Une théorie bien peu exacte, et encore très répandue, veut que Pétain soit allé à Montoire demander une politique plus clémente au sujet des prisonniers, de l’Alsace-Lorraine et de la ligne de démarcation. Certes il avait ces choses en tête mais une autre primait : l’offre d’une entrée en guerre de la France contre l’Angleterre, par le biais de la reconquête des colonies gaullistes. Pétain en parle dès sa première tirade, puis Laval revient à la charge. Hitler fait la sourde oreille et maintient la discussion dans des généralités, après quoi il impose un communiqué suivant lequel les deux parties ont décidé d’une collaboration, dont les modalités seront définies plus tard.
Dit Delpla dans son "Montoire".
Un reproche que je ne ferai jamais à Delpla c'est de manquer d'imagination.
Que Pétain ait voulu déclarer la guerre à l'Angleterre en octobre 40 par le biais d'une reconquête des colonies dissidentes et que ce soit Hitler qui l'en ait empêché relève de la fantasmagorie.
Alors que trois réunions se sont produites à l'ambassade d'Allemagne, à Paris, en vue de la reconquête du Tchad dont la dernière, le 10 décembre, en présence du général Warlimont, adjoint de Keitel, et d'Huntziger, responsable militaire côté français, suffit à balayer toutes ces élucubrations sans fondement.
Il faudrait en effet imaginer que Keitel et Warlimont et toute l'OKW se soient ligués pour désobéir à Hitler puisque celui-ci ne voulait pas de cette attaque.
Il faudrait aussi se demander pourquoi un Pétain qui souhaiterait cette attaque se débarrasse de Laval le 13 décembre, alors que ce même Laval, lui, la souhaite et qu'il en en est l'artisan le plus diligent.
Et encore pourquoi ce renvoi de Laval fit ensuite tant de remous tant à Paris qu'à Berlin ("kalte Schulter "de Hitler à Pétain, dit Keitel, soi-même).
Il y a cependant quelque chose de vrai dans ce que dit Delpla.
C'est que Hitler était moins partisan d'armer l'armée coloniale française que son ambassadeur Abetz.
Il craignait que celle-ci ne le cocufie.
Ce, en quoi, d'ailleurs, il ne se trompait pas, comme on le vit bien en novembre 42.