Donatien a écrit : la thèse de Binion montre des difficultés de taille. Si vous étudiez un peu ces problèmes d'hypnose, d'hystérie, de névrose et de psychose, vous constaterez que : 1) l'hypnose peut réduire considérablement des symptômes hystériques (voir Charcot), on n'a jamais prétendu guérir une névrose et encore moins une psychose par l'hypnose. Si Freud part à la découverte de sa métapsychologie, dont le versant thérapeutique sera la psychanalyse, c'est en grande partie pour cette raison !
Affirmer que 2 ou 3 séances d'hypnose peuvent rendre une personnalité psychotique, dans le cas présent en lui insufflant sa mégalomanie future, est hors de toute raison et de toute littérature psychiatrique. Parce que, précisément, une psychose suppose un terrain d'origine (qui se manifeste souvent à l'adolescence), et des éléments déclencheurs sur une période plus ou moins longue ; la psychose n'est pas au premier chef une maladie exogène mais endogène, raison pour laquelle on a si peu de prise sur elle. Elle est constitutive, alors que la névrose est d'origine biographique, donc exogène (mais Freud reconnaît que pour la névrose il faut aussi un terrain préalable).
Hitler est manifestement psychotique, à versant mégalomaniaque et narcissique. Les psychiatres US qui ont établi ce rapport des années 40 le décrivaient avec raison comme sociopathe. Ce qui altère sa vision du réel (inutile de s'étendre là-dessus) mais ne le rend pas irresponsable : Il pouvait continuer à haïr les juifs dans son délire, sans les assassiner. Binion fait remonter sa haine des juifs au choc de la mort de sa mère, imputant la responsabilité au Dr Bloch. C'est bien tiré par les cheveux. Autant rester plus prudent et laisser dans l'ombre cette part du malade sociopathe mais responsable.
Contrairement à la tendance croissante de PH, relevée par un nombre ascendant de personnes et illustrée par Raguse dans quasiment toutes ses répliques ici, à répudier le débat au profit de génuflexions devant les auteurs présumés bons, je ne me suis jamais abrité derrière Binion, ni pieusement incliné devant, et j'ai toujours porté sur son livre un jugement largement critique. Voir la page très balancée de mon mémoire.
Ce que je salue en revanche sans réserve, c'est
-son courage de pionnier qui, devant l'incompréhension, tient bon (circonstance, pour Raguse, très logiquement aggravante);
-sa percée épistémologique consistant à cerner un moment de bascule dans la biographie de Hitler -en étant par exemple le premier après Winston Churchill (et vingt ans avant Brigitte Hamann -1996-, elle-même contestée par Kershaw -1999- avec des arguments très faibles), à dire (et le premier à démontrer, car chez Winston ce n'est évidemment pas le produit d'une recherche historique mais plutôt de sa compréhension intuitive du bonhomme) que
l'antisémitisme de Hitler est entièrement postérieur à la défaite de 1918 ;
-son utilité lorsqu'il confirme, en rattrapant par le col des témoins qui allaient disparaître sans que personne leur ait jamais posé la moindre question (Mehring et le fils Forster), l'existence de liens entre Forster, Hitler et le groupe parisien de la Neue Tagebuch dont faisait partie Ernst Weiss. Et, par contrecoup, l'aveuglement ou la mauvaise foi de ceux qui, pour poursuivre leur sommeil dogmatique, se carrent sur les oreilles l'édredon du "Weiss ? Peuh, un roman !".