Les bannis s'expriment

Re: Les bannis s'expriment

Message par Francois Delpla » Mardi 12 Février 2013 10:02:21

http://www.passion-histoire.net/n/www/v ... a&start=60

Les noms d'oiseaux sont de sortie et Narduccio en panne d'autorité.

Sur le fond, Elgor a plus raison que CNE, toujours confiné dans une définition étroite de la sphère militaire, absolument pas de mise quand la ruse nazie rôde dans les parages : il n'arrive pas à concevoir que Hitler fasse pour tromper l'ennemi, et donc pour des raisons militaires, le contraire de ce que requerrait la logique militaire; ni qu'il fasse d'une pierre deux coups et souvent beaucoup plus : ainsi, l'investissement des Balkans fin 40-début 41 vise à la fois à créer les conditions d'une lutte à mort contre l'URSS (ce qui offrira, le moment venu, le bénéfice supplémentaire de rassurer définitivement les bourgeoisies anglo-saxonnes, donc d'aider à la chute de Churchill et à la non-entrée en guerre des Etats-Unis), et à faire croire qu'il pourrait finalement choisir le sud (le Moyen-Orient) et non l'URSS comme objectif.
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Message par Francois Delpla » Mardi 12 Février 2013 14:25:26

http://www.passion-histoire.net/n/www/v ... 38#p434238

Et maintenant, une tirade de Pierma, révélatrice d'un refus moralisateur de voir l'histoire en face :

pierma a écrit :
Sujet du message: Re: Churchill et Roosevelt ont-ils voulu s'allier avec les Nazis
MessagePosté: 12 Fév 2013 2:36

Samnet62 a écrit:
Il n'est pas question de la décision que les alliés ont pris, nous la connaissons tous. Il ne s'agit pas de décisions ou réflexions officiels, mais officieuses. Il n'aurait pas été inimaginable, que les alliés s’associent avec Hitler et une Allemagne au bord du gouffre, pour contrer une puissance montante comme L'Urss. Ils auraient ainsi été gagnant sur tous les tableaux. Hitler aurait été contraint d'avouer sa défaite à l'ouest. L'équilibre des forces aurait été rétablit, comme la toujours voulu l'Angleterre. Et l'Europe aurait pu anéantir le communisme tout en muselant les puissances fascistes. Il n'y aurait pas eut de guerre froide et la paix mondial aurait été sauver.


Il faut tout ignorer de l'époque et même de la réalité des choses pour penser qu'un scénario pareil était imaginable "officieusement."
Ces hypothèses sont complètement folles, tout simplement parce qu'Hitler ne l'aurait jamais accepté. Il faut totalement méconnaître la nature du nazisme pour s'imaginer qu'il aurait pu s'associer avec des puissances qu'il considérait comme dirigées par les Juifs.


Le point de départ était une prose russe récente de tendance stalino-poutinienne http://www.northstarcompass.org/french/ ... /1wwii.htm , qui avait fait impression à Samnet.

Certes, Churchill maintenait en 1943-45 sa ligne constante depuis le début des années 30 : choisir clairement et fermement entre le danger communiste et le danger nazi, et écraser le nazisme d'abord. cependant, Roosevelt devenait de moins en moins clair à cet égard, laissant ses diplomates magouiller avec des représentants de Himmler en Suède ou en Suisse. Mais surtout, il est stupide d'affirmer que Hitler aurait maintenu une intransigeance symétrique et complémentaire de celle de Churchill, en refusant toute entente avec l'Occident contre Moscou.

A la décharge de Pierma (mais à la charge du site Passion-histoire, bannisseur d'historiens), beaucoup d'auteurs ont encore une telle vision de Hitler, de sa stupidité et de sa raideur idéologique.
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Re: Les bannis s'expriment

Message par Francois Delpla » Mardi 12 Février 2013 17:20:52

Et voilà que Narduccio et Elgor communient dans une polonolâtrie et très imaginative, et bien naïve :
http://www.passion-histoire.net/n/www/v ... 60#p434260
Narduccio a écrit :
Sujet du message: Re: Pourquoi Hitler ne retarde pas Barbarossa à 1942 ?
MessagePosté: 12 Fév 2013 16:43


Les polonais savaient qu'ils étaient un morceau plus facile à avaler que la grande Russie voisine. Ils savaient aussi que quelque soit leur allié, allemand ou russe, une fois la guerre finie, dans le cas d'une alliance, ils n'auraient été le prochain "avalé". Comment se défendre contre un colosse qui a conquis tous les terrains autour de vous et qui aurait des armées en transit sur votre territoire. Les polonais pensaient qu'il fallait être fou pour croire les les russes ou les allemands n'auraient pas sauté sur l'occasion. Même sans qu'il y ai un Staline ou un Hitler à la tête des pays cités. Déjà leur politique sous Louis XV ou Louis XVI avait été de trouvé des alliances au-delà de leurs voisins pour assurer leur survie, tellement ils avaient confiance dans leurs voisins immédiats. Et l'histoire leur a donné raison. Quand on a un poulailler entre un terrier de renard et l'antre d'un loup, on ne pense pas que la meilleur solution soit de s'allier à l'un pour combattre l'autre. Simple question de bon sens.



Elgor a écrit :

Ils avaient tellement conscience de cet état de fait que lorsqu'une mission anglaise en 38/39 leur a proposé de faire alliance avec l'URSS pour contrer le danger allemand. Ils ont refusé en disant "Avec les allemands, nous perdrons notre liberté, avec les russes nous perdrons notre âme"


L'idée que les Polonais ont tenu la balance égale entre Allemands et Russes entre 33 et 39 est le point faible du grand livre récent de Timothy Snyder Terres de sang http://www.delpla.org/article.php3?id_article=556 . Ils ont penché très fort du côté allemand... et ont été alléchés, puis lâchés par un Hitler qui à l'évidence avait gardé la crise de Dantzig comme dessert, pour pouvoir se faire déclarer la guerre par la France et l'écraser le moment venu.

Dites, les Dupond-Dupont, vous n'avez jamais entendu parler de Teschen, le pourboire hitlérien pour séparer les Polonais des Tchèques dans la crise de Munich ?
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Re: Les bannis s'expriment

Message par Francois Delpla » Jeudi 14 Février 2013 11:42:45

http://www.passion-histoire.net/n/www/v ... 21#p434421

Un match CNE-Hektor sur la décision hitlérienne de prendre Kiev avant Moscou mais toujours aucune attention au versant politique (intérêt de saisir l'Ukraine, objectif territorial antédiluvien du nazisme, et opportunité de proposer la paix à Staline dans la foulée).
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Re: Les bannis s'expriment

Message par Francois Delpla » Jeudi 14 Février 2013 13:23:30

Une fois de plus, Elgor est le plus proche de mon point de vue.
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Re: Les bannis s'expriment

Message par Francois Delpla » Samedi 16 Février 2013 10:35:48

http://www.passion-histoire.net/n/www/v ... a&start=30

CNE 503 et Narduccio en duettistes.

Le premier nommé, tout en déployant sur les opérations militaires une érudition utile, se montre toujours mal remis de sa tendance lourde à refuser d'analyser le nazisme : derrière le débat "Moscou pouvait-il être pris en 1941?" se profile (et chez Narduccio s'affiche) l'idée que l'entreprise hitlérienne était vouée de toute façon à l'échec.
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Re: Les bannis s'expriment

Message par Francois Delpla » Samedi 16 Février 2013 17:57:10

Alain.g
Sujet du message: Re: Hitler et Guderian - Moscou 1941
MessagePosté: 16 Fév 2013 17:23

cush a écrit:
impréparation pour l'hiver.

C'est un point qui m'a toujours paru invraisemblable que cette formidable armée allemande pénétrant en Russie le 22 juin 1941 et se retrouvant en hiver sans vêtements d'hiver dans un pays pareil. Comment est-ce possible, il n'y avait donc qu'une seule hypothèse. C'est du délire, la négation de la stratégie et de la politique !
De même pour le manque de route pour progresser, la boue ! Il n'y avait donc aucune étude des conditions de progression en Russie de l'armée en automne pour une armée qui entre fin juin ! Où sommes nous ?
Et plus tard il y aura ce manque de nourriture et d' essence tout comme de moyens aériens. On ne reconnait pas l'armée allemande.

=================================

cush
Sujet du message: Re: Hitler et Guderian - Moscou 1941
MessagePosté: 16 Fév 2013 17:42

Sans doute le mythe de la guerre courte (d'ailleurs sans doute la seule solution pour l'Allemagne d'ailleurs), en plus de la manie de "joueur de poker" de Hitler (tant au niveau diplomatique que militaire) en plus de l'intime conviction que le régime est effectivement tellement pourri qu'"un coup de pied suffira à le faire s'effondrer"...


Voilà une bonne question dont on aimerait que CNE s'empare, en dehors de ses -encore une fois très utiles- précisions d'ordre militaire.

A mon avis, la solution est à chercher du côté de l'obligation où Hitler était de vaincre (c'est-à-dire d'amener à la paix en lui ayant pris d'amples territoires) l'URSS en 1941.

Ne prendre aucune disposition en vue de l'hiver a dû lui sembler la meilleure façon de faire partager cette opinion à ses troupes.

Mais qui donc tordra le cou à l'idée qu'il était un joueur de poker ? Tout au contraire il n'aimait que construire ses victoires et mettre toutes les chances de son côté... et c'est la présence de Churchill deux semaines trop tôt au poste de premier ministre qui l'oblige à devenir un parieur.
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Re: Les bannis s'expriment

Message par Francois Delpla » Dimanche 17 Février 2013 10:40:01

C'est plus intéressant quand ils se mettent à débattre :

CNE503 a écrit :
Sujet du message: Re: Hitler et Guderian - Moscou 1941
MessagePosté: 17 Fév 2013 5:34

Narduccio a écrit:
Non, il ne peut pas attendre et on l'a déjà explicité plus haut. Il y a 2 raisons essentielles.
La première, Hitler sait que les soviétiques sont en train de se réarmer et de réorganiser leur armée. Plus il attendra, plus ce sera difficile.
Mais, il y a un second point, il a déclaré qu'il se sent vieillir et qu'il désire profiter de la réussite de son œuvre avant de disparaitre. Il avait décidé de lancer l'attaque avant qu'il soit trop vieux.



Là c'est moi qui ne suis pas d'accord, ou en tout cas pas convaincu.
Tout le monde semble penser qu'une attaque en 1941 était inévitable. Pourquoi ?

Des arguments en ce sens ont été avancés, plus ou moins pertinents. D'autres ont été opposés - notamment par moi - pour montrer qu'attendre était la solution stratégiquement la plus sensée.
Mais dans l'ensemble, je ne trouve aucune raison d'établir un consensus comme quoi attaquer en 1941 était inévitable. Cela ne coule en rien de source.

Alors oui, on pourra dire que la certitude de vaincre était telle que Hitler et sa Generalität n'avait aucun doute sur le succès de "Barbarossa", donc pourquoi attendre ? Que cette certitude était telle qu'abattre l'URSS semblait facile et la seule option pour forcer le Royaume-Uni à composer. Qu'en agissant de la sorte, Hitler obéissait à son agenda, à son but ultime : abattre le champion de la juiverie bolchevique internationale et des sous-hommes slaves.

Le problème, c'est que ça ne cadre pas avec deux données :
- personne ne semble s'être dit : en face, ce sont tout de même de sacrés clients ; et si ça ne marche pas du premier coup, on fait quoi ?
- Hitler était quelqu'un d'éminemment intelligent et ne se sentait pas tenu par un calendrier strict pour atteindre ses objectifs.

Pour moi, avec soixante ans de recul il est vrai, la chose est simple : la prise aurait dû être inversée. Il fallait amener le Royaume-Uni à composition en gagnant le plus de positions périphériques possibles (Afrique du nord, Suez, Malte, Gibraltar, extension de l'Axe à la Turquie, bombardements stratégiques poussés au maximum, guerre navale sans restriction afin d'asphyxier l'archipel, etc) avant de penser seulement attaquer l'URSS. La némésis de l'Allemagne nazie, c'est tout de même bel et bien l'URSS.


Je m'étonne, Loïc : tu as déclaré que je t'avais appris quelque chose sur la période 40-41 et quand je lis cela je me demande bien quoi.

Rappel : Hitler est et reste nazi, c'est-à-dire attelé à la construction d'un espace "vital" uniquement en pays slave, les Anglo-Saxons étant censés être des frères de race supérieure qui vont, eux dominer les mers et les autres continents, sauf la partie de l'Asie laissée au Japon. Toute solution différente est non seulement contraire au choix de base des nazis, mais "juive".

Il coule donc de source de menacer Gibraltar, Malte, Suez, Chypre et Bagdad, pour convaincre les conservateurs de Londres de changer de premier ministre et d'avis sur la question allemande, mais de ne prendre en aucun cas ces territoires.

Une agression contre l'URSS va dans le même sens : elle convaincra enfin ces conservateurs que le choix nazi tient toujours, et qu'en tant que capitalistes ils n'ont plus qu'à souhaiter bon vent à la "croisade".

La question est plutôt :

En n'attaquant pas l'URSS en juin alors qu'on a massé des forces imposantes en Europe orientale, on ferait croire à une menace terrible et imminente contre les positions anglaises en Méditerranée et cela pourrait faire tomber Churchill en juillet ou en août. Pourquoi Hitler renonce-t-il à cette chance ?

Sans doute parce qu'en tournant et retournant tout dans sa tête vers le 20 juin, il se dit que, si Churchill tient malgré tout, il est fichu pour de bon. Et peut-être aussi parce que le télégramme Lequio et l'intrigue Haushofer-Hamilton, malgré l'échec du vol de Hess, lui donnent l'espoir que le choix antisoviétique de l'Allemagne pourrait donner à Hoare le coup de pouce qui lui manque.

Ces données sont peut-être un peu vieilles ou floues pour certains. Dites bien sur Passion-Histoire que je suis disponible pour les expliciter.
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Re: Les bannis s'expriment

Message par CNE503 » Dimanche 17 Février 2013 14:42:29

http://www.passion-histoire.net/n/www/v ... 95#p434895

Non pas que l'envie de débattre absolument me démange, mais vu que c'est de ce message que part ma réponse...

CNE503
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Re: Les bannis s'expriment

Message par Francois Delpla » Lundi 18 Février 2013 11:00:05

CNE503 a écrit :
Sujet du message: Re: Hitler et Guderian - Moscou 1941
MessagePosté: 17 Fév 2013 14:41

Une réponse cohérente a été apportée à mon questionnement sur un autre forum : celle qu'en attaquant l'URSS, Hitler espère obtenir un revirement de Londres, porté par les "appeasers", qui aurait enfin vu que le but de l'Allemagne n'est pas de se quereller avec le Royaume-Uni, mais d'établir une hégémonie continentale désintéressée du reste du globe, généreusement laissé aux Britanniques.

Je perçois la cohérence de l'explication, mais je trouve qu'un tel comportement serait incroyablement naïf. Londres n'a jamais accepté de laisser les Français à Anvers, et elle accepterait les Allemands maîtres du continent ? Même en se gardant bien de claironner que l'on a des ambitions mondiales wilhelmiennes, c'était croire les Britanniques bien versatiles et ayant peu de suite dans leurs idées de grandeur impériale...

Tout comme il était extrêmement naïf de penser que la "paix sur le sable" à Dunkerque serait possible par la seule vertu de la générosité allemande.

Pour moi, l'explication la plus logique est qu'Hitler a en effet bien cru que l'affaire serait pliée en quelques semaines. Les mains libres à l'est, toute perspective de défaite à court et moyen termes était effacée tant l'Allemagne aurait été en position de force. Les Britanniques n'auraient eu qu'à se faire à ce nouvel ordre européen qu'ils auraient pu combattre mais guère menacer, même avec l'intervention américaine.
C'est la décision la plus lourde de conséquences et la plus grosse erreur stratégique qu'il ait pu commettre : attaquer l'URSS sans avoir les coudées complètement franches était une hérésie militaire, même si l'exemple de 1917-1918 et les piètres performances soviétiques de 1939-1940 pouvaient inciter à la plus grande confiance.
Le refus d'une guerre sur deux fronts qui avait été l'alpha et l'oméga de la diplomatie bismarckienne, puis le paradigme principal des planifications stratégiques successives qui avaient abouti au plan "Schlieffen", montraient bien que ce choix ne s'imposait pas de lui-même. La précaution la plus élémentaire pour une question aussi cruciale pour la survie de son régime aurait dû l'amener à se demander ce qui se passerait si "Barbarossa" n'était pas une énième victoire éclatante.

Pour cela, en 1941, il ne fallait pas attaquer l'URSS, mais bien porter les coups les plus rudes au Royaume-Uni, même de manière périphérique, en espérant que les succès militaires allemands étoufferaient tout espoir d'inversion de la tendance parmi la population britannique, et donc tout soutien à une guerre jugée perdue. Au pire, même en échouant dans cet objectif stratégique, on prenait des positions fortes - notamment en Méditerranée - qui permettaient d'ancrer solidement les positions de l'Axe en cas de contre-offensive ultérieure, et donc d'envisager la perspective d'une guerre sur deux fronts.


Il me semble qu'il manque un lien !

Et aussi une prise en compte de la folie de Hitler, qui fait du nazisme une aventure politico-militaire absolument unique.

A partir du moment où Chamberlain, le 10 mai 40, tombe dix jours trop tôt et où Churchill, qui lui succède, réussit à se maintenir au pouvoir dans la terrible tempête de l'effondrement français (qu'il avait moins que tout autre laissé prévoir et qui aurait, ne serait-ce que pour cette raison, très bien pu lui coûter son poste), la fusée si bien programmée du nazisme n'est plus reprogrammable; il ne reste qu'à lui faire viser obstinément son objectif d'alliance aryenne avec l'Angleterre et de conquête du monde slave. Il passe obligatoirement par la chute de Churchill et, inversement, son maintien à la barre sonne un peu plus inexorablement chaque jour le glas du nazisme.

Je suis donc d'accord pour dire que l'annulation de Barbarossa, du moins pour 1941, aurait pu obtenir ce résultat, mais uniquement au cas où l'orage accumulé

-au-dessus du Moyen-Orient, par la concentration des forces allemandes en Europe de l'est et la complaisance turque aussi bien que soviétique (car si le pacte alors n'est pas rompu, il apparaît éternel) envers l'Axe,
-au-dessus de Malte, par l'alliance germano-italienne
-et au-dessus de Gibraltar, par la vassalisation de Pétain et de Franco,

aurait paru insupportable à l'establishment britannique et l'aurait amené à remplacer Churchill par Hoare ou Halifax.

En revanche, plus que jamais Hitler aurait dû tout miser sur la menace et ne passer en aucun cas aux actes, c'est-à-dire au démantèlement de la route anglaise des Indes. Car sinon

-Halifax et Hoare eux-mêmes faisaient bloc plus que jamais avec Churchill;
-en cas d'installation de l'Axe à Gibraltar, Malte et consorts (qu'il aurait d'ailleurs fallu sécuriser en occupant la péninsule ibérique entière et, si possible, les Canaries et les Açores), les Etats-Unis étaient mortellement défiés, n'ayant plus où poser le pied pour leur commerce avec le Vieux continent. Ils auraient donc pris, Pearl Harbor ou pas, le relais de la Grande-Bretagne et la guerre devenait interminable, obligeant le nazisme soit à se renier par une quasi-fusion de ses intérêts avec ceux de la Russie restée communiste, soit à voir l'opportuniste Staline se retourner contre lui.
Dans l'aventure, Hitler multipliait ses chances d'être renversé par une clique militaire et ne pouvait même plus tellement terroriser ses sujets (en inversant le rapport terreur-séduction, déséquilibré jusque là en faveur de la séduction) comme il allait pouvoir le faire, en 44-45, en excipant de l'invasion du territoire national par un ennemi censément désireux de venger chaque Juif aux dépens d'un Allemand.

En conséquence, dans la perspective d'une guerre de style 14-18, oui, pourquoi pas ? L'Allemagne aurait porté des coups à l'Angleterre pour la chasser de l'histoire après en avoir chassé la France, puis offert un deal aux Etats-Unis et à la Russie, sauvant au moins le territoire national, agrandi des Sudètes et de l'Autriche... mais c'est Halder qui aurait négocié, pas Hitler.
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Re: Les bannis s'expriment

Message par Francois Delpla » Lundi 18 Février 2013 12:24:29

http://www.passion-histoire.net/n/www/v ... 26#p435026
Il conviendrait de suggérer à cet intervenant des lectures plus actuelles :

Alain.g a écrit :
Sujet du message: Re: Hitler et Guderian - Moscou 1941
MessagePosté: 18 Fév 2013 11:34

Il prospecte d'abord la possibilité de mettre en oeuvre la stratégie de la Méditerranée proposée par Raeder mais elle s'effondre après son triple entretien successivement avec Mussolini, Franco (23 octobre 1940) et Pétain le lendemain. Des trois côtés pour Hitler, c'est l'horreur, chacun campe sur ses intérêts et ni Franco ni Pétain n'entreront dans une alliance contre la GB.


La conversation d'Hendaye reste un secret d'Etat (américain et espagnol) mais on sait que le demandeur d'une guerre était Franco; et Pétain l'était aussi, le point est documenté on ne peut plus clairement :
http://www.delpla.org/article.php3?id_article=59
http://www.delpla.org/article.php3?id_article=122
Francois Delpla
 
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Re: Les bannis s'expriment

Message par CNE503 » Lundi 18 Février 2013 15:00:25

Francois Delpla a écrit :Je suis donc d'accord pour dire que l'annulation de Barbarossa, du moins pour 1941, aurait pu obtenir ce résultat, mais uniquement au cas où l'orage accumulé

-au-dessus du Moyen-Orient, par la concentration des forces allemandes en Europe de l'est et la complaisance turque aussi bien que soviétique (car si le pacte alors n'est pas rompu, il apparaît éternel) envers l'Axe,
-au-dessus de Malte, par l'alliance germano-italienne
-et au-dessus de Gibraltar, par la vassalisation de Pétain et de Franco,

aurait paru insupportable à l'establishment britannique et l'aurait amené à remplacer Churchill par Hoare ou Halifax.


Heureux que nous tombions d'accord sur cette possibilité. Qui au vu du choix fait (envahir l'URSS sans avoir réglé leur compte aux Britanniques) et de son résultat final (le "Götterdammerung" d'avril-mai 1945) me paraît être la seule option stratégique hypothétiquement viable pour la survie du nazisme.

François Delpla a écrit :En revanche, plus que jamais Hitler aurait dû tout miser sur la menace et ne passer en aucun cas aux actes, c'est-à-dire au démantèlement de la route anglaise des Indes. Car sinon

-Halifax et Hoare eux-mêmes faisaient bloc plus que jamais avec Churchill;


Pourquoi en est-on si sûr ? Est-ce que de telles catastrophes que la perte des points d'appui de Méditerranée jalousement protégé depuis 1708 ou 1800 n'auraient pas miné l'esprit belliciste à Londres ?
C'est à ce moment que l'Allemagne aurait eu le plus à gagner à sortir la carte de la diplomatie : signez la paix, et je rends tout ce que j'ai pris ! Halifax et Hoare auraient même pu se poser en sauveurs en obtenant une paix finalement avantageuse compte tenu des circonstances et en rouvrant la route des Indes.
C'est aussi pour ça que je trouve qu'une hypothèse telle que la "paix sur le sable" à Dunkerque, aussi séduisante soit-elle, témoigne d'une naïveté confondante peu compatible avec l'image que j'ai d'Hitler. La Grande-Bretagne n'aurait-elle pas été cent fois plus incitée à sortir du conflit avec toute son armée de terre détruite ou capturée ? Quitte à promettre de libérer les prisonniers aussitôt la paix signée.
On négocie en position de force, pas en se privant de ses meilleurs atouts - ici 300 000 otages potentiels.

François Delpla a écrit :-en cas d'installation de l'Axe à Gibraltar, Malte et consorts (qu'il aurait d'ailleurs fallu sécuriser en occupant la péninsule ibérique entière et, si possible, les Canaries et les Açores), les Etats-Unis étaient mortellement défiés, n'ayant plus où poser le pied pour leur commerce avec le Vieux continent. Ils auraient donc pris, Pearl Harbor ou pas, le relais de la Grande-Bretagne et la guerre devenait interminable, obligeant le nazisme soit à se renier par une quasi-fusion de ses intérêts avec ceux de la Russie restée communiste, soit à voir l'opportuniste Staline se retourner contre lui.


Il s'agit d'obtenir des gages stratégiques en vue de négocier une paix dans la sphère occidentale - car je suis entièrement d'accord sur l'analyse de cet objectif hitlérien - pas d'obtenir ces points d'appui juste pour faire bisquer les Américains. Dans mon idée, il s'agit de s'emparer d'une monnaie d'échange que les Britanniques ne pourraient refuser tant elle aurait été généreuse. Et inattendue.

François Delpla a écrit :Dans l'aventure, Hitler multipliait ses chances d'être renversé par une clique militaire et ne pouvait même plus tellement terroriser ses sujets (en inversant le rapport terreur-séduction, déséquilibré jusque là en faveur de la séduction) comme il allait pouvoir le faire, en 44-45, en excipant de l'invasion du territoire national par un ennemi censément désireux de venger chaque Juif aux dépens d'un Allemand.


Il me semble, mais je peux me tromper, qu'après les fantastiques succès obtenus en 1939-1940, le risque d'un tel putsch s'est considérablement éloigné. Il ne reviendra qu'avec les premiers revers importants, à l'hiver 1941-1942, et ne sera concrétisé qu'à l'été 1944.

François Delpla a écrit :En conséquence, dans la perspective d'une guerre de style 14-18, oui, pourquoi pas ? L'Allemagne aurait porté des coups à l'Angleterre pour la chasser de l'histoire après en avoir chassé la France, puis offert un deal aux Etats-Unis et à la Russie, sauvant au moins le territoire national, agrandi des Sudètes et de l'Autriche... mais c'est Halder qui aurait négocié, pas Hitler.


Je ne vois pas en quoi cela aurait été aussi automatique. Mais je suis tout ouïe.

Pour le reste :
- pour prendre Malte, l'alliance italienne est impérative. Ca tombe bien, avec la compromission du 10 juin 1940, avec la perte de l'Ethiopie, la déculottée en Libye et sur les eaux en Méditerranée et l'échec honteux en Grèce, l'Italie n'a d'autre solution que de demander l'appui de l'Allemagne. Si on lui promet en plus d'améliorer ou de rendre ses positions africaines ou méditerranéennes du statu quo ante bellum, elle ne pouvait refuser son concours à l'opération "Herkules" - ou quel qu'ait été son nom en 1940-1941.
- pour la conquête de Suez : à condition de ne pas engager le gros de ses forces en URSS, le corps expéditionnaire allemand en Afrique du nord aurait pu être bien plus conséquent que celui déployé à partir de février 1941 (deux divisions mécanisées bientôt renforcées d'une troisième). Sans parler d'un effort colossal (juste un doublement des forces projetées, à une demi-douzaine de divisions mécanisées), nul doute, vu la supériorité manoeuvrière allemande, et avec un appui accru de la Luftwaffe permettant d'assurer une meilleure logistique stratégique et d'accroître encore la domination tactique du champ de bataille, que la Panzergruppe "Afrika" aurait poussé plus loin que le col d'Halfaya. Bien plus loin à mon sens...
- pour Gibraltar, l'appui espagnol et sans doute vichyste était impératif, certes. Mais est-ce que Hitler a vraiment tout fait pour s'associer le Caudillo et le chef de l'Etat français ? Il ne demande qu'un droit de passage, et il a largement de quoi le monnayer depuis qu'il a écrasé la France...

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Re: Les bannis s'expriment

Message par Francois Delpla » Lundi 18 Février 2013 16:19:31

et encore une colère injustifiée de Narduro : http://www.passion-histoire.net/n/www/v ... 56#p435056

je réponds tout de suite à ce qui est sérieux.
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Re: Les bannis s'expriment

Message par Francois Delpla » Lundi 18 Février 2013 16:38:22

Je ne cherche pas à savoir ce que j'aurais fait si j'avais été Hitler en plus intelligent (comme Raguse n'a toujours pas compris qu'il l'était, je ne risque pas ici un procès pour prétention !). Je cherche essentiellement à reconstituer sa démarche à lui.

Tu proposes l'hypothèse qu'une prise de gages, que ce soit l'armée de terre anglaise à Dunkerque en mai 40 ou Gibraltar, Malte et consorts dans l'été 41, suivie d'une proposition immédiate de restitution dans le cadre d'une paix aryenne, aurait été irrésistible pour Londres, au point de faire sauter comme un bouchon un Churchill qui s'y serait opposé.

Visiblement Hitler ne l'a pas calculé ainsi. Churchill le déroute, il en a une peur bleue, comme d'un ennemi juif qui brusquement se dévoile et attaque. Il ne veut surtout pas lui donner des munitions. Et visiblement il calcule que ton idée lui en donnerait.

Si on essaye de se mettre dans sa tête, il pense sans doute qu'une telle proposition paraîtrait suspecte : timeo Danaos et dona ferentes ! dirait tout de suite le premier ministre, et il risquerait de ne pas y avoir de serpents pour le foudroyer comme Laocoon.

D'autre part, l'alliance aryenne suppose une certaine égalité. Il s'agit de donner à l'Angleterre une vision raciste de son propre empire et de sa propre histoire. Elle ne serait pas allée outre-mer pour civiliser les sauvages, éternel alibi des colonialistes, mais pour les asservir à jamais ! Pour leur apporter non pas les vaccins et l'instruction au moins primaire, mais l'enfermement dans des réserves à la limite de la survie ! Or pour justifier et pérenniser une telle domination, il vaut mieux ne pas disposer d'une armée vaincue, et libérée par un vainqueur aryen magnanime.

Voilà ce qu'il a dû se dire. En tout cas, il y a conformé sa conduite.
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Re: Les bannis s'expriment

Message par CNE503 » Lundi 18 Février 2013 17:13:40

Oui, enfin, cela reste tout de même très hypothétique. La rationalité la plus élémentaire aurait voulu qu'il frappe vite et fort, afin d'obliger à passer sous les fourches caudines du Reich allemand. Une fois cette étape réalisée, il était beaucoup plus simple d'être magnanime, éventuellement, tout en s'étant assuré que ses buts de guerre étaient atteints.

Si Hitler veut à ce point la paix avec la Grande-Bretagne - ce dont je ne doute pas un instant au vu de l'intense activisme politico-économico-militaro-diplomatique allemand visant des objectifs britanniques dans les Balkans, sur les mers, dans les airs, entre l'été 1940 et le printemps 1941 - il est suspect, pour ma part, qu'il ne fasse pas tout ce qu'il peut pour l'imposer.

Est-ce que cela aurait marché ? Je n'en sais rien et à la rigueur, cela importe peu, si l'on veut demeurer dans le champ de l'Histoire. Ce qui est sûr, c'est que la voie qu'il a choisie a été celle qui l'a mené à la catastrophe...

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