La bataille de la Boyne - 12 juillet 1690

La bataille de la Boyne - 12 juillet 1690

Message par BRH » Mardi 19 Avril 2016 13:19:44

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La bataille de la Boyne

D’après « Histoire d’Angleterre » – David Hume – 1839


Le roi Guillaume partit pour l’Irlande le 4 juin, accompagné du prince Georges de Danemarck, du duc d’Ormond, des comtes d’Oxford, de Scarborough, de Manchester et de quelques autres personnes de marque. Le 14 du mois, il descendit à Carrickfergus, et se rendit aussitôt à Belfast, où il fut joint par le duc de Schomberg, le prince de Wirtemberg, le major général Kirke, et autres officiers.

Pendant ce temps, le colonel Wolsey, à la tête de mille hommes avait défait un fort détachement de l’ennemi près Belturbat. Sir John Lanier avait pris le château de Bedloe, et l’on avait réduit celui de Charlemont, poste très important, ainsi que Balingary, près Cavan.

Le roi Guillaume après un repos de deux ou trois jours à Belfast, visita le quartier général du duc de Schomberg à Lisburne. Il s’avança ensuite jusqu’à Hillsborough, et fit défendre, par un ordre exprès, d’enlever les chevaux de force, et de commettre quelque autre violence que ce fût dans les campagnes. Plusieurs de ses officiers généraux lui ayant proposé quelques mesures de prudence, il leur déclara qu’il n’était pas venu en Irlande pour y laisser croître l’herbe sous ses pieds.

Il fit à Loughbrilland la revue de son armée, qu’il trouva forte de trente-six mille hommes effectifs, bien équipés. Il se porta ensuite à Dundalk, et de là, à Ardée, que l’ennemi ne faisait que d’abandonner.

Jacques II présumait que les dissensions du parlement d’Angleterre ne permettraient point à son gendre de quitter le royaume, et Guillaume était déjà depuis six jours en Irlande sans qu’il en fût informé.

Au premier avis de son arrivée, il confia Dublin à la garde de la milice, que commandait Lutterel, et, avec un renfort de six mille hommes d’infanterie, arrivé récemment de France, il joignit ses troupes, qui égalaient à peu près en nombre celles de Guillaume, sans y comprendre environ quinze mille hommes laissés dans les garnisons.

Jacques occupait une position avantageuse sur les bords de la Boyne et il résolut d’en profiter pour livrer bataille, contre l’avis de ses officiers généraux, qui lui proposaient de fortifier ses garnisons et de se retirer à Shannon pour y attendre le résultat des opérations sur mer.

Louis XIV avait promis un armement considérable contre la flotte anglaise et un grand nombre de petites frégates pour détruire les vaisseaux de transport de Guillaume, aussitôt que leur escorte aurait repassé en Angleterre. L’exécution d’un tel dessein ne présentait pas de grandes difficultés, et aurait été fatale à l’armée anglaise, car toutes les munitions de guerre et de bouche étaient à bord de ces vaisseaux qui suivaient le long de la côte, à mesure que les troupes s’avançaient dans leur marche ; et il n’y avait pas de port où ils pussent au besoin trouver un abri sûr.

Cependant, Jacques était décidé à livrer bataille et il s’en expliquait avec autant de confiance que d’ardeur. Outre la rivière, qui était profonde, le front de son armée était défendu par un marais et une côte, de façon que l’armée anglaise ne pouvait l’attaquer sans un désavantage manifeste.

Guillaume s’avança sur la rive opposée, et, pendant qu’il reconnaissait la position de l’ennemi, il essuya le feu de quelques batteries dirigées contre sa personne. Il eut un homme et deux chevaux tués à ses côtés, et le contre-coup d’un boulet déchira ses habits et emporta une partie de ses cheveux, sans qu’il en fût effrayé. Cet accident jeta ceux qui l’environnaient dans une confusion dont l’ennemi s’aperçut.

On le crut tué, tout le camp de Jacques en poussa des cris de joie, et plusieurs escadrons de sa cavalerie s’avancèrent comme pour passer la rivière et attaquer l’armée anglaise. Le bruit de la mort de Guillaume gagna jusqu’à Dublin, et même jusqu’à Paris, où, contre l’usage, on en fit des réjouissances publiques.

Ce prince visita toutes ses lignes pour se montrer sain et sauf à son armée. Il convoqua le soir un conseil de guerre et il déclara que son intention était d’attaquer l’ennemi dès le lendemain matin. Schomberg, combattit d’abord ce dessein mais, voyant le roi déterminé, il se borna à lui conseiller de profiter de la nuit pour faire passer la Boyne, au pont de Slane, à un fort détachement de cavalerie et d’infanterie, et de prendre position entre l’ennemi et le passage de Duleck, pour rendre l’action plus décisive.

Ce conseil ne fut point écouté ; mais le roi ordonna au général Douglas et au jeune Schomberg de passer de grand matin le pont de Slane, avec l’aile droite de l’infanterie et avec la cavalerie, pendant que l’infanterie du corps d’armée forcerait le passage à Old-Bridge, et le reste à certains gués indiqués entre le camp de l’ennemi et Drogheda. Schomberg, voyant son avis rejeté par les généraux hollandais, se retira dans sa tente, et, quand on lui apporta l’ordre de livrer bataille, il le reçut avec beaucoup d’humeur, ajoutant que c’était la première fois qu’il lui était ainsi envoyé.

Toutes les dispositions étant faites, Guillaume parcourut son armée aux flambeaux, et gagna sa tente, après avoir ordonné que tous les soldats eussent un rameau vert à leurs chapeaux pendant l’action, afin de se reconnaître au milieu de l’ennemi.

A six heures du matin, le général Douglas, le comte de Schomberg, le comte de Portland et Auverquerque passèrent la rivière au pont de Slane, presque sans opposition. Parvenus à l’autre bord, ils virent l’ennemi rangé sur deux lignes, déployant une force imposante, tant en cavalerie qu’en infanterie, et protégé par un marais : Douglas crut devoir attendre du renfort.

A peine en fut-il arrivé, que l’infanterie se mit à traverser le marais au pas de charge, tandis que le comte de Schomberg en faisait le tour avec la cavalerie pour prendre l’ennemi en flanc. Les Irlandais, au lieu de l’attendre, firent volte-face, et se retirèrent vers Duleck avec quelque précipitation. Toutefois, le comte de Schomberg eut le temps de tomber sur leur arrière-garde et de leur tuer beaucoup de monde, mais le roi Jacques ayant détaché des troupes du centre pour renforcer son aile gauche, le comte eut à son tour besoin d’être soutenu.

Alors le corps de bataille de Guillaume, qui se composait de gardes hollandaises, des régiments français et de quelques bataillons anglais, traversa la rivière, quoique assez haute, à la faveur d’une décharge générale d’artillerie.

Jacques, après avoir imprudemment retiré son canon du rivage, avait placé un gros corps de mousquetaires derrière des haies, des maisons, et quelques ouvrages avancés. Ils firent feu d’assez près, mais sans beaucoup d’effet, sur les troupes anglaises, avant qu’elles eussent atteint le rivage. Les Irlandais plièrent, et plusieurs bataillons gagnèrent la rive sans obstacle. Mais, avant qu’ils eussent pu se former, ils furent chargés vigoureusement par un escadron de la cavalerie ennemie.

Le général Hamilton à la tête d’un corps nombreux de cavalerie et d’infanterie, s’avança de derrière quelques éminences, attaqua ceux qui avaient pris terre, et s’efforça d’empêcher les autres d’aborder. Son infanterie se débanda d’abord, mais la cavalerie chargea avec tant de fureur, tant sur le rivage que dans la rivière, qu’elle mit en désordre ceux qui ne s’étaient pas encore formés.

Le duc de Schomberg passe à l’instant même, se met à la tête des protestants français et leur montrant l’ennemi : « Camarades, dit-il, voilà nos persécuteurs ». Il marche à l’attaque en disant ces mots, et soutient les violents efforts d’une partie des cavaliers irlandais, qui, s’étant fait jour au travers d’un des régiments, revenaient alors sur leurs pas. On les prit pour des troupes anglaises, et on les laissa avancer à toute bride jusqu’au duc, qui fut blessé dangereusement à la tête.

Les Français, reconnaissant l’erreur, firent une décharge imprudente sur les Irlandais, qui pressaient le duc, et, au lieu de le dégager, ils l’étendirent mort sur la place. La perte de ce général manqua d’être funeste à l’armée anglaise, qu’elle jeta dans la confusion, pendant que les troupes d’infanterie de Jacques se ralliaient et reprenaient leurs postes avec une confiance marquée.

Elles allaient tomber sur le centre, lorsque Guillaume, qui venait de passer avec l’aile gauche, composée de la cavalerie danoise, hollandaise, et inniskillinaise, s’avança pour les attaquer à la droite. Les soldats ennemis, frappés à sa vue d’une terreur panique, firent aussitôt halte, tournèrent le dos, et se replièrent sur le village de Dunore, où ils se soutinrent avec tant de vigueur, que la cavalerie hollandaise et danoise, quoique ayant Guillaume à sa tête, fut contrainte de reculer.

Les Inniskillinais mêmes plièrent, et toute l’armée aurait été mise en déroute, si un détachement de dragons des régiments de Cunningham et de Levison n’eût mis pied à terre, et ne se fût rangé derrière les haies des deux côtés du défilé par où l’ennemi poussait les fuyards. Il chargea les assaillants avec une vigueur qui ralentit bientôt leur poursuite : la cavalerie rompue eut alors le temps de se rallier, et, retournant à la charge, fit à son tour plier l’ennemi.

Le général Hamilton, qui, durant toute l’action, avait été l’âme des Irlandais, fut blessé et fait prisonnier ; ce qui les jeta dans un tel abattement, qu’ils ne firent plus aucune tentative pour recouvrer l’avantage qu’ils avaient perdu.

Hamilton fut aussitôt amené devant le roi qui lui demanda s’il pensait que les Irlandais fissent encore quelque résistance.

- Sur mon honneur, répondit-il, je crois qu’ils résisteront, car il leur reste un gros corps de cavalerie qui n’est point encore entamé.
- Votre honneur ! votre honneur ! s’écria vivement Guillaume en le regardant avec mépris. Ce prince ne lui dit rien de plus touchant la fausseté de sa conduite lorsqu’il lui avait été permis de passer en Irlande, sur sa promesse de gagner Tyrconnel au nouveau gouvernement.

Les Irlandais abandonnèrent avec précipitation le champ de bataille. Mais les troupes auxiliaires suisses et françaises, sous les ordres de Lauzun, après avoir quelque temps entretenu le combat avec autant d’intrépidité que de persévérance, effectuèrent leur retraite en bon ordre.

Quoique Guillaume n’eût pas jugé à propos de poursuivre l’ennemi, les Irlandais perdirent quinze mille hommes, et les Anglais près de cinq mille.

Mais la victoire fut chèrement achetée par la mort du vaillant duc de Schomberg, qui fut tué dans la 82e année de son âge, après avoir balancé la réputation militaire des plus grands généraux de son temps. Il descendait d’une noble famille du Palatinat. Sa mère était Anglaise, fille de lord Dudley. Forcé de quitter son pays, à cause des troubles qui l’agitaient, il commença sa carrière comme simple soldat de fortune, et servit successivement dans les armées de Hollande, d’Angleterre, de France, de Portugal et de Brandebourg. Il obtint les dignités de maréchal en France, de grand en Portugal, de généralissime en Prusse, et de duc en Angleterre. Il professait le protestantisme. Plein de politesse et de modestie dans ses meeurs, il était calme, pénétrant, résolu, et d’une rare sagacité. Sa probité égalait son courage.

Le combat de la Boyne fut également fatal au brave Caillemote, qui avait suivi la fortune du duc, et qui commandait un des régiments protestants. Quatre soldats le transportèrent blessé à mort de l’autre côté de la rivière, et, tout agonisant qu’il était, il excitait encore le courage de ceux qui le portaient, et leur criait avec fermeté : A la gloire, mes enfants, à la gloire !

La troisième personne digne de regrets qui perdit la vie dans cette affaire fut Walker, ce même ecclésiastique qui avait si vaillamment défendu Londonderry contre les troupes de Jacques. Guillaume l’avait accueilli, et lui avait fait un don de cinq mille livres sterling, avec promesse de plus amples faveurs. Mais, entraîné par une sorte d’ardeur guerrière, il voulut accompagner le roi dans la bataille, fut blessé aux entrailles et mourut en quelques minutes.

Dans l’armée ennemie on eut à regretter les lords Dongan et Carlingford, sir Neile O’Neile et le marquis d’Hocquincourt.

Jacques resta pendant toute l’action sur la hauteur de Dunmore, entouré de quelques escadrons. Lorsqu’il vit que la fortune se déclarait contre lui, il regagna Dublin sans chercher à rallier ses troupes. Avec plus de courage et d’esprit de conduite, il pouvait empêcher la dispersion de son armée, la renforcer par ses garnisons, et même prendre l’offensive car sa perte avait été d’abord peu considérable ; et le vainqueur n’avait pas même tenté d’inquiéter ses troupes dans leur retraite. Cette faute fut reprochée à Guillaume, qui, dans toute cette journée, paraît avoir montré plus de valeur personnelle que de science militaire.

A son arrivée à Dublin, le roi Jacques réunit les magistrats et le conseil de la ville, et après une courte harangue, les abandonna à la fortune du vainqueur. Dans cette harangue, il accusa les Irlandais d’avoir manqué de courage, leur déclara sa résolution de quitter sur-le-champ le royaume ; leur fit défense, en vertu du serment qu’ils lui avaient prêté, de brûler ou de piller la ville après son départ ; et leur promit que, quoiqu’il cédât maintenant à la force, il ne cesserait pas de travailler de tout son pouvoir à leur délivrance.

Le lendemain, il partit pour Waterford avec le duc de Berwick, Tyrconnel et le marquis de Powis. Il fit rompre tous les ponts derrière lui, et s’étant embarqué sur un vaisseau qui l’attendait, il trouva en mer l’escadre française, commandée par M. de Foran, qui le détermina à passer sur une de ses frégates, excellente voilière. C’est ainsi que, sans autre accident, il gagna la France, où il reprit sa première résidence à Saint-Germain.

Dès qu’il eut quitté Dublin, tous les papistes abandonnèrent la ville. Les protestants, sous la conduite des évêques de Meath et de Limerick, s’emparèrent des armes qui appartenaient à la milice. On nomma un comité chargé de l’administration, et la relation de tout ce qui s’était passé fut envoyée à Guillaume, avec prière d’honorer la ville de sa présence.

Le lendemain de la bataille de la Boyne, le roi Guillaume fit partir dès le matin un détachement de cavalerie et d’infanterie, sous les ordres de M. Mellionere, pour Drogheda que le gouverneur rendit sans résistance.

Le roi se mit en marche pour Dublin avec son armée, et fit halte, la première nuit, à Bally-Breghan où il apprit que l’ennemi venait d’évacuer la capitale de l’Irlande. Il envoya aussitôt le duc d’Ormond, avec un corps de cavalerie, pour en prendre possession, et le fit suivre immédiatement des gardes hollandaises, qui occupèrent le château.

Quelques jours après, Guillaume établit son camp à Finglas, dans le voisinage de Dublin, et y reçut les évêques de Meath et, de Limerick, à la tête du clergé, qu’il assura de sa protection. Il fit publier ensuite une déclaration où il garantissait le pardon à tous les individus de la classe du peuple qui avaient porté les armes contre lui, sous la condition de rentrer dans leurs foyers, et de rendre leurs armes avant le 1er août. Il y eut ordre à tout fermier de terres appartenant aux papistes rebelles d’en retenir les produits jusqu’à ce que les commissaires des revenus eussent fait connaître en quelles mains ils devaient les remettre.

Les chefs les plus obstinés de la révolte, déclarés coupables d’avoir violé les lois du royaume, appelé les Français, autorisé les déprédations commises sur les protestants, et rejeté le pardon que leur avait offert le roi dans ses premières proclamations, furent abandonnés aux événements de la guerre, jusqu’à ce que, par des témoignages non équivoques de repentir, ils eussent mérité leur grâce, qui ne leur serait alors jamais refusée. Par une nouvelle proclamation, la monnaie de cuivre fut réduite à sa valeur intrinsèque.

Les officiers de l’armée de Jacques, après l’avoir vu s’embarquer à Waterford, rejoignirent leurs troupes, avec la résolution de poursuivre la guerre aussi longtemps qu’ils en auraient les moyens.
Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !

Napoléon
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