L'opinion de Lamartine sur Louis XVII

L'opinion de Lamartine sur Louis XVII

Message par BRH » Mardi 16 Juin 2015 09:23:37

Lamartine et Louis XVII

Notre collaborateur Lucien Badey, dont le nom, à l’annuaire de l’Académie de Dijon, s’accompagne de l’épithète « lamartinien », nous communique une page fort peu connue du chantre d’Elvire sur « l’enfant du Temple ». Ces quelques paragraphes contiennent les raisonnements les plus serrés qu’on aligna jamais en si court espace ?
« Il expira enfin sans agonie, mais sans avoir prononcé une parole, le 9 juin 1795 au milieu du jour. Les médecins qui le soignèrent pendant ses derniers moments ne l’avaient jamais vu avant l’heure suprême. Ils ne purent attester dans leurs rapports à la Convention qu’une chose : c’est qu’on leur avait présenté un enfant malade sous le nom du fils de Louis XVI et que cet enfant était mort sous leurs yeux, il ne paraît pas que la jeune princesse ait été admise à voir son frère dans les derniers mois de son existence, ni pendant la maladie, ni après sa mort. De là des suppositions et des conjectures qui n’ont été ni justifiées, ni démenties sur la substitution d’un enfant muet et malade à un autre enfant dans la tour du Temple, sur l’évasion du véritable enfant de Louis XVI, et sur l’existence d’un roi légitime mais inconnu, qui a longtemps passionné les imaginations amoureuses de merveilles.
Bien que ces suppositions fussent invraisemblables, elles n’étaient pas néanmoins assez impossibles pour décourager les crédulités ou les fictions. On pourrait admettre que des conventionnels puissants, voulant se ménager un jour un titre à la reconnaissance des trônes, ou que des partisans dévoués de la famille royale cachés sous l’uniforme des gardiens du Temple fussent parvenus à remplacer dans le cachot un enfant par un autre et à renfermer leur pieuse substitution dans le secret du cercueil.
Mais que cet enfant ainsi délivré des fers à l’âge où les souvenirs sont déjà invétérés dans le cœur n’eut jamais rappelé les circonstances de ses premières années et de son évasion, que les agents de cette substitution de personne n’eussent jamais revendiqué le mérite de leur dévouement, que la jeune princesse à qui ce frère retrouvé aurait donné mille témoignages irrécusables de son identité par ses traits, par sa mémoire, par les confidences d’une vie de onze ans confondue dans la vie de sa sœur, n’aient jamais parlé, ce seraient là des miracles de silence, de discrétion, d’impossibilité morale plus étonnante que le miracle lui-même de l’évasion. Le silence de tant d’agents de cette délivrance, le silence de l’enfant délivré lui-même démentent cette supposition.
Il faudrait pour l’admettre admettre d’autres invraisemblances plus improbables que la délivrance même. Il faudrait que tous les instruments de cette substitution fussent tous morts avant que l’heure de la révéler eût sonnée pour eux. Il faudrait qu’ils n’eussent confié en mourant leur précieux secret à aucun membre de leur famille ou à aucun ami. Il faudrait que l’enfant délivré fût mort lui-même avant d’avoir proféré un mot sur son existence antérieure. Il faudrait que les personnes à qui cet enfant aurait été remis, soit en France, soit à l’étranger, n’eussent jamais elles-mêmes entretenu le monde de ce dépôt mystérieux. Tout cela est possible sans doute, mais d’une possibilité si extrême et si contre nature, que l’existence de Louis XVII peut servir d’aliment à des imaginations et de texte à des rêves, jamais aux recherches sérieuses de l’histoire. »

MIROIR DE L’HISTOIRE
Janvier 1955
Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !

Napoléon
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