PS.- Mes impressions actuelles sur Kershaw (sans avoir lu encore son ouvrage sur "la fin") : il se débrouille vraiment bien pour départager les sources; il est donc très fiable dans l'établissement des faits. Mais il est exagérément prudent en ce qui concerne le dessous des cartes. Avec un client comme Hitler, cette prudence devient imprudence. Quand il tombe d'accord avec quelqu'un, comment savoir s'il s'agit d'une réelle convergence ou si Hitler n'a pas exercé une forme ou une autre de pression sournoise ? Et quand il traite un interlocuteur avec colère et semble prêt à le bouffer tout cru, comment apprécier son degré de sincérité ? Il conviendrait au moins de poser la question.
Ainsi, sur la question que je travaille en ce moment, la prise du pouvoir, je lis (p. 419 du tome 1 de l'édition anglaise de la bio de Hitler par Kershaw) que
le 27 janvier, veille de la démission de Schleicher, Hitler avait été pratiquement incapable d'une délibération rationnelle. Il avait dit à ses conseillers qu'il n'avait plus rien à dire à Hindenburg. Et il avait rompu avec colère les négociations avec Hugenberg parce que le chef du DNVP rejetait ses demandes de nomination d'un nazi au ministère de l'Intérieur en Prusse dans le nouveau cabinet et -un point de très grande importance pour Hitler- de nouvelles élections au Reichstag. La colère et la frustration mettaient Hitler hors de lui. Il avait fallu que Göring et Ribbentrop le calment, et le dissuadent de quitter immédiatement Berlin pour Munich.
C'est presque le nez de Cléopâtre ! Pensez à tout ce que nous aurions évité s'il avait pris son train !!
L'existence d'une comédie et d'une répartition des rôles (peut-être convenue avec Göring, probablement naïve chez Ribbentrop) n'effleure pas l'historien.
Dans ces cas-là, il faut examiner de près les sources. Il y a le livre d'un historien, Winkler, sur Weimar... qui n'en donne pas, et le journal de Ribbentrop : fermez le ban ! Rien de rien qui indique d'une manière sûre que Hitler ait été vraiment au bord de la rupture définitive.