à toute force l'inscrire dans un "délire collectif" aux limites mal définies, chronologiques autant que sociales et nationales.

Son adversaire le plus proche de mes positions est, tenez-vous bien, Duc de Raguse !

Ira-t-il jusqu'à une autocritique (question un peu anecdotique) ? Jusqu'à un rétablissement de conditions normales de discussion en rétablissant mon compte (question nettement moins anecdotique) ?
Viendra-t-il au moins en causer ici ?
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Re: Le débat sur mon travail

Message par BRH » Vendredi 27 Juillet 2012 15:58:42

Un aparté sur la question pendante de nos capacités de transport par rapport à la détermination de la stratégie de Weygand. Comme certains détracteurs m'opposaient les limites de celles-ci et que vous aviez depuis longtemps posé la question, je me suis livré à une petite recherche :

viewtopic.php?f=12&t=1013

Vos réflexions seront les bienvenues. :wink:
Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !

Napoléon
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Re: Le débat sur mon travail

Message par Francois Delpla » Samedi 28 Juillet 2012 06:58:43

Il me semble que vous soulevez là un lièvre intéressant.
J'attendrai d'avoir relu Doumenc pour en dire plus.
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Re: Le débat sur mon travail

Message par Francois Delpla » Mercredi 15 Août 2012 08:24:37

Très curieusement, alors qu'il n'y a strictement rien de neuf, mon analyse du Halbefehl devant Dunkerque, développée notamment sur le présent site, depuis des années viewtopic.php?f=12&t=340, suscite au cours de cet été une avalanche de coups bas, de menaces de verrouillage sinon de bannissement, de comportements de webmestres pires que tout ce qu'on connaissait en matière de censure et de privilèges (des lois sur mesure pour me réprimer, en me dictant le plan et quasiment le contenu de mes réponses sinon gare !), de recherche sur la Toile et d'utilisation en guise d'argument scientifique de vieilles disputes sans rapport avec l'ordre d'arrêt (dont personne ne prendra connaissance en détail, mais qui concourent à installer une méfiance), de regroupement d'ennemis comme pour une lutte finale, les répressifs de Passion-Histoire s'affichant notamment avec des gens pires qu'eux... Et dès que je fais la moindre remarque sur ce traitement, je suis censé "me poser comme toujours en victime" !

Je ne comprends pas moi-même très bien le soubassement géologique de cette avalanche. Je vais essayer de l'analyser plus avant dans les jours qui viennent.

Avec l'aide des volontaires !

Un point commun des détracteurs sera mon point de départ : si aucun ne m'oppose, sur l'ordre d'arrêt, une thèse rivale clairement formulée, tous cependant adhèrent peu ou prou à l'idée que Hitler était très nerveux et avait en quelque sorte peur de son ombre. C'est l'idée qu'il aurait pu savoir où il allait -tout en étant dérangé dans ses calculs par l'irruption inattendue de Churchill- que ces personnes ont du mal, non seulement à concevoir, mais à trouver digne d'examen.

Pour documenter la recherche, le fil de PH sur les appeasers anglais, que nous avons commenté ici par moments, mérite d'être relu d'un trait : http://www.passion-histoire.net/n/www/v ... &sk=t&sd=a

Cela commence en 2009 et se polarise rapidement sur un article que j'avais donné à Histomag, http://www.delpla.org/article.php3?id_article=414 , introduit par Chef chaudard. Je finis par intervenir en personne. Tonnerre et Raguse n'y voient pas matière à faire les gros yeux (ni Elgor, qui fait une apparition)... mais après octobre 2011, date de mon expulsion pour cause de lèse-Tonnerre sur la folie hitlérienne, ils jouissent littéralement de ma disparition pour libérer leur parole.

Il ne s'agit pas ici de PH mais de mon travail et de la résistance qu'il suscite, en général. Voici l'un des posts les plus emblématiques :

ponceludone a écrit :
Sujet du message: Re: Les "appeasers" anglais
MessagePosté: 19 Oct 2009 11:23

En septembre 1939 Chamberlain "appeaser-en-chef" lance l'Angleterre dans la guerre et Halifax son ministre des affaires étrangères ne démissionne pas. A partir de cette date ils sont l'un et l'autre des "ex-appeasers". Mers el Kebir est un message au monde entier : Le Royaume-Uni est toujours en guerre. En juillet 1940 Roosevelt n'est pas un allié mais un soutien moral et en matériel de Churchill.

Les Britanniques sont bien connus pour leur "fighting spirit" résumé par un sergent disant à Churchill : "Nous voilà en finale et le match a lieu chez nous".


Ce ponceludone ne cite rien de mon article ou de mes arguments. Du peu qu'il en dit, on se demande si on doit admirer davantage la finesse ou la précision :
PS. Ceux qui publient dans une revue historique devraient un peu plus respecter le lecteur. Est-il nécessaire d'utiliser le style bistrot ?


Je citerai aussi ceci, parce que j'aime mettre en valeur le côté positif des gens, et parce que le retournement intervenu depuis montre à lui tout seul l'intensité des crispations qui trouvent leur sommet en ce moment :

Narduccio a écrit :
Sujet du message: Re: Les "appeasers" anglais
MessagePosté: 19 Oct 2009 22:30

ponceludone a écrit:
Il y eu des votes, mais le gouvernement a toujours eu une majorité écrasante pour ce qu'il demandait.
Dans les mémoires de Churchill, ces votes ont lieu en 1940. Quand je mentionne 1942, c'est pour situer le premier vote de confiance.




Quand je lis la discussion, je trouve un seul intervenant référence à 1942 et qui a tendance à tout faire embrouiller avec cette référence postée à tout bout de champ. On sait tous que les appeasers anglais ont œuvré a un moment crucial ou le pouvoir de Churchill est très faible et que ce moment est la fin de l'été et le début de l'automne 1940. S'il y avait eu un vote à ce moment, le gouvernement aurait pu être mis en difficulté. Or, "on" a évité qu'il y ai un vote. Et après guerre, "on" a tout fait pour que cet épisode peu glorieux soit passé sous silence.


On voit que Narduccio, qui n'est pas encore "-duro", me soutient personnellement et intellectuellement contre les coups bas de ponceludone sans pour autant le menacer de ses foudres de modérateur, ce que je ne souhaite nullement.

Or, trois ans plus tard, est-ce bien le même qui écrit ?

Narduccio
Sujet du message: Re: Les "appeasers" anglais
MessagePosté: 04 Mai 2012 15:31


J'ai l'impression que pas mal de monde feint d'ignorer que l'Angleterre de 1940 est une démocratie contrairement aux belligérants adverses. Or, je ne trouve personne qui peut m'expliquer combien il y avait de parlementaires anglais derrière Lord Halifax. Parce que Lord Halifax tout seul, ça ne représente rien quelque soit sa position. Force est de constater que lors de la formation du gouvernement, Winston Churchill, malgré l'image déplorable que semblent en avoir pas mal de parlementaires arrive à rassembler une majorité lui permettant de gouverner. Alors que Lord Halifax n'y arrive pas. Dans ces conditions, la position d'Halifax est au mieux anecdotique.

J'ai beau lire les diverses interventions, j'arrive pas à comprendre comment on veut que les Anglais signent la paix avec les Allemands s'il n'y a pas une majorité de parlementaires prêts à voter pour une demande d'armistice ou pour soutenir un gouvernement prêt à demander l'armistice. On peut trouver autant de témoignages que l'on veut sur des gens prêts à signer la paix avec Hitler, tant qu'ils ne disposaient pas de la majorité, ou tant qu'ils ne pouvaient pas prendre le pouvoir, cela ne veut rien dire. La question deviendrais plutôt : Hitler s'est-il laissé abuser par sa volonté de trouver das anglais favorables à la paix ? ou les anglais ont-ils sciemment abusé d'Hitler pour gagner du temps à un moment où ils en manquaient douloureusement ?


En résumé, ce fil où je suis cité à toutes les pages témoigne, de la part de ceux qui me mentionnent défavorablement, d'une argumentation digne de l'adjectif "débile", et ce d'autant plus que ses porteurs font par ailleurs montre d'intelligence et de force argumentatives. SS ils voulaient, ils pourraient, mais ils ne veulent pas, sortir de "Delpla c'est Delpla", "Delpla on connaît", "la grande majorité des historiens (variante : tous) ne voit pas les choses ainsi", e tutti quanti.

Il s'agit bel et bien, et de plus en plus, d'intégrisme, de terreur de sortir des sentiers battus, de panique à l'idée que ce qu'on croyait savoir puisse se révéler erroné ou dépassé.
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Re: Le débat sur mon travail

Message par Francois Delpla » Jeudi 16 Août 2012 07:55:13

Je dirais même plus : nous assistons là en direct à une véritable décantation.

Pendant cinquante ans (1940-1990), le volontarisme churchillien a empêché toute histoire sérieuse du mois de mai 1940. Un mythe occupait l'horizon, qu'on peut résumer comme suit : la France a regrettablement craqué, l'Angleterre a bravement relevé le flambeau, sans éprouver, au niveau gouvernemental, la moindre hésitation.

En 1990 et suivantes, l'histoire a débuté, non seulement sous l'impulsion de Lukacs et de Costello, mais d'une prise en compte, enfin, des archives du cabinet britannique ouvertes depuis vingt ans et que pendant vingt ans des historiens avaient essayé de faire entrer dans le brodequin de la version churchillienne. On s'est enfin rendu à l'évidence : la volonté de continuer la guerre n'était pas plus forte d'un côté de la Manche que de l'autre, mais certes la géographie laissait à l'Angleterre un peu plus de confort pour en discuter... si elle le souhaitait (car elle aurait pu, aussi, se précipiter pour être la première à causer avec Hitler). Churchill avait donc joué un rôle personnel énorme pour faire diverger la réaction des deux alliés devant l'écrasante victoire militaire germanique.

Comme toujours, la réaction essaye de reculer en bon ordre, et d'opérer, comme une armée, un "rétablissement" sur une ligne. Contraint de remarquer que le cabinet de Londres s'était tout autant déchiré que celui de Paris, au moins pendant la période du 25 au 28 mai (la plus immanquable dans les archives), on s'est mis à mal lire les documents qu'on ne pouvait plus contourner. Le ministre qui au matin du 26 sonne la charge contre Churchill, Halifax, aurait été battu d'avance. Il n'aurait mené qu'un combat d'arrière-garde et jeté les derniers feux de l'appeasement, espérant le soutien de son compère Chamberlain et voyant ce dernier lui échapper, convaincu par les arguments de Churchill; variante : même avec Chamberlain, il était en minorité, les deux travaillistes soutenant fermement Churchill.

Et voilà qu'à présent Narduccio, qui maîtrise visiblement très mal le dossier mais n'en reflète que mieux l'état présent du mythe, nous parle d'arithmétique parlementaire ! La vérité est que Churchill, s'il ment dans ses mémoires en prétendant avoir réussi, a bel et bien fait tout son possible pour que la question de la continuation de la guerre ne soit pas posée, et a réussi en grande partie. Elle ne l'a pas été du tout au parlement. Au cabinet, le couvercle s'est brièvement soulevé du 26 au 28 quand Halifax a fait ouvertement de la résistance, et suscité des réactions ambiguës de Chamberlain comme du travailliste Attlee, mais la conclusion qui s'est dégagée le 28 au soir ne portait pas sur le fond :

-d'une part on renonçait à la modalité de connaissance des conditions allemandes proposée par Halifax : passer par la médiation de Mussolini; on y était aidé par la mauvaise volonté de l'intermédiaire pressenti (par le seul Halifax), qui s'était dans le même temps décidé à un mariage définitif avec Hitler, après de longues fiançailles.

-d'autre part, il ne s'agissait nullement d'une décision claire et ferme de continuer la guerre même sans la France, mais d'un report de la décision d'une huitaine de jours, le temps de faire le bilan de ce qu'on aurait pu évacuer par Dunkerque; c'est parce que ce bilan avait été inespéré et que Churchill en avait tiré, le 4 juin, de grands effets oratoires, que la question ne fut finalement jamais reprise, du moins sous des formes aussi directes. Tout de même, il fallut attendre juillet et Mers el-Kébir pour que la ligne de Churchill apparût consolidée et que les craintes, ou les espoirs,d'une paix générale se calmassent quelque peu.

Hitler reste encore plus absent de l'analyse que Churchill, sous les plumes d'orientation narduccienne ou apparentée. Rien n'est plus flou dans cette mouvance que les intentions et ambitions de l'Allemagne quand elle entreprend cette campagne. Visait-elle ou non une paix blanche après avoir détruit le fer de lance français, pour reporter ses appétits vers l'est ? Qu'on néglige cette question ou qu'on la tranche d'un rire gras en prétendant qu'un Hitler pareillement vainqueur n'était pas homme à abandonner son butin, on s'ingénie à ne rien comprendre au nazisme.
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Re: Le débat sur mon travail

Message par Francois Delpla » Jeudi 29 Novembre 2012 08:01:56

Sur la prière instante d'un éminent modérateur de forum très couru, je republie http://www.delpla.org/article.php3?id_article=23 un texte de forum de l'automne 2000, résumant une période un peu agitée de mon parcours :

Il se trouve que demain sort des presses, pour être mis en vente progressivement la semaine prochaine, en particulier dans les FNAC, un livre de François Delpla intitulé Churchill et les Français.

Le livre est sorti une première fois le 27 août 1993, chez Plon. Il a été retiré de la vente le 26 octobre suivant, alors que les ventes commençaient à démarrer, sur plainte des héritiers de Paul Reynaud, fort mécontents que je révise à la baisse la prétention de leur ancêtre, tout au long de ses discours et livres d’après guerre, d’avoir été un Churchill français ou un Clemenceau bis (s’il n’avait pas eu exactement la même efficacité, cela aurait tenu seulement à la moindre valeur de ses compatriotes, par rapport à leurs contemporains d’outre-Manche comme à leurs aînés de 1918).

Les assaillants avaient, mea culpa, un angle d’attaque : sur les quelque 80 documents du livre attribués à Paul Reynaud, un l’était à tort, car il émanait d’un homonyme. L’éditeur a alors un peu manqué de sang-froid. Il a cédé assez vite (mais non pas immédiatement, comme une fille de Paul Reynaud l’a écrit à l’époque dans le Figaro), au lieu de répondre tranquillement que ce document de 1935, cité dans les pages introductives et jamais repris ensuite, n’entachait en rien la vision des rôles respectifs de Churchill et de Reynaud en mai-juin 40, qui faisait l’objet du livre, que les 5 pages concernées (sur 800) pouvaient être facilement retirées lors d’un prochain tirage et que l’usage voulait qu’on mît simplement dans les exemplaires en vente un carton rectificatif.

J’ajouterai, parce qu’on a parfois dit ou écrit le contraire, que les deux Paul Reynaud ne se ressemblaient pas que par le nom, mais par bien d’autres traits et notamment un vif intérêt pour les négociations commerciales franco-allemandes en 1928 -un sujet qui obsédait peu, en 1935, le commun des mortels : cette coïncidence, jointe à la très grande abondance des faits nouveaux et surprenants brassés dans ce livre, expliquait l’insuffisance de vérification de l’identité de l’auteur, alors même que j’avais un instant soupçonné une homonymie, et l’avais d’ailleurs écrit dans le livre.

On a aussi écrit à tort que le document présentait Paul Reynaud comme "fasciste", "pro-allemand" ou "pro-hitlérien", alors que la seule conclusion que j’en tirais, concernant l’ardeur antinazie de Paul Reynaud, était qu’en janvier 1935 il "tardait à reconnaître le nouveau danger militaire allemand". En réécrivant ces pages, j’ai pu montrer, avec de nouveaux documents non utilisés lors de la première édition, que sa première expression publique sur le sujet datait non de janvier 35 (date du document erroné) mais de mars, date de son premier discours sur l’arme blindée, écrit par son conseiller militaire rencontré fin 34, un certain de Gaulle ! Ainsi, ceux, heureusement peu nombreux mais hélas parfois influents, qui ont pris parti contre moi dans cette affaire, se rendent exactement coupables de ce qu’ils me reprochent : traiter à tort de nazi un honorable citoyen nommé Paul Reynaud.

Heureusement, je savais bien que mon livre était iconoclaste, je m’attendais à ce qu’il soit contesté et j’étais psychologiquement disposé à de rudes combats, même si je les imaginais plus loyaux. Derrière les plaignants (qui m’ont fait un procès, à moi seul, en arguant que Plon avait été trop peu zélé dans le retrait du livre !) se sont engouffrés toutes les paresses et tous les conservatismes. Témoin les parutions de cette année 2000 à l’occasion du soixantième anniversaire de la défaite de 40, fort peu novatrices et très en retrait de ce que j’avais découvert dès 1993. Certes l’héroïsme rétrospectif de Reynaud est un peu moins pris comme argent comptant, notamment dans les ouvrages sur de Gaulle, mais ses mémoires, et l’immense production académique qu’ils ont influencée, sont loin de recevoir les révisions qu’un grain d’esprit scientifique devrait imposer.

Cela dit, mon livre, impitoyable pour le Reynaud de 1945 et suivantes, est loin d’être une charge contre celui de 1940, que je ramène simplement au sort commun des dirigeants français ET BRITANNIQUES mis dans le vent par Hitler. Je mets aussi dans cette galère un Roosevelt, un Pie XII, un Staline, qui tous saisiraient avec empressement, autour du 18 juin (et déjà fin mai, au moment de Dunkerque) une bonne petite conférence de la paix censée limiter par la voie diplomatique, la seule qui semble encore ouverte, les gains hitlériens... ce qui permettrait, à brève échéance, la réalisation pleine et entière du programme de Mein Kampf. On va pouvoir le constater, puisqu’enfin, au désespoir probable de certains, la cible des calomnies refait surface (sans la moindre modification des passages sur le rôle de Reynaud en 40) : il ne s’agit nullement d’un pamphlet mais d’un livre généreux, présentant dans toute leur humanité les acteurs de cette terrible époque, et n’en distinguant que trois du lot commun : Hitler, instigateur et vigilant metteur en scène de la tragédie, Churchill et de Gaulle, les seuls à lui faire face, c’est-à-dire à prôner en toute vigueur et clarté une poursuite de l’effort militaire contre lui.

Aujourd’hui, je n’ai ni rancune, ni regret. Même sur l’homonymie : l’erreur est en tous points vénielle (il y en a d’autres, du même calibre, dans tous les livres d’histoire, y compris les miens -elles ne méritent que d’être signalées et corrigées dans les tirages suivants), alors que je me reprocherais durement d’avoir négligé des pistes, omis des hypothèses, manqué d’audace dans la remise en cause des idées reçues. Surtout, cette affaire m’a donné une vue imprenable sur beaucoup de milieux. Comme je ne suis pas laissé faire, ai bombardé les gens de circulaires, de demandes de soutien intellectuel et aussi matériel (les traitements d’enseignants n’étant pas faits pour affronter les familles de ministres), je sais bien qui est qui, quels défenseurs de la liberté sont sincères, quels intrépides journalistes d’investigation sont réellement intrépides, quels chercheurs préfèrent la découverte à la carrière, quels éditeurs sont autre chose que des marchands de soupe, etc.

Sans cette aventure, j’aurais probablement moins travaillé, je ne me serais sans doute pas lancé dans l’étude de Pearl Harbor sur la lubie d’un éditeur qui n’a finalement pas donné suite, je n’aurais pas en deux ans et demi éclairci l’affaire de Montoire, j’aurais peut-être été moins proche des époux Aubrac (exigeants lecteurs et vigoureux défenseurs de ma liberté de recherche) et n’aurais pas forcément travaillé sur la Résistance française et l’année 1943, condition pour que j’ose me lancer dans la biographie de Hitler...

C’est faire preuve d’une grande ignorance que de penser qu’ici je me pousse en avant. Je le suis par les circonstances, j’assume les conséquences d’une position de chercheur, encore très rare, sur le déclenchement et les débuts de la 2ème GM.

L’objet Hitler reste chaud, peu s’en approchent vraiment. Alors, souvent, le seul argument de mes contradicteurs est (voir la note de Kershaw citée dans un précédent message) : il n’est pas possible que tous les autres se soient trompés ! Ben si c’est possible, c’est même le pain quotidien de l’avancée des connaissances, quand elles avancent. D’autre part, c’est prêter aux autres sa propre turpitude. Des soutiens de spécialistes, j’en ai, et sans eux je n’aurais ni produit, ni survécu à la bourrasque reynaldienne.

Cela dit, j’adore qu’on me critique, à la seule condition, dont je reconnais la grande immodestie, qu’on m’ait lu.
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Re: Le débat sur mon travail

Message par boisbouvier » Jeudi 06 Décembre 2012 20:15:14

Ce qui m'ennuie avec le travail de Delpla c'est qu'il dit deux choses contradictoires et qu'il ne s'en aperçoive pas.
Il dit :
1/ Hitler était un surhomme; et
2/ Hitler était fou.

Il faudrait savoir.
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Re: Le débat sur mon travail

Message par Francois Delpla » Jeudi 06 Décembre 2012 22:11:53

boisbouvier a écrit :Il dit :
1/ Hitler était un surhomme


Faux. Je n'ai jamais dit ou écrit cela. Tu en as probablement l'impression parce que je lui attribue des qualités peu remarquées de mes devanciers mais, ayant lu pas mal de choses de moi, tu ne devrais pas pouvoir écrire une chose pareille.

boisbouvier a écrit :2/ Hitler était fou.


Précisément, sa folie obère ses qualités, et cela fait plusieurs décennies que je le dis -même si je n'ai vraiment cerné cette folie que depuis quelques années. Auparavant, je parlais d'une partie délirante dans son discours, c'était beaucoup moins précis.
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Re: Le débat sur mon travail

Message par boisbouvier » Vendredi 07 Décembre 2012 09:43:32


Re: Le débat sur mon travail

Messagepar Francois Delpla » Jeudi 06 Décembre 2012 23:11:53

boisbouvier a écrit:Il dit :
1/ Hitler était un surhomme



Faux. Je n'ai jamais dit ou écrit cela. Tu en as probablement l'impression parce que je lui attribue des qualités peu remarquées de mes devanciers mais, ayant lu pas mal de choses de moi, tu ne devrais pas pouvoir écrire une chose pareille.


Si ce n'est pas le mot même de "surhomme" que j'ai employé pour faire court quels sont donc ces autres mots que tu as employés, toi, pour exprimer l'idée d'un Hitler surdoué de la politique et de l'art de manier les hommes ?
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Re: Le débat sur mon travail

Message par Francois Delpla » Vendredi 07 Décembre 2012 09:55:16

boisbouvier a écrit :Si ce n'est pas le mot même de "surhomme" que j'ai employé pour faire court


une paresse et un manque de rigueur inadmissibles dans une discussion scientifique.
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Re: Le débat sur mon travail

Message par boisbouvier » Vendredi 07 Décembre 2012 14:09:37

Ça te va bien de donner des leçons de rigueur scientifique, toi qui as dit de Hitler qu'il était fou.
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