Les Croisades : royaume de Dieu ou colonisation ?

Les Croisades : royaume de Dieu ou colonisation ?

Message par duc de Raguse » Samedi 27 Janvier 2007 16:38:49

Après l'appel d'Urbain II pour libérer les lieux saints et secourir les chrétiens d'Orient, au concile de Clermont en 1096, se met en marche sous divers vagues successives un voyage ou un "passage" de pèlerins armés ou non vers le Moyen-Orient.
La chute d'Antioche en 1098 et celle de Jérusalem en juillet 1099 donnent aux croisés latins, appelés "francs", un contrôle sur une étroite bande côtière courant du sud l'actuelle Turquie au nord du Sinaï.
Une société originale se met rapidement en place après la conquête et quatre principautés sont érigées : le comté d'Edesse (jusqu'en 1144), le comté de Tripoli, la principauté d'Antioche et le royaume de Jérusalem, les premiers étant sous la tutelle de ce dernier.
Les Francs importent ainsi les relations féodo-vassaliques dans cette partie du monde et exploitent les terres et la population vivant dessus, ce qui n'est plus tout à fait en accord avec l'appel d'Urbain II qui ne prévoyait pas de conquêtes territoriales et encore moins la création d'un royaume de Jérusalem, indépendant de l'Eglise. En effet, dès 1101, Baudoin de Boulogne, ancien comte d'Edesse et frère de l'"avoué du Saint-Sépulcre" Godefroy de Bouillon, devient roi, se passant ainsi de la tutelle théorique de Rome.
Certains historiens (Grousset par exemple) ont perçu dans cette aventure de deux siècles la marque des premières colonies occidentales. Peut-on soutenir cette vision ou tout simplement constater que la domination politique et économique de la région étaient nécessaires pour conserver la Ville Sainte ? Quels intérêts semblaient être les plus importants ?

Bien à vous et merci d'avance pour votre participation, :wink:

duc de Raguse.
duc de Raguse
 

Message par La Chambre bleue » Samedi 27 Janvier 2007 22:07:12

La rencontre entre les chrétiens francs et les musulmans d'orient fut certainement un choc de civilisation mais très vite, d'après ce que j'ai pu en comprendre des rapports commerciaux tout à fait classique se mirent en place...

Les Francs n'occupaient ( je ne vois pas d'autre mot, peut-être un peu trop moderne ) qu'une frange très limitée des territoires musulmans et ils furent bien obligés de "composer", non ? D'ailleurs les rapports entre les moines-soldats chrétiens ( comme les templiers ) et "l'intelligentsia" ( encore un mot trop moderne ) musulmane furent assez élaborées et quelquefois on ressent comme une sorte ce complicité entre eux...
Comme j'ai pu le découvrir dans ce texte :
http://classes.bnf.fr/idrisi/pedago/croisades/usama.htm
"L'avenir, c'est du passé en préparation."
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Pierre Dac
La Chambre bleue
 
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Message par duc de Raguse » Dimanche 28 Janvier 2007 11:25:43

Le texte que vous mettez en ligne est un classique du genre et souligne que la vie dans les Etats Latins d'Orient était bien différente de celle de l'Occident et qu'il fallait "composer" pour qu'une cohabitation fut possible.
Les "Francs" laissèrent aux musulmans orientaux leurs coutumes et leurs croyances, ne tentant pas de les convertir.
duc de Raguse
 

Re: Les Croisades : royaume de Dieu ou colonisation ?

Message par rapentat » Lundi 12 Février 2007 16:24:27

Bonjour,

duc de Raguse a écrit :Certains historiens (Grousset par exemple) ont perçu dans cette aventure de deux siècles la marque des premières colonies occidentales. Peut-on soutenir cette vision ou tout simplement constater que la domination politique et économique de la région étaient nécessaires pour conserver la Ville Sainte ? Quels intérêts semblaient être les plus importants ? duc de Raguse.


Je ne suis pas un spécialiste des croisades, mais j'avoue que le sujet est intéressant.
D'après ce que j'ai lu, les musulmans de l'époque n'avaient pas trop compris le pourquoi de " l'invasion " des croisés, ce qui expliquerait leurs faciles succès du début, avant qu'une certaine organisation se mette en place.
Mais penser à une colonisation, je ne crois, du moins dans l'esprit du 19ème siècle. En règle générale, une colonie est un territoire gouverné par une puissance lointaine. Je ne crois pas que les croisés étaient gouvernés par l'Europe, les gouvernements qui s'y formèrent n'avaient aucun compte à rendre à qui que se soit, les richesses de l'orient n'étaient pas systématiquement envoyer en Europe. Par contre cela à permis à certaines villes comme Venise ou gênes, de faire des fortunes colossales dans le transports des marchandises d'orient.
De plus une caractéristique du colonialisme est l'afflux de colons venant du pays d'origine et là je ne crois pas que cela fut le cas, sauf pour le pèlerinage, bien entendu.
Au moment des croisades la culture musulmane est au zénith et les autochtones considèrent plutôt les croisés comme des attardés mentaux, se sont eux qui apprendront beaucoup de choses aux croisés, mathématiques, l'architecture, les sciences humaines etc...Les arabes resteront hermétiques à la pensées occidentales, à toutes influences. Est-ce déjà le choc de deux civilisations?? Qui était vraiment le colonisé??

Cordialement.
rapentat
 
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Message par A.Lionel » Vendredi 23 Mars 2007 01:54:48

Bonsoir Rapentat, effectivement vous avez mis le doigt dessus, l'Europe du haut moyen-age était sans attrait pour les peuples d'Orient (Romains d'Orient compris) et le Roi de France en était bien conscient, c'est grace aux croisades qu'il affermit son pouvoir non pas en imposant son autorité mais en distribuant des faveurs.

Les chevaliers rentrés d'Orient avaient été émerveillés par la qualité de vie dans ces lointaines contrées, ils avaient découvert le gout du luxe, chose qui était peu commune à cette époque.
Rentrés dans leur fiefs, ils voulurent continuer à avoir le meme train de vie, importer des étoffes précieuses, des parfums, des épices rares...Tout cela fit la richesse des principautés "italiennes" qui disposaient des ports les plus proches et des bateaux les mieux armés pour joindre l'Orient.

Mais les revenus des fiefs n'étaient pas suffisants pour pouvoir importer en quantité ces richesses, de plus, pas question de s'endetter, car si le seigneur féodal paraissait tout puissant à la tete de son fief, il avait pour première mission de protéger ses administrés des autres seigneurs mais aussi des invasions barbares. Un mauvais seigneur pouvait etre retrouvé pendu un beau matin s'il ne remplissait pas ses obligations.

Comme on dit souvent "une passion peut se transformer en vice" et c'est ce qui se passa, le seigneur féodal s'adressa à la seule personne qui pouvait lui donner suffisement d'argent pour continuer à vivre dans le luxe.
Le Roi, au départ, octroyait des fiefs supplémentaires à celui qui lui serait fidèle, ainsi le seigneur voyant son domaine s'agrandir pouvait financer ses dépenses.
Les petits seigneurs qui étaient les plus puissants vassaux à cette époque, firent de meme dans toute la France et le Roi devint rapidement le créancier de ses vassaux qui, jusqu'aux croisades, n'étaient pas tous fidèles ou, en tout cas, étaient en situation de quasi indépendance vis-à-vis du pouvoir royal. Non seulement le Roi ne légiférait plus mais ne rendait presque plus la justice au-delà de son domaine royal.

Il faut noter car c'est très important, que le contrat de fief était très contraignant et n'était pas un engagement pris à la légère, on pourrait dire puisque le Roi était faible, les seigneurs auraient pu le faire chanter, or, manquer à ses obligations allait à l'encontre de l'équilibre social du monde féodal fondé sur le respect de la parole donnée.
Un seigneur félons ipso facto était éliminé par ses pairs, la justice féodale était intraitable là-dessus.

Au XIIIème siècle le Roi eut une idée lumineuse, au lieu d'accorder une terre en guise de fief, il accorda des "fiefs en l'air" qui était une sorte de rente qui pouvait etre retirée à discrétion au cas où le seigneur rechignerait à lui obéir ou en cas de doute sur sa loyauté.

Pour recoller au sujet, les croisades n'étaient pas une colonisation mais un moyen d'affirmer l'autorité royale. Finalement peu importaient les résultats de ces croisades, au départ c'étaient les petites gens qui répondirent à l'appel de l'Empereur d'Orient, les grands seigneurs furent obligés de repondre aux appels de leurs vassaux qui eux-memes devaient suivre l'engouement populaire.
Le Roi manifestement en tira la conséquence, comme dans bien d'autres domaines, qu'il lui fallait impérativement recréer le lien direct entre lui et le peuple, les croisades furent un des moyens du rétablissement du pouvoir monarchique en France.

Bien à vous.
DDR.
"Les vraies conquêtes, celles qui ne donnent aucun regret, sont faites sur l'ignorance."
A.Lionel
 
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