La chute d'un roi

L'après-Guerre et ses conséquences: la confrontation Est/Ouest jusqu'à la chute de l'URSS.

La chute d'un roi

Message par Baron Percy » Mardi 29 Janvier 2008 22:45:19

Ce mercredi 30 janvier, ARTE propose un retour sur le règne controversé de Léopold III dont l'abdication en 1951, dans une Belgique au bord de l'insurrection, a scellé l'éclatement linguistique du pays et celui de l'unité nationale.
Un dossier chaud qui reste d'une brûlante actualité.
Commentaires suivront après vision. :wink:
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Re: La chute d'un roi

Message par BRH » Mardi 29 Janvier 2008 23:23:43

Je regarderai cette émission avec intérêt, parce que je n'ai pas bien compris ce que les Belges lui reprochaient...

D'une part, consultés par référendum, les Belges furent 56% à approuver le retour du roi. D'autre part, quels griefs formulait-on à son encontre ?

D'avoir trop bien appliqué la neutralité belge au profit de Hitler ? Mais, la plupart des Belges s'insurgent quand on critique cette conception de la neutralité ! :shock: De ne pas être parti en Angleterre en faisant comme la reine Juliana ?

Il semble que le roi ait voulu partager le sort de ses soldats. Donc à voir pour apprendre... :mrgreen:
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Re: La chute d'un roi

Message par Baron Percy » Mercredi 30 Janvier 2008 00:48:06

Deux des principaux reproches qui lui ont été adressés sont les suivants :
1°) ne pas avoir suivi le gouvernement en exil à Londres et avoir capitulé sans que cet ordre ait été contresigné par un ministre ainsi que le prévoyait la Constitution.
2°) avoir épousé Liliane Baels alors que la reine Astrid était restée présente au coeur des Belges et que les prisonniers se morfondaient dans les camps.
L'image du veuf éploré qu'il avait entretenue soigneusement jusque là en a pris un coup !
J'imagine que ces aspects et bien d'autres seront abordés plus en détail au cours de l'émission...
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Re: La chute d'un roi

Message par Baron Percy » Jeudi 31 Janvier 2008 00:56:06

J'ai pris une profusion de notes au cours de la vision de ce documentaire riche en informations sur cette question cruciale.
Il me faut maintenant les ordonner pour structurer à ma synthèse et lui donner l'indispensable clarté qui la rendra compréhensible par tout un chacun.
Ce sera chose faite sous peu et je mettrai le tout en ligne dès que possible... :wink:
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Re: La chute d'un roi

Message par duc de Raguse » Jeudi 31 Janvier 2008 19:33:03

Prenez votre temps... :D
N'ayant pas toujours l'occasion de voir certains documentaires, vos critiques et commentaires sont toujours si bien réalisés, que je peux m'en imaginer le contenu ! :wink:
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Re: La chute d'un roi

Message par rapentat » Jeudi 31 Janvier 2008 22:17:39

Bonsoir,

Pour moi c'est d'effleurer l'histoire de la Belgique, dont j'avoue être totalement ignorant :oops: Et pourtant j'ai des amis Belges, mais ils sont tellement passionnés de l'histoire de France, qu'ils en oublient de parler de celle de leur pays !!

Cordialement.
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Re: La chute d'un roi

Message par Baron Percy » Jeudi 31 Janvier 2008 23:05:33

Eté 1950.
Le retour du Roi provoque des émeutes à Bruxelles.
C'est bien la personne du Roi qui est mise en question et non la monarchie.
Un million de grévistes paralysent la Wallonie.
Le pays est littéralement coupé en deux.
En cause : l'attitude du Roi pendant l'Occupation.
Un referendum populaire donne pourtant 57,68 % de voix favorables au retour, mais on relève de graves déséquilibres régionaux : la Flandre est très majoritairement pour, la Wallonie est majoritairement contre. A Bruxelles, le NON l'a emporté de peu.
L'insurrection s'aggrave et les transports publics sont immobilisés.
C'est le Premier ministre de l'époque, Jean Duvieusart (catholique) qui a favorisé le retour du Roi et ce, malgré l'opposition catégorique des socialistes et de leur leader charismatique Paul-Henri Spaak.
Nicolas Monami, grand résistant, déporté et torturé par la Gestapo se pose alors en médiateur. Il est reçu au Palais par le secrétaire du Roi qui lui déclare que la question royale est résolue.

Mais comment en est-on arrivé là ?
La question royale qui divisa la Belgique à la fin de la Seconde Guerre mondiale est une tragédie en 3 actes.

Acte 1 : Le 10 mai 1940, l'armée allemande viole la neutralité de la Belgique; l'armée belge résiste tant bien que mal le long de la Lys mais recule, ce qui provoque l'exode massif des populations.
Face à la débâcle imminente, plusieurs ministres fuient à Londres.
Le 25 mai, le Roi reçoit Spaak et Pierlot à son QG du château de Wijnendael et leur communique sa décision de capituler.
Les ministres sont anéantis, car cette décision unilatérale est contraire aux accords internationaux qui lient la Belgique à ses alliés français et anglais. Ils refusent d'adhérer à ce qu'ils qualifient de trahison et choisissent d'entrer en résistance.
Dès ce moment, la rupture entre le Roi et ses ministres est consommée.
Le souverain considère que ses obligations envers les alliés cessent à partir du moment où la quasi totalité du territoire est occupé par l'armée d'invasion.
La capitulation sans condition en rase campagne ouvre la voie de Dunkerke aux divisions allemandes.
Dans son discours, Paul Reynaud critique ouvertement l'attitude du Roi et fustige le peuple belge.
Hubert Pierlot choisit alors de se désolidariser du souverain car il rappelle que tout acte royal doit être approuvé par ses ministres. En décidant de capituler sans leur accord, il estime que le Roi a trahi son serment constitutionnel.
Il rappelle également qu'à la veille de la guerre, le général Van Overstraeten, chef d'état-major et conseiller du Roi, avait fait déployer les 2/3 de l'armée belge non face à l'Allemagne, mais face à la France.
La préférence pour l'autre camp était donc nettement marquée.
Les Parlementaires votent dans la foulée l'impossibilité pour le Roi de régner.
Le fossé se creuse donc un peu plus entre le souverain et le gouvernement, dont les ministres s'exilent à Londres pour poursuivre la résistance.

Acte 2 : Le Roi est relégué dans son palais de Laeken. Il y fomente des projets d'ordre nouveau à la sauce belge.
Un projet de régime royal autoritaire lui est soumis. Il prévoit entre autre la suppression des partis politiques et des syndicats, des mesures en faveur de la protection de la race.
Leopold III rencontre alors Adolf Hitler à Berchtesgaden. Il plaide pour une amélioration du sort des prisonniers de guerre, mais cette visite va constituer ultérieurement une pièce à charge accablante.
Le 7 décembre 1941, alors que les Japonais viennent d'attaquer les USA à Pearl-Harbor, la Belgique apprend le remariage du Roi avec une roturière, Liliane Baels, dont le père est proche des milieux nazis.
Alors que les Belges vénèrent encore la mémoire de la Reine Astrid tragiquement disparue en 1935, le mythe du veuf inconsolé vole en éclat.
Beaucoup se demandent aussi pourquoi le Roi n'intervient pas politiquement contre l'oppression allemande comme l'y invitent ses ministres depuis Londres.
L'oppression contre les Juifs entre dans sa phase industrielle, mais l'opinion du Roi à leur égard est négative. Il obtient cependant que les Juifs de nationalité belge soient préservés, mais ils représentent à peine 6 % du total de ceux qui vivent sur le sol national.
Le souverain semble également se désintéresser du sort des prisonniers de guerre, préférant convoler en justes noces avec sa dulcinée.
Le 3 septembre 1944, Bruxelles est libérée.
Mais il faudra attendre huit longs mois avant le retour des premiers déportés.
La Belgique étant privée de souverain, le prince Charles, frère cadet de Léopold, est désigné en tant que Régent. Il ne s'est pas compromis comme son aîné et est considéré comme l'homme des Alliés.
Leopold III ne le lui pardonnera jamais.
Face à son intransigeance, la guerre civile menace dans le pays.
Un drame survient lors d'une manifestation à Grâce-Berleur près de Liège : la gendarmerie tire dans la foule et fait 4 morts.
Tous attendent alors un geste d'apaisement du souverain.

Acte 3 : Au printemps 1945, un détachement US du général Patton libère la famille royale retenue prisonnière à Salzbourg en Autriche.
Mais le gouvernement socialiste d'Achille Van Acker s'oppose au retour du roi sur le sol national.
Seul un vote des chambres réunies pourrait mettre fin à l'impossibilité pour lui de régner.
En Flandre, un mysticisme et une idolâtrie qui confinent au culte de la personnalité se fait jour en faveur du Roi. Les nationalistes et les nostalgiques du 3ème Reich qui voient en lui un homme fort s'identifient à celui qui partage leur sort.
Le mouvement léopoldiste se dote également d'une aile paramilitaire dont la cible est les communistes.
Julien Lahaut, président du PC, pousse l'aile gauche de la Wallonie à exiger l'abdication du Roi.
La droite revient à son projet de consultation populaire, mais le PS s'y oppose par la voix de Spaak.
La fracture de la Belgique s'installe durablement et ne cessera jamais.
En juin 1950, les élections donnent la majorité absolue aux catholiques. Les Léopoldistes triomphent. C'est la fin de la Régence !
Mais la mobilisation sur le terrain s'intensifie.
La Wallonie menace de proclamer son indépendance et une marche sur Bruxelles est décidée pour le 1er août.
Léopold III déclare refuser l'abdication, "dut-il y avoir 200 ou 300 morts".
Il n'a toujours pas pardonné à ses ministres de l'avoir désavoué en mai 1940.
Le médiateur Nicolas Monami présente un accord au Roi qui s'articule sur deux lignes de force :
- la transmission des pouvoirs royaux au prince héritier
- A sa majorité civile, Baudouin montera sur le trône, les 3 partis traditionnls s'engageant à favoriser la réconciliation nationale.
La nuit du 31 juillet au 1er août est la plus longue du règne.
A l'aube, le Roi se résout à abdiquer en faveur de son fils.
Le 11 août, le Parlement vote l'attribution des pouvoirs constitutionnels au prince Baudouin.
Le 13, désavoué par ses électeurs, le gouvernement Duvieusart démissionne.
Il est remplacé par le gouvernement léopoldiste de Pirenne.
Léopold III règne dans l'ombre de son fils; c'est une véritable "diarchie" (monarchie à deux têtes) qui s'installe pendant dix longues années.
La violence de la crise a pénétré en profondeur l'inconscient de la poulation belge et a modelé un nouveau visage du pays.
Une culture du compromis est née en même temps que l'émergence d'une nouvelle droite extrême qui paradoxalement vise à la disparition de la monarchie.
Le processus du fédéralisme a été enclenché en 1970 et se poursuit encore actuellement.
Quant à la question royale, elle agite toujours le pays...
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Re: La chute d'un roi

Message par BRH » Jeudi 31 Janvier 2008 23:19:34

J'ai vu l'émission. Grosso modo, j'ai compris que le roi avait eu le tort d'intervenir auprès d'Hitler pour demander quelques faveurs pour les prisonniers, voire pour sauver 300 juifs belges. Les nazis ayant d'ailleurs promis au départ de ne pas déporter les juifs belges...

En 1945, libéré par les Américains, le roi ne peut retourner en Belgique où sa présence n'est pas souhaitée. On lui préfère son frère le régent Charles qui a toujours affiché sa sympathie pour les Alliés. Justifié ou pas, cette interdiction perdure jusqu'en 1950. Les élections ayant ramené une majorité de droite d'inspiration catholique, le principe du retour du roi est adopté. Mais comme des troubles s'ensuivent, sous la houlette du socialiste Paul-Henri Spaak et la pression du Pc belge, un référendum est décidé. Manque de chance, les Belges votent pour le retour du roi à 57,68% ! Une majorité convenable proche des 3/5ème...

Problème: les Flandres ont voté à près de 80% pour le roi et la Wallonie à près de 60% contre... Spaak y voit une raison de refuser le verdict du peuple belge. Les communistes l'appuient. On peut donc dire que l'idée séparatiste vient des Wallons (même si les rexistes en ont caressé l'idée avec les nazis).

Les troubles et les désordres sont grands, surtout en Wallonie et à Bruxelles. Léopold s'accroche: il estime avoir le droit et la démocratie pour lui. Finalement, pour éviter des affrontements trop sanglants et pour éviter l'éclatement de la Belgique, il confie la régence à son fils Bauduin qui n'est pas encore majeur. Il est dit qu'il influencera son fils, jusqu'à sa majorité, lorsque celui sera proclamé roi. Lors de son avènement, un député communiste crie: "Vive la République". son cri est couvert par un tonnerre d'applaudissements et de cris de "vive le roi" ! En réaction, le leader du PCB est assassiné...

* L'affaire du remariage du roi me paraît une bleuette pour faire pleurer les midinettes. Peut-être cela a-t-il accentué l'impopularité du roi en Wallonie. C'est tout...

Je m'aperçois que vu de France, l'essentiel était masqué, savoir que les socialistes et les communistes (pour des raisons différentes), voulaient se débarrasser à tout prix du roi "capitulard"...

Observation: si l'ordre du roi de déposer les armes n'était pas constitutionel, faute d'avoir été contresigné par un ministre, pour quelles raisons les généraux belges y ont-ils obéi ? :shock:
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Re: La chute d'un roi

Message par Baron Percy » Vendredi 01 Février 2008 00:44:50

On peut donc dire que l'idée séparatiste vient des Wallons


Si ce fut le cas à l'époque, ce sont maintenant les Flamands qui professent de telles opinions, tandis que les Wallons sont devenus pro-monarchistes.
Curieux retrournement de l'Histoire... :roll:
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Re: La chute d'un roi

Message par Baron Percy » Vendredi 01 Février 2008 00:51:18

si l'ordre du roi de déposer les armes n'était pas constitutionel, faute d'avoir été contresigné par un ministre, pour quelles raisons les généraux belges y ont-ils obéi ?


Probablement parce que le chef d'état major du Roi, le général Van Overstraeten, leur a intimé l'ordre de se plier à la décision du souverain.
Tout comme Léopold III, celui-ci avait des sympathies pro-allemandes.
Au début de 1940, il estimait que la France menaçait davantage la neutralité belge que l'Allemagne.
C'est pourquoi il aligna la majorité des divisions belges face à la frontière française...
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Re: La chute d'un roi

Message par rapentat » Vendredi 01 Février 2008 11:11:54

Bonjour,

Baron Percy a écrit :Il rappelle également qu'à la veille de la guerre, le général Van Overstraeten, chef d'état-major et conseiller du Roi, avait fait déployer les 2/3 de l'armée belge non face à l'Allemagne, mais face à la France.
La préférence pour l'autre camp était donc nettement marquée.


Dans ce cas peut-on penser que la neutralité Belge n'était qu'une manoeuvre ?? Obligeant les armées anglaises et françaises à attendre sur les frontières, l'attaque de la Belgique par l'Allemagne ??

Baron Percy a écrit :les Parlementaires votent dans la foulée l'impossibilité pour le Roi de régner.
Le fossé se creuse donc un peu plus entre le souverain et le gouvernement, dont les ministres s'exilent à Londres pour poursuivre la résistance


Qu'elle situation avait réservée les allemands au Roi, après la capitulation ?? Etait-il assigné à résidence ou autres ??
Quel rôle a joué le gouvernement Belge en exil à Londres ?? A-t-il été convié à la table des vainqueurs après la victoire ??

Cordialement.
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Re: La chute d'un roi

Message par BRH » Vendredi 01 Février 2008 11:18:42

Baron Percy a écrit :
si l'ordre du roi de déposer les armes n'était pas constitutionel, faute d'avoir été contresigné par un ministre, pour quelles raisons les généraux belges y ont-ils obéi ?


Probablement parce que le chef d'état major du Roi, le général Van Overstraeten, leur a intimé l'ordre de se plier à la décision du souverain.
Tout comme Léopold III, celui-ci avait des sympathies pro-allemandes.
Au début de 1940, il estimait que la France menaçait davantage la neutralité belge que l'Allemagne.
C'est pourquoi il aligna la majorité des divisions belges face à la frontière française...


Le roi étant chef des Armées et le pays étant en guerre, je ne sais pas s'il avait besoin du contreseing ministériel pour signer une capitulation sans conditions. Ce n'était pas un armistice, mais la décision de cesser les combats basée sur l'impossibilité pour l'armée belge de tenir ses lignes plus longtemps, faute que les Anglais et les Français puissent lui apporter le moindre secours.

Pour l'affaire du déploiement des divisions belges sur la frontière française, j'ignorais ce détail. Mais c'était en septembre 1939 -me semble-t-il- et pas en janvier 1940. Quoi qu'il en soit, il paraît que Spaak approuva ce déploiement en 1939... Gamelin avait eu la vélléité d'entrer en Belgique pour tourner la ligne Siegfried et marcher sur la Rhur. Mais Daladier n'eût pas le cran de rappeler à la Belgique ses obligations en tant que membre de la SDN...
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Re: La chute d'un roi

Message par Baron Percy » Vendredi 01 Février 2008 23:50:52

Qu'elle situation avait réservée les allemands au Roi, après la capitulation ?? Etait-il assigné à résidence ou autres ??
Quel rôle a joué le gouvernement Belge en exil à Londres ?? A-t-il été convié à la table des vainqueurs après la victoire ??


Il convient de distinguer deux phases dans l'évolution du Roi : celle, très courte, qui va du 28 au 31 mai, et celle qui prend cours à partir du moment où, il reçoit des mains de trois juristes une consultation qui définit sa situation juridique.
Premier élément : le Roi se considère comme prisonnier. C'est l'aspect parfaitement chevaleresque de son attitude.
Le protocole de capitulation du 28 mai, dans une clause additionnelle spéciale relative au souverain disait : "Le château de Laeken-lez-Bruxelles est mis, comme résidence, à la disposition de sa Majesté le Roi des Belges et de sa famille. Bénéficient de cette disposition : la Cour, la suite militaire ainsi que la domesticité."
En gros, ceci signifiait que le Roi n'était pas purement et simplement fait prisonnier, comme ses soldats, mais seulement assigné à résidence.
Mais Léopold III avait annoncé qu'il partagerait le sort de son armée : il voudra donc être prisonnier; son honneur l'y oblige.
Un prisonnier, par définition, n'est pas libre de ses initiatives. La condition que le Roi a lui-même choisie lui impose manifestement de la retenue, lui met des entraves dans une certaine mesure.
Deuxième élément : il a entendu le discours de Pierlot et de s'entendre dénoncer publiquement, et avec autant de force, par le Premier Ministre, a dû être pour lui un choc terrible. S'il ne voulait pas donner raison au gouvernement qui l'accusait, il devait s'abstenir de tout ce qui pouvait être interprété comme une collaboration politique à l'occupation.
Est-ce à dire que le Roi renonce réellment à jouer tout rôle politique, tant que la guerre durera ? Non certes, mais il devra veiller, pendant un certain temps du moins, à ce que son action ne puisse pas faire l'objet de commentaires publics.
Mais le problème se pose à lui dès le 29 mai, lorsqu'il se rend compte qu'il risque de se trouver à bref délai devant un interlocuteur redoutable : Hitler en personne, qui désire le rencontrer.
Léopld III est troublé. Il ne se sent pas préparé à traiter des questions politiques après ces semaines d'efforts militaires.
C'est donc bien à une discussion politique, capitale pour l'avenir du pays qu'il s'attend.
Il ne la refuse pas et lorsque l'invitaion d'Hitler lui parviendra deux jours plus tard, il l'acceptera en principe, mais ne veut pas que les choses se déroulent publiquement.
Le 4 juin, Hitler lui fera savoir qu'il "accueille avec joie l'acceptation de pincipe", mais qu'il "estime l'incognito impossible". Il diffère donc l'entretien jusqu'à la "conclusion des événements militaires."
Trosième élément dans l'attitude du Roi : au cours des journées qui suivirent immédiatement la capitulation, il juge nécessaire de préparer le rétablissement, sous son égide, de l'autorité en Belgique. Il est persuadé que la fin de la guerre est proche. Il faut donc être prêt à former, dès que possible, un gouvernement.
La consultation qui lui fut remise le 31 mai prenait énergiquement sa défense. Ses auteurs décrivent la situation tragique, sans issue, sans laquelle s'était trouvée l'armée belge. Il n'y avait eu de choix, soulignaient-ils, "qu'entre un canage horrible de soldats et plus encore de civils, ne permettant d'ailleurs la prolongation de la lutte en Belgique que pour un temps dérisoire", et la cessation des combats.
En conséquence, le Roi ne pouvait être critiqué pour avoir voulu demeurer avec son armée et les auteurs du texte lui rendent hommage pour "son courage et son désintéressement personnel".
Enfin, ils signalent que "contrairement à ce qui a été allégué, le Roi n'a pas traité avec l'ennemi; il n'a signé avec lui ni traité ni convention quelconque. Seul a été donné l'ordre de déposer les armes, ordre à caractère militaire."
Après avoir réfuté les griefs articulés contre Léopold III, les auteurs de la consultation analysaient aussi la situation juridique du Roi au lendemain de la capitulation :
"Le Roi est actuellement prisonnier de guerre. C'est là une conclusion logique du dépôt des armes sans traité ni même convention d'armistice. Prisonnier de guerre, le Roi est donc temporairement dans l'impossibilité de régner."
Léopold III accepta les conclusions de cette consultation. Ce faisant, il se reconnaissait lui-même dans l'impossibilité d'exercer le pouvoir royal.
Le Roi s'étant confié à l'archevêque de Malines, le cardinal Van Roey, celui-ci rédigea une lettre pastorale destinée à informer les fidèles. Celle-ci reprenait dans un style très net les trois éléments qui avaient été mis en avant dans le texte de la consultation pour défendre le souverain. Ce dernier ne pouvait rêvre meilleur avocat.
Informés, les ministres réfugiés en France eurent trois surprises de taille.
Primo, ils apprirent que, contrairement à leur attente, le Roi n'avait pris aucune initiative politique.
Secundo, ils constatèrent que la plus haute autorité religieuse du pays les avait désavoués en prenant le parti du Roi.
Tertio, il leur apparut, comme l'indiquaient des rapports venus du pays occupé, que l'opinion dans son ensemble, avait eu la même réaction : pour le Roi et contre le gouvernement.
Devant ces faits, les ministres n'eurent d'autre alternative que de modifier leur attitude à l'égard du Roi.
Après de longues discussions, on aboutit le 21 juillet à une formule qui marqua publiquement la réconciliation - unilatérale - entre les deux parties. :
"La Belgique est prisonnère. Vive la Belgique !
Le Roi est prisonnier. Vive le Roi !"

Telle était désormais la façade officielle.
Mais cette façade dissimulait des lézardes et même des failles, parfois très profondes.

(A suivre...)
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Re: La chute d'un roi

Message par Baron Percy » Dimanche 03 Février 2008 22:24:57

Retenue à charge du souverain, l'entrevue du 19 novembre 1940 entre Léopold III et Hitler mérite qu'on s'y attarde pour tenter d'en mieux comprendre les tenants et aboutissants :

Le Roi était accompagné dans son voyage par le comte Capelle, le vicomte Davignon et le général Van Overstraeten, mais son entretien avec le chancelier se déroulera en tête-à-tête, en présence seulement de l'interprète habituel d'Hitler, Schmidt. Léopold III, en effet, avait tenu à s'exprimer en français.
Sur cet entretien, nous possédons essentiellement deux sources d'information :
- le compte-rendu, d'abord du Roi lui-même. Il s'agit d'un texte que Capelle a établi en se fondant sur le récit du Roi, et que ce dernier a contrôlé.
- le compte-rendu, daté du 21 novembre, dressé par l'interprète Schmidt et destiné aux archives. Schmidt traduisait et prenait des notes à la fois. Après chaque entretien, sur base de celles-ci, il rédigeait le compte-rendu.
Ce compte-rendu, lorsqu'il a été connu en 1945, a fait l'objet de polémiques passionnées.
Le Roi, dans une lettre rendue publique, l'a formellement contesté, arguant du fait qu'on lui prêtait des propos qu'il n'avait pas tenu.
La controverse portait sur plusieurs passages dans lesquel Léopold III paraissait aller plus ou moins dans le sens des idées et des sentiments du Führer.
Mais sur ce qui, dans cet entretien, a été réellement essentiel, les deux compte-rendus coïncident.
On peut donc en dégager trois éléments majeurs :
1°) Les tirades d'Hitler. C'est lui qui au cours de cette entrevue de deux heures et demi a le plus parlé. Ce sont, en grande partie, les thèmes connus : la responsabilité des démocraties occidentales dans la guerre; la volonté de paix de l'Allemagne; sa volonté de réorganiser l'Europe; l'éloge du soldat allemand, etc...
Hitler répond aussi longuement aux demandes du Roi relatives au ravitaillement de la Belgique ou à la libération des prisonniers. Ces exposés débouchent sur des conclusions presque toutes négatives. Pour ce qui est de l'avenir de la Belgique, Hitler reste absolument dans le vague.
2°) Les demandes humanitaires du Roi. Il fit également la proposition de voir se constituer un Conseil économique composé de techniciens belges nommés par les Belges, spécialement compétents dans les branches suivantes : agriculture, industrie, travail, commerce, banque. Ils auraient pour tâche principale d'assurer l'alimentation du pays.
3°) Les tentatives répétées de Léopold III d'obtenir des garanties au sujet de l'indépendance future de la Belgique. C'est le thème qui revient avec le plus d'insistance dans la bouche du souverain.
Si le Roi avait obtenu satisfaction sur ce point, ceci aurait signifié que suite à cet accord, la guerre entre l'Allemagne et la Belgique était terminée, car on ne demande évidemment pas les garanties d'une puissance avec laquelle on est en guerre.
Léopold III réussissant à Berchtesgaden, et c'était la rupture officielle du Roi, sur le terrain de la guerre, avec ses ministres de Londres.
Hitler, par son refus, a tout sauvé.
Le chancelier sauva même doublement le Roi en décidant que la visite ne donnerait lieu à aucun communiqué. Celui-ci aurait en effet créé beaucoup de troubles dans les esprits.
Fort heureusement pour le souverain, on ne chercha pas à tirer parti de sa venue en Allemagne dans le sens d'une manoeuvre politique.
Ce que pourtant elle permettait...

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Re: La chute d'un roi

Message par BRH » Mercredi 06 Février 2008 23:42:21

Et ? Soyons clair: Léopold III -comme beaucoup- a crû à la signature d'une paix dans le courant de l'été 1940. Les évènements lui ont donné tort. Pouvait-on l'en blâmer ? Ceci rejoint l'interrogation concernant certains "pétainistes" de bonne foi, comme Weygand par exemple. Léopold a quand même un avantage sur ces derniers; il n'a jamais souscrit -à ce que je sais- à une législation anti-sémite. Enfin, la rencontre se situe en novembre 1940. C'est un peu le "Montoire belge".

Y-a-t-il eu d'autres rencontres ? Pas à ma connaissance...
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