Les essais nucléaires français : irresponsabilité coupable ?

L'après-Guerre et ses conséquences: la confrontation Est/Ouest jusqu'à la chute de l'URSS.

Les essais nucléaires français : irresponsabilité coupable ?

Message par Baron Percy » Samedi 17 Mars 2007 01:28:36

ARTE diffusait ce vendredi soir un excellent téléfilm mettant en cause la politique nucléaire de la France voici cinquante ans.
Dans les années 60, les essais français se déroulaient en Algérie.
Et la sécurité n'était pas une priorité. Nombre de civils, soldats et scientifiques ont été irradiés !
Le réalisateur Jean-Pierre Sinapi ne mâche pas ses mots à propos de ceux-ci : "Une terrible manipulation que le gouvernement de l'époque a exercée au nom d'un prétendu intérêt national !"
Le 25 avril 1961, le 4ème essai atomique déraille et contamine 195 soldats. Les essais deviennent alors souterrains, ce qui n'empêchera pas un nouvel accident de survenir un an plus tard.
Le 1er mai 1962, la France procède à son deuxième essai nucléaire souterrain, nom de code : Béryl.
La guerre d'Algérie est finie depuis peu, mais des accords secrets avec le FLN autorisent la poursuite de tests dans le Sahara. Le lieu choisi : la montagne de Taourirt à In Ecker, dans le sud-ouest algérien.
La bombe doit exploser au sein d'une galerie creusée sur 1 km, puis scellée par un bouchon de béton. Poussière et gaz radioactifs doivent en principe rester à l'intérieur, puis se fixer à la roche.
Mais rien ne se passe comme prévu...
La galerie a été rebouchée trop tardivement et la montagne s'est fissurée.
Un nuage atomique se déploie au-dessus des observateurs.
Officiels, civils, curieux, tout le monde cherche alors son salut dans la fuite.
Sauf les appelés qui attendent les ordres. Mais ceux-ci ne viendront pas, car les communications ont été coupées.
Après une douche de décontamination de trois heures, les soldats gravement irradiés ont subi tonte intégrale et lavage d'estomac.
Ils seront ensuite envoyés à Paris où les examens médicaux se succéderont pendant plusieurs mois sans que leurs résultats ne soient jamais communiqués aux victimes.
Jamais le pouvoir ne reconnaîtra de manquement dans l'organisation des essais et de leur sécurité.
Pourtant, ce 1er mai 62, plus d'une centaine de personnes durent être décontaminées (sans compter les Algériens laissés pour compte, le nuage s'étant élevé à 2.600 mètres d'altitude et déplacé sur 600 km...).
Dix-sept mourront ensuite de cancer, d'autres deviendront stériles.
Parmi les personnalités présentes, le ministre de la Recherche scientifique et des affaires atomiques de l'époque, Gaston Palewski, et le ministre des Armées et futur Premier ministre, Pierre Messmer.
Le premier est mort d'une leucémie en 1986, le second vit toujours, bien qu'il ait été fortement irradié, mais "très bien soigné" selon ses dires.
Aujourd'hui, d'anciens militaires sont regroupés en association. Ils font appel à la justice pour obtenir des indemnisations suite aux risques jugés inconsidérés pris sur les sites d'expérimentation nucléaire.
La France a mené 210 essais entre 1960 et 1996, en Algérie et en Polynésie.
"Il y a une telle accumulation de silences, de réponses floues, de lacunes, de mensonges, qu'on ne peut pas ne pas se poser de questions et ressentir de la colère face au mutisme des autorités", résume Danielle Ista, veuve d'un ingénieur du Commissariat à l'énergie atomique emporté par le cancer en 1967.
En tout, 24.000 hommes - soldats, scientifiques...- ont été ou sont toujours concernés par les treize essais que la France a effectués dans le Sahara entre 61 et 66...
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Message par BRH » Samedi 17 Mars 2007 09:58:58

Ceci est absolument véridique et a été connu très tardivement. Mon oncle, officier dans l'armée de l'air, a transité dans les zones polluées, sans que l'on sache exactement quelle a été l'intensité de l'exposition. Il est décédé à 71 ans d'un cancer, alors que rien ne le laissait prévoir, sauf -peut-être- le destin de quelques collègues.

Le problème vient de ce que nos alliés américains ne nous ont donné des informations sur leurs propres essais qu'au compte-goutte et d'une manière qui pouvait passer pour une forme de "dissuasion"...

Cela étant, ce type d'erreurs a été le lot de tous les pays militaro-nucléaires. Les essais atomiques britanniques en Australie n'ont pas été du point de vue de la sécurité une totale réussite.

Ne parlons pas de l'URSS qui a pris tous les dangers, n'hésitant pas à faire traverser à toute une armée (40 000 hommes), une zone où venait de se produire une explosion, afin de tester la radioactivité sur les hommes et le matériel. Et pour couronner le tout, avant de disparaître, le communisme soviétique nous fit cadeau du nuage radioactif de Tchernobyl qui nous a tous affectés, à des degrés divers... :cry:
Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !

Napoléon
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Message par Baron Percy » Dimanche 18 Mars 2007 03:31:59

En effet, le nucléaire ne nous a pas apporté que des effets positifs, loin s'en faut.
L'impact à long terme des retombées radioactives de Tchernobyl reste encore à l'heure actuelle une grande inconnue.
Et si l'on en croit certaines sources, il y aurait actuellement des dizaines de Tchernobyl en puissance parmi les centrales présentes sur le territoire de l'ex-URSS.
De quoi vous donner froid dans le dos ! :?

Pour en revenir aux essais français et à l'accident survenu le 1er mai 1962, il y a lieu de savoir qu'aucun abri ou position de repli n'avait été prévu par les autorités avant le déclenchement de la mise à feu.
Les militaires avaient pleine confiance en la capacité de la montagne à absorber l'onde de choc et ce, malgré la puissance évaluée de celle-ci.
Cette insouciance était la conséquence d'un état d'esprit très répandu à l'époque : "La France mettait au point la bombe dans la décontraction et un esprit joyeux. On croyait naïvement qu'avec l'atome civil, on allait guérir le cancer, et, avec l'atome militaire, abolir la guerre" explique J-P Sapini, le réalisateur du téléfilm.
Le pays tentait de se faire entendre sur l'échiquier international.
Pas question que des "dégâts collatéraux" troublent sa puissance atomique montante.
La raison d'Etat valait bien quelques vies humaines...
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