Bonsoir à tous,
Il y a sur internet un tel magma d’informations contradictoires sur les événements de 1940 que chacun peut, comme dans un libre service, en tirer des éléments qui viennent conforter ses propres opinions. Si un internaute veut neutraliser son contradicteur il va noyer celui-ci sous une masse d’arguments souvent puisés dans le Web. La partie adverse étant dans l’impossibilité, faute de temps et de moyens, d’en vérifier la fiabilité va répliquer par d’autres arguments tout aussi invérifiables, pour les mêmes raisons.
De plus nul historien ne peut recréer, il me semble, le contexte dans lequel ces événements se sont déroulés. Il lui est impossible d’exprimer par l’écrit quelque chose dont il n’a pas été imprégné. Il y a, bien entendu, les textes intéressants des auteurs qui ont été les acteurs ou les témoins de ces événements, mais ces textes subissent souvent l’influence des opinions politiques de leurs auteurs ou bien se perdent dans la masse des autres documents. De plus certains militaires ou politiques ont quelquefois rédigé leurs mémoires dans le but de redorer un blason quelque peu altéré par leurs choix ou leurs stratégies des années trente ou de 1940.
Personnellement je m’en tiens à ce que j’ai vu et entendu. En tant que militaire lambda il m’était, durant l’exode, évidemment impossible d’avoir une vue d’ensemble sur la situation militaire. Nous savions seulement ce qui se passait dans notre champ visuel et ce que nous pouvions apprendre, éventuellement, par nos officiers. A cela venaient s’ajouter les bruits incontrôlables qui circulaient dans la foule.
J’étais, comme je l’ai expliqué dans d’autres messages, mécanicien dans l’armée de l’air, sur Breguet 693. Nous avons suivi un itinéraire assez sinueux. Après un séjour à Roye (Somme), ou nous étions le 12 mai 1940, nous sommes descendus à Châtillon sur Loire, puis remontés à Brétigny/Orge et, enfin, nous avons stationné sur la base de Chartres. Près de notre cantonnement les trains, souvent formés de wagons à bestiaux, se succédaient sans arrêt emportant des réfugiés.
Ensuite, mêlés aux réfugiés et aux autres soldats en retraite, nous avons repris notre marche vers le Sud par Châteauroux, La Rochelle, Landes de Bussac. Enfin nous avons gagné Mont de Marsan puis Toulouse-Francazal où nous sommes arrivés le 25 juin.
Ce que je peux affirmer, sans crainte de me tromper, c’est que durant cette retraite tous les réfugiés et la quasi-totalité des appelés et réservistes ne demandaient qu’une chose : l’arrêt des hostilités et le retour à la maison.
Un participant à un autre forum m’a demandé dans quelle mesure les tendances et les opinions que j’ai constatées autour de moi étaient partagées au-delà des personnes que je côtoyais. Cette remarque serait justifiée si j’avais été au sein d’une foule statique. Mais l’exode implique une foule en mouvement dans laquelle on rencontre sans cesse de nouveaux interlocuteurs.
En ce qui concerne le repli en AFN il aurait fallu que dès le temps de paix les conditions de ce repli aient été définies et les transports prévus et organisés. Mais dans les conditions présentes les mobilisés auraient catégoriquement refusé de s’embarquer. Et quelle force aurait été en mesure de les y obliger ? Les gendarmes ?
Bien amicalement