Le régime de l'Etat français sous l'autorité du maréchal Pétain, né avec la journée du 10 juillet 1940, a fait couler beaucoup d'encre, depuis sa chute, de la reconquête du territoire français à la fin de l'année 1944 à nos jours.
Les historiens français ont pendant assez longtemps vu Vichy comme un sujet tabou. En effet, après la Libération, l'Epuration et la victoire des alliés, dans un contexte de réconciliation nationale, souhaitée par les résistants eux-mêmes (le général De Gaulle le premier) on évoquait peu les heures sombres de la collaboration et de l'occupation allemande dans la société française. Il fallait oublier et reconstruire ensemble le pays. Les historiens, souvent témoins ou acteurs de cette époque, firent de même.
Cela dura jusqu'à la fin des années 1960, jusqu'a la fin du gaullisme historique que ce soit dans les chaires d'histoire des universités françaises, dans la littérature ou au cinéma, comme en témoigne la comédie de la décennie : La grande vadrouille, où tous les Français sont présentés comme résistants, ce qui fut loin d'être le cas. Des oeuvres comme la Traversée de Paris mettent davantage en valeur les conséquences de l'occupation sur le population française : privations, marché noir, arrestations... mais Vichy ou la collaboration ne sont toujours pas évoqués. Même l'excellent documentaire Nuit et Brouillard élude le problème alors que certaines scènes laissent apparaître des gendarmes français...
A partir des années 1970, les esprits s'ouvrent et les plumes sont prises. Vichy est alors évoquée par certains auteurs comme Amouroux ou Aron, qui dressent une sorte de réhabilitation de Vichy, par l'intermédiaire su personnage du maréchal Pétain. Selon eux, il a été manipulé par un entourage "mauvais", son âge n'aidant pas... De l'autre côté - faudrait-il dire ! -, Vichy est battue par la plume acide et sans concessions d'un historien américain R.Paxton, qui tente d'ouvrir les yeux aux universitaires français, pour qui Vichy reste et demeure un sujet qu'il ne faut pas trop évoquer. Et si on l'évoque il faut rester proche d'Aron par exemple. D'ailleurs De Gaulle lui même a déclaré que la "vieillesse est un naufrage" et n'est-ce pas encore lui qui a fait grâcier Pétain ? A quoi bon cela sert de resortir tout cela ?
La littérature et le cinéma vont cette fois dépasser les historiens français, peu enclins à traiter ce sujet glissant. On n'hésite plus à parodier, incriminer, mettre fin à ce mythe de la grande France résistante et des oeuvres comme Au revoir les enfants, Papy fait de la résistance ou encore Pétain n'hésitent pas à mettre en lumière les zones d'ombres de la France sous l'occupation allemande et le rôle bien équivoque du "marais" de Vichy.
La société française prend alors conscience de ce qu'a été Vichy, du moins, elle s'interroge sur ses responsabilités dans la traque des résistants, des juifs, dans son rôle dans les déportations, dans sa collaboration avec l'Allemagne nazie. Les historiens répondent présent et ne tardent pas à suivre Paxton dans ses conclusions : Oui, Vichy, vassal de l'Allemagne, a collaboré et a participé activement à l'effort de guerre allemand (sans contrepartie d'ailleurs). Non, elle n'a pas été le "bouclier" des Français, par l'intermédiaire du maréchal.
Maintenant à la question est-ce que Vichy était vraiment la France ? jusqu'en 1995, tous nos chefs d'Etat ont dit "non". Puis, le président Chirac a dit "oui" au moment des procès de fonctionnaires de Vichy.
Vraiment, après près de cinquante dernières années, ce sujet ne semble pas "digéré". Vichy divise toujours autant les Français et est toujours l'occasion d'âpres débats.
Que pensez-vous du "cas Vichy", des polémiques qu'il a engendré dans la société française depuis 1945 ? Comment faut-il juger cette période ? Peut-on le faire en toute objectivité ?
Merci d'avance de votre participation,

duc de Raguse.