Dialogue avec un indépendantiste savoyard

L'après-Guerre et ses conséquences: la confrontation Est/Ouest jusqu'à la chute de l'URSS.

Dialogue avec un indépendantiste savoyard

Message par BRH » Samedi 18 Octobre 2008 23:18:44

Bruno Roy-Henri écrit :


Citation:
Pour sûr, Savoie, Navarre, Alsace, Lorraine sont à part, du moins sous le règne de Charles VII. Mais, l'affirmation du fait français entraîne le ralliement de ces provinces au royaume. La Savoie attendra 1792, cependant.


En 1792, la Savoie ne s’est pas ralliée à la France, mais a été envahie par les armées françaises comme elle l’avait déjà été en 1536-1553 sous François 1er et Henri II, en 1600-1601 sous Henri IV, en 1630-1631 sous Louis XIII, en 1690-1696 et en 1703-1713 sous Louis XIV. Certes, l’assemblée nationale des Allobroges, réunie à Chambéry, a émis «le vœu solennel de faire partie intégrante de la nation française», mais ce souhait, inspiré par une minorité de révolutionnaires (Doppet, Simond et consorts), était-il celui de la majorité des Savoyards ?

Cela dit, les élites savoyardes se situaient incontestablement à cette époque dans l’aire culturelle française, puisque, dès le XIVe siècle, les grandes métropoles régionales Lyon et Genève avaient favorisé la diffusion du français, lequel s’était d’autant plus facilement imposé chez les notables au francoprovençal traditionnel (qui n'est pas un mélange de français et de provençal, mais une langue directement issue du latin) que celui-ci s’était fragmenté en nombreux dialectes dont aucun n'avait pris de véritable importance.

Pourtant, rien ne prédestinait la Savoie à devenir française, sinon la Wallonie et la Suisse romande devraient faire partie de la France !
En effet, même à l’époque tardive où le duché de Savoie a été annexé à la France (1860), celui-ci aurait pu connaître un destin différent : par exemple, être indépendant comme la Suisse ou se rattacher à celle-ci selon le désir d’un grand nombre de Savoyards du Nord…

Tom a écrit:

En 1792, la Savoie ne s’est pas ralliée à la France, mais a été envahie par les armées françaises comme elle l’avait déjà été en 1536-1553 sous François 1er et Henri II, en 1600-1601 sous Henri IV, en 1630-1631 sous Louis XIII, en 1690-1696 et en 1703-1713 sous Louis XIV. Certes, l’assemblée nationale des Allobroges, réunie à Chambéry, a émis «le vœu solennel de faire partie intégrante de la nation française», mais ce souhait, inspiré par une minorité de révolutionnaires (Doppet, Simond et consorts), était-il celui de la majorité des Savoyards ?


Envahie ? On peut en dire autant de la Franche-Comté, de la Lorraine ou de l'Alsace... Les possessions du duc de Savoie constituaient un état à cheval sur les Alpes. Il n'était pas franchement viable, coincé entre la France et l'Italie. Quant aux souhaits des Savoyards, il est bien difficile de dire rétrospectivement quel il était... On n'a pas noté une résistance farouche. La réunion s'est somme toute bien déroulée, mieux qu'en Belgique, par exemple. Enfin, le plébiscite de 1860 a donné une large majorité pour la France. Les Savoyards ont montré leur patriotisme en 1870, 1914 et 1940... Les indépendantistes actuels paraissent encore moins crédibles que les Corses !

Cela dit, les élites savoyardes se situaient incontestablement à cette époque dans l’aire culturelle française, puisque, dès le XIVe siècle, les grandes métropoles régionales Lyon et Genève avaient favorisé la diffusion du français, lequel s’était d’autant plus facilement imposé chez les notables au francoprovençal traditionnel (qui n'est pas un mélange de français et de provençal, mais une langue directement issue du latin) que celui-ci s’était fragmenté en nombreux dialectes dont aucun n'avait pris de véritable importance.



C'est cette réalité qui explique la réunion à la France.

Pourtant, rien ne prédestinait la Savoie à devenir française, sinon la Wallonie et la Suisse romande devraient faire partie de la France !
En effet, même à l’époque tardive où le duché de Savoie a été annexé à la France (1860), celui-ci aurait pu connaître un destin différent : par exemple, être indépendant comme la Suisse ou se rattacher à celle-ci selon le désir d’un grand nombre de Savoyards du Nord…


Il faut tenir compte de la volonté des populations. La Wallonie a été détachée de la France pour des raisons géo-politiques et parce que cela importait à l'Angleterre. La Suisse romande a une tradition cantonale ancienne: elle s'est parfaitement adaptée aux moeurs de la Confédération Helvétique.

Eh bien dites-donc !!!! Quelle farouche défense de la "francitude" !!!!


La francitude ? Je ne sais pas ce que c'est que ce mot. Il ne figure pas dans les éditions du Larousse au XXème siècle. Sûrement un néologisme "branchouille"...


Alors, pour aller vite, je dirai ceci : ce n'est pas parce que Villers-Coteret est passé par là que les gens parlent tous français à l'époque moderne... je vous renvoie sur tous les ouvrages régionaliste de France et de Navarre...



Je ne vous dis pas le contraire. D'ailleurs, encore longtemps et du Nord au Sud, les élites communiquent en latin. Mais après Villers-Côterets, justement, l'usage s'amenuise. Les Protestants y sont aussi pour quelque chose...


Quant à la Normandie que je connais tout particulièrement bien, je sais que cela ne vous fera pas plaisir mais les Normands, durant cette période dont je parlais (la fin de la Guerre de Cent ans), entre 1417 et 1450, se sont particulièrement enrichis (dans tous les sens du terme) durant ce laps de temps de la présence anglaise et on note peu d'actes de résistance...



Tant mieux pour la Normandie. Elle avait bien assez souffert avant... Donc, peu de résistance entre 1417 et 1450. Fort bien, mais aucune contre les Français après 1450.


Que les élites des provinces parlent français, oui et alors ? Que je sache les élites polonaises parlaient toutes français durant ce XVIIIème siècle, je n'y ai pas vu poindre la moindre volonté d'être rattachée à la France...


Voyons, cela ne peut se comparer. Les élites polonaises ? En dehors des grands seigneurs et de la bourgeoisie de Varsovie, personne ne parle français là-bas à cette époque. Et vous ne pouvez comparer un état éloigné de plus de 1 000 km à des provinces semi-indépendantes qui jouxtent le royaume de France ! L'argument n'est donc pas recevable.

J'ai la faiblesse de penser que ce n'est pas l'élite qui fonde la Nation...


C'est une faiblesse, en effet, de votre part. Vous n'avez retenu aucun des grands massacres de l'histoire, semble-t-il. Les conquérants sanguinaires commencent toujours par éliminer les élites: les meilleurs guerriers (noblesse), les intellectuels (clercs), les plus riches. Hitler n'a pas dérogé à la règle: c'est ainsi qu'il a procédé avec la Pologne. On parle du génocide des juifs et des tsiganes, mais on oublie de mentionner le génocide des aristocrates polonais... Peut-être parce que Staline en a fait autant ? Du moins avec ceux dont il a pu s'emparer.

C'est bien ainsi que s'y sont pris les Espagnols avec les Aztèques et les Incas. Un peuple dépossédé de ses élites est comme décapité; comme un canard sans tête qui continue de marcher...


Mais si vous trouvez plus confortable de penser que la France en tant que nation est née il y a des centaines d'années, tant mieux pour vous...



Ce n'est pas une question de confort, mais d'une réalité. Libre à vous de la refuser pour des motifs obscurs...



Il semble bien que l'on ne parle pas de la même chose. Pour vous faire plaisir je vous renvoie sur l'excellentissime bouquin de Jean-Louis Bruneaux, chercheur au CNRS, "Nos ancêtres les gaulois"... vous y trouverez ,si vous savez lire entre les lignes, de quoi faire remonter la Nation française à Vercingétorix...



Je crois que si... Lisez ou relisez Fernand Braudel. Cela dit, il est également incontestable que le fond génétique du pays est gaulois. Fond enrichi de toutes les différences qui ont fait la France !





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Citation:
Envahie [la Savoie] ? On peut en dire autant de la Franche-Comté, de la Lorraine ou de l'Alsace...

Si je comprends bien, tu es un adepte du droit du plus fort et un disciple de Bismarck lorsqu'il disait que la force primait le droit ! Pour toi sont français tous les territoires conquis par les armées françaises ! Mais, en 1940, aurais-tu reconnu ce droit à l'Allemagne victorieuse ?

Quant à Braudel que tu conseilles de relire, il écrit à la page 290 de L'identité de la France : Espace et histoire (tome 1, Arthaud-Flammarion, 1986 - je possède mes classiques !) :
Mais, puisque la France monarchique n'a pas, en fait, utilisé l'argument commode des «frontières naturelles» et qu'elle a procédé à un certain nombre d'annexions, comment les a-t-elle justifiées ? Très souvent, en se contentant de prendre, annexer et laisser dire. L'exception confirme la règle.

BREF, LE DROIT DU PLUS FORT DANS LE PASSE DOIT-IL FORCEMENT (!) FONDER LE DROIT ACTUEL ?


Citation:
Les possessions du duc de Savoie constituaient un état à cheval sur les Alpes. Il n'était pas franchement viable, coincé entre la France et l'Italie.

C'est curieux, cet Etat «pas franchement viable» a duré du XIe au XIXe siècle : belle longévité !

1066 : L'empereur du Saint-Empire Henri IV, qui a épousé Berthe de Savoie, franchit les Alpes sans difficulté pour se rendre à Canossa. En effet, «le seigneur de Savoye est comme empereur en ses estats».

1861 : Le duc de Savoie, prince de Piémont et roi de Sardaigne Victor-Emmanuel II est proclamé roi d'Italie par le premier Parlement élu, confondant la destinée des Etats sardes avec celle de l'Italie.

Ensuite, comme tu le notes ci-dessus, les Etats de Savoie n'étaient pas «coincés entre la France et l'Italie», puisque l'Italie, expression géographique, n'existait pas en tant qu'Etat unitaire avant que le duc de Savoie, prince de Piémont et roi de Sardaigne n'en prenne la tête en 1861...

De plus, va demander aux paysans qui possèdent des pâturages sur les deux versants d'une montagne ou qui échangent traditionnellement avec leurs voisins d'outre-monts s'ils pensent qu'une ligne de crête peut constituer une frontière !

En outre, comme le dit Michel Winock, entre les Etats de Savoie et la France, le Rhône a longtemps été une frontière aussi viable que les Alpes...


Citation:
Quant aux souhaits des Savoyards, il est bien difficile de dire rétrospectivement quel il était...

Certes, tu ne sembles pas penser comme Renan que la nation française est un plébiscite de tous les jours : la volonté de la population n'a pas l'air de te préoccuper beaucoup !


Citation:
On n'a pas noté une résistance farouche. La réunion s'est somme toute bien déroulée, mieux qu'en Belgique, par exemple. Enfin, le plébiscite de 1860 a donné une large majorité pour la France. Les Savoyards ont montré leur patriotisme en 1870, 1914 et 1940... Les indépendantistes actuels paraissent encore moins crédibles que les Corses !

Les conditions de déroulement du plébiscite de 1860 (le premier du genre) sont très discutables, mais je t'accorde ces remarques : les Savoyards ont largement montré leur patriotisme lors des trois guerres contre l'Allemagne. De plus, la Savoie ayant été récemment inondée d'immigrants de la région parisienne et du nord de la France, les indépendantistes savoisiens voient leur avenir obscurci... Cela dit, sont-ils moins crédibles que certains parce qu'ils ne posent pas de bombes ? (Toujours la force !)


WBS écrit :


Citation:
Mais si vous trouvez plus confortable de penser que la France en tant que nation est née il y a des centaines d'années, tant mieux pour vous... Il semble bien que l'on ne parle pas de la même chose. Pour vous faire plaisir je vous renvoie sur l'excellentissime bouquin de Jean-Louis Bruneaux, chercheur au CNRS, "Nos ancêtres les gaulois"... vous y trouverez ,si vous savez lire entre les lignes, de quoi faire remonter la Nation française à Vercingétorix...

Pour moi, comme je l'ai déjà précisé, la nation française au sens moderne est née avec la Révolution française sur la base de la centralisation étatique (Etat-nation type) réalisée par la monarchie au fil des siècles...




Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !

Napoléon
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Re: Dialogue avec un indépendantiste savoyard

Message par A.Lionel » Jeudi 20 Novembre 2008 05:39:10

Bonjour, dialogue de sourds!

Ceci dit en quoi une Savoie indépendante serait bénéfique pour les Savoyards?

Bien à vous.
"Les vraies conquêtes, celles qui ne donnent aucun regret, sont faites sur l'ignorance."
A.Lionel
 
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