ARTE diffusait ce vendredi soir un excellent téléfilm mettant en cause la politique nucléaire de la France voici cinquante ans.
Dans les années 60, les essais français se déroulaient en Algérie.
Et la sécurité n'était pas une priorité. Nombre de civils, soldats et scientifiques ont été irradiés !
Le réalisateur Jean-Pierre Sinapi ne mâche pas ses mots à propos de ceux-ci : "Une terrible manipulation que le gouvernement de l'époque a exercée au nom d'un prétendu intérêt national !"
Le 25 avril 1961, le 4ème essai atomique déraille et contamine 195 soldats. Les essais deviennent alors souterrains, ce qui n'empêchera pas un nouvel accident de survenir un an plus tard.
Le 1er mai 1962, la France procède à son deuxième essai nucléaire souterrain, nom de code : Béryl.
La guerre d'Algérie est finie depuis peu, mais des accords secrets avec le FLN autorisent la poursuite de tests dans le Sahara. Le lieu choisi : la montagne de Taourirt à In Ecker, dans le sud-ouest algérien.
La bombe doit exploser au sein d'une galerie creusée sur 1 km, puis scellée par un bouchon de béton. Poussière et gaz radioactifs doivent en principe rester à l'intérieur, puis se fixer à la roche.
Mais rien ne se passe comme prévu...
La galerie a été rebouchée trop tardivement et la montagne s'est fissurée.
Un nuage atomique se déploie au-dessus des observateurs.
Officiels, civils, curieux, tout le monde cherche alors son salut dans la fuite.
Sauf les appelés qui attendent les ordres. Mais ceux-ci ne viendront pas, car les communications ont été coupées.
Après une douche de décontamination de trois heures, les soldats gravement irradiés ont subi tonte intégrale et lavage d'estomac.
Ils seront ensuite envoyés à Paris où les examens médicaux se succéderont pendant plusieurs mois sans que leurs résultats ne soient jamais communiqués aux victimes.
Jamais le pouvoir ne reconnaîtra de manquement dans l'organisation des essais et de leur sécurité.
Pourtant, ce 1er mai 62, plus d'une centaine de personnes durent être décontaminées (sans compter les Algériens laissés pour compte, le nuage s'étant élevé à 2.600 mètres d'altitude et déplacé sur 600 km...).
Dix-sept mourront ensuite de cancer, d'autres deviendront stériles.
Parmi les personnalités présentes, le ministre de la Recherche scientifique et des affaires atomiques de l'époque, Gaston Palewski, et le ministre des Armées et futur Premier ministre, Pierre Messmer.
Le premier est mort d'une leucémie en 1986, le second vit toujours, bien qu'il ait été fortement irradié, mais "très bien soigné" selon ses dires.
Aujourd'hui, d'anciens militaires sont regroupés en association. Ils font appel à la justice pour obtenir des indemnisations suite aux risques jugés inconsidérés pris sur les sites d'expérimentation nucléaire.
La France a mené 210 essais entre 1960 et 1996, en Algérie et en Polynésie.
"Il y a une telle accumulation de silences, de réponses floues, de lacunes, de mensonges, qu'on ne peut pas ne pas se poser de questions et ressentir de la colère face au mutisme des autorités", résume Danielle Ista, veuve d'un ingénieur du Commissariat à l'énergie atomique emporté par le cancer en 1967.
En tout, 24.000 hommes - soldats, scientifiques...- ont été ou sont toujours concernés par les treize essais que la France a effectués dans le Sahara entre 61 et 66...