Hostiles à la Révolution, les paysans s'étaient, jusqu'ici, révoltés isolément, par pays, pour des motifs variables, qui tenaient à la situation particulière des paroisses.
Or, à partir de juillet 1792, ces paysans, les jeunes surtout, furent tous confrontés, au même moment, à une mesure qui les concernait : l'enrôlement pour l'armée.
Première mesure qui touchait tous les jeunes à un moment identique et qui les rassemblait aux mêmes endroits.
Toutefois, ces insurrections ne furent pas seulement une protestation contre l'enrôlement, mais plus largement, une protestation contre toute une politique. Elles se produisirent en effet dans des circonstances particulières.
La guerre entre la France et l'Europe était déclarée depuis avril 1792. Cette décision eut de graves conséquences : craignant une invasion et se méfiant du roi, les patriotes abolirent la monarchie.
Vaincue sur la frontière belge, l'armée française semblait incapable de reprendre une offensive. La population parisienne se méfiait du roi et des complots des aristocrates. L'Assemblée vota trois décrets : les prêtres seraient bannis, la garde du roi serait dissoute, un camp de 20.000 fédérés protégerait Paris.
Louis XVI opposa son veto au premier et au troisième décrets.
Affrontant une manifestation populaire, le 20 juin, aux Tuileries, le roi maintient son veto.
Comme les Prussiens alleint entrer en Lorraine, l'Assemblée, le 11 juillet, déclara la Patrie en danger, décret par lequel les fonctionnaires, les administrateurs et les gardes nationaux étaient en réquisition permanente.
Malgré le veto royal, des fédérés arrivèrent à Paris. Le manifeste de Brunswick, qui menaçait tous ceux qui porteraient atteinte au roi, déclencha l'insurrection du 10 août 1792 : le roi fut enfermé au Temple, le pouvoir exécutif fut confié à un Conseil exécutif provisoire, et l'Assemblée tomba sous la dictature de la Commune de Paris. La Révolution avait pris un tour nouveau, contre le roi, contre la noblesse, contre les réfractaires et contre la religion.
Les paysans se révoltèrent d'abord à l'occasion de la levée des volontaires qui avait été décidée en juillet 1792.
Ces révoltes rassemblèrent, cette fois, des milliers de personnes, convergeant de plusieurs paroisses vers le centre où devait avoir lieu l'enrôlement.
Des paysans, "des paysans d'un rang considéré soit pour leur fortune, soit pour les places publiques...", des notaires, des nobles et des prêtres menaient ces mouvements. Les révoltés insultaient les administrateurs, les rossaient, arrachaient les cocardes, déchiraient les listes des jeunes gens. Ils criaient : "Plus de tirement", mais aussi "Rendez-vous nos prêtres", "Vive le roi", "Le roi sur le trône".
Une première révolte importante se déclencha à Saint-Ouen-des Toits le 15 août 1792.
Tous les paysans n'étaient cependant pas unanimement du côté des révoltés. Des paroisses jacobines se dressaient contre des paroisses aristocrates: La Selle Craonnaire contre Bonchamps.
En Vendée, il y eut une vraie bataille.
Les royalistes du district de Châtillon-sur-Sèvre s'insurgèrent le 24 août. Plusieurs milliers de paysans, Baudry d'Asson à leur tête, prirent Châtillon et marchèrent sur Bressuire. Les patriotes les repoussèrent en amenant des canons et en livrant trois combats, au cours desquels 215 morts restèrent sur le champ de bataille.
Le mouvement reprit vigueur en mars 1793.
A l'occasion de la levée de 300.000 hommes, ce fut, cette fois, une explosion sans comparaison avec ce qui s'était passé auparavant.
Les insurgés arboraient la cocarde blanche, signe de rebellion.
Il ne s'agissait plus d'une révolte ou d'une insurrection limitée, mais d'une véritable guerre.
Le 10 mars, jour retenu pour le début de la grande guerre, à Saint-Florent-le-Vieil, les jeunes gens convoqués pour le tirage au sort refusèrent de tirer, s'emparèrent d'un canon, pillèrent le district.
C'est à ce moment qu'apparut un futur chef paysan de la Vendée, Cathelineau, qui déclara que "seule une révolte générale pouvait sauver ses frères de Saint-Florent".
Les mêmes faits se reproduisirent dans plusieurs autres localités.
Toutes les bourgades passèrent ensuite sous le contrôle des révoltés qu'on appelera désormais les Vendéens.
Ceux-ci se trouvèrent des chefs et, le 14 mars, ils attaquèrent Cholet.
L'attaque fit 300 morts, mais la prise de Cholet entraîna les plus timides.
Les Vendéens affrontèrent la troupe de ligne, le 18 mars, près du village de Saint-Vincent : les 1200 soldats du général Marcé s'enfuirent, pris de panique.
Sauf dans le Marais, où ils échouèrent devant Paimbeuf et Les Sables-d'Olonnes, les Vendéens avaient triomphé partout et contrôlaient désormais 900 paroisses.
Cette rebellion fut-elle l'exécution d'un complot ? On l'a cru.
Des historiens, au contraire, montrent qu'elle se déclencha progressivement, se communiquant de proche en proche, "des rebellions sans lien, chacune visant ses ennemis locaux et qui ensuite fusionnèrent sur des thèmes communs" (Tilly).
Mais les conspirateurs qui peut-être n'avaient pas prévu le lieu et le jour de l'insurrection, n'avaient-ils pas préparé les populations ?
N'ont-ils pas offert rapidement des cadres et des thèmes de lutte aux insurgés ?
La question mérite à tout le moins d'être posée et je vous propose d'en débattre.
