Qu'elle situation avait réservée les allemands au Roi, après la capitulation ?? Etait-il assigné à résidence ou autres ??
Quel rôle a joué le gouvernement Belge en exil à Londres ?? A-t-il été convié à la table des vainqueurs après la victoire ??
Il convient de distinguer deux phases dans l'évolution du Roi : celle, très courte, qui va du 28 au 31 mai, et celle qui prend cours à partir du moment où, il reçoit des mains de trois juristes une consultation qui définit sa situation juridique.
Premier élément : le Roi se considère comme prisonnier. C'est l'aspect parfaitement chevaleresque de son attitude.
Le protocole de capitulation du 28 mai, dans une clause additionnelle spéciale relative au souverain disait :
"Le château de Laeken-lez-Bruxelles est mis, comme résidence, à la disposition de sa Majesté le Roi des Belges et de sa famille. Bénéficient de cette disposition : la Cour, la suite militaire ainsi que la domesticité."En gros, ceci signifiait que le Roi n'était pas purement et simplement fait prisonnier, comme ses soldats, mais seulement assigné à résidence.
Mais Léopold III avait annoncé qu'il partagerait le sort de son armée : il voudra donc être prisonnier; son honneur l'y oblige.
Un prisonnier, par définition, n'est pas libre de ses initiatives. La condition que le Roi a lui-même choisie lui impose manifestement de la retenue, lui met des entraves dans une certaine mesure.
Deuxième élément : il a entendu le discours de Pierlot et de s'entendre dénoncer publiquement, et avec autant de force, par le Premier Ministre, a dû être pour lui un choc terrible. S'il ne voulait pas donner raison au gouvernement qui l'accusait, il devait s'abstenir de tout ce qui pouvait être interprété comme une collaboration politique à l'occupation.
Est-ce à dire que le Roi renonce réellment à jouer tout rôle politique, tant que la guerre durera ? Non certes, mais il devra veiller, pendant un certain temps du moins, à ce que son action ne puisse pas faire l'objet de commentaires publics.
Mais le problème se pose à lui dès le 29 mai, lorsqu'il se rend compte qu'il risque de se trouver à bref délai devant un interlocuteur redoutable : Hitler en personne, qui désire le rencontrer.
Léopld III est troublé. Il ne se sent pas préparé à traiter des questions politiques après ces semaines d'efforts militaires.
C'est donc bien à une discussion politique, capitale pour l'avenir du pays qu'il s'attend.
Il ne la refuse pas et lorsque l'invitaion d'Hitler lui parviendra deux jours plus tard, il l'acceptera en principe, mais ne veut pas que les choses se déroulent publiquement.
Le 4 juin, Hitler lui fera savoir qu'il "accueille avec joie l'acceptation de pincipe", mais qu'il "estime l'incognito impossible". Il diffère donc l'entretien jusqu'à la "conclusion des événements militaires."
Trosième élément dans l'attitude du Roi : au cours des journées qui suivirent immédiatement la capitulation, il juge nécessaire de préparer le rétablissement, sous son égide, de l'autorité en Belgique. Il est persuadé que la fin de la guerre est proche. Il faut donc être prêt à former, dès que possible, un gouvernement.
La consultation qui lui fut remise le 31 mai prenait énergiquement sa défense. Ses auteurs décrivent la situation tragique, sans issue, sans laquelle s'était trouvée l'armée belge. Il n'y avait eu de choix, soulignaient-ils, "qu'entre un canage horrible de soldats et plus encore de civils, ne permettant d'ailleurs la prolongation de la lutte en Belgique que pour un temps dérisoire", et la cessation des combats.
En conséquence, le Roi ne pouvait être critiqué pour avoir voulu demeurer avec son armée et les auteurs du texte lui rendent hommage pour "son courage et son désintéressement personnel".
Enfin, ils signalent que "contrairement à ce qui a été allégué, le Roi n'a pas traité avec l'ennemi; il n'a signé avec lui ni traité ni convention quelconque. Seul a été donné l'ordre de déposer les armes, ordre à caractère militaire."
Après avoir réfuté les griefs articulés contre Léopold III, les auteurs de la consultation analysaient aussi la situation juridique du Roi au lendemain de la capitulation :
"Le Roi est actuellement prisonnier de guerre. C'est là une conclusion logique du dépôt des armes sans traité ni même convention d'armistice. Prisonnier de guerre, le Roi est donc temporairement dans l'impossibilité de régner."
Léopold III accepta les conclusions de cette consultation. Ce faisant, il se reconnaissait lui-même dans l'impossibilité d'exercer le pouvoir royal.
Le Roi s'étant confié à l'archevêque de Malines, le cardinal Van Roey, celui-ci rédigea une lettre pastorale destinée à informer les fidèles. Celle-ci reprenait dans un style très net les trois éléments qui avaient été mis en avant dans le texte de la consultation pour défendre le souverain. Ce dernier ne pouvait rêvre meilleur avocat.
Informés, les ministres réfugiés en France eurent trois surprises de taille.
Primo, ils apprirent que, contrairement à leur attente, le Roi n'avait pris aucune initiative politique.
Secundo, ils constatèrent que la plus haute autorité religieuse du pays les avait désavoués en prenant le parti du Roi.
Tertio, il leur apparut, comme l'indiquaient des rapports venus du pays occupé, que l'opinion dans son ensemble, avait eu la même réaction : pour le Roi et contre le gouvernement.
Devant ces faits, les ministres n'eurent d'autre alternative que de modifier leur attitude à l'égard du Roi.
Après de longues discussions, on aboutit le 21 juillet à une formule qui marqua publiquement la réconciliation - unilatérale - entre les deux parties. :
"La Belgique est prisonnère. Vive la Belgique !
Le Roi est prisonnier. Vive le Roi !"Telle était désormais la façade officielle.
Mais cette façade dissimulait des lézardes et même des failles, parfois très profondes.
(A suivre...)