Auguste a écrit :1) les USA sont entrés en guerre en décembre 1941, attaqués qu'ils étaient par les japonais, l'Allemagne déclarant la guerre aux USA peu après. Les USA se trouvent donc en guerre sur deux fronts. Un débarquement en Europe, en 1942, semble donc prématuré pour un pays qui est juste entré en guerre... Quand on voit la gabegie de moyens déployées pour réussir le débarquement en Normandie, en 1944, il est certain que les Américains n'auraient pas eu autant de moyens ! Cela révèle déjà dans la doctrine guerrière américaine, le souci d'accumuler du matériel et des hommes, pour avoir une supériorité matérielle écrasante le jour de l'offensive...
En septembre 1942, les Américains sont en mesure de mettre en ligne 30 divisions d'infanterie et 6 DB pour le secteur européen. Elles sont équipées et armées comme elles le seront plus tard en 1943. Les défenses du mur de l'Atlantique n'existant pas à cette date, un débarquement en Normandie n'aurait pas rencontré une grande résistance. Une seule division allemande stationne dans le secteur de Caen, la 716ème ID, et une autre dans le Cotentin, la 320ème ID, formant le 84e Armeekorps, qui ne dispose que de la 7e Flieger-division en réserve, stationnée autour du Mans.
2) Les Américains, malgré tout, planifient une opération en Europe, dès 1942 ou 43 : l'opération Sledgehammer, sous la direction d'Eisenhower et du Lieutnant-Colonel Thomas S Handy ( in La seconde guerre mondiale, de Yves Durand, p.263, Editions Complexe).
Le projet consistait à débarquer 6 divisions entre Le Havre et Boulogne dès avril 1943 avec pour objectif principal le port d'Anvers. 60 % des troupes auraient été américaines. Mais le secrétaire d'Etat à la Défense, Marshall, avait fait aussi préparer un plan d'urgence, au cas où se dessinerait à l'est, un effondrement soviétique. Les anglais, de leur côté, avaient concocté dans leur carton le Plan West Bob, composé d'un corps expéditionnaire britannique de 6 divisions, attaquant le Cotentin fin 1942.
Initialement, le projet visait un débarquement sur les plages du Calvados et du Cotentin, en vue d'une prise rapide du port de Cherbourg. Les Anglais développent leur propre projet, qui est moins ambitieux, puisqu'il vise seulement la prise de Cherbourg et la tenue d'une ligne d'arrêt sur les anciennes lignes de Carentan...
Mais dès la Conférence Arcadia, Churchill plaida pour une stratégie indirecte, en Afrique du Nord qui fut remise sur le tapis lors de la rencontre Churchill-Roosevelt à Washington, en juin 1942. Des négociations eurent lieu puisque Marshall restait toujours partisan d'une stratégie frontale, ce qu'il réaffirmera à Londres, le 18 juillet 1942. Roosevelt se ralliera pourtant à l'option de Churchill, de stratégie périphérique, la chute de Tobrouk désormais aux mains de Rommel apportant de l'eau au moulin du Premier Ministre anglais !
Le poids de Churchill pour saboter les vélléités américaines a été déterminant. Il a prôné la prudence et la méthode des petits pas, au bénéfice de Montgommery. On peut toutefois se demander si cet espèce d'empirisme ne cachait pas la volonté de permettre aux nazis de saigner à blanc l'URSS, tout en s'épuisant eux-mêmes...
Conclusion :
Le choix et la date du débarquement en Europe fut fixé après de nombreuses négociations qui opposaient deux stratégies différentes. La stratégie indirecte prônée par Churchill (qui avait été aussi la sienne en 14/18, et qui s'était traduite par le débarquement d'un corps franco-anglais à Gallipoli, près d'Istanbul, aboutissant à un échec retentissant) vise à taper l'Axe là où il est le plus faible, c'est à dire en Afrique du Nord... Les Américains, eux, par le biais de Marshall était plutôt pour une stratégie frontale. Il s'avère que Roosevelt s'est rallié à la stratégie anglaise, qui avait le mérite de laisser du temps à l'armée américaine pour se renforcer avant l'assaut final. Toutefois, rappelons que :
- les anglo-américains ont débarqué en Afrique du Nord, en novembre 1942, à peine 11 mois après l'entrée en guerre contre les USA, et que la campagne de Tunisie ne fut pas une sinécure, puisque Hitler envoya 250 000 hommes pour renforcer la poche tunisienne et que les pertes du côté de l'Axe, lors de la capitulation en mai 1943, furent considérables pour un front secondaire.
- en juillet 1943, seulement deux mois après la prise de l'Afrique du Nord, les anglo-américains vont débarquer en Sicile, entraînant la chute de Mussolini, et la perte d'un allié précieux, pour l'Allemagne nazie.
Ce rappel de la stratégie adoptée et de ses résultats ne peut masquer l'indigence des Alliés Wasp et leur incapacité à concevoir des plans basés sur un risque lucidement planifié.
En novembre 1942, il n'y a pas en France plus de 25 divisions allemandes, dont six seulement peuvent être considérées comme des DB. C'était certainement bien assez pour venir à bout de Vichy, mais pas pour s'opposer à une avance rapide des Alliés qui pouvaient aligner au moins 30 divisions d'infanterie et 8 blindées (3 DB US et 5 britanniques+ pol.). La stratégie supposait de se concilier Vichy, donc de replacer la France dans le concert des Alliés. Manifestement, Churchill ne le voulait à aucun prix et Roosevelt partageait peu ou prou son avis...
nota : 10 Di américaines (qui seront transportées progressivement en Angleterre en 1943).
20 di britanniques (canadiennes, indiennes et pol.)