La chute d'un roi

L'après-Guerre et ses conséquences: la confrontation Est/Ouest jusqu'à la chute de l'URSS.

Re: La chute d'un roi

Message par Baron Percy » Jeudi 07 Février 2008 20:01:56

Novembre 1940 marque le point culminant de l'opposition entre les deux politiques, celle du Roi et celle du gouvernement.
Pour en faire ressortir le contraste, il n'est que de mettre en parallèle avec l'entrevue de Berchtesgaden ce qui, au même moment, se fait à Londres.
Le 22 novembre, le ministre des Affaires étrangères, Paul-Henri Spaak, signe des directives amples et détaillées destinées à tous les postes diplomatiques belges.
Il y faisait l'historique des événements survenus depuis mai, précisait la position juridique du gouvernement et définissait la politique de guerre de la Belgique.
"Le gouvernement n'a jamais soutenu, écrit-il, qu'il y avait une alliance, au sens juridique du mot, entre la Belgique, la France et l'Angleterre, ni qu'il y ait obligation pour la Belgique de lier son sort à celui de la France ou de l'Angleterre... Le 10 mai, la Belgique étant attaquée, le Gouvernement a appelé les Anglais et les Français au secours du pays. Il est exact que cet appel ne constitue pas juridiquement une alliance, mais il est non moins évident que dans son cadre, à partir de ce moment, un lien moral, une solidarité de fait s'est établie entre l'Etat garanti et les Etats garants, au secours desquels il était librement fait appel.
Telle est la situation juridique et morale.
Le point de vue politique nous dicte avec plus de force encore l'attitude qu'il nous faut adopter dans l'intérêt du pays. Chacun sait qu'une victoire allemande ne nous laisserait dans la meilleure hypothèse, d'ailleurs infiniment peu probable, qu'un indépendance de façade. Seule la victoire de l'Angleterre peut nous rendre notre véritable et complète indépendance...
Nous sommes les amis et les associés de la Grande-Bretagne dans la lutte qu'elle mène. Tous et chacun doivent s'efforcer de l'aider par leur attitude, leurs actes et leurs propos. Nous sommes en guerre, rien ne doit être épargné pour assurer le triomphe de la cause commune".


En conclusion de ses directives, Spaak résumait en un certain nombre de points les principes sur lesquels le gouvernement fondait sa politique :
1°) La capitulation de l'armée le 28 mai était inévitable. La continuation de la lutte aurait amené des sacrifices humains hors de proportion avec les résultats militaires encore possibles.
2°) Le Roi a voulu partager le sort de ses soldats et de son peuple, pour maintenir leur moral et alléger leurs souffrances.
3°) Le Roi, prisonnier de guerre, ne gouverne pas, n'accomplit aucun acte politique.
4°) Le Gouvernement s'est retiré en pays libre, en France d'abord, en Angleterre ensuite, pour continuer la guerre, accomplissant ainsi la mission qui lui a été confiée par la nation unanime.
5°) Les ministres réunis en Conseil, par application de l'article 82 de la Contitution, exercent le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.
6°) Le Gouvernement est forcé par les circonstances d'agir sans pouvoir consulter le Roi, mais il n'agit pas contre le Roi. L'attitude du Roi prisonnier et du Gouvernement en Angleterre ne se contredisent pas, elles ne s'opposent même pas.
7°) Tous ceux qui ont prêté serment de fidélité au Roi doivent respecter ce serment. Celui-ci implique, dans les circonstances présentes, l'obéissance au Gouvernement.
8°) L'état de guerre existe toujours entre la Belgique et l'Allemagne. Chaque Belge doit tirer de cet état toutes les conséquences.
9°) L'Italie ayant accompli vis-à-vis de la Belgique des actes caractérisés d'hostilité, le Gouvernement belge règle ses rapports avec elle sous l'angle de la réciprocité.
10°) Sans être juridiquement alliée à la Grande-Bretagne, la Belgique est intimement associée à la lutte que mène cette dernière. Elle lui apporte toute l'aide dont elle est capable en vue de la victoire commune.
11°) Le Congo suit la même politique que la Belgique.
12°) Les mots d'ordre du Gouvernement sont :
- Toute l'aide possible à la Grande-Bretagne en vue de la victoire.
- Pour une Belgique indépendante et pour un Roi libre.

Alors même que le Gouvernement, avec force et solennité, affirme qu'il met tous ses espoirs dans la victoire de la Grande-Bretagne qui peut seule rendre à la Belgique son indépendance, le Roi sollicite la garantie de celle-ci au chancelier allemand en s'adressant à l'Allemagne comme à la puissance d'ores et déjà victorieuse.
Derrière la fiction que Spaak cherche à maintenir et qui restera toujours la vérité officielle (cf point n°6), le fossé, en réalité, est profond. C'est même un abîme.
Et s'il ne s'est pas révélé, aux yeux de tous, en novembre 1940, c'est grâce au refus d'Hitler de donner au Roi la moindre satisfaction.
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Re: La chute d'un roi

Message par Paul Ryckier » Dimanche 24 Février 2008 21:59:53

Mon cher Baron,

j'ai juste de nouveau donné mon mot de passe pour entrer de nouveau sur le forum.
Trois semaines sans ordinateur en réparation pour un virus. Et une semaine à New York et Washington.

J'ai vu l'émission sur ARTE et j'ai beaucoup de commentaires. mais maintenant avec un grand "backlog" sur le BBC, j'actualise d'abord mes messages là bas.

Cordialement,

Paul.

BTW. On m'a demandé d'expliquer sur le BBC la récente formation de gouvernement en Belgique. Pas facile. Mais comme "Belgiciste" j'ai essayé pour faire le point.
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Re: La chute d'un roi

Message par Baron Percy » Dimanche 24 Février 2008 22:29:25

On m'a demandé d'expliquer sur le BBC la récente formation de gouvernement en Belgique. Pas facile. Mais comme "Belgiciste" j'ai essayé pour faire le point.


En effet, faire simple avec du compliqué, cela n'a pas dû être une sinécure.
Je n'aurais pas voulu être à votre place, car il y a de quoi y perdre son latin.
Sans compter que tout cela risque encore d'évoluer avec l'installation du nouveau gouvernement le 20 mars... :?
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Re: La chute d'un roi

Message par Paul Ryckier » Mardi 11 Mars 2008 20:59:11

Bruno a écrit:
[Problème: les Flandres ont voté à près de 80% pour le roi et la Wallonie à près de 60% contre... Spaak y voit une raison de refuser le verdict du peuple belge. Les communistes l'appuient. On peut donc dire que l'idée séparatiste vient des Wallons (même si les rexistes en ont caressé l'idée avec les nazis).

Cher Bruno,

peut-être un peu d'éclaircissement des votes. Car ce sont surtout les provinces rurales qui ont voter "pour" le même en Wallonie comme en Flandre. Mais d'accord mêmes dans les provinces flamandes industrialisé on a voté "pour"

Flandre 72% pour, 28% contre.
province de Limbourg (rurale) 83% pour
province de Flandre occidentale (moins industrialisé) 75% pour
province de Flandre orientale (industrialisé) 72% pour
province d'Anvers (industrialisé) 68% pour

Wallonie 42% pour, 58% contre.
province de Hainaut (industrialisé) 64% contre
province de Liège (industrialisé) 58% contre
province de Luxembourg (rurale) 35% contre (donc 65% pour)
province de Namur (rurale) 42% contre (donc 58% pour)

province de Brabant (surtout le nord industriel, mais flamand, le sud rural mais wallon) 50,15 pour, 49,85 contre
Bruxelles capital 48% pour 52% contre

Cordialement,

Paul.
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Re: La chute d'un roi

Message par Paul Ryckier » Mardi 11 Mars 2008 21:19:00

Re: Message 24 Février 22h.

Cher Baron,

je donne d'abord nos messages pris de la discussion: "les Responsabilités de la Belgique dan le désastre..."

posting.php?mode=quote&f=12&p=2022
posting.php?mode=quote&f=12&p=2598
posting.php?mode=quote&f=12&p=2621
posting.php?mode=quote&f=12&p=2669
posting.php?mode=quote&f=12&p=2783
posting.php?mode=quote&f=12&p=3385

Cordialement,

Paul.
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Re: La chute d'un roi

Message par Paul Ryckier » Mardi 11 Mars 2008 22:10:54

Baron Percy a écrit :Eté 1950.
Le retour du Roi provoque des émeutes à Bruxelles.
C'est bien la personne du Roi qui est mise en question et non la monarchie.
Un million de grévistes paralysent la Wallonie.
Le pays est littéralement coupé en deux.
En cause : l'attitude du Roi pendant l'Occupation.
Un referendum populaire donne pourtant 57,68 % de voix favorables au retour, mais on relève de graves déséquilibres régionaux : la Flandre est très majoritairement pour, la Wallonie est majoritairement contre. A Bruxelles, le NON l'a emporté de peu.
L'insurrection s'aggrave et les transports publics sont immobilisés.
C'est le Premier ministre de l'époque, Jean Duvieusart (catholique) qui a favorisé le retour du Roi et ce, malgré l'opposition catégorique des socialistes et de leur leader charismatique Paul-Henri Spaak.
Nicolas Monami, grand résistant, déporté et torturé par la Gestapo se pose alors en médiateur. Il est reçu au Palais par le secrétaire du Roi qui lui déclare que la question royale est résolue.

Mais comment en est-on arrivé là ?
La question royale qui divisa la Belgique à la fin de la Seconde Guerre mondiale est une tragédie en 3 actes.

Acte 1 : Le 10 mai 1940, l'armée allemande viole la neutralité de la Belgique; l'armée belge résiste tant bien que mal le long de la Lys mais recule, ce qui provoque l'exode massif des populations.
Face à la débâcle imminente, plusieurs ministres fuient à Londres.
Le 25 mai, le Roi reçoit Spaak et Pierlot à son QG du château de Wijnendael et leur communique sa décision de capituler.
Les ministres sont anéantis, car cette décision unilatérale est contraire aux accords internationaux qui lient la Belgique à ses alliés français et anglais. Ils refusent d'adhérer à ce qu'ils qualifient de trahison et choisissent d'entrer en résistance.
Dès ce moment, la rupture entre le Roi et ses ministres est consommée.
Le souverain considère que ses obligations envers les alliés cessent à partir du moment où la quasi totalité du territoire est occupé par l'armée d'invasion.
La capitulation sans condition en rase campagne ouvre la voie de Dunkerke aux divisions allemandes.
Dans son discours, Paul Reynaud critique ouvertement l'attitude du Roi et fustige le peuple belge.
Hubert Pierlot choisit alors de se désolidariser du souverain car il rappelle que tout acte royal doit être approuvé par ses ministres. En décidant de capituler sans leur accord, il estime que le Roi a trahi son serment constitutionnel.
Il rappelle également qu'à la veille de la guerre, le général Van Overstraeten, chef d'état-major et conseiller du Roi, avait fait déployer les 2/3 de l'armée belge non face à l'Allemagne, mais face à la France.
La préférence pour l'autre camp était donc nettement marquée.
Les Parlementaires votent dans la foulée l'impossibilité pour le Roi de régner.
Le fossé se creuse donc un peu plus entre le souverain et le gouvernement, dont les ministres s'exilent à Londres pour poursuivre la résistance.

Acte 2 : Le Roi est relégué dans son palais de Laeken. Il y fomente des projets d'ordre nouveau à la sauce belge.
Un projet de régime royal autoritaire lui est soumis. Il prévoit entre autre la suppression des partis politiques et des syndicats, des mesures en faveur de la protection de la race.
Leopold III rencontre alors Adolf Hitler à Berchtesgaden. Il plaide pour une amélioration du sort des prisonniers de guerre, mais cette visite va constituer ultérieurement une pièce à charge accablante.
Le 7 décembre 1941, alors que les Japonais viennent d'attaquer les USA à Pearl-Harbor, la Belgique apprend le remariage du Roi avec une roturière, Liliane Baels, dont le père est proche des milieux nazis.
Alors que les Belges vénèrent encore la mémoire de la Reine Astrid tragiquement disparue en 1935, le mythe du veuf inconsolé vole en éclat.
Beaucoup se demandent aussi pourquoi le Roi n'intervient pas politiquement contre l'oppression allemande comme l'y invitent ses ministres depuis Londres.
L'oppression contre les Juifs entre dans sa phase industrielle, mais l'opinion du Roi à leur égard est négative. Il obtient cependant que les Juifs de nationalité belge soient préservés, mais ils représentent à peine 6 % du total de ceux qui vivent sur le sol national.
Le souverain semble également se désintéresser du sort des prisonniers de guerre, préférant convoler en justes noces avec sa dulcinée.
Le 3 septembre 1944, Bruxelles est libérée.
Mais il faudra attendre huit longs mois avant le retour des premiers déportés.
La Belgique étant privée de souverain, le prince Charles, frère cadet de Léopold, est désigné en tant que Régent. Il ne s'est pas compromis comme son aîné et est considéré comme l'homme des Alliés.
Leopold III ne le lui pardonnera jamais.
Face à son intransigeance, la guerre civile menace dans le pays.
Un drame survient lors d'une manifestation à Grâce-Berleur près de Liège : la gendarmerie tire dans la foule et fait 4 morts.
Tous attendent alors un geste d'apaisement du souverain.

Acte 3 : Au printemps 1945, un détachement US du général Patton libère la famille royale retenue prisonnière à Salzbourg en Autriche.
Mais le gouvernement socialiste d'Achille Van Acker s'oppose au retour du roi sur le sol national.
Seul un vote des chambres réunies pourrait mettre fin à l'impossibilité pour lui de régner.
En Flandre, un mysticisme et une idolâtrie qui confinent au culte de la personnalité se fait jour en faveur du Roi. Les nationalistes et les nostalgiques du 3ème Reich qui voient en lui un homme fort s'identifient à celui qui partage leur sort.
Le mouvement léopoldiste se dote également d'une aile paramilitaire dont la cible est les communistes.
Julien Lahaut, président du PC, pousse l'aile gauche de la Wallonie à exiger l'abdication du Roi.
La droite revient à son projet de consultation populaire, mais le PS s'y oppose par la voix de Spaak.
La fracture de la Belgique s'installe durablement et ne cessera jamais.
En juin 1950, les élections donnent la majorité absolue aux catholiques. Les Léopoldistes triomphent. C'est la fin de la Régence !
Mais la mobilisation sur le terrain s'intensifie.
La Wallonie menace de proclamer son indépendance et une marche sur Bruxelles est décidée pour le 1er août.
Léopold III déclare refuser l'abdication, "dut-il y avoir 200 ou 300 morts".
Il n'a toujours pas pardonné à ses ministres de l'avoir désavoué en mai 1940.
Le médiateur Nicolas Monami présente un accord au Roi qui s'articule sur deux lignes de force :
- la transmission des pouvoirs royaux au prince héritier
- A sa majorité civile, Baudouin montera sur le trône, les 3 partis traditionnls s'engageant à favoriser la réconciliation nationale.
La nuit du 31 juillet au 1er août est la plus longue du règne.
A l'aube, le Roi se résout à abdiquer en faveur de son fils.
Le 11 août, le Parlement vote l'attribution des pouvoirs constitutionnels au prince Baudouin.
Le 13, désavoué par ses électeurs, le gouvernement Duvieusart démissionne.
Il est remplacé par le gouvernement léopoldiste de Pirenne.
Léopold III règne dans l'ombre de son fils; c'est une véritable "diarchie" (monarchie à deux têtes) qui s'installe pendant dix longues années.
La violence de la crise a pénétré en profondeur l'inconscient de la poulation belge et a modelé un nouveau visage du pays.
Une culture du compromis est née en même temps que l'émergence d'une nouvelle droite extrême qui paradoxalement vise à la disparition de la monarchie.
Le processus du fédéralisme a été enclenché en 1970 et se poursuit encore actuellement.
Quant à la question royale, elle agite toujours le pays...


Re: Message 31 Janvier 23h.

Cher Baron,

merci de cet aperçu qui est complet, d'après mes souvenirs de l'émission.

Concernant Nicolas Monami, c'est la première fois que j'ai entendu de parler de lui et pourtant j'ai pas mal lu autour de la figure de Léopold III :? . Mais peut-être que je n'étais jamais étudié au fond l'histoire après-guerre de la question royale :( . J'ai lu quand-même que les Americains étaient grandement perturbé par les événements en Belgique surtout avec la guerre froide?

"2/3 face à la France 1/3 face à l'Allemagne" J'ai une vague mémoire d'une polémique entre les protagonistes d'une défense fort des frontiéres et ceux, comme Van Overstraeten? d'une défense en profondeur sur des points forts avec une lègère défense des frontières considerées comme intenables. Je souviens aussi vaguement que c'est comme toute chose en Belgique c'était tourné sur un compromis, avec et la frontiere et la défense dans le fond. Alors dans cette optique toute la défense est contre l'Allemagne...Mais j'essaie de trouver des détails plus "durs" :D .

Cher Baron, pour l'histoire de Pierlot, Spaak et le séjour en France de Vichy avant de partir pour Londres, je dois d'abord consulter mes notes que j'ai mentionées en haut dans mes URL's...

Cordialement,

Paul.
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Re: La chute d'un roi

Message par Paul Ryckier » Mardi 11 Mars 2008 23:47:57

Cher Baron,

je commence avec le URL:
posting.php?mode=quote&f=12&p=3385.

le "Churchill belge" était Marcel-Henri Jaspar qui voulait établir un gouvernement Jaspar-Huysmans à Londres. Et c'est propablement par ça que De Vleeschhouwer et Gutt voulaient coute que coute que les hésitants Spaak et Pierlot venaient leurs rejoindre. Et alors on avait la fameuse histoire de la voiture à double-fond.

Je ne suis pas un "Léopoldiste" (même un Républicain :D ) et j'avait déja une accrochage sur le forum Historie du BBC avec un membre canadien de ce forum le fils d'un père de la Flandre Occidentale, mais la vérité et rien que la vérité...

http://deveteran.skynetblogs.be/post/25 ... --de-gebeu
http://deveteran.skynetblogs.be/post/27 ... ai-1940--1
http://deveteran.skynetblogs.be/post/33 ... de-vervolg
Le texte français est au-dessous du néerlandais. On peut sur l'archive au coté gauche trouver les suites jusqu'à la septième.

Et d'àpres ce que je lis c'est "presque"! comme les ouvrages "honnêtes": les neuf (plutôt 7 comme il y en a deux "léopoldistes" là bas aussi :) ) que j'ai mentioné dans un de mes URL's que j'ai mentionés en haut.

Et c'était "ce" Spaak qui jettait des callioux pendant les émeutes anti-Léopoldistes Mais ça était du pragmatisme. Et comme j'ai mentioné dans le URL ici en haut, en cercle intime il était conscient de son "période sombre" entre 28 Juin et Octobre 1940 en Vichy France. Et ça c'est dans mon humble opinion un aspect positif de Spaak.

Cordialement,

Paul.
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Re: La chute d'un roi

Message par Baron Percy » Mardi 11 Mars 2008 23:53:33

pour l'histoire de Pierlot, Spaak et le séjour en France de Vichy avant de partir pour Londres


Le livre de Jean Stengers "Leopold III et le gouvernement - Les deux politiques belges de 1940" traite de cette question.
On y apprend entre autre que la défaite française avait complètement démoralisé les ministres belges en exil en France et qu'ils croyaient la guerre définitivement perdue.
Ils écrivirent une lettre au Roi en lui présentant leur démission, mais celui-ci ne daigna pas leur répondre, car il entendait les punir de s'être désolidarisés de lui en les révoquant lui-même lorsque la situation le permettrait, c'est-à-dire lorsqu'il aurait recouvré ses prérogatives.
Un seul ministre fit exception au défaitisme général : Alber De Vleeschauwer, ministre des Colonies, qui refusa de reconnaître la victoire allemande et s'exila à Londres dès juin 1940.
Il fut durant plusieurs semaines le seul représentant du gouvernement belge auprès des autorités britanniques avant d'être rejoint dans un premier temps par Camille Gutt, ministre des Finances, début août et fin octobre par Hubert Pierlot, le Premier ministre et Paul-Henri Spaak, le ministre des Affaires étrangères.
Ce "gouvernement des quatre" ne débuta pas sa carrière auréolé d'un grand prestige.
Les Britanniques n'avaient pas oublié les épisodes de Bordeaux et de Vichy, c'est-à-dire la période d'abandon de la lutte.
Cependant, la présence d'un Gouvernement belge constitué légalement et établi à Londres représentait la seule solution satisfaisante au problème belge.
Ne perdons en effet pas de vue que le Congo représentait un apport non négligeable en matières premières qui allait permettre de développer l'effort de guerre britannique.
Or, les quatre ministres présents à Londres étaient disposés à mettre ces ressources sans restriction à la disposition des Britanniques.
Cette attitude et cet engagement formel aux côtés des Aliés contribua grandement à imposer la reconnaissance et l'efficience du gouvernement belge de Londres.
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Re: La chute d'un roi

Message par Paul Ryckier » Jeudi 13 Mars 2008 00:06:56

Re: message 11 Mars 24h.

Cher Baron,

comme vous avez raison de mentioner le livre de 1980 de Jean Stengers: "Léopold III et le gouvernement. Les deux politiques belges de 1940".
Parmi les neuf livres que j'ai mentioné dans le deuxième URL de mon message de 11 Mars 21h15 c'est le meilleur en langue française. Le deuxième est le livre mentioné de 1988 de Jean Vanwelkenhuyzen: "Quand les chemins se séparent. Aux sources de la question royale".
En néerlandais les deux meilleurs des neuf étaient:
de 1994 par Jan Velaers et Herman Van Goethem: "Leopold III, het Land, de Oorlog" (Léopold III, le Roi, le Pays, la Guerre)
de 2001 par Mark van den Wijngaert, Michel Dumoulin, Vincent Dujardin: "Een koningsdrama. De biografie van Leopold III". (le drame d'un roi. Biographie de Léopold III) On a aussi une chapitre de Jean Vanwelkenhuyzen.

Les autres sont ou trop Léopoldistes ou pas assez historiques :lol: .

Je dis dans un de mon messages: Spaak: Avec son bravour habituel après la guerre il le rapelle comme son période "sombre" (la période en France Vichy) et c'était tout. Alors il dit aussi, que c'est "de Vleeschauwer" avec son statut spécial du Congo Belge, qui a sauvé la Belgique"
Alors j'ai par erreur toujour écrit "de Vleeschhouwer" (hacheur de la viande, boucher). Faites l'épreuve et cherchez en Google: "ministre de vleeschhouwer congo belge" ou "de vleeschhouwer pierlot" :D .

Dans un de ces livres j'ai lu autour de la nomination de de Vleeschauwer, que le texte du gouvernement était une perle de rédaction, parce que ça octroyait le mandat exactement sur messure de ce qu'on désirait. Je n'ai pas trouvé le texte exact, mais j'ai trouvé ceci:
de Vleeschauwer: administrateur-général du Congo Belge et de Ruanda-Burundi (c'était "Urundi" dans ce temps (note de moi)) avec pouvoir législatif et exécutif comme ceux alloués au roi par la charte coloniale de 18 Octobre 1908
http://www.ecoles.cfwb.be/ipamnivelles/ ... age19.html
le 18 Juin un arrête-loi des Ministres réunis en Conseil nomme Albert de VLEESCHAUWER "Administrateur Général de la Colonie du Congo belge et de Ruanda-Urundi. En cette qualité, il exerce pour le Congo belge et le Ruanda-Urundi tous les pouvoirs conférés au Roi" (moniteur belge des 13-18 juin 1940)

En lisant l'histoire Spaak avait raison: de Vleeschauwer en allant à l'Angleterre avec tous ses pouvoirs du Congo belge près de Churchill à Londres et ensemble avec Gutt en convaincant les ministres "trainants" en Vichy France, Spaak et Pierlot, de les rejoindre à Londres...

"Ils écrivent une lettre au Roi, en lui présentant leur démission..." Et si le Roi l'avait accepté...? :D ou est-ce qu'on doit dire :( ?

Cordialement, votre ami,

Paul.
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Re: La chute d'un roi

Message par Baron Percy » Jeudi 13 Mars 2008 00:45:51

L'attribution des pleins pouvoirs à De Vleeschauwer au Congo date effectivement du 18 juin.
Réunis à la rue Blanc-Dutrouilh à Bordeaux, les ministres écoutent Pierlot annoncer : "Le ministre des Colonies sera chargé d'une mission qui nous permettra de sauver nos intérêts au Congo. Il deviendra une sorte de trustee, un personnage bien connu dans le droit britannique."
Le Premier Ministre avait lancé cette idée, encore fallait-il lui donner une forme juridique.
De Vleeschauwer, à la fin de la matinée du 18 juin, confie cette tâche à deux hauts fonctionnaires de son département, tous deux remarquables juristes, Robert de Muelenaere et Pierre Jentgen. Au début de l'après-midi, ils soumettent au ministre deux projets d'arrêté : le premir confère à De Vleeschauwer les pouvoirs les plus étendus, le second est un texte "de repli" conçu pour le cas où le premier projet soulèverait des objections.
A 4 heures, le Conseil des Ministres reprend et De Vleeschauwer donne immédiatement lecture des deux textes.
"Je préfère le premier", dit Pierlot.
"Moi aussi", répond De Vleeschauwer, "signez le donc".
Pierlot, sans autre remarque, signe, et tous les autres ministres, sans dire un mot, font de même.
L'affaire est réglée littéralement en trois minutes.
Que contenait cet arrêté ?

j'ai lu autour de la nomination de de Vleeschauwer, que le texte du gouvernement était une perle de rédaction, parce que ça octroyait le mandat exactement sur messure de ce qu'on désirait. Je n'ai pas trouvé le texte exact,


En voici le texte intégral :

"Au nom du Peuple belge,
Nous, Ministres réunis en Conseil,
Vu les articles 26 et 82 de la Constitution ;
Vu l'arrêté du 28 mai 1940 constatant que le Roi se trouve dans l'impossibilité de régner;
Vu l'impossibilité de réunir les Chambres législatives;
Revu la loi du 18 octobre 1908 sur le gouvernement du Congo belge et la loi du 21 août 1925 sur le gouvernement du Ruanda-Urundi;
Vu la loi du 7 septembre 1939 accordant au Roi des pouvoirs spéciaux pour le Congo belge et le Ruanda-Urundi;
Considérant qu'il importe, en toutes circonstances, de maintenir la colonie du Congo belge et le Ruanda-Urundi sous l'autorité de la Belgique et d'y assurer l'exercice de cette autorité;
Avons arrêté et arrêtons :

Art. 1er : M. Albert De Vleeschauwer, actuellement Ministre des Colonies, est nommé administrateur général de la colonie du Congo belge et du Ruanda-Urundi. En cette qualité, il exerce tous les pouvoirs conférés au Roi par la Constitution et la législation belge, notamment par la loi du 18 octobre 1908 sur le gouvernement du Congo belge et la loi du 21 août 1925 sur le gouvernement du Ruanda-Urundi.
A son défaut, le gouverneur général exerce les mêmes pouvoirs.

Art. 2 : L'administrateur général des colonies et, à son défaut, le gouverneur général, exercent, dans la colonie du Congo belge et au Ruanda-Urundi, les pouvoirs législatifs et exécutifs dont les Ministres réunis en conseil sont investis.

Art. 3 : Le présent arrêté-loi entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur.
Donné le 18 juin 1940."

Cet arrêté-loi était, du point de vue de la construction juridique, un petit chef-d'oeuvre.
En effet, non seulement De Vleeschauwer se voyait attribuer les pouvoirs royaux dans les colonies, mais, et ceci est la grosse astuce du texte, non en sa qualité de ministre des Colonies, mais dans une qualité nouvelle, qui lui est conférée pour la circonstance, celle d'administrateur général du Congo belge et du Ruanda-Urundi.
De cette manière, même si De Vleeschauwer perdait par la suite sa qualité de ministre, ou si cette qualité e trouvait contestée, il conservait en tout état de cause ses pouvoirs en tant qu'administrateur général.
Autant dire qu'il devenait, dans des formes parfaitement régulières, un maître absolu, sans aucune limite mise à ses pouvoirs.
La suite prouvera qu'il saura tirer pleinement parti de ses attributions pour replacer la Belgique au premier plan et regagner ainsi la confiance des Britanniques.
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Re: La chute d'un roi

Message par Paul Ryckier » Dimanche 16 Mars 2008 21:21:31

Re: message 13 Mars 00h45

Cher Baron,

excusez pour le délai et un grand merci pour ce message qui explique tout de ce que je voulait dire.

C'est exactement comme je l'ai lu dans un des neuf livres. Mais je ne suis pas sûr si le texte intégral est mentioné dans ce livre. Merci de nouveau pour avoir trouvé ce petit chef-d'oeuvre.

Et c'est encore une fois la preuve comment des petits détails dans l'histoire peuvent avoir des grandes conséquenses dans le développement ultérieur.

Je vous remercie aussi, parce que pour moi c'était une des choses clées dans l'histoire de la Belgique. Et maintenant ce fait est confirmé sur ce forum. Et j'espère que Bruno va nous instruire avant d'enlever ces messages de ce forum ou de le fermer, pour nous donner le temps de les sauver?

Cordialement,

Paul.
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Re: La chute d'un roi

Message par Baron Percy » Dimanche 16 Mars 2008 23:08:20

Merci pour vos compliments, mon cher Paul, mais la finalité de ce forum consiste en la divulgation de tels documents et je suis ravi d'avoir pu vous être utile en la circonstance.

Les relations entre le Roi et le Gouvernement de Londres ne furent jamais cordiales.
On peut même affirmer qu'elles furent glaciales.
En témoignent les deux documents qui suivent.
Le premier est une courte note rédigée le 16 janvier 1944 en réponse à une demande pressante du gouvernement exilé qui souhaitait que le Roi formule explicitement son désaveu à l'égard de ceux qui se réclamaient de lui pour mener une politique collaborationniste ou qui déclaraient voir le salut de la Belgique dans un pouvoir royal réel et renforcé.
Cette note disait :

"Le Roi n'a jamais cessé de considérer comme un devoir le maintien de l'indépendance nationale. Le Roi, à l'exemple de ses prédécesseurs, s'est toujours astreint au respect de la Constitution. Jamais il n'a eu l'intention d'y porter atteinte. Il ne conçoit sa révision éventuelle que par la volonté du peuple belge librement exprimée. Les bruits qui tendent à jeter le doute sur ces points sont dénués de fondement et quiconque les propage commet un crime contre la Dynastie et la Belgique.
Quant au reste, depuis le 28 mai 1940, le Roi s'est tenu strictement à sa position de prisonnier de guerre aux mains de l'ennemi. Il juge conforme à la dignité de la Couronne et à l'intérêt de la Nation de ne s'en départir ni directement, ni indirectement.
LEOPOLD
Roi des Belges - Prisonnier de guerre
au Château de Laeken"


Le second est un texte que Leopold III signe le 25 janvier 1944 et qui est en fait la proclamation au pays que le gouvernement souhaitait qu'il prépare.
Mais rien n'y correspond, dans le contenu, aux voeux du gouvernement.
Le passage reproduit ci-dessous concerne les ministres.
Plutôt que de souligner ce qu'ils ont pu réaliser à Londres pour garder la Belgique dans la guerre, voici la volée de bois vert qu'il leur adresse :

"§ 7 : La réparation nécessaire.
Il n'est point de patriote que ne tourmente le souvenir de certains discours prononcés à la tribune du monde entier, par lesquels des ministres belges se sont permis, à des heures exceptionnellement critiques, où la sauvegarde de la dignité nationale imposait une extrême circonspection, de proférer précipitamment des imputations de la plus haute gravité contre la conduite de notre Armée et les actes de son chef.
Ces accusations, qui dans un aveuglement obstiné, attentaient à l'honneur de nos soldats et à leur commandant en chef, ont causé à la Belgique un préjudice incalculable et difficile à réparer.
On chercherait vainement dans l'histoire pareil exemple d'un gouvernement jetant gratuitement l'opprobre sur son Souverain et sur le drapeau national.
Le prestige de la Couronne et l'honneur du pays s'opposent à ce que les auteurs de ces discours exercent quelque autorité que ce soit en Belgique libérée aussi longtemps qu'ils n'auront pas répudié leur erreur et fait réparation solennelle et entière.
La Nation ne comprendrait ni n'admettrait que la Dynastie acceptât d'associer à son action des hommes qui lui ont infligé un affront auquel le monde a assisté avec stupeur."


Churchill, à la fin de 1944, reçut une copie de ce document.
Il l'annota de manière vigoureuse.
Ainsi, certains affirment qu'il aurait mis en marge : It stinks - "cela pue".
Selon une autre version, son commentaire aurait été : "Il est comme les Bourbons, il n'a rien appris et rien oublié !"

Cela se passe de tout autre commentaire...
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Re: La chute d'un roi

Message par Paul Ryckier » Jeudi 20 Mars 2008 22:11:09

Re: 16 Mars 23h00.

Cher Baron,

merci de nouveau pour ce document, qui jette de la lumière sur l'arrière-plan de "la question royale". Vous êtes une source inépuisable.

Cordialement,

Paul.
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Re: La chute d'un roi

Message par Baron Percy » Vendredi 21 Mars 2008 00:18:58

Vous êtes une source inépuisable.


Vous me flattez Paul ! :oops:
Mais puisque vous me faites la gentillesse de me lire, je vous fais part d'une autre révélation tirée du livre de Stengers.
Il s'agit du testament politique rédigé par Léopold III le 25 janvier 1944.
Le Roi remit ce document original entre les mains des deux plus hauts magistrats du royaume, le Premier Président de la Cour de Cassation, Jamar, et le Premier Avocat Général à cette cour, faisant fonction de Procureur Général, Cornil.
Ces magisrats étaient chargés, au moment de la libération du territoire, et si le Roi était absent du pays, de le remettre, de la part du souverain, au gouvernement.
Trois copies furent confiées respectivement au Grand Maréchal de la Cour, le comte Cornet de Ways-Ruart (que j'ai personnellement connu), au Chef de Cabinet du Roi, Fredericq, et au comte Capelle.
Le Grand Maréchal reçut sa copie sous pli scellé avec mission de la remettre aux "autorités occupantes alliées". Cette expression est celle que le comte Capelle, dans ses mémoires, prête expressément au Roi; elle est, sur le plan des sentiments, particulièrement révélatrice.
Le comte Cornet, vers la mi-septembre, communiqua le pli dont il était porteur au maréchal Montgomery. Le texte, de là, remonta jusqu'au gouvernement britannique et jusqu'à Churchill en personne. L'impression, dans les milieux gouvernementaux britanniques, fut désastreuse.
Jamar et Cornil, à ce moment, avaient déjà rempli leur propre mission. Ils avaient, en effet, fait diligence. Le gouvernement était rentré à Bruxelles le 8 septembre. Dès le 9, ils demandaient à être reçus par le Premier Ministre "pour une communication de la plus extrême urgence de la part du Roi". Ils virent Pierlot le soir même.
Dans la nuit du 9 au 10 septembre, ves 2 heuresdu matin, Pierlot appela Spaak au téléphone pour lui faire part de la teneur du document.
"Ce fut, racontera plus tard le ministre des Affaires étrangères, l'un des coups les plus rudes que j'aie jamais reçus dans ma vie politique. A peine avions-nous repris contact avec nos familles et avec la Belgique ! A peine avions-nous parlé avec nos amis restés au pays de la réconciliation nationale espérée !... Voilà où en était, la deuxième nuit, la grande réconciliation nationale !"
Spaak avait donc connu en septembre 44 le texte intégral du testament politique.
"Si le pays, a-t-il fait remarquer plus tard, avait aussi connu ce document à cette époque, l'affaire royale était terminée."
Nul doute en effet que ce testament rendu public à cette époque, Léopold III aurait été balayé par une violente vague d'indignation.

Que trouvait-on dans ce fameux texte ?
Les directives que le Roi traçait, les recommandations qu'il formulait pour le gouvernement de la Belgique libérée étaient d'une réelle élévation de pensée.
Mais il y avait aussi, dans le texte, des traits révélateurs de la psychologie du souverain, de son attitude à l'égard des hommes et des événements qui auraient à la fois profondément frappé et choqué.
Citons-en quatre, les plus significatifs :
1°) Le paragraphe 7, déjà cité dans mon précédent message. En dénonçant ses propres ministres, alors que la guerre continuait et que c'étaient eux qui la menaient, le Roi paraissait placer par-dessus tout sa vindicte personnelle.
2°) Les silences du Roi, aussi éloquents que ses paroles, et qui auraient sans doute choqué encore plus que tout le reste. Pas un mot de solidarité avec le gouvernement de Londres. Pas un mot d'hommage aux Alliés, de reconnaissance à leur égard. Pas un mot d'hommage à la Résistance, qui n'était même pas mentionnée dans le testament politique. En septembre 44, cela aurait été stupéfiant.
3°) La méfiance du Roi envers les Alliés. Non seulement il ne leur adresse pas le moindre merci, mais il les met presque sur le même pied que les Allemands.
N'écrit-il pas dans le dernier paragraphe : "En ce qui concerne le statut international, j'exige, au nom de la Constitution, que la Belgique soit rétablie dans son indépendance intégrale".
On ne remercie pas les Alliés qui rendent à la Belgique son indépendance, on se tourne vers eux et on dit : "J'exige !". Ahurissant !! :shock:
4°) Lorsqu'il évoque les relations etre Flamands et Wallons, le Roi souligne ce qui a pu justifier les griefs des premiers. "Après une longue période d'inégalités et d'injustices indéniables, nos populations flamandes, fières de leur magnifique passé et conscientes de leurs possibilités futures, ont résolu de mettre un terme aux brimades d'une minorité dirigeante égoïste et bornée, qui se refusait à parler leur langue et à participer à la vie du peuple. L'incompréhension du Parlement et la lenteur des gouvernements successifs à satisfaire ces aspirations légitimes, ont exaspéré les revendicateurs."
Des griefs wallons, par contre, pas un seul mot.

De l'homme qui s'exprimait ainsi, la Belgique de septembre 1944 n'aurait plus voulu.
Celle de juin-juillet 1945 non plus.
Ce qui a sauvé le Roi, c'est que le testament politique, à cette époque, n'a pas été révélé.
Et c'est Spaak, obnubilé qu'il était par le seul paragraphe 7 et qui ne saisit pas sur le moment la portée du texte dans son intégralité, qui en reconnut par après la responsabilité.
Or, un telle arme maniée par un orateur de sa trempe aurait suffi à terrasser le Roi.
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Re: La chute d'un roi

Message par Paul Ryckier » Vendredi 21 Mars 2008 22:35:08

Cher Baron,

merci pour un autre chapitre concernant Léopold III.

En cherchant pour l'entêtement de Léopold III j'étais si heureux de trouver par hasard le livre que j'ai mentioné de Michel Dumoulin, Mark Van den Wijgaert et Vincent Dujardin et en français. Maintenant je vois que le titre en français est au lieu de "Drame d'un roi" seulement "Léopold III".

Mais j'hésitais de mettre le URL dans ce message: plus de quatre lignes de URL... Mais pour l'histoire on dois être "perséverent" :) et rien n'est assez bon... Sans le travail méticuleux et fatigant pas de récompense et de satisfaction :) . On ne doit pas être ivre pour taper cet URL.

http://books.google.be/books?id=Ma9OTGg ... nl#PPA7,M1

"perseverantia" mêne à "victoriam" Je le poste avant que cet URL est disparu par je ne sait quelle faute "internautique" et je le commenterai après :) .

Cordialement,

Paul.
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