Boisbouvier banalise ce fait unique dans l'histoire du monde qu'est le pacte germano-soviétique, le traitant d'alliance alors qu'aucun des deux signataires n'envisageait, ô grand jamais, une guerre commune, et l'assimilant à des traités entre monarques absolus ou féodaux. Ce donneur de leçons (qui par ailleurs pourfend régulièrement l'anachronisme !) se fait dûment remettre à sa place, insiste, et rend finalement les armes :
boisbouvier a écrit :Que peut ta pauvre rhétorique contre ce fait patent que tu ne contestes plus : 85% des Juifs français et 80% des Juifs de France ont échappé à l'holocauste et c'est à Vichy qu'ils le doivent.
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Il y a dans cette rhétorique qui sans doute se veut riche, aussi surprenant que cela paraisse, une logique. Pour cet esprit binaire, l'histoire est esclave des enjeux idéologiques et rien n'est plus diaboliquement hérétique qu'un chercheur qui cherche à savoir comment les choses se sont passées. Cela l'énerve au-delà de toute mesure, puisqu'on ne comprend pas "où il veut en venir" ni "ce qu'il veut démontrer".
Mais puisque contrairement à lui j'ai le souci de ne rien laisser sans réponse, et bien qu'il connaisse à satiété ma position sur ce point, voici quelques considérations sur Vichy et les Juifs.
Aucune question ne demande davantage qu'on soit d'abord au clair sur l'analyse du nazisme. S'agit-il d'une pure violence et, en matière d'antisémitisme, d'une sorte d'agent chimique qui s'attaque systématiquement à la substance juive dès qu'il est en contact avec elle ? Il faut en avoir une vision aussi simpliste pour raisonner comme MB : tant de Juifs survivant au contact = existence d'un agent protecteur, plus ou moins efficace suivant la quantité survivante.
Tout autre est la réalité qui m'apparaît après une vie de réflexion sur le sujet, devenue intense et quotidienne voici deux décennies. L'ennemi juif n'est jamais le seul ni sa destruction le seul objectif. Au contraire, le nazisme peut et doit effectivement être réduit à une formule simple. Ce n'est pas un agent aveuglément destructeur mais
une prise d'otages.
Donc : tant de Juifs survivant au contact = tant d'otages gardés pour plus tard, si l'entreprise avait duré plus longtemps. Ou, également en termes simples : si Churchill n'avait pas été aux commandes de son pays (et non Pétain à la tête de ce qui restait du sien !).
Ce qui n'enlève rien au mérite de ceux qui refusaient la fatalité et posaient de vrais gestes de résistance, par exemple en cachant des Juifs ou en compliquant par tout moyen les arrestations. Mais ceux qui, sincèrement peut-être, pensaient en sauver en discutant avec les nazis le nombre ou la nature des arrestations, ceux-là donnaient à fond dans la logique des preneurs d'otages et, après la fin de la partie, n'ont plus qu'à raser les murs plutôt que de se vanter.
La différence des pourcentages de survie suivant les pays est donc due avant tout à la façon dont les nazis investissaient chaque lieu et aux autres objectifs qu'ils y poursuivaient. Ainsi la France de Vichy était-elle avant tout un lieu de production et de ravitaillement, qu'il importait de ne pas trop désorganiser, en profitant au maximum de la présence à sa tête d'un vieillard glorieux et complaisant.