L'occasion manquée en Sarre (septembre 1939) !

Les Totalitarismes à l'assaut de l'Europe !

Les Français pouvaient-ils enfoncer la ligne Siegfried en 1939 ?

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L'occasion manquée en Sarre (septembre 1939) !

Message par BRH » Mardi 13 Mars 2007 11:12:21

Extraits de l'ouvrage du colonel Alphonse Goutard.

Le « bluff » réussit !

Hitler avait bien misé ! Comme il le pensait, notre complexe défensif nous empêcha de profiter de l'occasion unique qui s'offrait. Et notre passivité, le général Roton, chef d'état-major de notre front nord-est, l'explique ainsi :

« Tenter de rompre la ligne Siegfried et d'exploiter éventuellement la percée réalisée était une solution au-dessus de nos moyens. Le système défensif allemand, sans avoir la valeur de la Ligne Maginot, représentait un obstacle très important. Sa destruction aurait nécessité la mise en oeuvre d'une artillerie lourde de grosse destruction nombreuse et l'emploi de chars de très gros calibres (ndr : 9 chars C disponibles et -au moins- une centaine de chars B1bis). Or, les quelques matériels que nous avions ne pouvaient arriver à pied d'oeuvre qu'en fin de concentration, cad vers le 30ème jour. Encore ces matériels manquaient d'obus de rupture pour agir contre le béton (note Goutard : les Allemands nous prouveront que la neutralisation des blockhaus n'exige pas forcément leur destruction par d'énormes obus de rupture) (ndr : des essais ultérieurs au camp de la Courtine montreront que l'on pouvait très bien utiliser le 75 pour des tirs de plein fouet dans les embrasures : ce que feront les Allemands, notamment contre des ouvrages de seconde importance, avec leur fameux 88. Source : Claude Paillat, « le désastre de 1940, T.4). Enfin notre aviation était insuffisante pour assurer la maîtrise de l'air et notre D.C.A. trop faible. »

En somme, l'ouvrier n'avait que de mauvais outils !

Mais, si nos canons lourds étaient trop loin, on aurait peut-être pu, avant la mobilisation, les rapprocher de leur seule zone d'utilisation possible ! Les avertissements ne nous avaient pas manqué ! En tout cas, ce matériel lourd, nous l'avions bien ! Le général Gamelin indique lui-même que nous disposions aux armées en 1939 de : 2043 pièces de 155 court, 1209 pièces de 155 long, 476 mortiers de grosse destruction de 220 mm, 68 canons de 220 mm, et 180 obusiers de 280.

« Il s'agissait, précise le commandant en chef, de matériels de siège, cad faits pour s'attaquer au béton. Nos nouveaux projectiles à grandes perforation n'étaient pas encore sortis d'usine, mais nos obus anciens étaient PARFAITEMENT CAPABLES DE BOUSCULER LES BETONS ALLEMANDS, d'aveugler les embrasures et d'en rendre la défense difficile. »

Gamelin ajoute : « Nous avions étudié de près le problème de l'attaque de la ligne Siegfried. Dans plusieurs camps, spécialement à la Courtine, nous avions construits des tranches de la fortification allemande et nous avions faits de nombreux exercices d'attaque; Nous avions les moyens de forcer la ligne Siegfried. D'autant que L'EXPLOITATION ULTERIEURE PAR LES CHARS permettait de réaliser simplement des brèches relativement étroites, que l'on pourrait rapidement élargir. L'artillerie dont nous disposions permettait ainsi d'effectuer plusieurs ruptures. »-Et c'est notre commandant en chef de 1939 qui parle !

Pendant que toutes les forces allemandes valables sont occupées en Pologne, nos belles divisions actives, nos chars de rupture, nos canons lourds restent passifs devant une ligne Siegfried d'une solidité douteuse, occupée par des figurants peu rassurés ! Rien ne se passe, sinon un simulacre d'offensive dans la Sarre ! Le général Gamelin invoque notre infériorité en aviation, mais, très occupée en Pologne, la Lutwaffe ne pouvait quitter tout entière le théâtre de l'Est, et il est douteux que des éléments détachés eussent été en mesure de briser à eux seuls, l'attaque de nos gros, protégés par une chasse franco-britannique au moins équivalente.

L'étonnement des généraux allemands. Le Troisième Reich l'a échappé belle ! Extraits :

Le général Westphal (certains le disqualifient, mais je le cite quand même) : « Nous n'arrivions pas à comprendre pourquoi l'attaque française ne se produisait pas, ni comment l'éclatante faiblesse de nos fortifications avait pu, apparemment, échapper au commandement français ! Mais il ne se passa rien, absolument rien, à l'exception de petites attaques locales sans signification dans le secteur de Sarrebrück . Les évènements donnaient encore raison à Hitler, et les craintes de l'Armée de Terre se révélaient, une fois de plus, non fondées. »

Fin septembre, rien ne s'étant produit, les généraux allemands se rassurent :

A l'O.K.H., Halder : « Je ne crois plus à l'attaque des Français. ILS ONT MANQUE L'OCCASION, alors qu'une intervention leur aurait été si facile ! Maintenant, nous allons renforcer notre front ouest. »

GUDERIAN (ndr :Voilà une référence comme les aime les admirateurs de la Werhmacht!) : « Nous avons été plongés dans l'étonnement de ce que les Français n'aient pas profité de l'occasion qui s'offrait. Il était impossible à cette époque de comprendre les raisons de cette abstention. »

Keitel (ndr : mais c'est à Nuremberg : il faut tenir compte du contexte...) : « De ce que rien ne se soit produit à l'Ouest, en dehors de quelques escarmouches sans importance entre la ligne Maginot et la ligne Siegfried, nous avons conclu que la France et l'Angleterre n'avaient pas sérieusement l'intention de faire la guerre. Si elles avaient attaqué, nous n'aurions pu leur opposer QU'UN SIMULACRE DE DEFENSE. »

(ndr : cette déclaration ci-dessus intéressera sans doute François Delpla ! C'est l'explication de l'immobilisme allié et les conséquences qu'en tirent provisoirement les Allemands : les Alliés songent encore à un accord...).

Von Lossberg : « Si les Alliés n'avaient pas envisagé un accord, pourquoi les Français n'auraient-ils pas profité de leur écrasante supériorité pour bousculer à la course nos faibles troupes d'occupation du Rempart de l'Ouest, ne fût-ce que pour atteindre le Rhin et, de là, paralyser pratiquement le bassin de la Ruhr ? C'eût été pour nous un coup à peu près MORTEL ! »

Jodl (ndr : mais c'est toujours à Nuremberg ; le contexte interdit sans doute d'en faire état ! Je passe outre...) : « En 1939, la catastrophe ne fut évitée que parce que les 100 divisions que possédaient approximativement les Français et les Anglais demeurèrent complètement inactives devant les 23 divisions allemandes de l'Ouest ! » (ndr : Jodl ne semble pas faire grand cas des 10 « ersatz » censées renforcer ces 23 unités...).

Halder : « Si les Français avaient attaqué au début de septembre, ils auraient aisément atteint le Rhin, qu'ils pouvaient franchir sans résistance sérieuse. »

Koesfrin : « Si les Français avaient pris l'offensive, ils seraient entrés à Berlin ! » (ndr : ce dernier avait-il toute sa tête ?).

Encore le sempiternel Westphal : « Si les Français avaient attaqué dans la 1ère quinzaine de septembre avec le gros de leurs forces, ils auraient atteint le Rhin en 15 jours. Quelle situation en serait-il résulté pour l'Europe ? Il est probable que le régime nazi se serait écroulé dès l'automne 1939. Par sa passivité, la France a laissé passer une grande chance de donner, sans grand risque, une toute autre orientation au sort de l'Europe ! »

Plus loin, il ajoute: "Déjà en 1938 le « rempart de l'Ouest », alors en création, avait impressionné les hommes politiques alliés et contribué à notre succès diplomatique de Munich. En 1939 CE GIGANTESQUE BLUFF joua encore le rôle voulu par Hitler, sous forme cette fois d'une duperie militaire de première grandeur, et sans fournir la moindre preuve de la valeur de nos fortifications. »

Adolphe Goutard, déjà cité : extraits des pages 115, 116, 117 et 118 de son ouvrage « la Guerre des occasions perdues »

Né en 1893, sert dans l'infanterie en 1914-1918. Blessé 2 fois. Lieutenant et chevalier de la Légion d'Honneur à la fin des hostilités. Croix de guerre 14-18 avec palmes. Affecté entre les 2 guerres tour à tour à l'armée du Rhin, au corps français de Constantinople, au 159ème RI de chasseurs alpins à Briançon. Nommé professeur d'histoire à l'Ecole militaire spéciale de Saint-Cyr. En AFN, au moment de la bataille de France. Participe aux campagnes de Tunisie et d'Italie, à la libération de la France et à la campagne d'Allemagne en avril-mai 1945. Promu Commandeur de la Légion d'Honneur en 1947. Croix de guerre 39-45 avec palmes, croix de Guerre T.O.E.

Autres ouvrages : Kemmel : 1918
Le corps expéditionnaire dans la campagne d'Italie (préface du Maréchal Juin).
La bataille de France (préface de Sir Basil Liddel Hart).

Tant que les Français constitueront une nation, ils se souviendront de mon nom !

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Ordre de Bataille allemand à l'Ouest.

Message par BRH » Mardi 13 Mars 2007 11:18:49

Heeresgruppe C :

- 1. Armee :

--- IX. Armeekorps :
----- 25. Infanterie Division (active).
----- 33. Infanterie Division (active).
----- 71. Infanterie Division (2. Welle).

--- XII. Armeekorps :
----- 15. Infanterie Division (active).
----- 34. Infanterie Division (active).
----- 52. Infanterie Division (2. Welle).
----- 79. Infanterie Division (2. Welle).

--- Generalkommando der Grenztruppen Saarpfalz :
----- 6. Infanterie Division (active).
----- 9. Infanterie Division (active).
----- 36. Infanterie Division (active).
----- Grenz-Infanterie Regimenter 125, 127, 129, 132, 142 et 152 (Grenzwacht einheiten).
----- Maschinengewehr Bataillone 10, 13 et 14.

--- Réserves/unités sous commandement direct de la 1. Armee :
----- 75. Infanterie Division (2. Welle).
----- 209. Infanterie Division (3. Welle).
----- 214. Infanterie Division (3. Welle).
----- 223. Infanterie Division (3. Welle).
----- 231. Infanterie Division (3. Welle).
----- 246. Infanterie Division (3. Welle).
----- Panzer Jäger Abteilung 525.



- 5. Armee :

--- V. Armeekorps :
----- 22. Infanterie Division (active).
----- 225. Infanterie Division (3. Welle).

--- VI. Armeekorps :
----- Grenz-Infanterie Regiment 16 (Grenzwacht einheiten).

--- XXVII. Armeekorps :
----- 16. Infanterie Division (active).
----- 69. Infanterie Division (2. Welle).
----- 211. Infanterie Division (3. Welle).
----- 216. Infanterie Division (3. Welle).

--- XXX. Armeekorps :
----- Grenzschutz Abschnitt Kommando 9.

--- Generalkommando der Grenztruppen Eifel :
----- 26. Infanterie Division (active).
----- 86. Infanterie Division (2. Welle).
----- 227. Infanterie Division (3. Welle).
----- Grenz-Kommandantur "Aachen".
----- Grenz-Kommandantur "Trier".
----- Panzer Jäger Abteilung 643.

--- Réserves/unités sous commandement direct de la 5. Armee :
----- 58. Infanterie Division (2. Welle).
----- 87. Infanterie Division (2. Welle).
----- Panzer Jäger Abteilung 543.



- 7. Armee :

--- Generalkommando der Grenztruppen Oberrhein :
----- 5. Infanterie Division (active).
----- 35. Infanterie Division (active).
----- 14. Landwehr Division (3. Welle).
----- SS-Regiment "Der Führer".
----- Maschinengewehr Bataillone 4, 5 et 11.

--- Réserves/unités sous commandement direct de la 7. Armee :
----- 78. Infanterie Division (2. Welle).
----- 212. Infanterie Division (3. Welle).
----- 215. Infanterie Division (3. Welle).
----- Panzer Jäger Abteilung 559.



- Réserves/unités sous commandement direct du Heeres Gruppe C :
----- 76. Infanterie Division (2. Welle).
----- 251. Infanterie Division (4. Welle).
----- 253. Infanterie Division (" " ").
----- 254. Infanterie Division (" " ").
----- 255. Infanterie Division (" " ").
----- 256. Infanterie Division (" " ").
----- 260. Infanterie Division (" " ").
----- 262. Infanterie Division (" " ").
----- 263. Infanterie Division (" " ").
----- Panzer Jäger Abteilung 652.

NB : attention, il s'agit là de l'ordre de bataille au 1er septembre 1939, alors que l'offensive de la Sarre débute, si mes souvenirs sont bons, vers le 8 ou le 10. L'ordre de bataille est donc susceptible d'évolution au cours de cette période (mais à la marge à mon avis).

NB 2 : seule la 1. Armee est concernée par l'offensive française. La 5. Armee défend la frontière germano-hollandaise et une partie de la frontière germano-belge ; la 7. Armee défend le Rhin. Comme on le voit, les Allemands ont de suite négligé la menace des Etats du futur Benelux, et ont concentré leurs meilleures formations face aux Français (1. et 7. Armeen), particulièrement en Sarre (sept divisions d'active, quatre de première réserve et cinq de deuxième réserve, renforcées d'importants éléments des gardes-frontières, sur des positions fortifiées établies en profondeur et doublées de positions de campagne dès les premiers jours de la guerre).

NB 3 : les unités d'active sont d'un très bon, voire d'un excellent niveau d'instruction et d'équipement, et elles sont de plus complètement concentrées ; les unités de première réserve (2. Welle) sont d'un bon niveau général, et bien équipées, tout en étant déjà concentrées ; les divisions de seconde réserve (3. Welle) sont d'un piètre niveau et équipement, et elles sont encore en voie de concentration ; les divisions de complément (4. Welle) disposent d'un personnel assez jeune, mais très peu formé, et sont mal équipées, tout en étant encore en cours de concentration. Quant aux formations de gardes-frontières, elles ne sont que peu équipées de matériels lourds, mais connaissent parfaitement le terrain, sont jeunes, instruites et motivées.

Pour l'ordre de bataille français, se référer au livre "Blitzkrieg à l'Ouest" de JP Pallud.

D'après Loïc Bonal (avec son aimable autorisation).
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Napoléon
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Message par BRH » Mardi 13 Mars 2007 11:21:29

Loïc Bonal a écrit : Heeresgruppe C :

- 1. Armee :

--- IX. Armeekorps :
----- 25. Infanterie Division (active).
----- 33. Infanterie Division (active).
----- 71. Infanterie Division (2. Welle).

--- XII. Armeekorps :
----- 15. Infanterie Division (active).
----- 34. Infanterie Division (active).
----- 52. Infanterie Division (2. Welle).
----- 79. Infanterie Division (2. Welle).

--- Generalkommando der Grenztruppen Saarpfalz :
----- 6. Infanterie Division (active).
----- 9. Infanterie Division (active).
----- 36. Infanterie Division (active).
----- Grenz-Infanterie Regimenter 125, 127, 129, 132, 142 et 152 (Grenzwacht einheiten).
----- Maschinengewehr Bataillone 10, 13 et 14.

--- Réserves/unités sous commandement direct de la 1. Armee :
----- 75. Infanterie Division (2. Welle).
----- 209. Infanterie Division (3. Welle).
----- 214. Infanterie Division (3. Welle).
----- 223. Infanterie Division (3. Welle).
----- 231. Infanterie Division (3. Welle).
----- 246. Infanterie Division (3. Welle).
----- Panzer Jäger Abteilung 525.


Donc 7 DI d'active, et 3 de réserves (2ème vague). Les Welle correspondent aux divisions de réserves de serie A en France: forte proportion de cadres d'active et un tiers au moins d'engagés.

Un bataillon de chasseurs de chars. Il s'agit de pièces tractées de 37 mm antichars. Sauf erreur de ma part, 10 pièces maximum.

En réserve, 1 Di 2e Welle (série A), 5 Di 3e Welle (intermédiaire entre nos séries A et nos séries B). Leur valeur militaire est très discutable. Il ne faut pas oublier que l'armée allemande n'existait pas cinq ans auparavant ! Les classes 20 à 32 n'ont reçu quasiment aucune instruction militaire: une partie d'entre-elles ont dû se contenter d'un rudiment.



- Réserves/unités sous commandement direct du Heeres Gruppe C :
----- 76. Infanterie Division (2. Welle).
----- 251. Infanterie Division (4. Welle).
----- 253. Infanterie Division (" " ").
----- 254. Infanterie Division (" " ").
----- 255. Infanterie Division (" " ").
----- 256. Infanterie Division (" " ").
----- 260. Infanterie Division (" " ").
----- 262. Infanterie Division (" " ").
----- 263. Infanterie Division (" " ").
----- Panzer Jäger Abteilung 652.



Réserves générales: 1 Di de 2e Welle et 8 Di de 4e Welle (celles-ci valent moins que nos Di de série B: l'essentiel de ses effectifs est composé de réservistes qui n'ont pas 3 mois d'instruction militaire, ou d'anciens combattants de la guerre de 14/18. Mais, ceux-ci ont plus de 40 ans...

Nous avons donc du Rhin à la frontière luxembourgeoise 7 DI d'active, 5 DI valables en 1ère ligne et 13 Di en réserve de qualité moyenne ou médiocre pour s'opposer à une offensive de l'armée française.


NB : attention, il s'agit là de l'ordre de bataille au 1er septembre 1939, alors que l'offensive de la Sarre débute, si mes souvenirs sont bons, vers le 8 ou le 10. L'ordre de bataille est donc susceptible d'évolution au cours de cette période (mais à la marge à mon avis).


Aucun renfort n'est susceptible de renforcer cette portion du front avant la fin de la campagne de Pologne.


NB 2 : seule la 1. Armee est concernée par l'offensive française. La 5. Armee défend la frontière germano-hollandaise et une partie de la frontière germano-belge ; la 7. Armee défend le Rhin. Comme on le voit, les Allemands ont de suite négligé la menace des Etats du futur Benelux, et ont concentré leurs meilleures formations face aux Français (1. et 7. Armeen), particulièrement en Sarre (sept divisions d'active, quatre de première réserve et cinq de deuxième réserve, renforcées d'importants éléments des gardes-frontières, sur des positions fortifiées établies en profondeur et doublées de positions de campagne dès les premiers jours de la guerre).


Certes. La rupture de la ligne Siegfried s'apparente à la rupture que les Allemands réaliseront à Sedan. A une différence près: le rideau défensif de blocs ou de casemates réalisés dans cette zone est triplée en ce qui concerne la ligne Siegfried.

C'est le plus par rapport à nos positions de Sedan.

Mais il n'y a pas de fleuve pour nous barrer la route. A la place, fossés et obstacles anti-chars (dents de dragon, champs de mines).

Et la densité de l'artillerie allemande est bien moindre (notre artillerie sera neutralisée par les stukas, ce que nous ne pouvons pas faire contre l'artillerie allemande).


NB 3 : les unités d'active sont d'un très bon, voire d'un excellent niveau d'instruction et d'équipement, et elles sont de plus complètement concentrées ; les unités de première réserve (2. Welle) sont d'un bon niveau général, et bien équipées, tout en étant déjà concentrées ; les divisions de seconde réserve (3. Welle) sont d'un piètre niveau et équipement, et elles sont encore en voie de concentration ; les divisions de complément (4. Welle) disposent d'un personnel assez jeune, mais très peu formé, et sont mal équipées, tout en étant encore en cours de concentration. Quant aux formations de gardes-frontières, elles ne sont que peu équipées de matériels lourds, mais connaissent parfaitement le terrain, sont jeunes, instruites et motivées.


Nous avons dit ce qu'il en est. Unités d'active d'un excellent niveau d'instruction et d'équipement. Il ne faut rien exagérer. Pas plus que nos propres divisions d'active. Elles n'ont aucune expérience du feu !

Pour les unités de réserve, les 2e Welle valent mieux que nos série A. Quoique cela puisse se discuter... Les 3e Welle n'ont pas une grande valeur. Et encore moins les 4e Welle...

Sans négliger la valeur de l'obstacle qui nous est opposée, il est évident qu'une mobilisation commencée à temps, suivie d'une concentration débutant dès le 1er septembre 1940, devait nous permettre de disposer d'au moins 30 divisions opérationnelles à cette date, dont 20 d'active au minimum.

En l'état, nos pièces de 105, de 155 et de 75 étaient suffisantes pour aveugler les blockhaus ou casemates qui nous étaient opposées, le tir de neutralisation étant obtenu par les 75 tractées ou par ceux des B1 bis. (102 disponibles pour l'offensive)

Le canon de 47 des chars D2 (90 sur le front), était indiqué également.

On doit mentionner les 9 chars C également disponibles avec leur 75 sous tourelles.

Ces 201 chars "lourds" auraient pu être précédés de 300 chars R.35 environ. Pour des opérations "dynamiques", à la limite de ce que nos généraux étaient capables de faire.

Plusieurs centaines de FT.17 étaient suceptibles d'appuyer notre infanterie (pas si dépassés que ça pour aider à la prise de tranchées...).
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Message par rapentat » Mardi 13 Mars 2007 14:29:47

Bonjour,

Bien entendu, je ne peux que souscrire à cette analyse.
Alors qu'ils supportaient l'attaque allemande, plusieurs fois les polonais ont demandé à Gamelin " que faites-vous sur le front de l'Ouest " et il répondait que la moitié de son Armée terrestre et aérienne attaquait!!!

Je vous livre une pensée écrite par Marc Bloch en 1940 :

" Les Allemands ont fait une guerre d'aujourd'hui, sous le signe de la vitesse. Nous n'avons pas seulement tenté de faire, pour notre part, une guerre de la veille ou de l'avant-veille. (...) Si bien, qu'au vrai, ce furent deux adversaires appartenant chacun à un âge différent de l'humanité qui se heurtèrent sur nos champs de bataille. nous avons en somme renouvelé les combats, familiers à notre histoire coloniale, de la sagaie contre le fusil. Mais c'est nous, cette fois, qui jouions les primitifs.
(Marc Bloch, L'étrange défaite. Témoignage écrit en 1940, Paris, Gallimard, 1990. (Folio Histoire), p. 66-67

Si vous en avez le temps, allez sur le site du Service Historique de la Défense, on y apprend les empoignades des Armées de l'Air et de Terre. Navrant.

http://www.servicehistorique.sga.defens ... econnu.htm

Cordialement.
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Message par Baron Percy » Mercredi 14 Mars 2007 00:27:54

Cette analyse est interpellante à plus d'un titre ! :shock:
Elle tend en tout cas à prouver que les erreurs d'appréciation ne furent pas seulement le fait des politiques, mais que les militaires ont eux aussi une large part de responsablilité dans ce qui fut.
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Message par rapentat » Mercredi 14 Mars 2007 11:00:26

Bonjour,

Je ne vous le fait pas dire, mon cher Baron, les militaires ont autant à se reprocher que les civils.
Grâce à ce sujet, je relis les mémoires de guerre de de Gaulle et l'on s'aperçoit que ses idées de divisions blindées sont autant combattues par les militaires que par les civils.
Un général déclare dans le Mercure de France " Les allemands étant naturellement offensifs doivent avoir naturellement des Panzerdivisions. Mais la France pacifique et défensive, ne peut être que contre-motorisatrice " On croit rêver!! Cet aveuglement nous coûtera cinq ans d'humiliations.

Cordialement.
rapentat
 
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Message par Baron Percy » Mercredi 14 Mars 2007 23:44:23

Citation : "Mais la France pacifique et défensive, ne peut être que contre-motorisatrice "


L'auteur de cette citation ne votait pourtant certainement pas pour le Front populaire de Léon Blum. :lol:
La cécité des milieux politiques semblait bel et bien avoir contaminé les hautes sphères militaires de l'époque.
La France d'avant-guerre paraît donc avoir développé une culture plus défensive qu'offensive à laquelle est venue se greffer une mauvaise préparation psychologique.
Difficile dans ces conditions de prendre l'ascendant sur l'adversaire...
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La réponse de Loïc Bonal

Message par BRH » Lundi 19 Mars 2007 11:06:04

Loîc Bonal: Je profite de ce message pour corriger une erreur dans mon ordre de bataille.

Je mentionne à plusieurs reprises les "Panzerjäger Abteilungen", ces bataillons antichars des Heerestruppen. Mais en fait, en septembre 1939, la nomenclature officielle est "Panzerabwehr Abteilungen". Ils ne deviendront "Panzerjäger" qu'en avril 1940.

Le Panzerabwehr Abteilung (motorisiert) 525 n'est pas un régiment, mais un groupe (un bataillon). Il ne comprend pas trois groupes de dix tubes, mais seulement dix tubes, a priori des 3,7cm Pak 36 en effet. Je ne crois pas qu'ils soient automoteurs (Sfl), puisque le groupe est qualifié de "motorisiert". De toute manière, aucun automoteur antichars n'était disponible à cette époque, le Panzerjäger I apparaissant en mars 1940 seulement. Je dirais donc des pièces de 3,7cm tractées.

Autre point : il m'apparaît délicat de comparer les vagues allemandes aux séries françaises. Ainsi, la série A française est-elle duale. Elle comprend d'une part les formations d'active mobilisées (26% de cadres d'active, 40% d'hommes de troupe d'active), d'autre part les divisions de réserve de série A (18% de cadres actifs, 2,5% d'hommes de troupe de l'active). La valeur est donc inégale. Mais bon, de toute manière, à l'exception de la 6ème DIC qui est une formation série A non-active, toutes les autres formations engagées sont de série A active, ce qui règle le problème.

Mais dans tous les cas, la comparaison avec les unités allemandes est difficile. La série A est - pour l'infanterie uniquement, attention - inférieure à l'active allemande, les formations d'active série A étant d'un niveau sensiblement supérieur aux divisions allemandes de la 2. Welle, tandis que les série B françaises (non-mobilisées ici) sont un équivalent des 3. Welle. Les 4. Welle n'ont pas d'équivalents, et il faudrait nuancer votre appréciation : si elles sont mal équipées et mal formées, elles comprennent en majorité du personnel jeune. A titre de comparaison, une division 3. Welle ne comprend aucun personnel d'active, chefs de corps exclus, 12% de réservistes première catégorie (douze mois de service militaire), 46% de réservistes deuxième catégorie (huit à douze semaines d'instruction militaire) et 42% de personnels de la Landwehr (deuxième réserve, formés avant 1918, pas d'instruction depuis) ; une division 4. Welle comprend 9% de personnels actifs, 21% de réservistes de première catégorie, 46% de réservistes de deuxième catégorie et 24% de Landwehr (soit un tiers de personnels complètement formés, ce qui est bien mieux qu'une division série B, et peut même s'apparenter à certaines divisions de série A de formation).

Sinon, ponctuellement :

NB : attention, il s'agit là de l'ordre de bataille au 1er septembre 1939, alors que l'offensive de la Sarre débute, si mes souvenirs sont bons, vers le 8 ou le 10. L'ordre de bataille est donc susceptible d'évolution au cours de cette période (mais à la marge à mon avis).


BRH a écrit :Aucun renfort n'est susceptible de renforcer cette portion du front avant la fin de la campagne de Pologne."


>>> Je n'insinuais pas que des renforts pouvaient surgir avant les dix derniers jours de septembre au mieux. Mais que la 1. Armee pouvait être renforcée par des unités prélevées sur les 5. et 7. Armeen par exemple. Je pense que les Allemands avaient les moyens de faire roquer rapidement jusqu'à une demi-douzaine de divisions sur le secteur. De plus, je crois qu'il y a une autre demi-douzaine de divisions (essentiellement des 4. Welle il est vrai) en réserve stratégique à l'intérieur du Reich. Mais celles-ci semblent de peu d'utilité.
Néanmoins, je ne pense pas qu'il y ait eu de modifications significatives de l'ordre de bataille allemand entre le 1er et le 7 septembre 1939. Nous tombons donc d'accord.

En ce qui concerne les similitudes Westwall/Sedan, je nuancerais un peu. Certes, l'obstacle antichars et l'étranglement logistique que représente la Meuse n'est plus présent. Mais il me semble que les positions allemandes sont plus fournies, mieux disposées et surtout pensées pour une défense élastique. Je ne parle pas seulement des trois lignes, mais bel et bien de la profondeur des sous-secteurs. Idéal pour une bataille de retardement... Alors que nous, à Sedan, passés quelques fortifications bétonnées, il n'y a plus rien.
Surtout, et vous le pointez du doigt en mentionnant les appareils du VIII. Fliegerkorp, il y a deux différences essentielles entre les deux cas : eux ont un meilleur appui tactique (le nôtre est inexistant), alors même que les délais de concentration de notre artillerie ne sont pas achevés au 7 septembre 1939 ; eux ont procédé par des actions commandos décisives (je pense en particulier au travail réalisé par les types du Sturmpionier Bataillon 43, qui permettent le franchissement du fleuve et la neutralisation des positions fortifiées presque à eux seuls - cf. ce qu'en dit Frieser), alors que nous en étions bien incapables (pas dans notre mentalité ni nos capacités à l'époque).

Une très grosse différence. Nous n'avions rien retiré de l'expérience allemande des "Stosstruppen". Eux l'ont poussé au maximum.

Concernant le niveau des unités, quand je parle de divisions d'active d'un excellent niveau, c'est bien entendu relativement. Sur l'ensemble des unités engagées en septembre 1939, elles sont bel et bien d'un excellent niveau, tout comme certaines de nos divisions série A. Les 2. Welle valent sans aucun doute mieux que nos série A de réserve, certaines étant l'équivalent de nos divisions série A d'active (même si d'autres en sont loin). Les 3. Welle ne valent que pour faire du nombre ou si elles sont doublées par des unités plus solides, les 4. Welle ne peuvent guère être engagées, sauf pour des missions de seconde zone. Elles se rattraperont bien et seront parmi les divisions allemandes les plus performantes à partir de 1940.


BRH a écrit :Sans négliger la valeur de l'obstacle qui nous est opposée, il est évident qu'une mobilisation commencée à temps, suivie d'une concentration débutant dès le 1er septembre 1940, devait nous permettre de disposer d'au moins 30 divisions opérationnelles à cette date, dont 20 d'active au minimum.

En l'état, nos pièces de 105, de 155 et de 75 étaient suffisantes pour aveugler les blockhaus ou casemates qui nous étaient opposées, le tir de neutralisation étant obtenu par les 75 tractées ou par ceux des B1 bis. (102 disponibles pour l'offensive)

Le canon de 47 des chars D2 (90 sur le front), était indiqué également.

On doit mentionner les 9 chars C également disponibles avec leur 75 sous tourelles.

Ces 201 chars "lourds" auraient pu être précédés de 300 chars R.35 environ. Pour des opérations "dynamiques", à la limite de ce que nos généraux étaient capables de faire.

Plusieurs centaines de FT.17 étaient suceptibles d'appuyer notre infanterie (pas si dépassés que ça pour aider à la prise de tranchées...).


>>> Tout à fait d'accord avec vous, mais voilà, le problème, c'est que :
1) ce n'est pas ce qui s'est passé.
2) je doute que cela aurait pu se passer.

Commencer la mobilisation le 1er septembre 1939 ? Voire, la mobilisation est ordonnée le 2 septembre à minuit ! Pas une bien grosse différence. Surtout, la majorité des échelons a sont déjà mobilisés depuis la dernière semaine d'août.
De même, ne pas confondre mobilisation et concentration. Ce sont deux phases très distinctes. La mobilisation est le rappel des réservistes, qu'il faut rassembler, équiper, former en unités. Elle dure théoriquement quinze jours (en fait jusqu'à vingt). La concentration est la phase suivante, qui vise à positionner les forces dans le secteur frontalier en vue des opérations. Bien entendu, ce n'est pas monolithique : les échelons a sont pour certains déjà en place le 2 septembre 1939, certaines unités à mobilisation rapide sont concentrées dès le 7 septembre 1939 (d'ailleurs, c'est le cas des formations qui participent à "Sarre", toutes d'active à mobilisation rapide, 6ème DIC exceptée). Mais pour trente divisions, c'est une autre paire de manches. Pas concentrées avant le 15 septembre au mieux, je dirais, à la louche (nous disposons de trente divisions d'infanterie d'active, mais deux sont en AFN, d'autres assurent la couverture des Alpes, du Rhin, de la Basse-Alsace, etc). Pour les autres divisions, je doute de leur capacité à être concentrées avant la mi-septembre au mieux. D'où mon très grand scepticisme par rapport aux "84 divisions" disponibles...

Pour les chars, ce sera encore plus simple : vous me décrivez un merveilleux exemple de concentration des blindés, associés à une action d'infanterie dans le plus pur style de l'interarmes. Si ça c'était passé ainsi, les Allemands n'auraient pu avoir le privilège d'inventer le Blitzkrieg : nous l'aurions fait ;-)

Les BCC subissent les mêmes problèmes de mise sur pied et de concentration que les divisions. Ce n'est pas parce qu'il y a x chars de tel type disponibles qu'ils étaient projetables sur la Sarre en masse le 7 septembre 1939. Au contraire, je viens de m'intéresser de près à la mobilisation de la cavalerie (pour les régiments des DLM et les groupes de reconnaissance principalement), et si c'est pareil dans les blindés de l'infanterie, la disponibilité des unités devait être belle !

Mais sinon, nous tombons d'accord : avec une concentration maximale de tous nos effectifs disponibles le 10 septembre 1939, infanterie, chars, artillerie, attaquant avec des méthodes de combat interarmes, nous pouvions sans doute nous emparer de la Sarre, voire même pousser au-delà du Rhin, avant le retour des divisions allemandes de Pologne.

Mais justement, ce serait oublier les limitations de l'armée française à cette époque, qui ne désire pas concentrer tous ses moyens au même endroit pour assurer la protection de ses phases de mobilisation et de concentration (héritage des plans établis entre 1873 et 1914) contre une attaque ennemie brusquée (ne pas oublier que les Allemands mobilisent avec une semaine d'avance sur nous !), qui n'y connaît pas grand chose à la coopération interarmes et pour laquelle la concentration des moyens blindés sur un point d'application offensif est strictement inconnue.

Si l'on regarde la situation compte tenu de ces limitations, moi je pense, à titre personnel, que nous n'avions pas les moyens de faire grand chose, même si le dispositif défensif allemand souffrait de lacunes importantes.
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Message par Baron Percy » Mardi 20 Mars 2007 00:18:10

Citation : "Si l'on regarde la situation compte tenu de ces limitations, moi je pense, à titre personnel, que nous n'avions pas les moyens de faire grand chose, même si le dispositif défensif allemand souffrait de lacunes importantes"


Cela semble être un problème récurent dans l'armée française ! :roll:
La logistique ne semble pas être à la mesure des objectifs définis par les états-majors.
Déjà, lors de la Première guerre mondiale, la plupart des offensives ont buté sur cet obstacle majeur : les Français avaient une infanterie supérieure, mais leurs canons ne disposaient pas d'obus.
Les fusils manquaient aussi, par négligence et gaspillage.
Le général Baquet affirmait même : "La guerre a dû être faite, et terminée avec succès, sans très gros ni très petits canons".
Au prix d'un million trois cent cinquante mille morts quand même...

Or, on voit ici que la situation n'était guère meilleure à la veille du second conflit mondial. :shock:
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Message par BRH » Mardi 20 Mars 2007 09:51:17

Loïc Bonal a écrit :Mais sinon, nous tombons d'accord : avec une concentration maximale de tous nos effectifs disponibles le 10 septembre 1939, infanterie, chars, artillerie, attaquant avec des méthodes de combat interarmes, nous pouvions sans doute nous emparer de la Sarre, voire même pousser au-delà du Rhin, avant le retour des divisions allemandes de Pologne.



Mince ! C'est un sacré pas en avant, Loïc, que vous accomplissez là ! Je ne sais pas ce que vous entendez par "pousser au-delà du Rhin", mais cela va encore plus loin que ce que j'ai jamais pu envisager... Honnêtement, je ne crois pas que nous aurions été capables de faire plus qu'établir des têtes de pont à Coblence et à Mayence. Et en ayant la Ruhr sous le feu de notre artillerie à longue portée...

Mais justement, ce serait oublier les limitations de l'armée française à cette époque, qui ne désire pas concentrer tous ses moyens au même endroit pour assurer la protection de ses phases de mobilisation et de concentration (héritage des plans établis entre 1873 et 1914) contre une attaque ennemie brusquée (ne pas oublier que les Allemands mobilisent avec une semaine d'avance sur nous !), qui n'y connaît pas grand chose à la coopération interarmes et pour laquelle la concentration des moyens blindés sur un point d'application offensif est strictement inconnue.



Je me disais aussi... Ceci est trop beau pour être vrai ! Cependant, la revue Histoire de guerre a fait paraître dans son n°52 la fameuse note sur l'emploi de nos chars et de notre artillerie pour réduire les fortins de la ligne Siegfried.

Les moyens existaient. Il dépendait du général en chef qu'ils soient employés. Naturellement, Gamelin n'en avait aucunement l'intention, non pas par manque d'intelligence (il avait dû y réfléchir), mais par manque de volonté ! Et il se complaisait à calquer son attitude sur celle de Daladier, lui-même à la remorque de l'Angleterre et de son opinion pacifiste !!!

On l'a bien vu dans la suggestion de Gamelin de tourner la ligne Siegfried en passant par la Belgique ! Ce crétin de Daladier, cet "édredon politicien" s'est empressé d'oublier ou d'écarter ce brillant conseil sous prétexte que les Belges nous tireraient dessus !

Nous avions pourtant le droit pour nous ! Celui de la Société des Nations: le pacte stipulait clairement que si un membre de la SDN était attaqué par un état non-membre (cas de la Pologne et de l'Allemagne), les états-membres avaient l'obligation de mettre leur territoire à la disposition de ceux des membres disposés à secourir l'état agressé.

La Belgique avait proclamé sa neutralité en 1936. Mais elle était toujours membre de la SDN. Le pacte s'appliquait !

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Message par Loïc Bonal » Jeudi 31 Mai 2007 23:21:56

Ayant étudié en profondeur l'armée française en 1939-1940 ces derniers temps, je pense pouvoir fonder ma conviction initiale sur des éléments précis. Et je suis encore plus catégorique : nous ne voulions, et nous ne pouvions, guère faire plus que ce qui a été fait.

1) nous ne le voulions pas.
Ayant pu avoir en main le document préparatoire à l'opération "Sarre" établi en juillet 1939, j'ai pu constater de visu que les objectifs opératifs étaient entièrement subordonnés à un objectif stratégique : soulager la Pologne. Celle-ci s'effondrant, l'opération devenait inutile, et toute progression en territoire allemand dangereuse et sans intérêt, la position fortifiée frontalière n'offrant de plus aucune protection aux forces ainsi aventurées.

2) nous ne le pouvions pas.
Nous n'avions pas les moyens, dans le laps de temps qui était imparti, pour faire plus qu'une action locale. Le problème se posait de plusieurs manières :
a) les seules forces disponibles rapidement, et encore sans leurs échelons b et c, sont les divisions d'active renforcées, destinées au processus de couverture de la mobilisation. Hors, la couverture se fait de la Mer du Nord à la Suisse, ce qui implique une dispersion au moins initiale de nos moyens.
b) la concentration du gros de nos forces se fait en vingt jours après la mobilisation. Or, le 22 septembre 1939, les Allemands en ont fini avec la Pologne et commencent déjà à rameuter des troupes vers l'ouest, rendant complètement aléatoire (car susceptible d'être violemment contre-attaquée) toute tentative offensive un peu développée (ce qui explique d'ailleurs notre retrait d'octobre, parfaitement justifié).

On accuse souvent le haut-commandement français d'incompétence, mais j'ajouterais qu'en l'occurrence, il a arbitré rationnellement. Face à nous, à l'ouest, 42 divisions allemandes de différents niveaux. Nos forces rapidement disponibles ne s'élèvent pas à ce chiffre, même si les Allemands doivent maintenir un dispositif face à la Belgique et aux Pays-Bas. Ensuite, le rapport de force ne peut qu'évoluer en notre défaveur, car si nous enregistrons un renforcement progressif de nos moyens (le processus de concentration s'achevant, les Britanniques rejoignant), les Allemands en bénéficient d'un encore plus massif (passant de 42 divisions à 90 en un mois quand nous ne mobilisons tous théâtres confondus que péniblement 80 divisions environ). Or, la posture offensive, vous n'êtes pas sans le savoir, implique d'avoir un avantage numérique marqué (ce qui était encore plus vrai pour des généraux imprégnés de la Grande Guerre - mais même aujourd'hui, en école de formation, on nous apprend qu'un ratio offensif minimal implique du 3 pour 1 !). Ce qui n'était garanti ni au début, ni surtout après, une fois que l'offensive se serait développée.

Et puis c'est sans compter sur un état d'esprit tourné à raison vers la défensive : pour compenser une démographie moins dynamique et un phénomène de "classes creuses" désastreux pour notre armée, nous nous sommes tournés vers un "bouclier" fortifié qui avait sa raison d'être. Pourquoi le négliger après avoir dépensé tant d'énergie et de moyens pour le construire ? Son unique raison d'être est la protection de la mobilisation et l'économie des moyens, pourquoi l'oublier en mettant en péril la première par une offensive aléatoire et en refusant la seconde en préférant risquer les poitrines plutôt que le béton ?
Si l'Histoire a montré la limite de ce raisonnement, il n'en reste pas moins très logique. Qui plus est, ce n'est pas le 8 septembre 1939, ni même en juillet 1939 qu'il aurait fallu s'en inquiéter, mais bel et bien vers 1930 ou 1935...

Pour tout dire, si jamais j'avais à changer une chose aux décisions de Gamelin entre septembre 1939 et mai 1940, ce n'est certainement pas l'opération "Sarre". C'est bien plutôt le catastrophique ajout de la manoeuvre "Breda" à l'opération "Dyle" : plus de VIIe Armée, plus de réserve stratégique, plus rien pour contre-attaquer une fois le front enfoncé sur la Meuse... Là est son erreur principale (avec la faiblesse du front des Ardennes), là est "l'occasion manquée" de clôturer le couloir des panzer ou au moins de les arrêter.

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Message par BRH » Vendredi 01 Juin 2007 11:19:29

Il y a un point sur lequel nous sommes bien d'accord: "nous ne le voulions pas" ! Et certainement Daladier -comme la plupart des politiciens- devait frémir à l'idée de lancer une offensive meurtrière contre une ligne de casemates réputée (à tort) formidable !

De même qu'il ne voulut pas suivre Gamelin quand celui-ci proposait de tourner la ligne Siegfried par la Belgique...

Pour le reste, nous resterons en désaccord. Il suffit de lire nos arguments réciproques. J'en retire que vous surestimez les moyens allemands à l'Ouest et que vous sous-estimez les nôtres.

C'était avant-tout une question de volonté.
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Message par Loïc Bonal » Vendredi 01 Juin 2007 15:55:03

L'opération "Sarre" est uniquement une question de volonté et de délais.
La volonté, nous ne l'avions pas, c'est évident. Et ça se comprend complètement. Nous avions construits à grands frais une ligne fortifiée frontalière pour justement éviter ce genre d'aventures, afin de pouvoir mettre notre machine de guerre en marche à l'abri d'une menace. Alors à quoi bon s'en affranchir au moment le plus délicat (la mobilisation) ? Qui plus est, le déséquilibre des forces est tel en septembre 1939 que c'eut été folie, avec un instrument militaire tel qu'il était constitué alors, de faire plus qu'une action secondaire destinée à soulager les Polonais (et l'abandonner une fois que ceux-ci s'étaient effondrés).

De délais, nous en manquions. Le paradoxe est que l'Allemagne n'a jamais été aussi faible entre septembre 1939 et mai 1940 qu'en ce début septembre 1939 justement. Mais nous n'avons jamais été aussi faibles également qu'à cette période. Après, tout est une question de comparaisons : le renforcement français est-il potentiellement supérieur à l'allemand, et ce en combien et sur combien de temps. Et là, force est de constater que l'Allemagne a un potentiel de renforcement bien plus important que nous à court et moyen terme, seul le long terme, avec la lente entrée en guerre de nos alliés et de notre empire, nous étant favorable. Alors à quoi bon risquer beaucoup pour des résultats extrêmement aléatoires et de toute manière limités (car une fois en Sarre, que faire ? Je ne crois pas du tout à l'hypothèse farfelue d'une entrée des troupes françaises à Berlin, par contre, les cinquante divisions de Pologne qui reviennent en octobre 1939, elles sont bien réelles !) plutôt que de temporiser à notre avantage sur le long terme ?

Je me répète : l'opération "Sarre" est une impasse. Ce n'est pas là que les décisions eussent dues être différentes. C'est avant, en 1930 ou en 1935. En septembre 1939 (surtout le 8 septembre 1939, quand les Allemands sont déjà à Varsovie), les dés étaient jetés. Nous aurions pu sans doute aller plus loin en Sarre, mais quel intérêt ? Nous aurions subi des pertes pour rien et nous aurions perdu l'abri formidable de la ligne fortifiée frontalière, très puissante dans ce secteur du front. Non décidément, des moyens insuffisants (mais à la rigueur, la question n'est même pas une question de moyens) mais surtout une absence d'intérêts pour une opération qui n'était, de toute manière, qu'à objectif limité.

L'armée française n'était pas une armée d'offensive, elle n'était pas faite pour ça, et ses décideurs avaient choisi depuis l'abandon du gage du Rhin, et même avant, que la défense de la France se faisait derrière des blockhaus, pas en Allemagne. Si vous vouliez changer cela, ce n'était pas en septembre 1939 (ni même en juillet) qu'il fallait le faire, mais... avant. Faire un "what if" en prenant comme élément d'analyse l'armée telle qu'elle était organisée en septembre 1939, cela n'a aucun intérêt, puisque la raison d'être de son format est la défense de la ligne fortifiée frontalière en attendant au moins la fin de la mobilisation (qui s'achève le 22 septembre 1939 a minima). Et est-ce qu'en faire un en changeant l'armée française et en la dotant de cinq ou six DCr et autant de DLM en a un ? J'en doute.

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Message par BRH » Vendredi 01 Juin 2007 16:42:10

Mais sinon, nous tombons d'accord : avec une concentration maximale de tous nos effectifs disponibles le 10 septembre 1939, infanterie, chars, artillerie, attaquant avec des méthodes de combat interarmes, nous pouvions sans doute nous emparer de la Sarre, voire même pousser au-delà du Rhin, avant le retour des divisions allemandes de Pologne.


Voilà ce que je retiens de vos propos. Maintenant, dire que cela était impossible vu les décisions de Daladier et de Gamelin, j'en suis d'accord.

Imaginons que Gamelin ait été remplacé par Weygand le 20 août, les choses pouvaient tourner autrement par rapport à cette volonté. En effet -et à raison- vous avez rappelé que les Allemands avaient une semaine d'avance sur nous pour la mobilisation générale. Pour la bonne raison qu'elle fut camouflée sous "l'état d'alerte" par Hitler.

Mais pas au point de passer inaperçue de nos services de renseignements. Il fallait donc décréter la mobilisation générale dès le 27 août. C'eût été -au surplus- un moyen de faire savoir notre détermination.

Cela, Daladier ne le voulait pas. Il espérait résoudre la crise par des moyens diplomatiques et cela jusqu'au 2 septembre.

Une question d'ailleurs: celle-ci a-t-elle été décrétée le 1er ou le 2 septembre ? Il me semble que les affiches ont été apposées dans la matinée du 2. En ce cas, ce serait bien le 1er septembre.
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Message par Loïc Bonal » Vendredi 01 Juin 2007 16:58:10

Vous reprenez des propos qui étaient partiellement ironiques et qui étaient complètement nuancés par ce qui précédait le "mais sinon", puisque je disais dans le même message qu'une telle concentration était impossible pour une grande variété de raisons.

Weygand en place le 20 août 1939 ? La mobilisation décrétée le 27 août 1939 ? Cela n'aurait rien changé dans le fond, car l'opération "Sarre" n'avait aucun intérêt stratégique autre que de soulager les Polonais.
A la fin, Bruno, expliquez moi clairement en quoi une conquête de la Sarre aurait été un avantage pour la France, puisqu'à part un peu de prestige, bien éphémère, ce que j'en retiens, c'est que nous aurions affaibli une ligne de front extrêmement solide sur la frontière en en choisissant une en plein territoire ennemi ! Si on ajoute à cela le retour, probable à très brève échéance dès le 12 ou le 15 septembre 1939, de l'ensemble de l'armée allemande, la Pologne étant condamnée dès les débuts de l'opération "Sarre", dites moi en quoi cette opération était devenue autre chose qu'une diversion de moyens inutile et extrêmement risquée (avec le retour desdites divisions).

Officiellement, la mobilisation commence le 2 septembre 1939 à 00.00. Dans les faits, la prise des mesures de couverture initie le processus de mobilisation depuis le... 23 août 1939 (mise en place des troupes de forteresse, rappel des échelons a des unités de couverture, etc, etc). Notre processus de mobilisation était infiniment trop long (sur le modèle de 1914) par rapport à l'allemand : vingt jours minimum (et encore, seules les divisions de série A sont à peu près utilisables à ce moment) contre six jours pour les Allemands (même si dans les faits, ils mobilisent sous le couvert depuis avril 1939, officiellement depuis le 26 août 1939).

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