Rapport destiné à François Mitterrand

L'après-Guerre et ses conséquences: la confrontation Est/Ouest jusqu'à la chute de l'URSS.

Rapport destiné à François Mitterrand

Message par BRH » Mardi 07 Juillet 2020 17:57:42

Rapport destiné à François Mitterrand, président de la République, sous couvert du général (corps d'armée aérienne) Saulnier, chef d'état-major particulier de la présidence.

Par le général de brigade aérienne (2s), Etienne Copel.

RAPPORTS MILITAIRES FRANCO-ALLEMANDS

"Il vous est impossible de comprendre, vous qui disposez de l'arme nucléaire, le point de vue de ceux qui, comme nous, n'en ont pas.", disait le chancelier Schmidt au président Giscard d'Estaing (1).

Cette incompréhension constatée, à un moment donné, n'a aucune raison d'être considérée comme naturelle et définitive. La RFA a certainement des efforts à faire pour préciser ses craintes et ses souhaits, car les discours des principaux responsables extériorisent généralement plus un malaise diffus que des demandes précises.

Quant à la France, elle peut, sans nul doute, quitter un peu les splendides hauteurs de sa dissuasion nucléaire pour dissiper certaines brumes de ses doctrines.

ANALYSE DES CRAINTES ALLEMANDES

La crainte essentielle des Allemands est de voir les pays non-nucléaires d'Europe transformés en champ de bataille nucléaire, par des puissances elles-mêmes protégées par la terreur qu'inspirent les armes atomiques. C'est un peu le "complexe coréen" multiplié par le facteur nucléaire. La Corée, en effet, pays coupé en deux comme l'Allemagne, fut ravagée par les armes chinoises et américaines sans que les Américains aient osé frapper la Chine et sans que les nord-Coréens et les Chinois se soient risqués à attaquer les bases américaines au Japon.

(1) 2 Français sur 3, VGE, p. 90.

La deuxième crainte fondamentale des Allemands est de voir leur pays attaqué par les Soviétiques sans que les pays nucléaires alliés, terrorisés par la peur de l'escalade, osent intervenir sérieusement. Pour contribuer à dissiper ces craintes, pour diminuer les risques d'agression, pour améliorer la protection des Européens, il importe d'étudier les différentes formes d'attaque envisageables et de préparer les ripostes adaptées.

ATTAQUE NUCLÉAIRE DU TERRITOIRE ALLEMAND

Si les soviétiques, contrairement à l'engagement solennel de Brejnev, attaquaient directement l'Allemagne de l'Ouest en ouvrant le feu nucléaire, la riposte américaine serait probable. Dans ce cas, le rôle de la France serait marginal.

Il faut, néanmoins, envisager le cas où les Américains n'oseraient pas employer leurs armes nucléaires pour un pays autre que le leur, surtout si l'attaque est limitée, "chirurgicale" diraient certains.

Dans ce cas-là, que pourrait faire la France ?

- Réplique tactique : riposter avec des armes tactiques en Tchécoslovaquie ou en Allemagne de l'Est serait justement amorcer la bataille nucléaire sur le territoire des pays européens non-nucléaires. Ce ne peut être souhaité par la R.F.A.

- Réplique stratégique massive : Riposter massivement au niveau stratégique reviendrait à élargir notre "sanctuaire" jusqu'au rideau de fer. Ce serait difficile à envisager concrètement, compte-tenu de l'ampleur du retour de bâton prévisible.

- Réplique stratégique limitée : Une riposte limitée à quelques objectifs militaires soviétiques (presqu'île de Kola par exemple) étant plus proportionnée, paraîtrait plus raisonnable, donc plus crédible. La menace de cette forme. de représailles aurait, par conséquent, une certaine valeur dissuasive..., ce qui est, bien sûr, le but essentiel.

L'ouverture du feu nucléaire par les Soviétiques est peu probable car les risques de riposte américaine au même niveau ne peuvent que paraître démesurés aux responsables soviétiques. Néanmoins, pour limiter encore le risque d'une telle attaque et pour tranquilliser les Allemands, le Président pourrait dire : "Toute attaque nucléaire contre l'Allemagne constituerait, à l'évidence, une menace grave pour les intérêts vitaux de la France. Dans une telle éventualité, la France se verrait contrainte de porter secours à son alliée et de répliquer par des moyens proportionnés sur le territoire de l'agresseur."

Une telle formulation exclurait, bien sûr, tout automatisme et ferait jouer l'incertitude qui, là, conserverait une certaine valeur. Le niveau de la riposte ne serait, bien entendu, pas fixé.

Pratiquement, il faudrait que la France prépare certaines ripostes stratégiques limitées, ou "fractionnées", sur des objectifs militaires ou économiques (2).

(2) Ce serait, par ailleurs, fort utile pour répliquer d'une manière crédible à une attaque chirurgicale sur notre propre territoire.

ATTAQUE CLASSIQUE DU TERRITOIRE ALLEMAND

Dans l'éventualité d'une attaque classique du territoire allemand, le président Nixon et le général Rogers prévoient que l'OTAN ne peut résister que quelques jours. Si, comme le veut la logique (confirmée par Henry Kissinger, l'amiral Turner etc....), les Américains ne veulent pas ouvrir le feu nucléaire pour un territoire qui 'est pas le leur, c'est au président français qu'incombera la responsabilité des choix essentiels. En effet, la 1ère armée, très concentrée, donne des cibles merveilleuses à l'adversaire et ne peut actuellement couvrir que 200 km de frontières au grand maximum. Pour contrer l'avance ennemie, différentes réactions peuvent être envisagées :

- Appliquer la doctrine actuelle :

Une frappe unique, sous forme d'ultime avertissement, entraînerait :
. la mort de très nombreux Allemands (de l'Est comme de l'Ouest),
. des résultats militaires extrêmement faibles sur des troupes mobiles qui ne seraient plus sous les bombes au moment de leur explosion,
. une riposte sévère sur les territoires allemands et français et des risques énormes d'escalade.

Pratiquement, une telle frappe ne peut être souhaitée par les Allemands. Politiquement, on ne voit guère comment elle pourrait être déclenchée sans leur accord. Il est, en effet, bien peu concevable de déclencher le feu nucléaire sur le territoire de son meilleur ami et allié sans lui demander son avis.

- Organiser une frappe tactique limitée à l'Est du rideau de fer :

Malgré les risques considérables d'escalade, une telle solution serait mieux admise par les Allemands de l'Ouest. Néanmoins, si la frappe est vraiment très limitée et constitue, cette fois, un véritable coup de semonce, elle peut ne pas être totalement suicidaire. Elle peut acquérir ainsi une certaine crédibilité, donc une vertu dissuasive.

- Organiser une frappe tactique limitée à l'ouest du rideau de fer :

C'est la seule manière d'ouvrir le feu nucléaire sans trop risquer l'escalade, le discours de base étant : "je n'attaque ni votre territoire, ni celui de vos alliés, mais mes alliés et moi-même nous nous défendons, chez nous, par tous les moyens. Si vous répliquez au niveau nucléaire sur nos territoires, nous répliquerons massivement sur le vôtre."

Avec des armes à neutrons, tirées en nombre limité avec les précautions essentielles vis à vis des populations civiles, une telle frappe peut être non seulement admise mais souhaitée par les Allemands.

- Organiser une défense non nucléaire, efficace, de l'Europe de l'Ouest :

En s'inspirant à la foi de certaines méthodes suisses et de théories allemandes nouvelles (Horst Afheldt...), l'Europe de l'Ouest peut, assez rapidement, mettre sur pied une défense suffisamment efficace pour profiter au mieux des faiblesses des armées du Pacte de Varsovie, armées qui ne peuvent gagner que rapidement. Mais ceci sort du cadre de cette étude (3).

Les Allemands ont tout lieu de penser que les dangers d'une attaque classique et chimique sont les plus probables, les plus à craindre. Pour qu'ils cessent d'être terrorisés à la pensée qu'une telle attaque puisse, par la faute de la France, dégénérer en conflit nucléaire, il faudrait leur dire clairement : "la France n'envisage absolument pas d'utiliser des armes nucléaires sur le territoire de ses alliés sans leur demander leur accord." Une telle déclaration, si elle était faite par une autorité responsable, enlèverait une part de la fameuse incertitude de notre dissuasion nucléaire ; il n'est donc pas souhaitable qu'elle soit publiée tant qu'une défense neutronique et/ou classique efficace n'a pas été mise en place.

En attendant, il est indispensable de préparer des plans de frappe tactique, limités tant à l'Est du rideau de fer que sur certaines zones peu peuplées d'Allemagne de l'Ouest, de Belgique et de France. il faut préparer des avertissements qui soient des coups de semonce et non des hécatombes.

(3) En liaison avec un certain nombre de combattants de grande valeur (S.A.S, Paras, etc.), je prépare actuellement un projet, d'ampleur limitée, visant à créer rapidement des unités efficaces de commandos et de défense de l'intérieur, ainsi que des modifications sensibles du service militaire pour un certain nombre de Français volontaires.
Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !

Napoléon
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BRH
 
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