"LE CHRISTIANISME COMME LE JUDAISME étaient CHEZ NOUS ,en TAMAZGHA (afrique du nord)et en KABYLIE en particulier CHEZ EUX bien avant l’arrivée de la colonisation arabomusulmane.
Nous ignorons de quelle façon le christianisme fut apporté
chez les Berbères, mais il est probable que le point de départ
doit se chercher dans les grandes villes et que les premiers
foyers durent être, comme à Rome, les communautés juives. La
séparation ne tarda pas à se faire et l’église d’Afrique devint
bientôt prospère. Mais son histoire appartient surtout à celle du
christianisme, et l’on ne peut démêler ce qui, dans ses développements
et ses vicissitudes, tient particulièrement aux Berbères.
On peut admettre cependant que ce fut chez ces derniers, du
moins dans les territoires directement soumis à Rome, que se
recrutèrent les donatistes, plutôt schismatiques qu’hérétiques,
et les Circoncellions dont le mouvement, malgré sa teinte religieuse,
fut, comme celui des Bagaudes, plutôt social que national.
La liste des évêchés d’Afrique (Proconsulaire, Byzacène,
Numidie, Mauritanies : Sitifi enne, Césarienne et Tingitane, Tripolitaine)
contient une foule de noms dont la grande majorité
est berbère, encore qu’il soit diffi cile de les identifi er tous : ces
noms étaient souvent ceux de simples bourgades, car l’étendue
de l’évêché était excessivement restreinte. Les monuments épigraphiques
ont permis d’en reconnaître quelques-uns et il semble
bien que la masse de la population, défalcation faites des colo
romains et de quelques étrangers, se composait de Berbères,
ou du moins de métis chez lesquels dominait le sang berbère.
Quant aux tribus à demi soumises ou indépendantes chez qui le
christianisme se répandit, nous pouvons supposer que le prosélytisme,
comme sur bien des points du monde barbare, eut lieu
par le moyen des captifs que leur procuraient leurs incursions.
La domination des Vandales ariens ne changea rien à cet état de
choses, sinon que, de persécuteur, le catholicisme devint, sauf
en de rares périodes, persécuté à son tour et ne triompha que
grâce aux succès des Byzantins(1). Il faut signaler cependant,
comme intéressant l’histoire du christianisme chez les Berbères
de l’Ouest de l’Algérie, l’existence d’une dynastie chrétienne
indigène au commencement du Ve siècle, après la chute des Vandales
et avant l’invasion arabe. On voit, à quelque distance de
Frenda, les tombeaux de ces princes dont nous connaissons deux
noms, Mephanias et Massonas, qui paraît avoir été le même que
Masema, « rex gentium Maurorum ac Romanorum, mentionné
dans une inscription latine de Hadjar er Roum (Lamoricière,
C. I. L., VIII, 9835). C’était une dynastie berbère, chrétienne,
comme le montrent les emblèmes et les traces de peinture qu’on
a relevés sur les tombeaux connus sous le nom de Djedâr et déjà
signalés par les historiens arabes. Ces princes disparurent probablement
avec le christianisme, lors des premières conquêtes
des musulmans(2).
Mais, sur d’autres points, le christianisme se maintint encore
longtemps. En Tripolitaine, chez les Nefousa dont le terri-
toire renferme encore un certain nombre d’églises en ruines : dans
l’Aourâs, chez les Berânes ; dans le Rif, chez les Ghomara et les
Sanhadja. Nous avons vu que du temps d’Idris, c’est-à-dire plus
d’un siècle après l’apparition de l’Islam dans ce pays, il existait
encore dans le Maghrib el Aqsa des tribus ou des fractions de tribus
chrétiennes. Là où un traité fut conclu entre les envahisseurs
et la population indigène, celle-ci, conformément à la législation
musulmane, put conserver sa religion, mais l’isolement et des
divisions intestines précipitèrent la décadence. Au Xe siècle, on
comptait encore quarante évêques ; en 1054, sous Léon IX, n’en
restait plus que cinq et deux d’entre eux se disputaient la prééminence.
En 1076, nous voyons par la correspondance de Grégoire
VII qu’ils n’étaient plus que deux : Cyriaque, métropolitain
de Carthage, et Servandus, sur le siège d’Hippone. Il y avait
encore un évêque à la Qala’ah des Beni Hammâd ; il portait le
titre arabe de Khalifah et il émigra sans doute avec son troupeau
à Bougie sous En Nâser(1). Une communauté chrétienne existait
à la même époque à Tlemcem, mais nous ne savons si elle était
sous l’autorité d’un évêque : En 1068, El Bekri(2) fait mention
dans cette ville d’une église fréquentée par les restes d’une population
chrétienne qui s’était conservée jusque là. Mais tout fut
emporté par le fl ot des Almohades ; il ne resta comme souvenir,
à côté de légendes imprécises, que quelques mots, entre autres
celui de Tafaski (la Pâques = Πασχα) qui fut donné au quatrième
mois de l’année chez les Taïtoq, au douzième chez les Ahaggar :
Afasko et Tifi sko signifi ent le printemps chez les Aouelimmiden
et à Tonbouktou, et ce nom a pénétré jusque chez les Dyolofs du
Sénégal où Tabaski dya correspond à décembre
IV
Nous n’avons pas de renseignements précis, en dehors
des récits parfois romanesques de la conquête, sur la façon dont
l’islâm se propagea dans le nord-ouest de l’Afrique, mais il est
certain qu’il y rencontra une vive résistance. Les premières expéditions
ne furent que des raids de cavalerie, ayant surtout le
pillage pour but et dans lesquels les Arabes évitaient les places
fortes où se réfugiaient les populations indigènes et les descendants
des colons romains. Le littoral lui-même, protégé par
les montagnes et les ports dont les Grecs restaient les maîtres
fut respecté. La fondation de Qaïrouân par ‘Oqbah donna seule
un caractère de stabilité et de permanence à la propagation de
l’islâm, mais non d’une façon absolue. Les Musulmans furent
rejetés plus d’une fois jusqu’en Tripolitaine et, en ce cas, on
n’a pas tort de supposer que les conversions qu’ils avaient pu
faire ne se maintinrent pas. Les historiens arabes eux-mêmes
avouent que les Berbères abjurèrent douze fois l’islâm et l’on
peut croire que s’ils avaient trouvé un appui chez une puissance
voisine, forte et bien organisée, au lieu de l’empire byzantin ou
du royaume des Goths, ils auraient victorieusement repoussé les
invasions musulmanes. Mais leurs divisions et leur isolement,
surtout après la conquête de l’Espagne par Mousa, fi nirent par
assurer le triomphe de l’islâm, triomphe qui ne fut absolu et défi
nitif qu’au XIIe siècle.
Mais s’ils se convertirent, par la force plus que par la persuasion."