boisbouvier a écrit :Le pluriel est "de majesté".
Mais ne t'offusque pas davantage : des fautes d'orthographe, j'en fais aussi et ce n'est pas ce que je te reproche.
La démonstration de la désinvolture des Boisbouvier
(pluriel de majesté, je salue ton fils au passage... enfin c'est son père qui n'est, ô combien, pas sage)
n'était pas ce qui nous manquait le plus cruellement !
Lâche-nous un peu avec ta citation éternelle de deux lignes de Poliakov. Elles sont ici moins adaptées que jamais.
Il y a, figure-toi, un document nouveau, des plus intéressants, et un débat à son sujet. Merci d'y atterrir. Il porte sur quelques semaines très précises. Merci d'y concentrer ton propos.
L'Allemagne mène la danse depuis le 16 juin, comme il est logique quand un pays domine par la fortune des armes un voisin et rival historique, et que celui-ci s'abandonne à quelques résistants près.
Hitler se casse les dents sur l'Angleterre, à la stupéfaction mondiale en général et vichyssoise en particulier. La possible réélection de Roosevelt cause des sueurs froides à Berlin... et donne des idées à Vichy.
Le jeu de Hitler est de donner à Pétain des espoirs, et de les décevoir mais pas totalement, de façon que le jeu continue.
En septembre-octobre 1940, l'enjeu semble africain (alors que Hitler sait dès la mi-juillet qu'il misera tout l'été suivant, contre l'URSS). Le mot de "collaboration" apparaît dans un contexte où les Anglo-gaullistes grignotent l'Afrique française. En même temps, Hitler joue diaboliquement de son antisémitisme, ce vieux mal chrétien qu'il transcende en crime absolu. Collaboration ? d'accord, mais aussi contre les Juifs, insinue le Satan berlinois.
Début septembre, annonce de mesures antijuives en zone occupée, qui n'ont rien à voir avec un statut d'exclusion de quelque profession que ce soit, et tout avec un contrôle : fichage des individus, pénétration dans les entreprises.
C'est en 1945 que les avocats de Vichy font le rapprochement en prétendant que le statut était une réponse à ces mesures, pour les atténuer (sic !) et les étendre à tout le territoire afin de maintenir la souveraineté (re-sic) française.
Fin septembre, l'échec gaullo-anglais de Dakar donne des ailes à la recherche, par Vichy, d'une collaboration. Or le but éternel de Pétain, exprimé dès le 16 juin (et poursuivi, sous des formes diverses, jusqu'au début de 1942), est de transformer l'armistice en une paix séparée, qui laisserait en tête à tête les Allemands et les Anglais.
L'idée d'un statut des Juifs est un serpent de mer qu'on voit apparaître, côté français, à Bordeaux fin juin... et qui ne semble pas intéresser les Allemands, beaucoup plus pressés en apparence de voir fusiller Mandel et quelques autres "bellicistes" -d'où le fait que la première réforme institutionnelle jaillie des premiers entretiens Laval-Abetz soit la cour de Riom.
Qu'est-ce qui met du vent dans les voiles du statut en septembre ? mystère, pour l'instant. Mais, côté vichyste, une hypothèse apparaît : que, dans la recherche d'un traité de paix, un texte stigmatisant les Juifs et les excluant de toutes sortes de fonctions, en écho aux lois nazies de Nuremberg (1935), rassure la partie allemande sur le fait qu'elle peut évacuer tout ou partie de ses forces stationnées en France, sans voir pour autant de pays "retomber dans une orbite juive".
Pour répondre à une question de Bruno, je lis et relis les pages 84-85 du livre de Joly et y trouve bien l'information suivant laquelle le texte soumis aux Allemands le 2 octobre est, d'après leurs archives, conforme à celui publié le 18... mais sans aucune cote d'archives ! Les seuls documents cités étant aussi fiables et d'époque que le livre de Baudouin (1946), une lettre d'Alibert datée de 1959 et les mémoires du fils Alibert, publiés en... 2001 !
J'en viens à me demander si quelque chose a bien été soumis aux Allemands le 2... qui rendrait peu compréhensible le télégramme Abetz du 8 (suivant lequel Peyrouton prépare un texte excluant les Juifs de certains emplois... privés; à titre de "premières mesures", il est vrai).
Et j'en arrive au document récemment divulgué : Pétain, sans qu'on puisse savoir s'il a donné l'impulsion ou simplement tenu la plume, ou pris une attitude intermédiaire entre ces deux bornes, est partie prenante d'un extraordinaire durcissement qui, pour le coup, rapproche la situation française de celle instaurée en Allemagne par les lois de Nuremberg, complétées par les interdits économiques de 1938.
M'est avis que cela a dû se produire bien peu de temps avant le 18 octobre (en tout cas l'explication jolyenne du retard, entre le 2 et le 18, par une velléité de Vichy d'intégrer des mesures allemandes de zone nord, strictement économiques, soumises à Vichy le 9 et finalement édictées le 18, ne tient pas), au moment où Vichy se met à espérer sérieusement la rencontre qui va avoir lieu le 24 à Montoire, et à miser très gros sur elle.