Duc de Raguse a écrit : vous ne savez pas vous comporter correctement sur un forum.
François Delpla a développé une oeuvre historique anti-conformiste. Quand toute la corporation des chercheurs en histoire ne s'intéressait qu'aux phénomènes de "radicalisation cumulative de la violence" dans les institutions du IIIè Reich, il a renouvelé l'analyse du comportement hitlérien et rappelé utilement qu'on avait toujours tendance à minimiser les capacités manoeuvrières du dictateur nazi. Comme l'avait dit le politiste Karl-Dietrich Bracher il y a quarante ans, "l'histoire du nazisme est d'abord celle de sa sous-estimation", à commencer par la sous-estimation, jadis par les dirigeants aujourd'hui par les historiens, de Hitler lui-même. L'étude la plus magistrale de Delpla est peut-être celle qu'il consacre à l'arrêt des blindés allemands avant Dunkerque, sur ordre de Hitler. Les généraux allemands après la guerre, relayés par beaucoup d'historiens, ont affirmé qu'il s'était agi d'une magistrale erreur du dictateur, qui avait manqué l'occasion de faire prisonnière l'armée britannique. Delpla montre au contraire le calcul stratégique hitlérien, parfaitement dosé: laisser une partie des troupes britanniques se rembarquer tout en pouvant reprendre l'offensive à tout moment, c'est envoyer un signe au parti de l'appeasement resté très fort après le début de la guerre, en particulier sous l'impulsion de lord Halifax; et, comme le montre Delpla, il s'en fallut de peu, dans les jours qui suivirent, que Churchill ne fût mis en minorité au sein du Cabinet. Autrement dit, Hitler a failli gagner son pari d'une entente avec l'Angleterre sur la base "respect de l'Empire britannique par l'Allemagne/ Acceptation par la Grande-Bretagne de la création de l'Empire européen continental de l'Allemagne". L'oeuvre de Delpla regorge de renouvellements historiographiques de ce genre. Je ne partage pas toutes ses thèses mais je les trouve toujours stimulantes.
ponceludone a écrit :
Sujet du message: Re: Les "appeasers" anglais
MessagePosté: 19 Oct 2009 11:23
En septembre 1939 Chamberlain "appeaser-en-chef" lance l'Angleterre dans la guerre et Halifax son ministre des affaires étrangères ne démissionne pas. A partir de cette date ils sont l'un et l'autre des "ex-appeasers". Mers el Kebir est un message au monde entier : Le Royaume-Uni est toujours en guerre. En juillet 1940 Roosevelt n'est pas un allié mais un soutien moral et en matériel de Churchill.
Les Britanniques sont bien connus pour leur "fighting spirit" résumé par un sergent disant à Churchill : "Nous voilà en finale et le match a lieu chez nous".
PS. Ceux qui publient dans une revue historique devraient un peu plus respecter le lecteur. Est-il nécessaire d'utiliser le style bistrot ?
Narduccio a écrit :
Sujet du message: Re: Les "appeasers" anglais
MessagePosté: 19 Oct 2009 22:30ponceludone a écrit:
Il y eu des votes, mais le gouvernement a toujours eu une majorité écrasante pour ce qu'il demandait.
Dans les mémoires de Churchill, ces votes ont lieu en 1940. Quand je mentionne 1942, c'est pour situer le premier vote de confiance.
Quand je lis la discussion, je trouve un seul intervenant référence à 1942 et qui a tendance à tout faire embrouiller avec cette référence postée à tout bout de champ. On sait tous que les appeasers anglais ont œuvré a un moment crucial ou le pouvoir de Churchill est très faible et que ce moment est la fin de l'été et le début de l'automne 1940. S'il y avait eu un vote à ce moment, le gouvernement aurait pu être mis en difficulté. Or, "on" a évité qu'il y ai un vote. Et après guerre, "on" a tout fait pour que cet épisode peu glorieux soit passé sous silence.
Narduccio
Sujet du message: Re: Les "appeasers" anglais
MessagePosté: 04 Mai 2012 15:31
J'ai l'impression que pas mal de monde feint d'ignorer que l'Angleterre de 1940 est une démocratie contrairement aux belligérants adverses. Or, je ne trouve personne qui peut m'expliquer combien il y avait de parlementaires anglais derrière Lord Halifax. Parce que Lord Halifax tout seul, ça ne représente rien quelque soit sa position. Force est de constater que lors de la formation du gouvernement, Winston Churchill, malgré l'image déplorable que semblent en avoir pas mal de parlementaires arrive à rassembler une majorité lui permettant de gouverner. Alors que Lord Halifax n'y arrive pas. Dans ces conditions, la position d'Halifax est au mieux anecdotique.
J'ai beau lire les diverses interventions, j'arrive pas à comprendre comment on veut que les Anglais signent la paix avec les Allemands s'il n'y a pas une majorité de parlementaires prêts à voter pour une demande d'armistice ou pour soutenir un gouvernement prêt à demander l'armistice. On peut trouver autant de témoignages que l'on veut sur des gens prêts à signer la paix avec Hitler, tant qu'ils ne disposaient pas de la majorité, ou tant qu'ils ne pouvaient pas prendre le pouvoir, cela ne veut rien dire. La question deviendrais plutôt : Hitler s'est-il laissé abuser par sa volonté de trouver das anglais favorables à la paix ? ou les anglais ont-ils sciemment abusé d'Hitler pour gagner du temps à un moment où ils en manquaient douloureusement ?
Il se trouve que demain sort des presses, pour être mis en vente progressivement la semaine prochaine, en particulier dans les FNAC, un livre de François Delpla intitulé Churchill et les Français.
Le livre est sorti une première fois le 27 août 1993, chez Plon. Il a été retiré de la vente le 26 octobre suivant, alors que les ventes commençaient à démarrer, sur plainte des héritiers de Paul Reynaud, fort mécontents que je révise à la baisse la prétention de leur ancêtre, tout au long de ses discours et livres d’après guerre, d’avoir été un Churchill français ou un Clemenceau bis (s’il n’avait pas eu exactement la même efficacité, cela aurait tenu seulement à la moindre valeur de ses compatriotes, par rapport à leurs contemporains d’outre-Manche comme à leurs aînés de 1918).
Les assaillants avaient, mea culpa, un angle d’attaque : sur les quelque 80 documents du livre attribués à Paul Reynaud, un l’était à tort, car il émanait d’un homonyme. L’éditeur a alors un peu manqué de sang-froid. Il a cédé assez vite (mais non pas immédiatement, comme une fille de Paul Reynaud l’a écrit à l’époque dans le Figaro), au lieu de répondre tranquillement que ce document de 1935, cité dans les pages introductives et jamais repris ensuite, n’entachait en rien la vision des rôles respectifs de Churchill et de Reynaud en mai-juin 40, qui faisait l’objet du livre, que les 5 pages concernées (sur 800) pouvaient être facilement retirées lors d’un prochain tirage et que l’usage voulait qu’on mît simplement dans les exemplaires en vente un carton rectificatif.
J’ajouterai, parce qu’on a parfois dit ou écrit le contraire, que les deux Paul Reynaud ne se ressemblaient pas que par le nom, mais par bien d’autres traits et notamment un vif intérêt pour les négociations commerciales franco-allemandes en 1928 -un sujet qui obsédait peu, en 1935, le commun des mortels : cette coïncidence, jointe à la très grande abondance des faits nouveaux et surprenants brassés dans ce livre, expliquait l’insuffisance de vérification de l’identité de l’auteur, alors même que j’avais un instant soupçonné une homonymie, et l’avais d’ailleurs écrit dans le livre.
On a aussi écrit à tort que le document présentait Paul Reynaud comme "fasciste", "pro-allemand" ou "pro-hitlérien", alors que la seule conclusion que j’en tirais, concernant l’ardeur antinazie de Paul Reynaud, était qu’en janvier 1935 il "tardait à reconnaître le nouveau danger militaire allemand". En réécrivant ces pages, j’ai pu montrer, avec de nouveaux documents non utilisés lors de la première édition, que sa première expression publique sur le sujet datait non de janvier 35 (date du document erroné) mais de mars, date de son premier discours sur l’arme blindée, écrit par son conseiller militaire rencontré fin 34, un certain de Gaulle ! Ainsi, ceux, heureusement peu nombreux mais hélas parfois influents, qui ont pris parti contre moi dans cette affaire, se rendent exactement coupables de ce qu’ils me reprochent : traiter à tort de nazi un honorable citoyen nommé Paul Reynaud.
Heureusement, je savais bien que mon livre était iconoclaste, je m’attendais à ce qu’il soit contesté et j’étais psychologiquement disposé à de rudes combats, même si je les imaginais plus loyaux. Derrière les plaignants (qui m’ont fait un procès, à moi seul, en arguant que Plon avait été trop peu zélé dans le retrait du livre !) se sont engouffrés toutes les paresses et tous les conservatismes. Témoin les parutions de cette année 2000 à l’occasion du soixantième anniversaire de la défaite de 40, fort peu novatrices et très en retrait de ce que j’avais découvert dès 1993. Certes l’héroïsme rétrospectif de Reynaud est un peu moins pris comme argent comptant, notamment dans les ouvrages sur de Gaulle, mais ses mémoires, et l’immense production académique qu’ils ont influencée, sont loin de recevoir les révisions qu’un grain d’esprit scientifique devrait imposer.
Cela dit, mon livre, impitoyable pour le Reynaud de 1945 et suivantes, est loin d’être une charge contre celui de 1940, que je ramène simplement au sort commun des dirigeants français ET BRITANNIQUES mis dans le vent par Hitler. Je mets aussi dans cette galère un Roosevelt, un Pie XII, un Staline, qui tous saisiraient avec empressement, autour du 18 juin (et déjà fin mai, au moment de Dunkerque) une bonne petite conférence de la paix censée limiter par la voie diplomatique, la seule qui semble encore ouverte, les gains hitlériens... ce qui permettrait, à brève échéance, la réalisation pleine et entière du programme de Mein Kampf. On va pouvoir le constater, puisqu’enfin, au désespoir probable de certains, la cible des calomnies refait surface (sans la moindre modification des passages sur le rôle de Reynaud en 40) : il ne s’agit nullement d’un pamphlet mais d’un livre généreux, présentant dans toute leur humanité les acteurs de cette terrible époque, et n’en distinguant que trois du lot commun : Hitler, instigateur et vigilant metteur en scène de la tragédie, Churchill et de Gaulle, les seuls à lui faire face, c’est-à-dire à prôner en toute vigueur et clarté une poursuite de l’effort militaire contre lui.
Aujourd’hui, je n’ai ni rancune, ni regret. Même sur l’homonymie : l’erreur est en tous points vénielle (il y en a d’autres, du même calibre, dans tous les livres d’histoire, y compris les miens -elles ne méritent que d’être signalées et corrigées dans les tirages suivants), alors que je me reprocherais durement d’avoir négligé des pistes, omis des hypothèses, manqué d’audace dans la remise en cause des idées reçues. Surtout, cette affaire m’a donné une vue imprenable sur beaucoup de milieux. Comme je ne suis pas laissé faire, ai bombardé les gens de circulaires, de demandes de soutien intellectuel et aussi matériel (les traitements d’enseignants n’étant pas faits pour affronter les familles de ministres), je sais bien qui est qui, quels défenseurs de la liberté sont sincères, quels intrépides journalistes d’investigation sont réellement intrépides, quels chercheurs préfèrent la découverte à la carrière, quels éditeurs sont autre chose que des marchands de soupe, etc.
Sans cette aventure, j’aurais probablement moins travaillé, je ne me serais sans doute pas lancé dans l’étude de Pearl Harbor sur la lubie d’un éditeur qui n’a finalement pas donné suite, je n’aurais pas en deux ans et demi éclairci l’affaire de Montoire, j’aurais peut-être été moins proche des époux Aubrac (exigeants lecteurs et vigoureux défenseurs de ma liberté de recherche) et n’aurais pas forcément travaillé sur la Résistance française et l’année 1943, condition pour que j’ose me lancer dans la biographie de Hitler...
C’est faire preuve d’une grande ignorance que de penser qu’ici je me pousse en avant. Je le suis par les circonstances, j’assume les conséquences d’une position de chercheur, encore très rare, sur le déclenchement et les débuts de la 2ème GM.
L’objet Hitler reste chaud, peu s’en approchent vraiment. Alors, souvent, le seul argument de mes contradicteurs est (voir la note de Kershaw citée dans un précédent message) : il n’est pas possible que tous les autres se soient trompés ! Ben si c’est possible, c’est même le pain quotidien de l’avancée des connaissances, quand elles avancent. D’autre part, c’est prêter aux autres sa propre turpitude. Des soutiens de spécialistes, j’en ai, et sans eux je n’aurais ni produit, ni survécu à la bourrasque reynaldienne.
Cela dit, j’adore qu’on me critique, à la seule condition, dont je reconnais la grande immodestie, qu’on m’ait lu.
boisbouvier a écrit :Il dit :
1/ Hitler était un surhomme
boisbouvier a écrit :2/ Hitler était fou.
Re: Le débat sur mon travail
Messagepar Francois Delpla » Jeudi 06 Décembre 2012 23:11:53
boisbouvier a écrit:Il dit :
1/ Hitler était un surhomme
Faux. Je n'ai jamais dit ou écrit cela. Tu en as probablement l'impression parce que je lui attribue des qualités peu remarquées de mes devanciers mais, ayant lu pas mal de choses de moi, tu ne devrais pas pouvoir écrire une chose pareille.
boisbouvier a écrit :Si ce n'est pas le mot même de "surhomme" que j'ai employé pour faire court
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