Trouvé sur un pdf du CRIL17 par Laure de La Chapelle du 9 octobre 2010 :
http://www.cercle-louisxvii.com/wp-cont ... 646718.pdfLe Vatican est-il réellement bien renseigné ?
par Laure de La Chapelle
En introduction à la communication de Christian Crépin, je voudrais dire quelques mots sur ces fameux « services secrets du Vatican ». Un préjugé très répandu a fait de l'État du Pape une puissance dotée du « meilleur service de renseignements du monde ». Ce qui, d'après une récente étude d'un auteur américain, est une affirmation totalement inexacte.
« Réunions furtives dans des cryptes obscures, cardinaux rusés et moines retors, conspirations politiques et complots sinistres évoquent l'intrigue de pièces à suspense et de romans à énigme » Pensez au Da Vinci Code ou à Anges et Démons de Dan Brown !
Les historiens eux-mêmes sont étonnamment peu critiques en adhérant à cette opinion populaire sur la place du Vatican dans le monde de l'espionnage.
En fait, « Théologiens savants, prêtres pieux, évêques consciencieux firent de piètres officiers de renseignement ». Ils s'occupaient bien davantage de questions religieuses que de problèmes politiques, militaires ou économiques et contrôlaient plutôt « la santé de l'Eglise catholique dans leur pays d'accueil ».
Quant à la période qui nous occupe, pendant la Révolution française et sous la Restauration, elle est caractérisée par l'insuffisance notoire du réseau diplomatique du Saint Siège.
Durant la première moitié du 19ème siècle, le Vatican n'entretenait de relations qu'avec un petit nombre d'États, en majorité d'Europe occidentale. En 1840, le Pape ne disposait de nonces que dans onze pays, tous en Europe occidentale, sauf au Brésil et en Colombie. Il n'y avait pas de nonces à Londres, ni à Saint- Pétersbourg. Rien en Afrique, Asie, Moyen Orient, Scandinavie et Amérique du Nord. Le résultat est que les papes étaient fort mal informés des événements qui se passaient en dehors de l'Europe. Ils envoyaient occasionnellement des représentants spéciaux dans certaines zones, dont les investigations ciblaient des problèmes ecclésiastiques particuliers. Quant aux consuls pontificaux, « à l'exception d'une poignée de postes dans les Amériques », les consulats étaient installés dans des ports d'Italie, du Sud de la France, et de l'Espagne. Les consuls délivraient passeports, visas, certificats de santé et leurs rapports contenaient peu de renseignements en dehors des arrivées et départs de navires marchands et le transit des voyageurs en route pour les États pontificaux.
Un bon exemple de cette réelle insuffisance de la diplomatie de la papauté, ce sont les Mémoires de l'internonce, Mgr de Salamon, seul envoyé du Vatican présent en France pendant la Révolution, qui dut coucher dans le bois de Boulogne de crainte d'être arrêté, et ne s'occupa réellement que de sa conservation personnelle. Ses lettres à Rome ne présentent que peu d'intérêt. Curieusement, celles de l'année 1794 ont disparu, et ce sont précisément celles qui auraient pu avoir de l'importance pour l'affaire Louis XVII.
L'affaire Ragghianti, que va vous présenter Monsieur Crépin, est tout à fait significative d'un résultat de recherches au Vatican.
2. Le Vatican a-t-il connu le sort de Louis XVII ?
Preuves de l'évasion et de la survie de Louis XVII au Vatican d'après les archives de Lenôtre
par Christian Crépin
Charles Barbanès, membre du Cercle, administrateur d'un site sur Louis XVII dont le lien est :
http://cril17.org/ m'ayant signalé que dans les inventaires des Archives Nationales se trouvant sur Internet, il y avait dans le fonds Lenôtre des correspondances concernant des archives du Vatican au sujet de Louis XVII, je me suis rendu au Caran et voici le résultat de mes recherches :
1) Documents préliminaires :
Lettre datée de Rome du 05/01/1925 du comte Angelo Ragghianti, professeur à l'Université :
« ... j'ai eu de la Sainteté de Notre Seigneur le témoignage de bienveillance de pouvoir pousser les recherches jusqu'à
certaine archive très secrète avec l'assistance continuelle du Pape ... ».
Lettre datée de Rome du 02/12/1925 du comte Angelo Ragghianti à Lenôtre :
« ... je dois à la bienveillance de Mr. le baron Aubry de pouvoir vous écrire ... La question Louis XVII me procura le
malheur de me mettre en rapport avec le directeur du Crible . .Je ne garde plus aucun doute : Naundorff n'était pas Louis XVII. Voilà la conviction du Vatican. Des opinions de famille me donnent le droit de croire que la Duchesse d'Angoulême, même pendant le règne de Louis Philippe, était convaincue que son frère n'était pas mort au Temple : je tiens la chose par deux différentes sources : Don Carlos et sa fille l'Archiduchesse Blanche et l'Impératrice Zita ... ».
Lettre datée de Rome du 18/12/1925 de Angelo Ragghianti à Lenôtre
« ... à la question que vous me posez, je dois répondre très franchement : je sais ce qui se trouve dans les archives du Vatican au sujet du fils de Louis XVI mais je n'ai dans mes mains aucun document ou copie autorisée ; je dois vous ajouter que comme j'eus la possibilité d'en prendre connaissance par S.S. Pie XI lui-même, je ne me sens pas autorisé d'en donner communication. Alors j'ai pensé de demander à Sa Sainteté cette permission en lui soumettant votre question, et je garde confiance que Notre Seigneur voudra se daigner de condescendre. C'est la solution la meilleure, celle que je dois au Saint Père et que je dois aussi à l'historien illustre que vous êtes ... Quand les cérémonies du jubilé seront finies, alors j'aurai la possibilité d'une audience papale ... ».
Apparemment il n'y a pas de lettre réponse directe à Lenôtre après le Jubilé, mais nous allons voir que la réponse est faite au baron Aubry dans la lettre du 23 mai 1926 que nous lirons dans le paragraphe II.
Brouillon de lettre datée du 23/12/1925 de Lenôtre à Ragghianti :
« Les deux distingués confrères qui veulent bien m'aider dans mes recherches, ni moi, ne recherchons le bruit, mais seulement la vérité ; nous n'ambitionnons pas la révélation des grands secrets politiques, mais seulement la sécurité de savoir si nous ne faisons pas fausse route. Imaginez, je vous prie, quel secours peut apporter la moindre lueur à des hommes qui travaillent dans la nuit. Car c'est bien la nuit qui couvre ce mystère du Temple. Il nous semble impossible en raison de certaines constatations très frappantes et qui se fortifient chaque jour de minimes détails, que le Dauphin a été tiré du Temple et qu'il n y est pas mort. Mais une ligne de texte nous confirmerait dans cette hypothèse, nous réconforterait grandement en nous assurant que nous ne voguons pas en pleine erreur ... J'ai été en relation de lettres avec Mr l'archiviste de la Cour de La Haye qui en de longues lettres m'a confirmé que les archives les plus secrètes de cette cour, ne possèdent absolument rien qui puisse confirmer les prétentions des Naundorff. Il m'expliqua comment et pourquoi on a laissé écrire sous le noble nom de Bourbon ces aventuriers, et il ne me cache pas que dans l'esprit du roi Guillaume, alors régnant, cette inscription n'était pas étrangère au désir d'embarrasser Louis Philippe
Note de LDC : ce brouillon de lettre - il est important de noter que c'est un brouillon - comprend deux parties bien distinctes, la seconde abordant l'affaire Naundorff en Hollande. Dans la première partie, on sent le sentiment passionné qui pousse Lenôtre à essayer d'arracher un renseignement, qu'il juge indispensable, à un interlocuteur de plus en plus réticent à révéler un secret détenu par le Pape. Ce faisant, le fait qu'il écrit un texte rapidement jeté sur le papier, et qu'il se sert d'une tournure de phrase trop compliquée vont lui faire commettre une faute de grammaire et changer du tout au tout le sens de sa phrase :
« Il semble impossible [ ... ] que le Dauphin a été tiré du Temple et qu'il n'y est pas mort ». est une phrase incorrecte. Un verbe exprimant une possibilité est suivi d'un subjonctif : « il semble impossible que le Dauphin ait été tiré du Temple ». Mais alors, Lenôtre dit le contraire de ce qu'il veut affirmer, comme le montre la lettre suivante où Ragghianti parle de « l'intuition » de Lenôtre s'accordant avec Pie VI sur l'évasion de Louis XVII.
Nous sommes donc dans l'obligation de corriger le brouillon de Lenôtre. Soit en remplaçant impossible par possible ; Ou en complétant la phrase : il est impossible [de nier ] que le Dauphin ait été tiré du Temple ...
2) Document du Vatican prouvant l'évasion de Louis XVII :
Lettre datée de Rome (23 mai 1926) de Angelo Ragghianti au baron Aubry :
« Permettez-moi ... de vous dire que dans la collection des allocutions pontificales - l'instauration des Acta
Apostolicae Sedis est venue ensuite - je trouve une allocution prononcée par le BM de S.S. Pie VI dans l'octobre 1795, prononcée dans le Consistoire secret, dans laquelle il exprime sa joie pour avoir appris que le fils de Louis 16 s'est échappé à la persécution des révoltés ... Cette allocution confirme et corrobore de l'autorité d'un document émanant d'une source bien (sic) élevée l'intuition de M Lenôtre. Je vous en donnerai le texte ...
Le soi-disant prince de Bourbon (Naundorff) m'avait parlé un jour d'une allocution pontificale par Grégoire XVI dans le 1836 (sic) où le Souverain Pontife aurait exprimé son regret pour le fait que le fils d'un souverain très chrétien se serait adonné à des hérésies ... Cette allusion n'existe pas ; dans aucune des allocutions prononcées par les pontifes qui se sont succédé après Pie VI jusqu'à Pie IX qu'il n y a aucune allusion de ce genre ... ».
3) Document du Vatican concernant la survie de Louis XVII :
Note manuscrite de Lenôtre de mai 1917 :
« Les preuves de la survie de Louis XVII se trouvent aux Archives du Vatican dans un recueil intitulé, croit-on : Journal du Vatican Volume 376 année 1815. Renseignement fourni par M. de Quellern à Longjumeau. Mai 1917 ». Cette date de 1815 mérite un commentaire. En effet, c'est en 1815 pendant la seconde restauration que Charles
Philippeau, alias Mathurin Bruneau est arrêté. Par ailleurs, nous savons que Louis XVIII n'a pas pu - ou pas voulu - se faire sacrer. Lors de ces événements, y aurait-il eu des correspondances avec le Vatican ?
Un latiniste distingué pourrait-il faire des recherches au Vatican ? (Les archives sont ouvertes aux diplômés de 3ème cycle).