La vision traditionnelle que je conteste depuis trente ans : Hitler a les yeux plus grands que le ventre, ne sait pas s'arrêter, défie trop de puissances à la fois et, une fois bloqué dans le ciel de Londres (été-automne 1940), commet son erreur fatale en attaquant l'URSS avant d'en avoir fini avec la Russie.
L'idée que je défends : Hitler est un maître diviseur qui passe à deux doigts d'un succès durable après la percée de Sedan (mi-mai 1940).
La France ne demande qu'à signer la paix et l'Angleterre (où Churchill est au pouvoir depuis quelques jours, sans que sa politique de lutte à mort contre Hitler ait été encore clairement adoptée) n'en est pas loin. Les Etats-Unis le sont, eux, d'une mobilisation et Roosevelt, privé de tout prétexte pour se représenter, finissant sur un échec retentissant (sa politique verbalement agressive envers Hitler, incapable de faire obstacle à une hégémonie allemande en Europe), a toutes chances d'avoir pour successeur un philonazi (soit démocrate comme Kennedy père, soit républicain comme Lindbergh), qui cherchera à sauver, financièrement et commercialement, ce qui peut l'être. Si Londres accepte la "généreuse" paix proposée (par exemple par Göring au Suédois Dahlerus le 6 mai), Hitler a tout loisir de consolider sa mainmise sur l'Europe en général et la France en particulier. Il lui reste, pour accomplir le programme esquissé en 1925-26, à chiper à Staline l'Est polonais, la Biélorussie et l'Ukraine et il a du temps pour cela. Rien ne l'oblige à le faire en une fois et surtout au plus vite, dès le printemps 1941.
L'arrivée in extremis de Churchill à la tête du cabinet londonien et surtout son maintien de justesse, des plus précaires jusqu'à ce que le choc de Mers el-Kébir (3 juillet) lui donne un peu d'air, est donc un grain de sable qui dérange une mécanique redoutablement efficace, en laissant aux Etats-Unis le temps de se réveiller et en obligeant Hitler à jouer, déjà, sa dernière carte par un assaut brusqué contre la Russie.
Notre lieutenant-colonel frais émoulu, avec lequel je débats depuis son année de terminale, résiste encore, mais vient de reculer considérablement en reprenant certaines de mes expressions.
La prolongation de mon bannissement est vitale pour son frêle équilibre !
LCL_511
Sujet du message : Re: L'armistice de 1940 était-il un choix rationnel ?
Message Publié : 12 Août 2021 12:06
Sa perception évolue au cours du mois de juillet (entre le 13 et le 21 a priori), j'en veux pour preuve qu'il décide d'attaquer l'URSS dans ce créneau chronologique. Son argument principal, très crédible, n'est ni idéologique ni racial, mais d'obliger ainsi le Royaume-Uni à la paix, l'Union soviétique ayant été abattue.
Il ne désespère pas d'y réussir par des procédés indirects (siège sous-marin de l'archipel, menace planante de "Seelöwe", Kanalkampf suivi de la bataille d'Angleterre et surtout du "Blitz", appui direct aux Italiens en Libye, "Marita" et "Merkür", guerre de course en Atlantique ("Berlin" et "Rheinübung"). "Felix" aurait pu avoir un effet décisif mais il joue de malchance et quand son lancement devient souhaitable l'Espagne n'est plus favorable à l'idée.
Bref, un plan superbe intellectuellement, qui échoue sur un grain de sable nommé Churchill qui l'oblige à une mesure désespérée qui est aussi sa principale faute stratégique : attaquer l'URSS en 1941 pour obliger à une paix générale les derniers récalcitrants, principalement Londres.
Pierma
Sujet du message : Re: L'armistice de 1940 était-il un choix rationnel ?
Message Publié : 12 Août 2021 12:11
Churchill le contraint à une guerre sur deux fronts, "ce cauchemar des Stabler", disait Pierre Nord.
De plus il s'y engage alors que le renseignement allemand est pratiquement aveugle sur l'URSS.
LCL_511
Sujet du message : Re: L'armistice de 1940 était-il un choix rationnel ?
Message Publié : 12 Août 2021 12:56
Je diverge ici votre Honneur : Churchill ne le contraint nullement. Hitler aurait très bien pu décider de ne pas ouvrir de second front et de se concentrer sur la guerre contre les îles britanniques. C'est d'ailleurs ce que défendent - ou au moins estiment logique - l'OKM et l'OKH.
Avec une priorité donnée à la Luftwaffe en Méditerranée sans discontinuer en 1941 (et non seulement la contribution, importante mais pas décisive, du X. Fliegerkorps de décembre 1940 à juin 1941), Rommel aurait pu vaincre décisivement, et prendre le canal de Suez. Il a fait un autre choix, et le pire (pour lui). Il y a perdu la guerre, la vie, et son "Reich de mille ans".